Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DE L'IRAQ
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de l'Iraq sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Le rapport a été présenté par le Chef du Département des droits de l'homme au Ministère iraquien des affaires étrangères, M. Hassan Janabi, qui a notamment souligné que, depuis 2003, le pays est passé de la dictature à un gouvernement de transition qui permet aux citoyens de bénéficier de droits, y compris de droits économiques, sociaux et culturels. Rappelant que dans les années 1990, l'Iraq était entré dans une période sombre, dont le pays espère maintenant être sorti, M. Janabi a souligné que la dictature a laissé des traces et que les blessures de l'Iraq n'étaient toujours pas cicatrisées. Après 2003 et jusqu'à ce jour, l'essor du terrorisme a été le principal facteur qui a empêché tout développement social et économique du pays. Malgré tout, les forces sociales ont convenu d'un calendrier pour prendre des mesures afin de restaurer la souveraineté de l'État. Le gouvernement actuel reste confronté à de graves difficultés, car les recettes pétrolières ont considérablement chuté, de sorte que le budget disponible pour financer le développement du pays s'est fortement réduit.
La délégation iraquienne, également composée d'autres représentants du Ministère iraquien des affaires étrangères, a répondu aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, du lien entre pauvreté et terrorisme; de la sécheresse et du partage des eaux du Tigre et de l'Euphrate entre Iraq, Syrie et Turquie; de la corruption; du principe de non-discrimination, s'agissant notamment des femmes, des personnes handicapées et des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués; des crimes d'honneur; de l'âge minimum du mariage; des questions d'emploi; du travail des enfants; des droits syndicaux; de l'impact de la chute du prix de pétrole; des questions de santé et d'éducation; des personnes déplacées; ou encore de la protection du patrimoine archéologique.
La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Iraq, Mme Virginia Bras Gomes, a souligné que les agissements des milices et de l'état islamique avaient aggravé toutes les formes de violence sexiste et sexuelle; aussi, aujourd'hui plus que jamais, les femmes doivent-elles être protégées par l'État et par les organisations de la société civile. La rapporteuse a par ailleurs rappelé que l'Iraq accueillait quelque 270 000 réfugiés et requérants d'asile en provenance d'Afghanistan. L'effort de l'Iraq en la matière est tout à fait louable, mais il semblerait que ces personnes n'aient pas toutes accès aux droits économiques, sociaux et culturels. En outre, l'Iraq compte plus de deux millions de personnes déplacées, avec des tensions de plus en plus importantes entre les groupes concernés, les réfugiés et les communautés d'accueil. Mme Bras Gomes a ensuite insisté sur la nécessité pour l'Iraq de mettre en place une société inclusive pour toutes les minorités et pour tous les groupes de la société.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées qui se tiendront avant la fin de la session, des observations finales sur le rapport de l'Iraq.
Le Comité examinera le rapport du Maroc (E/C.12/MAR/4 ) à partir de cet après-midi, 15 heures.
Présentation du rapport
Le Comité est saisi du rapport de l'Iraq (E/C.12/IRQ/4), ainsi que de ses réponses (E/C.12/IRQ/Q/4/Add.1 à paraître en français) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (E/C.12/IRQ/Q/4 ).
M. HASSAN JANABI, Chef du Département des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères de l'Iraq, a indiqué que son gouvernement avait à cœur de veiller à ce que ses engagements internationaux soient respectés. C'est pourquoi, en dépit de graves difficultés, notamment financières, il a tenu à envoyer devant le Comité la présente délégation. Ce rapport est le premier que présente l'Iraq depuis qu'en 2003, le pays est passé de la dictature à un gouvernement de transition qui permet aux citoyens de bénéficier de droits, y compris de droits économiques, sociaux et culturels, a rappelé M. Janabi.
Dans les années 1970, l'Iraq était parvenu à éradiquer l'analphabétisme, a rappelé M. Janabi. Malheureusement, le pays est ensuite passé à une dictature reposant sur une idéologie tribale et, dans les années 1990, l'Iraq est entré dans une période sombre. Le pays espère maintenant en être sortis, mais la dictature a laissé des traces; il y a eu des guerres, y compris internes, et les blessures de l'Iraq – pays qui a beaucoup souffert – ne sont toujours pas cicatrisées, a déclaré M. Janabi. L'embargo décidé par les Nations Unies suite à l'invasion du Koweït par l'Iraq a duré de nombreuses années, jusqu'à ce qu'il y soit mis un terme après le renversement de la dictature.
Mais le parti qui était au pouvoir est parvenu à détruire l'État et a laissé derrière lui une coquille vide, après avoir tué des dizaines de milliers de civils, a souligné M. Janabi. Après 2003, l'Iraq avait pensé qu'il serait aisé d'instaurer un régime démocratique, mais la chute du cours du dinar après 2003 atteste de la sévérité du ralentissement économique qui a suivi la chute de la dictature. Il a aussi attiré l'attention sur l'essor du terrorisme dans le monde et en particulier en Iraq après 2003 et jusqu'à ce jour. Le terrorisme a été le principal facteur qui a empêché tout développement social et économique du pays.
Malgré tout, les forces sociales ont convenu d'un calendrier pour prendre des mesures afin de restaurer la souveraineté de l'État. Le Gouvernement iraquien a respecté ce calendrier, qui prévoyait notamment l'organisation d'élections générales, en 2010 et 2014, a fait valoir M. Janabi. Il a ensuite rappelé qu'une commission nationale des droits de l'homme a été créée, dans un contexte difficile. A également été créé le Ministère des droits de l'homme, qui a fonctionné durant une dizaine d'années, avant d'être dissous il y a deux mois, sans pour autant que ne cesse la présence gouvernementale dans les diverses provinces afin d'y surveiller la situation des droits de l'homme, a ajouté M. Janabi. Il a en outre rappelé qu'un système de gouvernance décentralisée a été mis sur pied en Iraq.
Jusqu'au 9 avril 2003, la liberté d'expression n'existait pas en Iraq; mais après cette date, le nombre de publications de journaux, de chaînes de télévision et de stations de radio a explosé, sans que le Gouvernement ne s'immisce de quelque manière que ce soit dans ce secteur, a fait valoir M. Janabi. On a alors assisté à une explosion de la liberté d'expression. L'Iraq, qui possède un patrimoine culturel très riche, a enfin pu s'exprimer dans ce nouvel environnement, a insisté M. Janabi.
Mais la situation a évolué et le facteur terroriste a connu une montée en puissance, en particulier dans de vastes zones rurales, a poursuivi M. Janabi. Ces groupes terroristes et factions armées ont pu atteindre leur cible; en juin 2014, une organisation soi-disant nouvelle a occupé le devant de la scène sans que, dans un premier temps, personne ne perçoive correctement la cruauté de ce groupe et l'occupation de Mossoul a entraîné un effet domino. Après les élections de 2014, qui se sont déroulées de manière transparente et honnête, un nouveau gouvernement a été conduit au pouvoir sous la direction de M. Haïder al-Abadi. Ce gouvernement a recueilli l'appui de l'écrasante majorité de la population, ainsi que celui de la communauté internationale, mais il reste confronté à de graves difficultés, car les recettes pétrolières, qui constituaient plus de 90% des recettes de l'État lorsque le prix du baril était élevé, ont considérablement chuté, de sorte que le budget disponible pour financer le développement du pays s'est réduit d'autant. Quoi qu'il en soit, M. Janabi a assuré que la population iraquienne recevrait les meilleurs services possibles compte tenu des circonstances actuelles.
M. Janabi a dit que les autorités iraquiennes étaient convaincues de l'importance du rôle que peuvent et doivent jouer les femmes pour le développement économique et social du pays. Il a aussi fait valoir qu'une femme iraquienne ayant épousé un étranger peut désormais transmettre sa nationalité à ses enfants, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Les autorités iraquiennes s'efforcent de garantir la liberté de conscience et de religion, ainsi que la pratique des langues minoritaires, a poursuivi M. Janabi. Chacun sait que l'Iraq a été le berceau de la civilisation, a-t-il rappelé; malheureusement, suite aux opérations militaires de l'État islamique, une grande partie du patrimoine national a été détruite. Le Gouvernement n'en consent pas moins tous les efforts pour veiller à ce que les œuvres d'art volées soient restituées au Gouvernement iraquien, a déclaré M. Janabi.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
En prélude à la discussion, le Président du Comité, M. WALEED SADI, s'est dit convaincu que la solution aux problèmes que rencontre l'Iraq doit être appréhendée sous plusieurs angles d'approche. Mais pour le Comité, a-t-il souligné, le Pacte reste de ce point de vue un bon point de départ. Il serait intéressant de se pencher sur le lien entre montée du terrorisme et de l'extrémisme et privation des droits économiques, sociaux et culturels, a-t-il ajouté.
MME VIRGINIA BRAS GOMES, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Iraq, a rappelé la teneur des observations finales que le Comité avait adressées en 1997 à l'Iraq. Depuis, l'invasion américaine de 2003 a entravé la promotion des droits économiques, sociaux et culturels et aujourd'hui, les attentats terroristes de l'État islamique sont constitutifs de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité voire de génocide, a-t-elle indiqué.
En Iraq, il ne manque pas de programmes, de lois et d'initiatives, mais peu d'informations sont disponibles quant aux résultats obtenus, notamment à l'égard des groupes minoritaires, a ensuite fait observer la rapporteuse. Elle s'est enquise de données ventilées concernant les divers motifs de discrimination. Les agissements des milices et de l'État islamique ont aggravé toutes les formes de violence sexiste et sexuelle; aussi, aujourd'hui plus que jamais, les femmes doivent-elles être protégées par l'État et par les organisations de la société civile, a souligné Mme Bras Gomes.
Quant à la protection des réfugiés et personnes déplacées à l'intérieur du pays, la rapporteuse a rappelé que l'Iraq accueille quelque 270 000 réfugiés et requérants d'asile en provenance d'Afghanistan. L'effort de l'Iraq en la matière est tout à fait louable, mais il semblerait que ces personnes n'aient pas toutes accès aux droits économiques, sociaux et culturels, en dépit de ce que prévoient les conventions sur les réfugiés et sur l'apatridie, a-t-elle déclaré. En outre, l'Iraq compte plus de deux millions de personnes déplacées internes, avec des tensions de plus en plus importantes entre ces personnes, les réfugiés et les communautés d'accueil, a-t-elle fait observer.
Un autre membre du Comité a souhaité savoir si le Pacte peut être directement invoqué devant un tribunal iraquien. Face aux difficultés, en particulier financières, auxquelles le pays est confronté, que pense l'Iraq de l'aide et de la coopération internationale qui lui ont été apportées ces dernières années, plus particulièrement depuis 2011, a-t-il demandé ?
Un expert s'est inquiété d'informations laissant entendre que l'appareil judiciaire iraquien serait empreint d'une certaine partialité et ne serait pas suffisamment indépendant. Cet expert a en outre fait observer qu'entre 2005 et 2012, l'Iraq a engrangé d'importantes recettes pétrolières sans que la pauvreté ne diminue de manière substantielle, puisqu'elle n'a baissé que de 4% - et encore de manière inégale. Cet expert s'est par ailleurs enquis des mesures prises par les autorités iraquiennes pour lutter contre la corruption. L'Iraq n'a pas encore intégré tous les motifs de discrimination dans son ordre juridique interne, a également déploré l'expert, s'inquiétant du manque de protection à cet égard des personnes LGBTI. Le taux d'emploi des femmes (11%) est très faible par rapport à celui des hommes (67%), s'est d'autre part inquiété l'expert.
Une experte a déploré qu'aucune ONG n'ait été autorisée dans le pays à créer un foyer d'accueil pour les femmes victimes de violence.
La Commission nationale des droits de l'homme de l'Iraq dispose-t-elle d'un mécanisme qui lui permette de se saisir de plaintes de particuliers, a demandé un autre membre du Comité ? L'Iraq envisage-t-il d'accéder au Protocole facultatif se rapportant au Pacte (qui reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles), s'est-il également interrogé ? Il s'est en outre enquis des raisons qui ont présidé au démantèlement du Ministère des droits de l'homme.
Rappelant que l'Iraq est l'un des pays les plus menacés par le changement climatique, un expert a attiré l'attention sur le problème de la sécheresse en Iraq et a souhaité savoir quelle autre solution que celle consistant à indemniser les agriculteurs les autorités iraquiennes appliquent dans ce contexte. En la matière, il est très important d'avoir une stratégie préventive plutôt qu'une stratégie uniquement axée sur la réparation, a souligné cet expert, rappelant que tel est précisément le propos du Cadre de Sendai. Certains observateurs et analystes font le lien entre essor du terrorisme et changement climatique, a en outre fait observer l'expert.
Un autre expert s'est enquis de la part de main-d'œuvre employée en Iraq dans le secteur informel.
Une experte s'est enquise des mesures envisagées par l'État iraquien en vue d'harmoniser les âges de départ à la retraite pour les hommes et pour les femmes.
Qu'en est-il du travail des enfants en Iraq, a-t-il été demandé ?
L'accès aux soins de santé semble rester un problème pour de nombreux Iraquiens, se sont inquiétés plusieurs experts.
Un expert s'est enquis des mesures prises pour faire face à la pénurie de logements sociaux, en particulier dans les zones rurales. En dépit d'un recul, les taux de pauvreté et d'extrême pauvreté restent élevés en Iraq, a fait observer cet expert. Un autre membre du Comité a lui aussi relevé le caractère endémique de la pauvreté en Iraq, avant de s'enquérir de la stratégie mise en place pour la réduire.
Un expert a souhaité savoir s'il existait un accord de coopération entre l'Iraq et la Turquie concernant les eaux du Tigre et de l'Euphrate. Cet expert s'est ensuite enquis des résultats du programme mis en œuvre par les autorités iraquiennes pour résoudre le problème de pénurie en eau potable.
Évoquant la question des crimes d'honneur, un membre du Comité a fait observer qu'un article du Code pénal permet une réduction de peine dans certaines circonstances; ces circonstances atténuantes bénéficient essentiellement aux hommes, par exemple s'ils surprennent leur femme en situation d'adultère.
Des préoccupations ont en outre été exprimées au sujet du nombre élevé de médecins assassinés ces dernières années en Iraq. Il s'agit là d'une catastrophe car former de nouveaux médecins requiert un énorme investissement, a-t-il été souligné. Les autorités iraquiennes ont-elles procédé à une évaluation des besoins en personnel médical dans le pays, a-t-il été demandé ?
Un expert s'est inquiété des taux élevés de mortalité maternelle et infantile en Iraq; si l'on peut comprendre que ces taux soient particulièrement élevés dans les zones de conflit, il convient de relever qu'en Iraq, ces taux restent élevés même dans les zones où aucun conflit ne fait rage, s'est étonné l'expert.
Un membre du Comité s'est enquis de ce qu'il en est de l'accès des enfants des personnes déplacées à une éducation dans leur langue maternelle, s'inquiétant du risque que dans certaines régions d'accueil de ces personnes, le système éducatif ne propose pas d'enseignement dans la langue parlée par ces enfants.
Un expert a fait part de sa préoccupation face à la destruction, en Iraq, de tant de sites historiques, culturels et religieux et a souhaité savoir si le Gouvernement iraquien avait demandé, notamment à l'Unesco, une assistance pour la protection voire la reconstruction de ces sites.
En fin de dialogue, le Président du Comité, M. Waleed Sadi, a assuré que les membres de cet organe étaient pleinement conscients que l'Iraq se trouve dans une situation difficile et qu'une partie du pays échappe au contrôle du Gouvernement. Environ un tiers du pays est occupé par l'état islamique, a-t-il précisé.
Réponses de la délégation
La délégation a estimé que la pauvreté figure incontestablement au nombre des raisons qui poussent les plus radicaux dans les bras du terrorisme.
En ce qui concerne la sécheresse, la délégation a indiqué que près des trois quarts des eaux iraquiennes, qui proviennent essentiellement du Tigre et de l'Euphrate, appartiennent également à la Syrie et à la Turquie. Or, les pays voisins construisent des barrages pour maîtriser les flux de ces fleuves, a-t-elle rappelé, faisant observer que la Turquie – dont la capacité de stockage est très importante – avait coupé l'eau pendant près de trois ans. En plus des obstacles liés au changement climatique, il y a donc aussi les obstacles créés par l'homme, a souligné la délégation. La sécheresse est un problème qui doit être appréhendé aux niveaux régional et mondial, a-t-elle insisté.
Plusieurs membres du Comité ayant insisté pour mieux comprendre la façon dont est géré le partage des eaux du Tigre et de l'Euphrate, la délégation a indiqué que l'Iraq n'a pas signé d'accord en la matière avec la Turquie, mais uniquement avec la Syrie, mais cet accord n'a pas pu être mis en œuvre du fait que les sources du Tigre et de l'Euphrate sont en Turquie, qui a construit en amont d'importants barrages, comme celui d'Atartuk. L'État islamique, qui contrôle la zone frontière, peut lui aussi entraver le débit. Or, toutes ces eaux exercent une influence primordiale sur les marais du Chatt-el-Arab qui se trouve en aval et qui constitue une source de subsistance essentielle pour une grande partie de la population iraquienne, a souligné la délégation.
Le fléau de la corruption n'est pas l'apanage de l'Iraq, a ensuite déclaré la délégation, rappelant que le pays disposait désormais d'un Parlement qui demande des comptes au Gouvernement. C'est l'absence des forces de maintien de l'ordre sur certaines parties du territoire iraquien qui a entraîné l'arrivée d'éléments extérieurs et une remise en cause de l'autorité, situation propice à la propagation de la corruption, a expliqué la délégation.
La Constitution énonce et garantit la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, a ensuite souligné la délégation. Le pouvoir judiciaire est totalement indépendant en Iraq; les juges sont totalement indépendants et personne ne peut s'immiscer dans leur travail, sous peine de poursuites, a insisté la délégation.
Pour ce qui est du principe de non-discrimination, la délégation a rappelé qu'en Iraq, tous les citoyens sont égaux quelles que soient leur race, leur sexe ou leur couleur. Une loi de protection des personnes handicapées a été adoptée en 2013, qui est conforme à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, à laquelle l'Iraq est partie, a souligné la délégation. Selon la loi en vigueur, chacun en Iraq peut jouir sur un pied d'égalité du droit au travail.
S'agissant de la situation des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués en Iraq, la délégation a tout d'abord tenu à rappeler que la société iraquienne avait des valeurs morales; l'Iraq est un État musulman, a-t-elle insisté. Elle a toutefois ajouté par la suite que les «personnes LGBTI» étaient considérées comme des citoyens comme les autres; il n'y a pas de discrimination à leur encontre. Elle a par ailleurs précisé que ces personnes ne constituent pas une part importante de la population.
La Commission nationale des droits de l'homme, qui a obtenu le statut B auprès du Comité international de coordination des institutions nationales des droits de l'homme (CIC), peut recevoir et examiner des plaintes, a d'autre part indiqué la délégation.
Depuis un siècle, les femmes iraquiennes ont toujours pu bénéficier de droits, a assuré la délégation; mais en raison des guerres, notamment internes, on a pu constater une dégradation du rôle que pouvait jouer la femme dans la société iraquienne. Il n'en demeure pas moins que le principe de non-discrimination en fonction du sexe est garanti en Iraq, a fait valoir la délégation. Beaucoup de lois existent qui visent la promotion des droits des femmes, notamment afin d'accroître leur représentation politique et dans les postes décisionnels, a-t-elle ajouté. Elle a ensuite indiqué que l'Iraq s'est doté en 2013 d'une stratégie nationale en faveur de l'élimination de la violence contre les femmes (2013-2017).
Une loi a également été adoptée qui interdit les mutilations génitales féminines, a ensuite fait valoir la délégation. Des foyers d'accueil pour les femmes iraquiennes qui recherchent soutien et protection ont été créés dans plusieurs grandes villes iraquiennes, a-t-elle en outre indiqué.
Le projet de loi qui visait à fixer à 9 ans l'âge minimum du mariage a été rejeté, la loi maintien donc l'âge du mariage à 18 ans, a d'autre part indiqué la délégation,
S'agissant des droits syndicaux, la délégation a fait valoir que la législation désormais en vigueur dans le pays a permis la levée de toutes les interdictions qui entravaient la création de syndicats.
Le salaire minimum est régi par les articles 51 à 54 du code du travail, a indiqué la délégation.
Évoquant le manque d'emplois dans le pays, la délégation a indiqué que la seule perspective d'emploi pour les jeunes résidait dans l'engagement dans les forces armées. Plus d'un million de demandes d'engagement dans les forces armées ont été enregistrées dans le pays, mais évidemment, le pays ne peut pas engager autant de recrues, a précisé la délégation.
Du fait de la chute du prix du pétrole, l'État iraquien se retrouve avec 60% de recettes en moins, ce qui a amené le Gouvernement à appliquer une politique d'austérité qui se traduit notamment par une baisse de salaires pour les fonctionnaires, a expliqué la délégation. Le peuple iraquien devra accepter encore de consentir des sacrifices afin de garantir l'unité du pays, a-t-elle déclaré, avant de faire part du souhait des autorités de parvenir à diversifier l'économie.
S'agissant des questions de santé, la délégation a indiqué que le budget de la santé représentait 6% du budget national. L'Iraq compte au total quelque 255 hôpitaux publics, auxquels s'ajoutent 105 hôpitaux communautaires et civils (chiffres de 2013), ainsi que 2238 dispensaires (chiffres de 2012), a indiqué la délégation, faisant en outre part de projets de création de services hospitaliers obstétriques et pédiatriques. La délégation a en outre fait état d'une hausse du nombre de médecins dans le pays.
La délégation a d'autre part indiqué craindre qu'avec la sécheresse, le choléra – dont 400 cas ont été enregistrés dans le pays – ne s'étende.
Un membre de la délégation, M. Breen Tahseen, présenté également comme le chef de la communauté des Yézidis dans le monde, a rappelé l'occupation par Daech des régions habitées par des minorités, notamment la principale région d'habitation des Yézidis, où les femmes ont été tuées ou enlevées et vendues comme esclaves. Plus de 5000 femmes et jeunes filles, au total, ont été enlevées. Plus de deux mille ont pu être libérées avec l'aide des autorités iraquiennes, entre autres.
Répondant à une question sur les Pour ce qui est des crimes d'honneur, il est vrai que des circonstances atténuantes sont prévues pour les hommes (dans le contexte d'une femme adultère) et non pas pour les femmes, a reconnu la délégation. Quoi qu'il en soit, en Iraq, nous ne sommes pas permissifs pour les crimes d'honneur, qui ne sont pas répandus dans le pays, a ajouté la délégation, faisant état d'un cas survenu au Kurdistan iraquien. Cela ne vaut pas dire pour autant que l'égalité entre hommes et femmes soit totalement garantie, a-t-elle ajouté.
Le Gouvernement iraquien n'a ménagé aucun effort pour venir en aide aux personnes déplacées suite aux activités de Daech et répondre à leurs besoins, un comité spécial ayant été créé à cette fin. Il n'en demeure pas moins vrai que les autorités iraquiennes ne sont pas en mesure d'assurer des conditions de vie totalement satisfaisantes à ces personnes du jour au lendemain, car cela prend du temps que de créer les infrastructures, notamment scolaires, nécessaires à cette fin, a expliqué la délégation.
Un enfant de parents inconnus trouvé en Iraq conservera la nationalité iraquienne aussi longtemps qu'aucune preuve n'aura été apportée quant à son éventuelle autre nationalité véritable.
Le taux d'emploi des enfants âgés de 5 à 14 ans était de 6,4% en 2011, a indiqué la délégation, ajoutant que le Gouvernement iraquien s'engage à réduire ce taux.
Concernant les sites du patrimoine détruits en Iraq, la délégation a souligné que l'Iraq avait recherché l'aide de plusieurs organisations et entités internationales. Le Gouvernement n'a pour sa part ménagé aucun effort pour protéger ces sites et retrouver les œuvres qui ont été volées, a ajouté la délégation, précisant que plusieurs milliers de pièces avaient pu être récupérées. L'état islamique cherche à se financer en vendant des œuvres volées, a rappelé la délégation.
Aucune mesure gouvernementale n'encourage la mainmise sur des biens appartenant à des chrétiens ou leur expropriation, a ensuite souligné la délégation. Comme en maints autres endroits dans le contexte du Moyen-Orient, il peut y avoir des attaques à l'encontre de membres de minorités, mais ces attaques ne sauraient être soutenues par le Gouvernement, a-t-elle insisté. Au Moyen-Orient, que ce soit au Liban, en Syrie ou en Iraq, il y a des circonstances qui poussent à l'expulsion des minorités et ce sont là des circonstances dont le Gouvernement iraquien, en ce qui le concerne, n'est pas responsable, a déclaré la délégation; il faut tout faire pour permettre aux communautés minoritaires de rester dans leurs régions et cela doit procéder d'un effort à la fois national, régional et international, a-t-elle ajouté.
Observations préliminaires
À l'issue du dialogue, la rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Iraq, MME BRAS GOMES, a déploré que les réponses apportées par la délégation aux questions des experts n'aient pas toujours été aussi détaillées qu'escompté. Certes, nous avons conscience que l'État iraquien n'a pas la maîtrise de la totalité de son territoire, mais la responsabilité de l'État reste une obligation à laquelle il ne saurait être dérogé, a ajouté la rapporteuse. Elle a insisté sur la nécessité pour l'Iraq de mettre en place une société inclusive pour toutes les minorités et pour tous les groupes de la société.
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ESC15/026F