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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME ACHÈVE SON DÉBAT SUR LA DÉTENTION ARBITRAIRE ET LES FORMES CONTEMPORAINES D'ESCLAVAGE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme des droits de l'homme a tenu ce matin un débat interactif avec le Président du Groupe de travail sur la détention arbitraire, M. Seong-Phil Hong et avec la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d'esclavage, y compris ses causes et conséquences, Mme Urmila Bhoola, dont il avait entendu hier en fin de journée la présentation des rapports.

En ce qui concerne la détention arbitraire, nombre de délégations intervenues dans le cadre de ce débat ont commenté le projet de principes de base et de lignes directrices concernant les recours et procédures devant être disponibles eu égard au droit de quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention d'introduire un recours devant un tribunal. Ce projet a été adopté par le Groupe de travail à sa soixante-douzième session, au printemps dernier, en application de la résolution 20/16 du Conseil et est transmis à ce dernier à travers le document A/HRC/30/37.

Plusieurs intervenants ont en outre fait part de leurs points de vue s'agissant de l'opportunité pour le Groupe de travail de se pencher sur la question de la détention arbitraire dans le cadre de la lutte contre les stupéfiants. L'attention a par ailleurs été attirée sur de nombreux cas de détentions arbitraires à travers le monde, notamment à l'encontre de journalistes, d'opposants politiques et de militants des droits de l'homme. Le Conseil a également été alerté sur la persistance du recours à la détention arbitraire contre les migrants.

Dans ses remarques de conclusion, le Président du Groupe de travail sur la détention arbitraire, a notamment insisté sur la nécessité de réfléchir désormais à l'opérationnalisation des principes de base et lignes directrices proposés par le Groupe afin de voir comment les mettre en œuvre au niveau national.

S'agissant des formes contemporaines d'esclavage, plus particulièrement dans le cadre des chaînes d'approvisionnement – sujet principal du rapport de Mme Bhoola –, l'accent a notamment été mis sur l'importance de la sensibilisation et de la mobilisation des consommateurs qui non seulement se trouvent à l'origine de la demande mais constituent en outre un groupe de pression majeur. Grace à l'esclavage dans les chaînes d'approvisionnement, ce sont 150 milliards dollars de profit par an que les entreprises réalisent, a indiqué une délégation. Les Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l'homme constituent un cadre pertinent pour la lutte contre l‘esclavage dans les chaînes d'approvisionnement, a-t-il été affirmé.

Dans ses remarques de conclusion, la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d'esclavage a rappelé que les États sont dépositaires des droits de l'homme et doivent adopter un cadre législatif approprié en matière de droits du travail, de passation de marché ou encore de commerce. Les États doivent également assurer la transparence de l'information, a-t-elle souligné. Toute initiative visant à aider les entreprises à respecter les droits de l'homme est bienvenue, a-t-elle déclaré. Mme Bhoola a également reconnu le rôle joué par certaines grandes entreprises en matière de lutte contre les formes contemporaines d'esclavage, y compris sous la pression de consommateurs qui exigent que les produits qu'ils achètent répondent à certaines normes éthiques.
Les délégations des États ci-après sont intervenues dans le cadre du débat : Union européenne, Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Algérie (au nom du Groupe africain), Brésil, Égypte, Norvège, Maroc, Sierra Leone, Royaume-Uni, Nigeria, Portugal, Australie, Chine, Fonds des Nations Unies pour l'enfance , Algérie , Arabie saoudite, Pologne, Bahreïn, Cuba, République de Corée, Philippines, États-Unis, Fédération de Russie, Chili, République islamique d'Iran, Venezuela , Inde, Suisse, Tunisie, Fiji, Kirghizstan, Mauritanie, Afrique du Sud, Ukraine, Grèce, Danemark, Qatar, Bangladesh, Sénégal, Gabon, Costa Rica, Botswana, Irlande, El salvador, France, Soudan. Les observateurs de la Palestine, du Saint-Siège et de l'Ordre souverain de Malte ont également pris la parole, ainsi que les représentants de l'Union européenne et du Fonds des Nations Unies pour l'enfance.

Sont également intervenues les ONG suivantes: Fondation Al-khoei; Article 19 - Centre international contre la censure; Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc; Défense des enfants - international; Allied Rainbow Communities International (au nom également de International Lesbian and Gay Association et Federatie van Nederlandse Verenigingen tot Integratie Van Homoseksualiteit – COC); Franciscain international; Agence internationale pour le développement; Conseil mondial de l'environnement et des ressources; Commission internationale de juristes; Fédération internationale des écoles unies; Center for Environmental and Management Studies; Service international pour les droits de l'homme; France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand; Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, Asociación Civil (au nom également de l'Association pour la prévention de la torture); et le Congrès du monde islamique. Des représentants de la Commission canadienne des droits de l'homme et de la Commission mexicaine des droits de l'homme sont aussi intervenus.


Le Conseil poursuivait ses travaux en milieu de journée en entamant l'examen des rapports du Rapporteur spécial sur la vérité, la justice, la réparation et la non-répétition et du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires.


Examen des rapports du Groupe de travail sur la détention arbitraire et de la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d'esclavage

Débat interactif sur la détention arbitraire

Pour l'Union européenne, la détention arbitraire des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme mérite une attention particulière de la part du Groupe de travail.

La République islamique d'Iran a rappelé avoir émis des réserves quant à certaines notions relatives à l'identité sexuelle; le Groupe de travail devrait tenir compte des réserves émises en rapport avec les différentes cultures. Le Pakistan au nom de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) a pour sa part déploré que les principes directeurs élaborés par le Groupe de travail (projet de principes de base et de lignes directrices concernant les recours et procédures) intègrent des notions et catégories non acceptées internationalement et n'ayant rien à faire dans un tel document, en particulier pour ce qui est des personnes LGBTI. Du point de vue de l'Algérie, qui s'exprimait au nom du Groupe africain, ces principes de base et lignes directrices devraient être développés plus avant afin de garantir que nul ne pourra être arbitrairement détenu. Alors que les membres du Groupe africain ont pris des mesures pour éradiquer la détention arbitraire chez eux, ils restent préoccupés par la détention arbitraire qui frappe les migrants dans les pays européens, a ajouté la délégation algérienne. Le Chili s'est enquis des principaux risques auxquels étaient confrontés les migrants et des bonnes pratiques qui pourraient être mises en avant en leur faveur. L'Afrique du Sud a relevé que les principes de base et lignes directrices proposés par le Groupe de travail n'étaient pas de nature contraignante et devraient donc être repris dans le cadre des législations nationales. L'Irlande a indiqué soutenir le projet de principes de base et lignes directrices élaboré par le Groupe de travail; elle a toutefois ajouté être préoccupée par le caractère très élaboré ce ces principes, qui risque de leur porter préjudice du fait de leur effet trop prescriptif.

Le Botswana a invité les États à respecter le droit international qui interdit la détention arbitraire, y compris dans le cadre de la lutte contre les stupéfiants. Il est à déplorer que la détention arbitraire dans le cadre de la lutte contre les stupéfiants touche essentiellement les personnes fragiles et marginalisées, a déclaré la Norvège. Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a fait part de sa préoccupation face à l'incarcération de mineurs victimes d'exploitation sexuelle, d'enfants des rues ou de personnes détenues pour usage de stupéfiants. Tout débat sur la détention arbitraire abordant la question de la lutte contre la drogue va au-delà du mandat du Groupe de travail et risque de miner tous les efforts internationaux en matière de lutte contre les stupéfiants, a pour sa part prévenu l'Egypte, déplorant par ailleurs que le Groupe de travail ait refusé d'examiner les informations détaillées qu'elle a fournies s'agissant de la détention arbitraire. Le Brésil a réfuté ce qui est indiqué dans le rapport du Groupe de travail concernant l'existence de mesures d'internement obligatoire pour les personnes consommatrices de drogues ou toxicomanes.

Si l'on veut lutter contre la détention arbitraire, il faut s'assurer que les cadres juridictionnels nationaux sont conformes aux normes internationales, comme c'est le cas en Sierra Leone, a souligné la délégation de ce pays. Le Maroc a indiqué avoir réformé son Code pénal, en interdisant par exemple que des civils soient traduits devant les juridictions militaires.

Parmi les mesures nationales mises en avant par plusieurs délégations, la Chine a rappelé qu'elle avait aboli la rééducation par le travail. Le Kirghizistan a mis l'accent sur sa réforme judiciaire, qui vise à la constitution d'un système efficace qui permettra aux citoyens d'avoir confiance en leur justice; il s'agit de revoir toute la procédure judiciaire pour la rendre plus transparente. La Mauritanie a rappelé que son Parlement venait d'adopter une loi sur la prévention de la torture et a noté que le Groupe de travail devrait se rendre prochainement dans le pays. Les États-Unis ont indiqué être en discussion avec le Groupe de travail dans la perspective d'une possible visite de celui-ci sur leur territoire dans un proche avenir. Le Sénégal a invité le Groupe de travail à faire preuve de davantage de flexibilité dans le traitement et l'examen des communications avec les États et à privilégier la coopération. Le Sénégal a en outre rappelé la visite que le Groupe de travail avait effectuée en septembre 2009 dans ce pays et a fait valoir que la plupart des recommandations du Groupe avaient été mises en œuvre.

La Pologne a indiqué partager l'avis du Groupe de travail selon lequel il incombe aux États de protéger le droit à la liberté de tout individu. La détention provisoire ne doit dépasser en aucun cas ce que prescrit la loi. Bahreïn a lui aussi assuré accorder la plus grande importance aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Un médiateur a été nommé dans cet émirat et le pays coopère avec tous les mécanismes des droits de l'homme. La Constitution de Bahreïn dispose que tous les droits fondamentaux doivent être protégés et la justice constitue l'un des piliers de la société, a insisté la délégation bahreïnite. Au Soudan, il n'est pas possible de priver quelqu'un de sa liberté pour des motifs autres que ceux précisés dans les lois et les procédures judiciaires, a assuré la délégation soudanaise.

L'Algérie, s'exprimant en son nom propre, a estimé que la requête du Groupe de travail de remplacer dans sa désignation les termes de «détention arbitraire» par ceux de «privation arbitraire de liberté» influencerait directement le mandat du Groupe. La République de Corée s'est quant à elle dite favorable au changement de dénomination du Groupe de travail, estimant que cela clarifierait son mandat.

Parmi les critiques exprimées à l'égard du rapport du Groupe de travail, le Venezuela a constaté qu'une fois encore le Groupe avait mentionné le cas de l'ancienne juge Afiuni Mora qui a fui aux États-Unis à la suite des poursuites engagées contre elle par la justice vénézuélienne. Le Venezuela a déploré que le Groupe de travail consacre l'intégralité d'un chapitre de son rapport au Venezuela et a déclaré que la subjectivité du Groupe à l'égard de ce pays apparaît clairement lorsque l'on constate que le Groupe ne tient aucun compte des réponses apportées par les autorités de Caracas. La Tunisie a quant à elle contesté l'affirmation contenue dans le rapport du Groupe de travail selon laquelle elle n'aurait pas répondu à une communication reçue en septembre 2014; la Tunisie a assuré qu'elle a, en fait, bien répondu à cette communication, même si c'est avec un léger retard.

La Suisse a dit apprécier que le Groupe de travail ait engagé des consultations avec les États dans le cadre de l'élaboration de principes de base et des lignes directrices concernant les recours et procédures disponibles. Elle considère que des réflexions sont encore nécessaires à ce sujet.

La Palestine a indiqué que depuis 1967, Israël avait détenu et emprisonné plus de 850 000 Palestiniens, ce qui constitue l'un des exemples les plus frappants d'incarcérations de masse dans l'histoire contemporaine. À l'heure actuelle, les prisons israéliennes abritent plus de 6000 détenus palestiniens dont 400 sous régime administratif, a ajouté la Palestine. La Fédération de Russie a pour sa part souhaité attirer l'attention du Groupe de travail sur la situation en Ukraine, où la détention arbitraire vise particulièrement les opposants et les journalistes. L'Ukraine a déclaré que l'occupation et l'annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie , ainsi que les activités subversives de ce pays dans le sud-est de l'Ukraine, avaient donné lieu à de nombreuses violations des droits de l'homme, y compris des cas de détention arbitraire. L'Ukraine s'est enquise des mécanismes supplémentaires qui pourraient être activés pour obtenir la libération de ressortissants ukrainiens détenus arbitrairement en Fédération de Russie – pays que l'Ukraine a accusé d'ignorer ses obligations internationales. Cuba a abordé la question de Guantanamo, soulignant que - bien qu'exerçant juridiquement la souveraineté sur ce territoire – Cuba n'avait rien pu faire contre l'utilisation qu'en ont faite les États-Unis. Depuis 1959, Cuba réclame la rétrocession de cette enclave occupée illégalement.

De l'avis du Danemark, le rapport présenté par le Groupe de travail met à juste titre l'accent sur le droit de contester sa détention devant un tribunal. Le Danemark a également rappelé qu'il soutenait fermement la Convention contre la torture et avait organisé de nombreux événements afin de promouvoir cet instrument.

Le Costa Rica a alerté le Conseil sur la situation d'un de ses ressortissant détenu au Nicaragua dont il reste sans nouvelles en dépit de ses nombreuses demandes.

La France s'est enquise de la tendance mondiale en matière de détention arbitraire.

La Commission canadienne des droits de l'homme a quant à elle affirmé que le Canada détient des milliers de migrants, parfois comme simple mesure de routine. La détention de migrants devrait au contraire constituer une mesure d'exception, a souligné la Commission, avant de recommander au Gouvernement canadien d'adopter et de respecter les principes et lignes directrices élaborés par le Groupe de travail.

La Fondation Al Khoei a dénoncé les arrestations arbitraires et la torture à Bahreïn. Americans for Democracy and Human Rights in Bahrain a également dénoncé les détentions arbitraires à Bahreïn, en citant plusieurs cas. Article 19 - Centre international contre la censure a dénoncé l'incarcération arbitraire d'un journaliste correspondant du Washington Post en Iran, ajoutant que le comportement de ce pays viole sa propre législation et les instruments internationaux qu'il a ratifiés.

Défense des enfants - international a souligné le fossé existant entre la législation et la pratique dans pas moins de 47 pays s'agissant de la détention arbitraire.

Franciscain international a attiré l'attention du Conseil sur le nombre sans précédent de détentions arbitraires en Papouasie-Nouvelle-Guinée en 2015. L'ONG a évalué à au moins 51 le nombre de prisonniers politiques à la date de fin juillet 2015 et a fait état de nombreux cas de torture; elle a demandé la libération des prisonniers politiques et l'abrogation des lois sur la base desquelles les détentions arbitraires ont été opérées.

L'Agence internationale pour le développement a attiré l'attention sur les arrestations et détentions arbitraires de personnes dans des territoires sous occupation étrangère et plus particulièrement sur les détentions arbitraires par l'armée indienne au Jammu-et-Cachemire. Le Congrès du monde islamique a accusé l'Inde d'utiliser une loi sur le maintien de l'ordre pour détenir de manière arbitraire, parfois jusqu'à deux années, des jeunes au Jammu-et-Cachemire.

Le Conseil mondial de l'environnement et des ressources a défini la détention administrative comme une forme de détention qui ne cherche en général pas à poursuivre en justice, avant de dénoncer la détention arbitraire au Pakistan, autorisée par différentes lois et par la Constitution depuis l'indépendance du pays.

La Commission internationale des juristes a estimé que la mise en œuvre des principes de base et de lignes directrices concernant les recours et procédures proposés par le Groupe de travail permettrait de lutter efficacement contre ce fléau et contre les détentions au secret, la torture et autres traitements inhumains ou dégradants.

La Fédération internationale des écoles unies a fait observer que des États comme la République populaire démocratique de Corée ou le Pakistan, ou encore des groupes terroristes come l'«État islamique», multipliaient les détentions arbitraires. Center for Environment and Management Studies a cité une longue liste de textes internationaux et régionaux de promotion et de protection des droits de l'homme qui interdisent la détention arbitraire. Or, a ajouté l'ONG, les forces pakistanaises se livrent de manière routinière à des détentions arbitraires dans les zones tribales et d'autres régions du pays.

Le Service international des droits de l'homme a rappelé que les défenseurs des droits de l'homme étaient souvent soumis à des détentions arbitraires, citant le cas de la Chine où de nombreux militants des droits de l'homme, notamment des juristes, sont détenus de manière arbitraire et privés de soins médicaux.

France-Libertés: Fondation Danielle Mitterrand a attiré l'attention sur les mauvais traitements, tortures, arrestations et détentions arbitraires pratiqués par le Maroc à l'encontre de militants sahraouis et a déploré que les recommandations présentées par le Groupe de travail n'aient pas été suivies d'effets.

La Commission mexicaine des droits de l'homme a pris acte de quelques améliorations apportées au système de justice pénal mexicain, notamment grâce à un amendement apporté au Code pénal en 2008. Malheureusement, cette réforme a également introduit une notion – l'arraigo (NDLR: mesure de détention préventive) – qui constitue une forme de détention arbitraire et est contraire à la présomption d'innocence et aux engagements internationaux du Mexique. Cette détention arbitraire est utilisée de manière systématique dans les enquêtes pénales et en 2014 plus de 2500 personnes ont été détenues en application de cette procédure, alors que très peu ont ensuite été condamnées. Il faut que le Mexique mette fin à la procédure dite de l'arraigo, a insisté la Commission mexicaine des droits de l'homme.

Débat interactif sur les formes contemporaines d'esclavage

L'Irlande a estimé que les Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l'homme constituent un cadre pertinent pour la lutte contre l‘esclavage dans les chaînes d'approvisionnement. Pour le Pakistan au nom de l'OCI, toute approche de la problématique des formes contemporaines d'esclavage dans les chaînes d'approvisionnement qui exclurait la demande et ne se pencherait que sur le phénomène en lui-même n'aiderait en rien à résoudre le problème. Le Brésil a quant à lui plaidé pour une approche multisectorielle, ce qui exige la mobilisation de tous les acteurs, y compris les entreprises. La sensibilisation et la mobilisation des consommateurs est également la bienvenue, car ces derniers constituent le meilleur groupe de pression, a analysé l'Ordre souverain de Malte. Grace à l'esclavage dans les chaînes d'approvisionnement, ce sont 150 milliards dollars de profit par an que les entreprises réalisent, a chiffré le Maroc. Pour lutter contre ce problème, les États africains ont adopté des mesures, notamment la Charte de Banjul et la Charte africaine de droits et du bien-être des enfants qui prennent en compte ces questions et interdisent expressément l'esclavage ou le travail des enfants, a rappelé l'Algérie au nom du Groupe africain. Pour le Sénégal, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme devrait mener des investigations régulières pour documenter les abus constatés et mener le cas échéant des campagnes de sensibilisation en direction des entreprises coupables d'entretenir, directement ou on, le travail forcé ou d'autres formes contemporaines d'esclavage. Si elle reconnaît la nécessité pour les États de mettre en place une législation nationale sur les entreprises et les droits de l'homme, l'Afrique du Sud continue de penser qu'un instrument international juridiquement contraignant serait la seule solution efficace pour lutter efficacement contre les formes contemporaines d'esclavage. Un tel traité créerait un cadre juridique, fournirait des mesures de protection et prévoirait des voies de recours; il complèterait ainsi les lacunes actuelles relevées par la Rapporteuse spéciale. Le Portugal a indiqué avoir fait de la lutte contre ce phénomène une priorité nationale, en intégrant le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant dans les différentes politiques nationales et les actions développées dans la cadre de la coopération internationale. Quel dialogue devrait-il être mis en place avec la communauté internationale des affaires, a quant à lui demandé le Danemark?

Ce sont les migrants et les travailleurs migrants qui sont les plus touchés, en dépit des mesures mises en place; et dans les chaines d'approvisionnement, ce sont les enfants qui sont les principales victimes, a souligné le Nigéria. L'Australie s'est enquise des bonnes pratiques en matière de lutte contre ce phénomène. Au Royaume Uni, il est demandé au secteur privé de fournir des informations sur les moyens mis en place pour lutter contre l'esclavage dans les chaines d'approvisionnement, a indiqué la délégation britannique. L'Union européenne a souhaité en savoir davantage sur la responsabilité des entreprises impliquées dans l'esclavage dans les chaines d'approvisionnement.

L'Algérie a insisté sur la nécessité de permettre aux victimes des formes contemporaines d'esclavage d'avoir un accès efficace à la justice et à des mesures de réparation justes. La responsabilité des entreprises multinationales qui exploitent la précarité, la détresse et la misère des populations, en particulier dans les pays du Sud, devrait donner lieu à une campagne internationale de dénonciation. Cuba a demandé si la création d'un mécanisme juridiquement contraignant relatif aux entreprises et aux droits de l'homme pourrait contribuer à la lutte contre les formes contemporaines d'esclavage. La Fédération de Russie a rappelé que c'est aux États qu'il incombe de faire respecter leur législation, notamment auprès des entreprises. La mobilisation de la société civile n'en reste pas moins importante à cet égard, a ajouté la délégation russe. La Fédération de Russie a en outre fait observer que des organisations telles que l'État islamique recourait à l'enlèvement de femmes et d'enfants comme source de revenus. Pour la Grèce, les formes contemporaines d'esclavage persistent, par exemple dans les zones où les terroristes de Daech pratiquent la vente des femmes. La Grèce, qui approuve la triple approche de la Rapporteuse spéciale – prévention, atténuation et recours- a rappelé que, malgré les difficultés que connaît le pays, elle abondait chaque année à hauteur de 20 000 euros le Fonds de contributions volontaires pour la lutte contre les formes contemporaines d'esclavage et s'efforcerait de poursuivre sur cette voie.

La Chine a indiqué qu'elle ne cessait d'améliorer son arsenal juridique; elle a ajouté souhaiter que des recommandations durables soient avancées par la Rapporteuse spéciale mais a souligné que celle-ci devait garder à l'esprit l'importance des réalités locales. L'Inde a attiré l'attention sur les mesures qu'elle a prises pour lutter contre le travail des enfants. Tout emploi de mineurs de moins de 14 ans est interdit, de même qu'est prohibé tout travail dangereux pour les adolescents plus âgés. L'Inde a toutefois mis en garde contre l'utopie qui viserait à édicter des normes irréalistes.

L'Arabie saoudite a indiqué qu'elle avait ratifié les grands instruments internationaux et adopté en 2009 un règlement portant sur la lutte contre le trafic d'êtres humains en conformité avec les normes internationales. Le travail forcé en Arabie saoudite est passible de peines pouvant atteindre dix ans d'emprisonnement et d'amendes pouvant atteindre un million de rials. Les Philippines ont souligné qu'elles étaient parties à la Convention de l'Organisation internationale du travail sur le travail forcé et à son Protocole adopté en 2014. Les États-Unis ont mis en avant, à titre d'exemple de bonnes pratiques, le programme de la Coalition des travailleurs Immokalee concernant l'alimentation équitable en Floride.

Lutter contre les causes durables du travail infantile est la seule manière de lutter efficacement contre ce phénomène, a souligné le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, à l'instar d'autres délégations telles que celle du Chili.

La République islamique d'Iran a attiré l'attention sur des formes contemporaines d'esclavage telles que l'esclavage sexuel. Les Fidji ont souligné que les formes contemporaines d'esclavage risquaient de se développer dans les pays où les personnes vulnérables sont rendues encore plus vulnérables par la pauvreté. Conscientes de ce phénomène, les Fidji ont adopté des lois visant à protéger les victimes de la traite.

Le Gabon qui connait un phénomène de traite et d'exploitation des enfants nourris par l'immigration clandestine, a indiqué avoir pris des mesures pour lutter contre ce phénomène, notamment en ratifiant un certain nombre de conventions de l'OIT, dont celles relatives à l'âge minimum d'admission à l'emploi et à l'élimination des pires formes de travail des enfants; le Gabon a également accédé au Protocole de Palerme et a adopté un certain nombre de lois répressives. Pour El Salvador, les efforts de la communauté internationale doivent se concentrer sur les victimes.

La Mauritanie a salué l'approche de la Rapporteuse spéciale et a souligné que le pays avait désormais ratifié toutes les principales conventions de l'Organisation internationale du travail et qu'il veillait à leur mise en œuvre. Récemment, le Parlement mauritanien a adopté une loi qui considère l'esclavage, aboli au début du siècle dernier dans le pays, comme un crime contre l'humanité; cette loi met l'accent non seulement sur la répression mais aussi sur la prévention. La loi autorise en outre les associations de la société civile à se constituer partie civile dans des affaires relatives aux séquelles de l'esclavage, a ajouté la délégation mauritanienne.

Le Qatar a assuré accorder une attention spéciale au respect des normes internationales par les entreprises qui travaillent sur son territoire, y compris pour ce qui est du respect des Principes des Nations Unies concernant les entreprises et les droits de l'homme.

Le Bangladesh a pour sa part estimé que la Rapporteuse spéciale allait au-delà de son mandat. Il a noté que certaines de ses recommandations étaient de nature prescriptive et a estimé que certaines parties de son rapport créaient des liens peu clairs entre le travail forcé, principale forme contemporaine d'esclavage, et des normes de sécurité dans le travail. Il a mis l'accent sur la dimension de la pauvreté et du développement.

Le Saint-Siège a attiré l'attention sur les nombreuses formes que revêt l'esclavage; au-delà de l'exploitation du travail forcé, il y a la prostitution et l'esclavage sexuel, dont de nombreux mineurs sont victimes. Pour le Sierra Leone, le mariage des enfants est une forme contemporaine d'esclavage qui doit être éliminée.

La Fondation Al Khoei a dénoncé l'exploitation sexuelle des femmes et jeunes filles sous couvert de religion, comme la pratique le groupe «État islamique», ajoutant que le Conseil se doit d'agir contre ce phénomène.

Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc. a demandé si l'on pouvait considérer la situation des migrants dans des États comme le Qatar comme une forme contemporaine d'esclavage.

Allied Rainbow International, au nom également de International Lesbian and Gay Association et Federatie van Nederlandse Verenigingen tot Integratie Van Homoseksualiteit – COC, a demandé que des mesures soient prises en faveur (de la protection) des travailleurs sexuels et des LGBT.

La Commission internationale des juristes a noté que les organes des Nations Unies avaient contribué utilement à la lutte contre les formes contemporaines d'esclavage, citant en exemple l'observation générale du Comité des droits de l'enfant de 2013 relative aux incidences du secteur des entreprises sur les droits de l'enfant.
Remarques de conclusion

M. SEONG-PHIL HONG, Président du Groupe de travail sur la détention arbitraire, s'est dit surpris du grand nombre de violations des droits de l'homme et de détentions arbitraires touchant les journalistes et les défenseurs des droits de l'homme. Il est temps maintenant de s'attaquer aux causes profondes de cette situation, car sans la société civile, la démocratie est en danger dans le monde, a-t-il souligné. Le Groupe de travail s'efforce d'obtenir la libération de ces personnes, mais ses ressources sont limitées, de même que ses capacités de travail, a-t-il ajouté.

Le Groupe de travail est également préoccupé par les nouvelles formes de détention arbitraire qui apparaissent, a poursuivi M. Seong, plaidant pour la réalisation d'une étude sur les mesures proportionnées que devrait appliquer l'ensemble de la communauté internationale. Le Président du Groupe de travail s'est ensuite réjoui du soutien apporté par les délégations au projet de principes de base et de lignes directrices et au projet de changement de nom du Groupe. Il faut maintenant réfléchir à l'opérationnalisation de ces principes de base et lignes directrices afin de voir comment les mettre en œuvre au niveau national, a-t-il indiqué.

MME URMILA BHOOLA, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d'esclavage, a remercié les États pour l'appui qu'ils ont apporté à son mandat et pour leurs critiques constructives. Elle a insisté sur le caractère essentiel du cadre juridique national de lutte contre les formes contemporaines d'esclavage, s'agissant notamment des mécanismes permettant d'assurer l'obligation redditionnelle des entreprises. Il n'existe pas de cadre idéal, mais de nombreuses solutions sont envisageables, parmi lesquelles la mise en œuvre des Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l'homme, a ajouté la Rapporteuse spéciale.

Les États sont dépositaires des droits de l'homme et doivent adopter un cadre législatif approprié en matière de droits du travail, de passation de marché, ou encore de commerce, a poursuivi Mme Bhoola. Les États doivent également assurer la transparence de l'information, a-t-elle souligné. Il faut aller au-delà de la simple possibilité offerte aux entreprises de prendre des mesures volontaires, a estimé la Rapporteuse. Comme le rappelle le rapport, certain États, comme les États-Unis, le Brésil ou le Royaume-Uni, sont allés plus loin, a-t-elle souligné. L'obligation redditionnelle est essentielle, non seulement pour les entreprises, mais aussi pour les acteurs de la société civile et les individus, a insisté Mme Bhoola. Toute initiative visant à aider les entreprises à respecter les droits de l'homme est bienvenue, a-t-elle déclaré.

La Rapporteuse spéciale a relevé une prolifération de problèmes dans la chaîne mondiale d'approvisionnement. Elle a en outre souligné que des États et des organisations non gouvernementales lui avaient signalé des cas particulièrement abjects d'esclavage, notamment sexuel, de la part de groupes terroristes comme Daech.

Mme Bhoola a rappelé que le droit international obligeait les États à mettre en place des mécanismes de recours judiciaire et de compensation. Elle a rappelé que la Convention relative aux droits de l'enfant fournissait un cadre très important s'agissant de ces questions. Elle a en outre jugé essentiel le rôle de témoin des «survivants» – terme qu'elle a indiqué préférer à celui de «victimes» - de formes d'esclavage. Elle a par ailleurs noté des progrès dans la lutte contre le travail forcé des enfants, comme l'élimination du travail des enfants dans les plantations de tabac ou encore les mesures prises dans les plantations de cacao. La Rapporteuse a salué le rôle joué par le «Global Workers Compact».

La Rapporteuse spéciale a également reconnu le rôle joué par certaines grandes entreprises en matière de lutte contre les formes contemporaines d'esclavage, y compris sous la pression de consommateurs qui exigent que les produits qu'ils achètent répondent à certaines normes éthiques. Elle a par ailleurs mis l'accent sur le rôle essentiel de la prévention. Les plans d'action nationaux peuvent offrir aux entreprises, notamment transnationales, l'occasion de participer à des initiatives à partenariats multiples en matière de lutte contre les formes contemporaines d'esclavage, a-t-elle souligné. Il faut que la législation du travail soit respectée, que les gouvernements règlementent les entreprises et que les entreprises elles-mêmes fassent leur travail afin de protéger les droits et la dignité humaine de tous, a déclaré Mme Bhoola. Rappelant qu'il existe déjà un cadre normatif conséquent et que des engagements très importants ont été pris dans différents secteurs d'activités, la Rapporteuse spéciale a estimé que tous les outils nécessaires existent donc pour lutter contre les formes contemporaines d'esclavage. Le financement existe aussi pour venir en aide aux survivants des formes contemporaines d'esclavage, a-t-elle ajouté, tout en appelant les États à abonder le Fonds de contributions volontaires mis en place à cette fin.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC15/108F