Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DU TIMOR-LESTE
Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, le rapport présenté par le Timor-Leste sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.
Le rapport a été présenté par le Ministre de la justice de Timor-Leste, M. Ivo Valente, qui a fait valoir qu'à l'issue de la soumission de son rapport initial, le pays avait entamé une réforme législative tendant, notamment, à asseoir la protection des droits de l'enfant. Le Gouvernement a notamment apporté des amendements législatifs en matière d'éducation de base, de lutte contre la violence domestique, de protection des témoins, au code du travail et au régime d'exécution pénale. Des améliorations sont également à l'examen pour relever l'âge de la responsabilité pénale. Une nouvelle législation sur la traite des personnes prévoit par ailleurs des dispositions spéciales de protection de l'enfant et un accès prioritaire des victimes de cette pratique à la protection et à l'assistance sociale. Comme plus de la moitié de la population timoraise a moins de 19 ans, le Ministre de la justice a souligné que le Gouvernement concentrait son attention sur l'éducation gratuite, universelle et paritaire, et sur la qualification technique et professionnelle des jeunes.
Outre le Ministre de la justice, la délégation était composée de la Vice-Ministre de l'éducation, et de fonctionnaires des Ministères de la solidarité sociale, de la défense, de la santé, et des affaires étrangères et de la coopération. La délégation incluait également des membres de la Commission des droits de l'enfant et du secrétariat d'État pour la politique de l'emploi et la formation professionnelle. Elle a répondu aux questions des membres du Comité notamment sur l'établissement d'une base de données centralisée relative aux enfants; l'enregistrement des naissances; la lutte contre la violence domestique et à l'école; l'adoption nationale et à l'étranger; la politique relative aux enfants handicapés; la lutte contre la pauvreté, en milieu rural en particulier; l'accès à l'eau potable et à l'assainissement; la question des grossesses précoces; les mesures concernant la lutte contre la consommation d'alcool et de substances chez les jeunes.
Les rapporteurs du Comité pour l'examen du rapport de Timor-Leste étaient Mme Renate Winter et M. José Angel Rodríguez Reyes. Ils ont félicité le pays pour les «avancées remarquables» des dix dernières années alors que le Timor-Leste est l'un des pays les plus jeunes au monde. Ils ont demandé la mise en place d'un médiateur pour la protection de l'enfant. Les rapporteurs ont ensuite vivement encouragé à la mise en œuvre réelle de tous les plans et programmes annoncés par le Gouvernement, qui devra en particulier s'attacher à trouver des solutions concrètes face à au taux de fertilité très élevé, à la malnutrition, au manque d'hygiène, notamment dans en zone rurale, et à la violence domestique, qui pose de graves problèmes. Après avoir évoqué les différences criantes des niveau de développement entre les campagnes et les villes, les rapporteurs ont insisté sur le manque d'accès à l'eau potable, qui a «des conséquences lourdes» sur l'état de santé des enfants et explique la prévalence du paludisme, de la pneumonie, de la diarrhée et d'autres maladies évitables.
Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport présenté par Timor-Leste dans le cadre de séances privées qui se tiendront avant la clôture de la session, le 2 octobre prochain.
Le Comité examinera, le lundi 28 septembre à partir de 10 heures, les rapports de Madagascar sur l'implication d'enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/MDG/1) et sur la vente d'enfants, la prostitution d'enfants et la pornographie impliquant des enfants (CRC/C/OPSC/MDG/1).
Présentation du rapport
Le Comité est saisi du rapport périodique du Timor-Leste (CRC/C/TLS/2-3), ainsi que de ses réponses (CRC/C/TLS/Q/2-3/Add.1 à paraître en français) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (CRC/C/TLS/Q/2-3).
M. IVO VALENTE, Ministre de la justice de Timor-Leste, a souligné que, depuis que son pays est devenu un État souverain le 20 mai 2002, il a ratifié la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, ce qui reflète son fort engagement en faveur du respect des valeurs et principes universels figurant dans la Convention.
Durant la période couverte par le rapport combiné - 2007-2012 – le Timor-Leste a suivi les recommandations quel lui a adressées le Comité suite à l'examen du rapport initial et établi des priorités en vue de l'application de la Convention, tout en identifiant les défis liés à la mise en œuvre de ses obligations internationales. Le Timor-Leste se félicite de l'«occasion en or» que représentait cet examen pour tenir un dialogue fructueux avec le Comité alors que l'on s'apprête à commémorer le vingt-cinquième anniversaire de l'adoption de la Convention. Dans ce contexte et depuis la soumission de son rapport initial, le Timor-Leste s'est doté d'une large gamme d'instruments juridiques, qu'il s'efforce de mettre en œuvre dans sa réforme législative. Dans le cadre spécifique de la protection des droits de l'enfant, le Gouvernement a révisé le code pénal, le code de procédure pénal, le code civil, la loi sur l'éducation de base, la loi contre la violence domestique, celle sur la protection des témoins, le code du travail et du régime d'exécution pénale.
À cela vient s'ajouter la loi tutélaire éducative (Lei tutelar educativa) de la justice juvénile qui exempte les mineurs de 12 à 16 ans de la responsabilité pénale; ainsi que le Régime spécial pour les personnes âgées de 16 à 21 ans. Ces deux lois sont à présent devant le Conseil des ministres pour délibération, a déclaré M. Valente, qui a expliqué que son pays utilisait le concept juridique de «mineur» et non de l' «enfant», en fonction du contexte juridique (code civil, pénal ou responsabilité pénale, droit de vote ou régime du travail). Le Ministre de la justice a en outre affirmé l'engagement de son pays dans la lutte contre la traite des enfants et à l'assistance aux victimes. La nouvelle législation sur la traite des personnes a été approuvée par le Conseil des ministres et contient des dispositions spéciales et spécifiques concernant la protection de l'enfant. Elle donne aux victimes un accès prioritaire à la protection et à l'assistance sociale.
Dans le domaine de l'enseignement, le Timor-Leste met l'accent sur la non-discrimination, la gratuité et le caractère universel de l'éducation pour tous les enfants, sans exception aucune. Le Plan stratégique national pour l'éducation et le Plan annuel d'action du Ministère de l'éducation insistent également sur l'importance de l'égalité des chances entre les filles et les garçons et la parité à l'école. L'une des priorités du plan d'action réside dans une politique d'inclusion sociale tendant à éliminer les obstacles à la participation et à l'apprentissage pour les filles et les femmes, les défavorisés, les handicapés et les enfants ayant abandonné l'école. Et d'ajouter qu'un pays comme le Timor-Leste, dont plus de la moitié de la population a moins de 19 ans, a besoin de focaliser sur l'éducation et la qualification technique et professionnelle des jeunes.
S'agissant de l'enregistrement des naissances, le Ministre de la justice a souligné qu'en coopération étroite avec les agences internationales, le Timor-Leste est sur le point d'apporter la dernière touche au Code de registre civil.
D'autre part, le 20 novembre prochain, un projet baptisé «La justice va à l'école» sera lancé aux fins d'informer les jeunes sur le système de justice juvénile et de promouvoir les droits de l'enfant. La construction d'un centre de la jeunesse pour la justice juvénile est aussi sur le point d'être achevée, a informé le chef de la délégation timoraise. Le Gouvernement s'apprête en outre à mettre en œuvre une stratégie détaillée d'exécution de la politique d'appui aux enfants handicapés dans tout le pays.
En matière de santé, le Timor-Leste dispose d'un plan stratégique 2011-2030, qui érige en priorité l'intérêt supérieur de l'enfant, et accorde une place de choix à l'élargissement du programme de vaccination contre les principales maladies infantiles. Le pays a réussi à réduire à 23% la mortalité infantile entre 2003 et 2010.
En dépit des progrès enregistrés jusqu'à présent, le Timor-Leste ne cesse de rechercher des solutions aux problèmes liés à la promotion de l'enfance mais, faute de moyens financiers, il n'a pas encore été en mesure de se doter d'une base de données nationale sur les enfants, bien que chaque ministère se soit doté d'une base de données, a reconnu le Ministre de la justice. Le Plan national pour l'enfance est en voie d'élaboration, en coopération avec l'UNICEF. En conclusion, M. Valente a indiqué qu'au plan international, les droits de l'enfant sont au cœur de la politique timoraise et a rappelé à ce propos la tenue en juin dernier à Dili, de la Quatorzième Conférence des ministres de la justice des pays lusophones sur les droits de l'enfant, qui a approuvé la Déclaration de Dili sur la protection des enfants dans lesdits pays.
Le chef de la délégation timoraise a achevé son intervention par la lecture d'un poème sur les enfants du leader de l'indépendance du Timor-Leste, Kay Rala Xanama Gusmao.
Examen du rapport du Timor-Leste
Questions et observations des membres du Comité
MME RENATE WINTER, experte du Comité chargée de l'examen du rapport du Timor-Leste, a rappelé, d'emblée, que le Timor-Leste était l'un des plus jeunes pays du monde, avant de féliciter la délégation pour les avancées remarquables des dix dernières années. Elle a cependant souligné que l'État partie affichait l'un des taux de fertilité les plus élevées dans la région, que la malnutrition y faisait rage et que l'hygiène y restait très précaire, alors que la violence domestique posait de sérieux problèmes. La rapporteuse a aussi pointé la «différence massive» du degré de développement entre les campagnes et les villes.
Mme Winter a regretté ne pas pouvoir féliciter le Timor-Leste pour avoir adopté des lois, et attend leur application, en particulier celle du Plan d'action pour la protection des enfants. La décentralisation est certes louable mais elle génère des problèmes et exige l'exécution de programmes viables, a-t-elle fait valoir, demandant notamment que le Médiateur pour les enfants commence effectivement son mandat. Elle a ensuite encouragé tous les ministères à travailler à partir d'indicateurs communs. Avec le fleurissement des infrastructures pétrolières, la rapporteuse a exigé que les entreprises présentes dans le pays participent au développement local et indemnisent les communautés pour les dégâts écologiques.
La violence dans les établissements scolaires et dans le milieu familial, tolérée par la population, nécessite aussi des mesures vigoureuses, a affirmé Mme Winter, appelant à des campagnes de sensibilisation.
M. JOSÉ ÁNGEL RODRÍGUEZ REYES, expert du Comité également chargé de l'examen du rapport du Timor-Leste, a souligné que, face aux difficultés rencontrées par le pays, il faudrait inclure dans la Constitution des dispositions spécifiques protégeant les enfants. Il a fait état d'allégations selon lesquelles les enfants nés hors mariages, les enfants rapatriés et les enfants n'ayant pas de certificat de baptême faisaient l'objet d'une discrimination au sein de la société. Le rapporteur a déclaré que le manque d'accès à l'eau potable avait «des conséquences lourdes» sur l'état de santé des enfants et expliquait sans doute la prévalence du paludisme, de la pneumonie, de la diarrhée et d'autres maladies évitables. Il a voulu savoir quelles politiques étaient envisagées pour faire face à cette situation dans les campagnes. M. Rodríguez Reyes a aussi voulu savoir quelles étaient les politiques mises en œuvre pour que la voix des enfants soit dûment entendue.
Parmi les autres membres du Comité, une experte a souligné que l'âge de la majorité était fixé à 17 ans au Timor-Leste et l'a invité à le relever à 18 ans. La société civile agit avec assez de liberté au Timor-Leste, s'est-elle félicitée, en s'interrogeant toutefois sur le degré de participation des organisations de la société civile à l'élaboration du rapport et sur le soutien dont elles bénéficient en général. Un autre expert a posé une question sur l'intégration du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant dans les politiques et programmes axés sur la protection de l'enfance. Une experte a voulu savoir si le parlement des enfants existait toujours et si le conseil de la jeunesse, antérieurement financé par les États-Unis, l'était encore. Quelle est l'issue des consultations effectuées auprès des enfants, a encore demandé l'experte.
Un membre du Comité a demandé si les douze districts du pays disposaient de centres d'enregistrement des naissances, y compris les zones rurales, et si ces centres étaient accessibles aux handicapés.
Dans le cadre d'une série de questions complémentaires des membres du Comité, une experte a encouragé Timor-Leste à mener des actions concertées s'agissant des questions de l'avortement, de la grossesse précoce et des violences à l'égard des enfants. Elle s'est interrogée sur les sanctions ou la réhabilitation des auteurs de violence domestique, en particulier des pères. Les enfants ayant subi des violences sexuelles ne sont plus acceptés dans leur famille et leur communauté, a remarqué l'experte, en invitant la délégation à expliquer ce qui était fait à ce propos.
Un autre membre du Comité a requis de plus amples informations aux fins de sensibiliser la population à l'élimination de certaines pratiques discriminatoires et préjudiciables à certaines catégories d'enfants, comme ceux nés hors mariage ou les enfants handicapés.
Une experte s'est enquise, de son côté, de l'enregistrement de la naissance d'enfants de migrants, et de leur droit à la citoyenneté. Elle a également posé une question sur les garanties de confidentialité dont peut bénéficier un enfant portant plainte pour violence.
Une experte a noté que le Timor-Leste connaissait un important exode des campagnes vers la capitale et a sollicité des informations sur la gestion de cet exode, ainsi que sur les flux migratoires. Elle a également remarqué qu'il existait une forme de servitude pour paiement de dette, des enfants étant engagés dans des travaux très dangereux. Elle a aussi prié la délégation de fournir des renseignements sur le système d'administration de la justice juvénile et sur les arrangements informels d'audition et d'assistance aux enfants témoins.
Un autre membre du Comité s'est interrogé sur la portée, sur le terrain, des politiques de réduction de la pauvreté des familles dans les zones rurales. Il y aurait par ailleurs des accords informels entre familles pour donner un enfant à l'autre famille. Cette pratique met l'enfant dans une situation d'abus et d'exploitation. L'expert a voulu savoir ce que l'État partie faisait pour prévenir de telles situations, voire interdire cette pratique. Il a ensuite requis des précisions sur le mode de fonctionnement des foyers d'accueil des enfants en difficulté et les ressources dont ils disposent.
D'autres membres du Comité ont posé des questions sur le nombre d'enfants adoptés à l'étranger, le Timor-Leste ayant ratifié la Convention de la Haye en 2009. Dans la pratique, l'adoption informelle est fréquente au niveau national mais le rapport reste silencieux sur la question. Les experts se sont enquis de l'existence ou non d'un système d'enregistrement et de contrôle des adoptions.
Dans le contexte des droits des enfants handicapés, un expert a relevé une contradiction entre les statistiques nationales et celles des agences internationales quant au nombre de personnes handicapées au Timor-Leste. Il a dénoncé la stigmatisation des enfants handicapés, souvent affublés de qualificatifs insultants. Il a enfin remarqué qu'il n'y avait qu'un seul centre de réhabilitation dûment équipé pour répondre aux divers besoins des enfants handicapés.
Une autre experte a attiré l'attention sur la prévalence de l'anémie parmi les enfants et s'est interrogée sur les moyens de lutte contre la tuberculose, la pneumonie et les maladies respiratoires causées par l'utilisation du bois combustible, ainsi qu'en matière de prévention du VIH/sida. Elle a demandé des informations sur les maladies hydriques. Un autre expert a encouragé l'État partie à fixer l'âge minimum pour la consommation d'alcool et s'est vivement inquiété, par ailleurs, du taux de toxicomanie chez les jeunes. Il s'est enquis des résultats de l'étude nationale qui était prévue sur les enfants des rues. Il a enfin salué l'existence d'un bureau du médiateur pour les droits de l'homme et la justice, et invité à la mise en place d'un médiateur pour la protection des enfants, par exemple une personne au sein même du bureau mentionné.
S'agissant de la mise en œuvre du Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention et concernant l'implication des enfants dans les conflits armés, un membre du Comité a posé une question sur l'état d'avancement du projet de loi sur l'interdiction d'entraînement martiaux d'enfants par des groupes non étatiques.
Un expert a voulu savoir s'il existe un mécanisme qui permette aux enfants internés dans des centres d'accueil pour mineurs de porter plainte sans crainte de représailles.
Un membre du Comité a demandé quelle était la politique du pays en promouvoir l'allaitement maternel. Il a également encouragé l'État partie à envisager d'accorder un congé maternel de plus de 12 semaines, d'une part, et à poursuivre son programme de coopération avec l'UNICEF favorisant l'allaitement maternel.
Une experte a souhaité savoir ce qu'il advenait des enfants de plus de 3 ans qui ne peuvent vivre avec leurs mères en prison et s'il est prévu qu'ils vivent avec des proches ou avec une famille d'accueil.
L'État partie dispose-t-il d'un système de recrutement obligatoire ou volontaire dans les forces armées, s'est enquis un autre expert.
Réponses de la délégation
Le code civil considère comme mineure toute personne n'ayant pas 17 ans révolus et aucune modification n'est prévue, a répondu la délégation, indiquant également, au sujet de l'enregistrement des naissances, qu'une réponse écrite a été apportée à la question. Elle a mis en avant «un grand bond en avant» dans l'enregistrement des naissances (dans les trente jours suivant la naissance), suite à une campagne nationale en 2011 pour l'enregistrement des enfants de moins de 5 ans, notamment par le chef du village, l'hôpital ou l'église. L'acte de naissance est délivré dans un délai de 3 à 5 jours dans la capitale, Dili. Ailleurs, il faut compter entre 5 et 7 jours. L'enregistrement des naissances comprend les naissances hors mariage car aucun document de mariage n'est requis pour déclarer la naissance d'un enfant ou la paternité. La délégation a admis que parfois, il arrive que certains fonctionnaires exigent la présentation d'un acte de mariage mais insisté que cette pratique ne reflète en rien ce qui est requis dans la législation. Le Timor-Leste ne fait aucune discrimination pour l'enregistrement des enfants abandonnés ou migrants car il suffit de faire une demande à cet effet.
Une base de données centrale sur les enfants est en train d'être mise en place en coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), bien que l'infrastructure ne soit pas solide et que le Timor-Leste ne dispose pas des fonds nécessaires à cette opération.
Les recommandations adressées au Timor-Leste par le Comité ont été examinées par une commission. Des mesures sont prises notamment pour informer le corps enseignant et les enfants des droits de l'enfant stipulés dans la Convention. La sensibilisation sur les violences à l'égard des enfants a conduit à une légère baisse, a annoncé la délégation, insistant sur la politique «zéro tolérance» en milieu scolaire. Le Timor-Leste a ratifié les instruments relatifs aux droits de l'homme sans aucune réserve et s'apprête à ratifier la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées. L'intégration des enfants handicapés dans l'éducation inclusive est en cours de préparation dans la perspective de cette adhésion.
Reconnaissant que l'accès à l'eau était une condition indispensable et préalable au développement, la délégation a indiqué que depuis 2011, 60% de la population avait accès à l'eau potable en provenance de sources d'eau douce et un projet d'aménagement prévoit la fourniture de l'eau potable à l'ensemble de la population, y compris dans les zones rurales. Il est prévu que, d'ici 2030, tous les citoyens aient un accès de base à l'assainissement. En outre, un projet d'assainissement de l'eau dans le milieu scolaire est mis sur pied à titre prioritaire. L'UNICEF a été responsable du projet de base d'assainissement et d'hygiène des municipalités du Timor-Leste. Des organisations comme Water Aid et World Vision soutiennent des projets d'assainissement dans d'autres régions du pays. La délégation a aussi espéré que le pourcentage de la défécation à l'air libre sera réduit des deux tiers dans les prochaines années.
Des dispositions régissant l'éducation en milieu rural seront nécessaires pour arriver à une décentralisation durable, a admis la délégation, qui a indiqué que le Gouvernement procédait actuellement à une évaluation du réseau scolaire pour s'assurer à ce que la répartition des écoles correspondent à celle de la population. Il est prévu de construire 150 écoles dans les zones rurales, dont 30 sont déjà finalisées. L'amélioration de l'accès aux enfants ruraux est une des priorités de l'éducation inclusive, a-t-elle affirmé.
Le Gouvernement s'emploie par ailleurs à la construction de salles de bains séparées pour les filles et les garçons dans les établissements scolaires. La sensibilisation à la non-discrimination fait partie du programme scolaire car tous les enfants n'émanent pas de familles du même niveau social ni d'une même origine.
Il ne fait aucun doute que la grossesse précoce diminue les chances dans la vie, a commenté la délégation, soulignant qu'en dépit des efforts en vue de réduire le nombre des grossesses précoces, ceux-ci sont encore mal compris dans les zones rurales. Cette réalité a des retombées socioéconomiques énormes car les filles doivent abandonner l'école en raison des pressions sociales. Plusieurs campagnes de sensibilisation «Enceinte ou jeune mère, elle a quand même le droit à l'éducation» ont été menées et une mesure spéciale a été prise pour permettre aux filles enceintes ou mères adolescentes de passer les examens nationaux dans des établissements autres que ceux qu'elles fréquentaient dans leur lieu de résidence. L'éducation sexuelle est comprise dans le curriculum scolaire, a aussi précisé la délégation.
La planification familiale n'est possible que pour les couples mariés et l'avortement est interdit. Les couples non mariés n'ont pas le droit d'accès à des moyens de contraception. Il n'en reste pas moins que tous les groupes de la communauté sont sensibilisés à la santé reproductive tant par des organismes publics que par des organisations non gouvernementales et des agences internationales spécialisées. Un centre d'information sur la santé reproductive à l'intention de la jeunesse a été créé au ministère de la santé.
La loi sur la violence domestique est à la croisée des chemins et les services de protection sont désormais nombreux et de bonne qualité, a encore déclaré la délégation, renvoyant aux informations dans le rapport et dans les réponses écrites. Il existe actuellement 9 abris et un foyer d'accueil pour enfants victimes de violence, qui assurent le suivi des poursuites contre les auteurs de la violence à leur encontre. Deux sur trois abris se trouvent dans la capitale et autant aux frontières, a-t-elle précisé. Les services sociaux reçoivent les plaintes et se chargent de mettre en œuvre la procédure de suivi de chaque cas de violence dénoncé. Dans 30% des enquêtes du Procureur, il s'avère que les incidents de violence ont lieu au sein de la famille, souvent aux mains du père. La loi prévoit des mesures de réhabilitation et de réinsertion de la victime dans la famille.
Le parlement de la jeunesse, qui compte 60 membres appartenant à 13 municipalités, est un excellent programme créé au lendemain de l'indépendance. Les thèmes abordés par les jeunes sont liés à la création d'activités sportives et de loisirs pour les jeunes et à l'amélioration des infrastructures scolaires et des centres de jeunes. Ce parlement fait partie du processus de la participation des jeunes au processus de prise de décisions. Les jeunes notamment sont formés, en dehors des horaires scolaires, à prendre la parole en public et à négocier des décisions.
La société civile impliquée dans la protection de l'enfance a été consultée lors du processus de préparation du rapport, a encore indiqué la délégation.
La législation timoraise reconnaît le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant tel qu'il figure dans la Convention, a affirmé la délégation.
Le pays a deux langues officielles, le portugais et le tétum, et treize langues nationales. Les matières sont enseignées progressivement dans les deux langues officielles, c'est-à-dire que le tétum est enseigné à partir d'un certain niveau de l'enseignement, les capacités financières ne permettant pas encore de l'introduire dès le début de la scolarité. La majorité de la population a grandi en milieu rural, a-t-elle précisé, signalant que les enseignants forment aussi les élèves aux cultures locales.
Un programme d'enseignement aux droits de l'enfant est prévu dans le primaire mais les résultats ne sont pas probants, a reconnu la délégation, qui a attribué cette lacune au manque de capacitation des maîtres d'école. L'implication du médiateur des droits de l'homme et la justice est envisagée pour résoudre ce problème en organisant notamment des formations. L'hygiène pose aussi un défi en milieu scolaire et cette dimension fait désormais partie des projets de construction de 311 nouvelles écoles, en particulier pour l'approvisionnement en eau potable.
Au moins cinq enseignants ont été relevés de leurs fonctions pour abus sexuels sur des enfants, a indiqué la délégation, qui a ajouté que ce type d'abus est sévèrement puni par les tribunaux. Les inspecteurs du travail dans le secteur de l'enseignement reçoivent davantage de plaintes grâce à la nouvelle protection offerte par la législation qui porte les victimes à dénoncer ces actes.
Le Timor-Leste a annoncé qu'une commission nationale contre le travail des enfants a été établie en mars 2014. D'un autre côté, le Timor-Leste a ratifié la Convention n°182 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur les pires formes de travail des enfants; la question de la ratification de la Convention n°138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi est toujours à l'examen.
Le Gouvernement s'efforce d'éliminer les pratiques préjudiciables aux enfants comme la prostitution, l'exploitation sexuelle, la traite et le travail forcé. Il prévoit également de créer une ligne téléphonique gratuite pour alerter et porter plainte sur l'une ou l'autre de ces pratiques. Tous les enfants sont habilités à déposer une plainte, indépendamment de leur âge, a souligné la délégation.
La réalité économique du pays est complexe, a déclaré la délégation, qui a expliqué que les enfants travaillent avec leur famille dans le milieu agricole et font des tâches légères qui n'affectent pas leur intégrité physique et ne les empêchent pas de poursuivre leur scolarité. Cette tolérance se justifie par la nécessité pour les enfants de contribuer aux activités de subsistance de la famille. Ce type de travail se déroule dans le milieu familial et fait partie de son développement en tant que citoyen actif au sein de la société. Le code du travail ne s'appliquant pas aux relations de travail entre membres d'une même famille, la Commission nationale contre le travail des enfants et l'inspection générale du travail mène à bien des inspections (plus de 2000 en 2015) et il s'est avéré que seuls 103 sur 2000 enfants effectuaient des «tâches au-dessus de leurs forces». Une campagne de sensibilisation des familles a ensuite été menée.
La délégation a ensuite fait valoir que le concept de travailleurs sociaux n'est pas courant dans le pays. Les fonctionnaires qui s'occupent de la protection des enfants suivent une formation spécialisée et reçoivent un certificat.
Les homicides, la violence sexuelle et d'autres délits graves intolérables pour la société timoraise sont punis par des peines de prison. Les peines sont généralement adaptées aux mineurs qui bénéficient aussi d'une assistance pour surmonter leur comportement asocial et une équipe psychosociale les soutient, ainsi que leur famille, pour se préparer à la réinsertion sociale une fois leur peine purgée. Un seul mineur se trouve à présent dans une prison de haute sécurité, a fait savoir la délégation. Un centre de détention des mineurs sera en fonction dès l'année prochaine. L'architecture et l'environnement des centres de détention en cours de construction pour les mineurs sont équivalents à ceux d'un internat.
Dans le souci d'épauler les familles les plus démunies, un programme de bourse pour la mère (Bolsa da Mãe) vise à aider les familles ayant des enfants de moins de 17 ans à briser le cercle vicieux de la pauvreté au sein de la famille. Les familles monoparentales sont prioritaires de même que celles ayant un ou plusieurs enfants handicapés, pour permettre l'accès des enfants aux services d'éducation et de santé. Ce programme a bénéficié à plus de 55 000 familles de trois enfants et plus, soit plus de 270 000 enfants, dont 2000 handicapés.
Répondant à des questions sur les questions de santé, la délégation a notamment expliqué qu'un projet pilote avec l'aide d'organisations nationales et internationales avait été lancé pour tester un four qui fonctionne sans bois combustible de sorte à préserver la santé des filles et des femmes qui cuisinent. Par ailleurs, la consommation de tabac à Timor-Leste est l'une des plus élevée au monde, avec plus de 70% des hommes et un nombre élevé de jeunes qui fument. Il s'agit d'une réalité tragique, a déclaré la délégation, qui a informé que le Gouvernement avait lancé une ample campagne médiatisée de lutte contre le tabagisme, d'autant qu'il n'existe pas de lois qui interdisent la vente de cigarettes aux mineurs. La commission de la fonction publique a néanmoins renforcé l'interdiction de fumer dans les administrations publiques. Des règles plus strictes sont envisagées à propos de la composition des cigarettes et de l'importation et la commercialisation de certains ingrédients des cigarettes.
La délégation a également reconnu qu'aucune loi ne fixe un âge minimum pour la consommation de boissons alcoolisées, bien qu'un projet de loi soit en cours de préparation pour interdire la vente d'alcool aux mineurs. Elle a aussi attiré l'attention sur le fait que le code pénal réprime l'emploi d'enfants dans la fabrication et le trafic de drogues, a signalé la délégation qui a conclu sur ce sujet que la lutte contre le tabagisme, l'alcoolisme et la toxicomanie sont des priorités majeures du Gouvernement et des institutions chargées de la santé publique.
La lutte contre la malnutrition, le rachitisme et l'insuffisance pondérale figurent aussi parmi les secteurs prioritaires. Le plan stratégique 2011-2030 du Ministère de la santé met l'accent sur l'augmentation de l'apport en vitamine A et la prise de médicaments antiparasitaires pour les enfants, sur la révision de la stratégie nationale sur la nutrition, sur le lavage des mains et sur les compléments alimentaires pour les femmes souffrant de malnutrition. Le Ministère a aussi mené à bien une étude sur les besoins en nutrition au Timor-Leste.
Dans ses réponses aux questions liées à la santé, la délégation a indiqué que le programme national sur l'allaitement est le résultat d'une étude conduite en 2013 qui a révélé que l'allaitement maternel est quasi universel. L'étude a aussi montré que quatre enfants sur cinq sont nourris au sein dans l'heure qui suit la naissance et 96% dans la première journée. Les femmes qui travaillent ont le droit de rentrer chez elles pour allaiter et s'occuper de leurs bébés. Dans le cadre de l'amélioration de la prestation de services de santé, le Premier ministre a enjoint au Ministère de la santé de faire en sorte que toutes les familles vivant dans les hameaux et villages reçoivent la visite d'une équipe de santé, notamment avec l'appui d'environ 600 médecins, dont des Cubains. Plus de 1000 étudiants en médecine sont en formation à Cuba et dans d'autres pays dont certains sont retournés au Timor-Leste depuis trois ans et travaillent dans les différents districts. Le ministère de la santé prévoit d'avoir dans chaque village une équipe de professionnels de la santé, composée d'un médecin, de deux sages-femmes, d'autant d'infirmiers, d'un pharmacien et d'un analyste.
La direction générale de la réinsertion des prisonniers tient un registre des reclus les plus vulnérables aux fins d'assister leurs familles et d'aider à la réinsertion des reclus. Le projet «Détenu heureux avec sa famille» prévoit des visites des proches du détenu pour que celui-ci puisse être tenu au courant des événements familiaux. Une fois libéré, le détenu est aussi assisté pour rentrer chez lui et pour trouver un emploi dans le métier dans lequel il s'est formé durant sa réclusion.
S'agissant de la traite des personnes, la délégation a souligné que depuis 2003, un Groupe de travail institutions sur la traite a été créé. Elle a mis l'accent sur le travail de sensibilisation des autorités locales et des écoles aux risques de cette pratique. Elle a aussi fait valoir que les sentences prononcées pour délit de traite ont été alourdies par le législateur, ajoutant que les victimes de la traite vers le Timor-Leste n'incluent pas de mineurs.
La délégation a rappelé qu'au lendemain du cycle de violence et de la guerre, le Gouvernement s'est résolument orienté vers une culture de la paix reposant sur l'éducation à la résolution de conflit par des voies pacifiques, inspirée de pratiques sociales positives. La pratique des arts martiaux est réglementée en tant qu'activité sportive. Cependant, plusieurs clubs ont dû être fermés en raison d'activités de certains de leurs membres. Le service militaire est volontaire et se fait entre 18 et 30. Le service militaire obligatoire n'existe absolument pas, et aucun citoyen de moins de 18 ans ne saurait être recruté, y compris en cas de conflit armé sur le territoire.
L'adoption internationale n'est pas encore réglementée et seul le code civil sert de référence pour les cas d'adoption nationale, a indiqué la délégation.
Conclusion
M. RODRÍGUEZ REYES a exhorté le Timor-Leste à des actions immédiates en faveur des enfants. L'expert a assuré que le Comité était prêt à renforcer sa collaboration avec le Timor-Leste, qui est encore confronté à des problèmes de renforcement des capacités et de mise en place de plans d'action accompagnés de ressources financières et humaines pour ne pas rester lettre morte.
La délégation de Timor-Leste a rappelé que son pays avait aussi défendu son rapport devant le Comité pour la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille au début de ce mois, preuve s'il en faut de l'attachement aux droits de l'homme, malgré les difficultés habituelles que peut rencontrer un pays nouveau. Le Timor-Leste continue de lutter en faveur de la protection, de la justice et du bonheur des enfants, en dépit des obstacles financiers, a-t-elle affirmé, en saluant la présence de l'UNICEF dans la salle, qui soutient énormément le Gouvernement dans ses efforts.
Le président du Comité a formé le vœu que tous les projets de Timor-Leste se concrétisent et a prié le Timor-Leste d'envisager de ratifier le troisième protocole facultatif à la Convention et d'appliquer les observations finales du Comité.
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CRC15/041F