Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DISPARITIONS FORCÉES EXAMINE LE RAPPORT DE L'IRAQ
Le Comité des disparitions forcées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par l'Iraq sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
Présentant ce rapport, M. Mohamed Saber Ismail, Représentant permanent de l’Iraq auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que l’objectif majeur des efforts du Gouvernement tend à la mise en place et à la consolidation d’un état démocratique solide et à mettre un terme à la violence des groupes armés. L’Iraq traverse une phase transitionnelle suite à 35 années de régime autocratique et à des guerres dévastatrices, a-t-il rappelé, assurant que le Gouvernement entend s’acquitter de ses obligations internationales, y compris en vertu de la Convention. Le crime de la disparition forcée a fait, parmi les fils du peuple irakien, des milliers de victimes dont on n’a pas de nouvelles jusqu’à ce jour, a poursuivi M. Ismail, avant de rappeler que selon le Groupe de travail sur les disparitions forcées, l’Iraq est le pays qui a le plus souffert de ce crime.
L’Iraq est partie aux Conventions de Genève de 1949 et la loi de 2005 sur la Cour pénale suprême iraquienne telle que modifiée érige le crime de disparition forcée en crime contre l’humanité, a rappelé M. Ismail, avant d’attirer l’attention sur un certain nombre d’enquêtes menées et sur les jugements prononcés contre certains membres de l’ancien régime reconnus coupables du crime de disparition forcée. Le pays ne ménage aucun effort pour renforcer son système de protection des droits de l’homme et s’acquitter de ses obligations internationales, a-t-il insisté, soulignant que la période d’extrême violence qui s’est abattue sur le pays depuis 2003 a constitué de ce point de vue un obstacle de taille. Toute une série de crimes contre l’humanité continue d’être commise et les actes terroristes – qui n’ont rien à voir avec l’islam – doivent être contrés avec résolution, a déclaré le Représentant permanent de l’Iraq, appelant le Comité à tenir compte des graves défis auxquels le pays est confronté.
La délégation iraquienne était également composée de représentants du Ministère du travail et des affaires sociales, du Ministère de l’intérieur et du Ministère des affaires étrangères, ainsi que de représentants du Gouvernement régional du Kurdistan. Elle a fourni aux experts membres du Comité des compléments d'information s'agissant, notamment, du projet de loi relatif aux disparitions forcées; du statut de la Convention dans l’ordre juridique interne; du Rassemblement populaire; des atrocités commises par Daech; de l’enregistrement des arrestations et détentions; des droits des détenus; de l’indemnisation des victimes et de leurs proches; de la loi d’amnistie; ou encore de la situation dans la région autonome du Kurdistan – au sujet de laquelle un représentant du Gouvernement régional du Kurdistan est intervenu à plusieurs reprises.
Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Iraq, M. Rainer Huhle, a rappelé que l’Iraq est le deuxième pays le plus visé par les demandes d’action urgente adressées par le Comité. Il a pointé du doigt la problématique des statistiques relatives aux disparitions forcées, faisant observer que pour certaines parties du pays, aucun chiffre n’est disponible. Le corapporteur a ensuite affirmé qu’en dépit des affirmations du Gouvernement selon lesquelles il n’y a pas de centre de détention au secret en Iraq, il existe dans ce pays des cas de détention au secret. Il s’est dit préoccupé par l’absence d’accès des familles à des informations concernant le lieu de détention de leurs proches.
Également corapporteur du Comité pour l'examen du rapport iraquien, M. Luciano Hazan a fait observer que si l’Etat iraquien affirme qu’il n’y a aucun cas de disparition forcée imputable à des membres de l’armée, le Comité a reçu des informations contraires attestant de tels cas dans le cadre de sa procédure d’action urgente. M. Hazan s’est en outre inquiété qu’après un certain délai, l’Etat prévoie de classer le dossier de disparition forcée; il a rappelé à l’Iraq l’obligation qui lui incombe de poursuivre les enquêtes.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, des observations finales sur le rapport de l'Iraq qui seront rendues publiques après la fin de la session, dont la séance de clôture se tiendra le vendredi 18 septembre.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial du Monténégro (CED/C/MNE/1), qu'il achèvera demain matin.
Présentation du rapport de l'Iraq
Le Comité est saisi du rapport initial présenté par l'Iraq (CED/C/IRQ/1), d'une liste de questions écrites s'y rapportant (CED/C/IRQ/Q/1) et des réponses de l'État concerné à ces questions (CED/C/IRQ/Q/1/Add.1).
Présentant le rapport de l’Iraq, M. MOHAMED SABER ISMAIL, Représentant permanent de l’Iraq auprès des Nations Unies à Genève, a réitéré l’attachement de son pays aux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il a indiqué que le processus de préparation et de rédaction du rapport s’est effectué sur une base consultative avec la mise sur pied d’une commission sectorielle placée sous la tutelle du Ministère des droits de l’homme et incluant un représentant de la province du Kurdistan iraquien. Des réunions ont également été tenues avec des militants et des représentants de la société civile, suite à quoi le rapport a été approuvé par le Conseil des ministres. L’objectif majeur des efforts du Gouvernement tend à la mise en place et à la consolidation d’un état démocratique solide et à mettre un terme à la violence des groupes armés, a souligné le Représentant permanent. L’Iraq traverse une phase transitionnelle suite à 35 années de régime autocratique et à des guerres dévastatrices, a-t-il rappelé, assurant que le Gouvernement entend s’acquitter de ses obligations internationales, y compris en vertu de la Convention.
Le crime de la disparition forcée a fait, parmi les fils du peuple irakien, des milliers de victimes dont on n’a pas de nouvelles jusqu’à ce jour, a poursuivi M. Ismail, avant de rappeler que selon le Groupe de travail sur les disparitions forcées, l’Iraq est le pays qui a le plus souffert de ce crime, avec plus de 14 000 victimes de disparitions forcées d’après les estimations.
Le Représentant permanent a ensuite attiré l’attention sur la création en Iraq de la Fondation des martyrs. Il a assuré que des dédommagements matériels sont versés suite aux enquêtes menées sur les crimes de disparitions forcées, crimes de guerre ou encore crimes contre l’humanité. L’Iraq est partie aux Conventions de Genève de 1949 et la loi de 2005 sur la Cour pénale suprême iraquienne telle que modifiée érige le crime de disparition forcée en crime contre l’humanité, a rappelé M. Ismail, avant d’attirer l’attention sur un certain nombre d’enquêtes menées et sur les jugements prononcés contre certains membres de l’ancien régime reconnus coupables du crime de disparition forcée. Le soulèvement de 1991 contre le régime dictatorial dans les provinces du sud a été une page noire de l’histoire récente de l’Iraq, a ensuite déclaré le Représentant permanent de l’Iraq, avant de rappeler la liquidation des partis politiques, notamment le parti communiste, par le parti Baas au pouvoir. Le régime n’autorisait aucune action politique et incriminait également les partis religieux, a rappelé M. Ismail. Ainsi, le parti Adda’wa (Dawa) a-t-il été considéré comme traître et ses membres ont été systématiquement victimes du crime de disparition forcée.
Désormais, le Gouvernement iraquien passe en revue de manière exhaustive ses engagements internationaux au regard des obligations qu’il a contractées en vertu des instruments ratifiés par le pays, a indiqué M. Ismail. Le pays ne ménage aucun effort pour renforcer son système de protection des droits de l’homme et s’acquitter de ses obligations internationales, a-t-il insisté, soulignant que la période d’extrême violence qui s’est abattue sur le pays depuis 2003 a constitué de ce point de vue un obstacle de taille. Toute une série de crimes contre l’humanité continue d’être commise et les actes terroristes – qui n’ont rien à voir avec l’islam – doivent être contrés avec résolution, a déclaré le Représentant permanent de l’Iraq, appelant le Comité à tenir compte des graves défis auxquels le pays est confronté. Il a appelé à la protection de la population irakienne, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, notamment face aux agissements intolérables de Daech.
M. Ismail s’est dit convaincu que grâce au travail et aux observations du Comité, son Gouvernement serait en mesure de relever les défis auxquels il est confronté afin que tous, en Iraq, puissent jouir de leurs droits. Il a enfin remercié les organisations de la société civile, partenaires dans cette action.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. RAINER HUHLE, co-rapporteur du Comité pour l’examen du rapport de l’Iraq, a déclaré qu’il est parfois difficile pour le Comité de comprendre les événements dans ce pays. Il a souligné que l’une des difficultés pour les experts est de savoir où en est la législation, s’agissant plus particulièrement du projet de loi (de mise en œuvre de la Convention) relatif aux disparitions forcées. M. Huhle a par ailleurs souhaité savoir si le Gouvernement iraquien avait l’intention de faire les déclarations prévues aux articles 31 et 32 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour examiner des plaintes individuelles (communications).
Le statut de la Convention en droit interne demeure peu clair, a poursuivi le corapporteur, souhaitant savoir si elle peut être directement invoquée devant les tribunaux.
M. Huhle a ensuite souhaité en savoir davantage sur les mesures prises par les autorités en réponse aux demandes d’action urgente que lui adresse le Comité, l’Iraq étant le deuxième pays le plus visé par de telles demandes. Il s’est néanmoins réjoui que certaines demandes aient d’ores et déjà abouti à des résultats positifs, le Comité ayant pu obtenir des nouvelles de personnes portées disparues.
Le Ministère des droits de l’homme semble ne plus exister alors qu’il s’agissait de l’entité chargée de se pencher sur les cas de disparitions forcées, s’est en outre inquiété le corapporteur.
M. Huhle s’est d’autre part enquis de la définition légale du crime de disparition forcée dans la législation nationale iraquienne. Est-elle conforme à celle énoncée dans la Convention ? L’Iraq établit-il une distinction entre un acte isolé de disparition forcée et des disparitions forcées massives qui pourraient être constitutives de crimes contre l’humanité ? Le corapporteur a ensuite pointé du doigt la problématique des statistiques relatives aux disparitions forcées, faisant observer que pour certaines parties du pays, aucun chiffre n’est disponible. Même si cela est ardu, le Gouvernement doit consentir des efforts pour avoir un panorama clair de la réalité sur l’ensemble du territoire iraquien, y compris dans la région autonome du Kurdistan, a insisté M. Huhle.
Prenant note que selon le Gouvernement, plus de 10 000 disparitions ont été enregistrées avant 2003 (soit avant la chute du régime de Saddam Hussein) et 2335 personnes ont été portées disparues depuis cette date, le corapporteur a relevé que les autorités iraquiennes ne fournissent pas concernant ces chiffres de données ventilées établissant une distinction entre «disparitions forcées» au sens de la Convention et «personnes disparues» pour toute autre raison.
M. Huhle s’est en outre enquis de l’éventuelle jurisprudence relative à la condamnation de supérieurs hiérarchiques militaires ou de la police voire d’autres forces de sécurité pour crime de disparition forcée.
Le corapporteur a ensuite affirmé qu’en dépit des affirmations du Gouvernement selon lesquelles il n’y a pas de centre de détention au secret en Iraq, il existe dans ce pays des cas de détention au secret. M. Huhle s’est dit préoccupé par l’absence d’accès des familles à des informations concernant le lieu de détention de leurs proches.
M. LUCIANO HAZAN, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport, a fait observer que si l’Etat iraquien affirme qu’il n’y a aucun cas de disparition forcée imputable à des membres de l’armée, le Comité a reçu des informations contraires attestant de tels cas dans le cadre de sa procédure d’action urgente. Il a par ailleurs voulu savoir si le Gouvernement a été saisi de plaintes sur des disparitions forcées imputables à des militaires ou sur la participation de membres de milices à des enlèvements. Quelle est la relation de l’Etat avec les milices? Sont-elles financées par l’Etat? M. Hazan a souhaité connaître la réaction de la délégation face aux allégations selon lesquelles certaines milices sont partie intégrante de l’Etat. En tant que groupes, ces milices ont-elles pris part à des violations des droits de l’homme et à des disparitions, a-t-il insisté? L’existence des milices est-elle interdite, s’est-il encore demandé?
Le corapporteur a par ailleurs souhaité savoir si le fait de ne pas libérer une personne détenue après un ordre de relaxe signifie qu’elle est portée disparue. En quoi consiste la loi d’amnistie, a-t-il en outre demandé ? Qu’en est-il de l’obéissance due à un supérieur, a également voulu savoir M. Hazan? Evoquant les 16 533 dossiers concernant des pensions des victimes du terrorisme en 2014, il a demandé si certains d’entre eux renvoient à des cas de disparitions forcées.
Le corapporteur s’est en outre enquis des mesures de soutien psychologique prévues pour les victimes et leurs proches. Il a ensuite insisté sur la nécessité pour l’Etat de garantir la réparation aux victimes et à leurs familles, relevant que tout ce qui a trait à la restauration de la dignité et aux garanties de réparations et de non-répétition n’est pas abordé dans le rapport, ni dans les réponses écrites. Des indemnisations sont-elles prévues pour les victimes de disparitions forcées ?
M. Hazan s’est en outre enquis de l’entité ou de la structure étatique à laquelle un proche d’une victime de disparition forcée peut s’adresser. Il a par ailleurs souhaité en savoir davantage sur la législation relative aux fosses communes. Que fait le Gouvernement des corps trouvés dans les fosses communes, a-t-il demandé?
M. Hazan s’est inquiété qu’après un certain délai, l’Etat prévoie de classer le dossier de disparition forcée ; il a rappelé à l’Iraq l’obligation qui lui incombe de poursuivre les enquêtes. Le corapporteur s’est d’autre part enquis des mesures prises en matière de prévention des disparitions d’enfants. L’adoption d’enfants de personnes disparues – ou la tutelle sur de tels enfants – peuvent-elles être annulées si le parent disparu est retrouvé, a-t-il demandé?
M. Hazan a également souhaité savoir si le délit d’usurpation d’identité est prévu par le législateur irakien.
Une autre experte s’est enquise de la transposition des articles de la Convention dans le droit interne iraquien. Comment l’Iraq applique-t-il les dispositions de l’article 16 de cet instrument relatif au principe de non-refoulement?
Un expert a souhaité en savoir davantage au sujet des disparitions forcées aux mains de groupes non étatiques.
Un autre expert s’est enquis des mesures prises par l’Iraq pour garantir les droits énoncés à l’article 17 de la Convention, relativement à l’interdiction de la détention au secret.
Un autre membre du Comité s’est inquiété de la possibilité de déclarer le décès d’une personne disparue sans en avoir de preuve indiscutable.
Déclaration d’un représentant du Gouvernement régional du Kurdistan
M. DINDAR ZEBARI, représentant du Gouvernement régional du Kurdistan, a souligné combien la disparition forcée constitue une grave violation des droits de l'homme. Il a rappelé le génocide et la politique d’extermination menés par l’ancien régime de la dictature (de Saddam Hussein) de 1968 à 2003, lequel a commis toutes sortes de violations des droits de l’homme au Kurdistan en particulier et en Iraq en général, des milliers de personnes ayant alors été victimes de disparitions forcées, leurs corps n’ayant souvent toujours pas été retrouvés à ce jour. Le Kurdistan, dans toute ses composantes ethniques et religieuses, condamne les disparitions forcées, y compris celles survenues après la chute du régime baasiste. Ces crimes se poursuivent aux mains de Daech, en particulier à l’encontre des Yazidis, a précisé M. Zebari, fustigeant par ailleurs la destruction des infrastructures économiques et du tissu social par Daech. Face à ces crimes atroces, il a appelé les Nations Unies et toutes les organisations pertinentes à établir une documentation sur les crimes commis aux mains de Daech à l’encontre des Yazidis et autres groupes ethniques et religieux. M. Zebari a par ailleurs fait état d’opérations de sauvetage de personnes dans les zones libérées, ce qui a permis de retrouver plus d’un millier de disparus.
Le droit pénal, en dépit des amendements apportés à certaines lois, ne protège pas la population de manière conforme aux prescriptions de la Convention, a fait observer M. Zebari. Il a annoncé que la délégation apportera davantage de détails sur les disparitions forcées et que les organisations non gouvernementales présentes peuvent faire de même.
Le Président du Comité, M. EMANUEL DECAUX, a indiqué saisir pleinement la complexité du contexte actuel en Iraq ainsi que tous les enjeux de mise en œuvre et de transposition des dispositions de la Convention dans la législation nationale. Il a souligné l’importance de l’article 30 concernant les appels urgents (lancés par le Comité) et a exprimé l’espoir que le Comité recevra des réponses concrètes dans ce contexte ; en effet, c’est à partir de cas individuels que l’on peut prendre la mesure des dysfonctionnements institutionnels, a-t-il souligné.
Réponses de la délégation
La délégation a déclaré que le Rassemblement populaire en Iraq a été créé pour faire face à l’organisation terroriste dite Daech qui a occupé des villes en Iraq et était arrivée aux portes de la capitale, une fatwa ayant été émise exhortant tous les hommes valides à combattre ce danger. Ce Rassemblement s’est organisé en force de soutien et des batailles féroces ont eu lieu qui ont permis la récupération de certaines régions, a expliqué la délégation. Le Gouvernement a ensuite trouvé une voie légale pour l’inclusion du Rassemblement populaire irakien dans l’armée afin de faire barrage aux crimes de l’organisation terroriste Daech, a indiqué la délégation.
Après avoir attiré l’attention sur les atrocités commises par Daech, la délégation a expliqué que le Gouvernement a libéré la ville de Tikrit où des crimes innommables avaient été perpétrés, en particulier contre les soldats irakiens qui ont été sommairement exécutés et jetés dans le fleuve ou empilés dans des fosses communes. Le travail d’identification dans ce contexte est un travail de longue haleine, a ajouté la délégation.
La délégation a ensuite expliqué que le projet de loi relatif aux disparitions forcées doit passer par plusieurs étapes pour être approuvé par le Conseil des ministres, le Président de la République et le Parlement, avant de faire partie intégrante de la législation nationale une fois la loi publiée dans le Journal officiel.
Le projet de loi sur les disparitions forcées prévoit une peine d’emprisonnement ferme de dix ans pour ce crime, la sanction étant alourdie si la victime est une femme ou un enfant, a ensuite précisé la délégation.
S’agissant du statut de la Convention dans l’ordre juridique interne iraquien, la délégation a indiqué qu’une fois qu’un traité international est signé par l’Iraq, il entre en vigueur une fois transposé dans la législation interne par une loi nationale. Pour l’heure, les ni les cours pénales et civiles, ni la Cour suprême fédérale n’ont encore directement invoqué l’une quelconque des conventions internationales auxquelles le pays a adhéré. Du point de vue légal, ces instruments sont applicables sur tout le territoire mais ce n’est pas le cas sur le terrain, a ajouté la délégation.
La délégation a ensuite indiqué qu’une personne ne peut être arrêtée que sur ordre d’un juge d’instruction. Lors d’une arrestation, le témoignage de la personne arrêtée est rédigé et présenté au juge et à l’avocat de la personne arrêtée ; en outre, sa famille est prévenue de son arrestation et de son lieu de détention. Sur décision du Premier Ministre, un registre électronique unique des arrestations est en train d’être mis en place à Bagdad, incluant en particulier le lieu et la date de toute arrestation ainsi que les données sur l’entité ayant procédé à l’arrestation et les motifs de l’arrestation. La délégation a toutefois attiré l’attention sur la fragilité de cette décision, faisant observer qu’elle pourrait tout autant être annulée par le prochain premier ministre.
La plupart des cas de disparitions forcées au Moyen-Orient et dans certaines villes d’Iraq concernent les femmes et les enfants car, généralement, les bandes armées tuent les hommes, a par ailleurs indiqué la délégation. Les femmes et les enfants sont régulièrement assujettis à l’esclavage et au travail forcé, a-t-elle ajouté. De leur côté, les crimes d’honneur sont «fortement maîtrisés» par la société irakienne, a-t-elle assuré.
Les membres des forces de sécurité ne peuvent opérer qu’après une formation spéciale - surtout depuis 2003 – incluant une solide instruction en matière de protection des droits de l’homme et de sauvegarde de la dignité des personnes arrêtées.
La délégation a d’autre part expliqué que les disparitions forcées sont signalées dans le Journal officiel et, le cas échéant, après au moins quatre ans, un document est émis qui considère la personne disparue comme étant décédée, ce qui permet de régler les questions d’héritage.
La loi sur la Fondation des martyrs et celle sur les victimes ont permis l’indemnisation de 37 601 personnes jusqu’en 2014. La Fondation des martyrs veille non seulement à l’indemnisation (matérielle) des familles des personnes disparues, mais aussi à leur indemnisation morale sous forme de privilèges pour poursuivre des études ou accéder à la fonction publique.
Il est difficile parmi les personnes portées disparues de faire la distinction entre celles qui ont disparu sous l’ancien régime, celles qui ont disparu pendant la guerre et celles qui ont disparu aux mains des groupes armés, a souligné la délégation. Des enquêtes sont actuellement conduites sur 2735 personnes disparues dont les noms figurent sur les bases de données de la Fondation des détenus politiques et de la Fondation des martyrs, a-t-elle précisé.
La délégation a par ailleurs indiqué que la loi d’amnistie publique générale de 2008 vise à favoriser le retour à la paix et l’entente entre les citoyens.
S’agissant des enfants, la délégation a indiqué que si les deux parents d’un enfant sont décédés, la loi n°78 de 2008 régit toutes les formes de tutelle ou de garde jusqu’à la majorité de l’enfant. Des enquêtes sont conduites concernant les mineurs disparus, a-t-elle ajouté. Lorsque des accusations sont portées contre un mineur avec des éléments de preuve, il est soumis à un test psychologique et en cas de détention, il est séparé des autres détenus, a d’autre part indiqué la délégation.
Le droit des détenus est régi par une loi spécifique leur donnant droit aux services d’un avocat (en privé), de voir un médecin, d’avoir une cellule séparée, d’avoir des vêtements, de regarder la télévision et de lire, a également indiqué la délégation. Une loi de 2003 permet aussi aux détenus d’entrer en contact avec leur famille et de recevoir des visites des membres de leur famille. Les détenus jouissent aussi du droit de déposer plaintes pour mauvais traitements.
S’agissant de la déclaration prévue aux articles 31 et 32 de la Convention, la délégation a expliqué que l’Iraq possède déjà une Commission nationale des droits de l’homme, qui a reçu des plaintes sur les disparitions forcées. Le Gouvernement irakien peut en conséquence être le destinataire de plaintes et les renvoie aux autorités compétentes, ce qui a d’ailleurs été salué au niveau international.
La délégation a ensuite affirmé qu’elle mène des enquêtes sur tous les crimes commis par Daech mais qu’à l’évidence, l’établissement de chiffres est rendu très difficile. La délégation a précisé que 350 cadavres retrouvés dans plusieurs fosses communes ont été identifiés. Des mesures ont déjà été prises par le Ministère des droits de l’homme et autres autorités compétentes afin d’établir une procédure à suivre dès qu’une fosse commune est découverte : il s’agit notamment d’exhumer et de conserver les restes, de procéder à des tests ADN, de les comparer aux proches des victimes pour confirmation et d’enterrer le défunt selon le désir de sa famille. Une banque de données biologiques a été mise en place, en collaboration avec un laboratoire spécialisé. Un programme de formation des médecins légistes est en cours et l’Iraq a sollicité une assistance technique concernant les questions relatives à l’ADN, a ajouté la délégation.
Un représentant du Gouvernement régional du Kurdistan est de nouveau intervenu pour attirer l’attention sur la crise économique occasionnée par l’occupation de certaines régions par l’Etat islamique de l’Irak et du Levant. S’agissant du rôle et de l’attitude des forces peshmergas, qui ont pu poser des questionnements en termes de droit, le représentant a souligné qu’il fallait bien assurer la défense de la région du Kurdistan. Le représentant n’a pas exclu qu’il ait pu y avoir des cas d’abus individuels, tout en excluant qu’ils aient eu lieu d’une manière systématique et organisée. Par contre, de nombreux villages sous contrôle de Daech ont été détruits tandis que d’autres ont été libérés par les peshmergas, a-t-il ajouté. Les forces peshmergas ont subi la perte de 1235 personnes et plus de 5000 peshmergas ont été blessés, a-t-il précisé.
Le Gouvernement régional du Kurdistan s’efforce aussi d’offrir tous les services appropriés aux personnes forcées à se déplacer, y compris celles installées dans les camps, a poursuivi le représentant. Il a précisé que, sur les 322 membres de Daech suspectés de terrorisme qui ont été arrêtés, 83 ont été libérés et 239 sont encore en détention dans la prison Asayesh d’Erbil. Ces détenus ont droit à la visite de leur avocat et de leur famille. Le CICR a visité à maintes reprises ces centres de détention et Human Rights Watch a été invité à en faire de même, a fait valoir le représentant. Toutes les personnes arrêtées comparaîtront devant un tribunal, a-t-il assuré. Il existe également d’autres prisonniers arrêtés sur les lignes de front mais dont les dossiers n’ont pas été encore traités par le département de lutte contre le terrorisme et ont été transférés à Erbil. Le représentant a souligné qu’il est encore dangereux de pénétrer les territoires occupés par Daech et qu’en cas de besoin, il faut avoir un kafil (tuteur représentant) qui sera tué si la personne qui est entrée sur le territoire ne revient pas.
En août 2014, après beaucoup de souffrances et d’atrocités, beaucoup de Yazidis ont été déplacés, et 5670 ont été enlevés, dont plus de 2000 femmes et enfants, a poursuivi le représentant, précisant qu’environ 400 femmes ont été libérées par la suite, la rançon payée étant de 2000 dollars par personne. Parfois, une rançon de 20 000 dollars a été payés à ISIL pour la libération d’une famille de quatre membres.
En conclusion, la délégation a réaffirmé l’engagement total de l’Iraq quant à la protection des droits de l’homme et à la mise en œuvre des observations finales du Comité, en dépit de la situation particulière que traverse le pays.
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CED15/010F