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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU SOUDAN

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Soudan en vertu de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le rapport du Soudan a été présenté par le Rapporteur du Conseil consultatif des droits de l'homme, M. Muaz Ahmed Mohamed Tungo, qui a insisté sur le caractère multiculturel, multiracial et plurilingue du pays, affirmant que les différentes communautés, qu'il a présentées comme constituées de groupes tribaux et non d'ethnies ou de peuples autochtones, coexistent de manière pacifique et sans aucune discrimination. Il a rappelé que le rapport présenté au Comité concerne une période allant de 2000 à 2008, période durant laquelle le pays a fait face à de nombreuses difficultés et connu de grands changements, notamment avec la crise au Darfour et l'Accord de paix global qui a abouti en 2011 à la séparation du Soudan du Sud. Il a expliqué que la Constitution de 2005 fait du Soudan un État uni dont la diversité est une source d'inspiration et garantit à tous les citoyens soudanais les mêmes droits et devoirs. Il a également mis l'accent sur la législation relative aux droits de l'homme et aux différents mécanismes de protection de ces droits, notamment la Commission nationale des droits de l'homme. Il a enfin fait état à plusieurs reprises de l'impact négatif des sanctions imposées de l'extérieur pour le développement du pays et la jouissance des droits de l'homme, notamment les droits économiques, sociaux et culturels.

La délégation soudanaise comprenait au total cinq personnes, dont un autre membre du Conseil consultatif des droits de l'homme et trois membres de la Mission du Soudan auprès de l'Office des Nations Unies à Genève. Elle a répondu à des questions des membres du Comité portant sur la diversité ethnique, culturelle et religieuse du pays; les différents organes des droits de l'homme du pays, leur statut juridique et l'articulation de leurs compétences; la situation des réfugiés et des personnes déplacées, en particulier au Darfour; le statut des femmes; la traite des migrants et le travail forcé; le sort de plusieurs groupes ethniques ou tribaux; les questions de nationalité, notamment dans le cadre de la séparation du Soudan du Sud; le degré de participation de la société civile; l'accès à la justice, entre autres.

L'expert du Comité chargé de l'examen du rapport soudanais a reconnu la volonté de collaboration avec le Comité et de transparence de la délégation. Il a toutefois constaté l'absence de rapports alternatifs de la société civile et s'est enquis du rôle de celle-ci. Il a par ailleurs demandé comment les principes de non-discrimination de la Convention étaient intégrés dans la législation interne. Il a aussi noté le caractère transitoire de la Constitution de 2005 et a fait observer que le pays semblait connaître depuis la fin de 2013 un regain de tensions internes. D'autres membres du Comité ont salué le retour de la délégation devant le Comité après 14 ans d'absence. Certains ont porté leur attention sur le fait que le droit soudanais prenait comme source la charia, D'autres se sont intéressés à la place des non-musulmans, en particulier en matière de justice. Certains se sont enquis de l'état d'avancement du projet de loi sur la discrimination raciale. Une experte s'est étonnée de l'affirmation de la délégation selon laquelle il n'y avait pas de plaintes pour discrimination au Soudan. Les experts ont aussi porté leur attentions sur l'affirmation selon laquelle le pays avait une structure «tribale plutôt qu'ethnique».

Les observations finales du Comité sur tous les rapports examinés au cours de la session seront rendues publiques à la clôture des travaux, le vendredi 15 mai.


Cet après-midi, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Allemagne (CERD/C/DEU/19-22), qu'il poursuivra demain matin.


Présentation du rapport du Soudan

Présentant le rapport du Soudan (CERD/C/SDN/12-16), M. MUAZ AHMED MOHAMED TUNGO, Rapporteur du Conseil consultatif des droits de l'homme du Soudan, a d'abord présenté ses excuses pour l'absence de certains membres de la délégation initialement annoncée de son pays, «pour des raisons urgentes qui les dépassent». Il a rappelé que son pays avait adhéré à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale dès 1977, ainsi qu'à plusieurs autres conventions internationales et régionales dans le domaine des droits de l'homme.

Le Soudan est riche de peuples divers; c'est un État multiculturel, multiracial et plurilingue dans lequel les différentes communautés coexistent de manière pacifique. Le rapport combiné présenté au Comité concerne une période allant de 2000 à 2008. Il reflète les efforts déployés et les progrès réalisés pour éliminer toutes les formes de discrimination raciale. La période couverte a été sensible et le pays a connu des défis et des changements majeurs, sur les plans économique, politique et social. Le Soudan a choisi la transparence et d'expliquer ces défis en s'appuyant sur le principe du dialogue véritable et constructif entre le Comité et les États parties.

La paix est une valeur noble pour l'humanité et pour le Soudan. L'État veille à ce que règnent la paix, la sécurité et la stabilité, afin qu'elles profitent à tous les Soudanais. Pour cela, l'État doit assumer ses responsabilités. Le Gouvernement a choisi la négociation avec ceux qui ont porté les armes et constitué une menace à la paix et la sécurité internationales dans leur recherche d'objectifs politiques avant la conclusion des accords de paix. L'Accord de paix global de 2005 a consacré le droit à l'autodétermination des gouvernorats du sud du Soudan et a abouti à la sécession du Soudan du Sud, à l'accord de 2006 sur la paix dans l'est du Soudan et à l'accord de Doha de 2011. La Constitution de 2005, qui a suivi l'Accord global de paix, a fait du Soudan un État uni dont la diversité est une source d'inspiration. La citoyenneté est la base des droits, de l'égalité et des devoirs de tous les Soudanais.

De nombreuses lois nationales ont été adoptées qui visent toutes à la protection des droits de l'homme. La Cour constitutionnelle joue un rôle fondamental en ce domaine. Le Soudan a lancé en 2013, en coopération avec la société civile, un plan national en faveur des droits de l'homme, à l'échelle du pays. La mise en œuvre de ce plan a commencé en 2014 et s'est articulée sur la sensibilisation aux droits de l'homme, leur protection et la promotion et la jouissance des droits civils et politiques et des droits économiques, sociaux et culturels. Elle s'appuie sur une Commission consultative des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris.

Les tribunaux et institutions judiciaires n'ont enregistré aucune plainte pour discrimination raciale. La Cour constitutionnelle a enregistré en 2008 une plainte directement déposée auprès d'elle par deux joueurs de football soudanais par naturalisation, concernant l'interdiction faite à un club d'avoir plus d'un joueur naturalisé de même nationalité d'origine autre que soudanaise. La Cour a décidé qu'elle pouvait être ainsi saisie directement. Elle a jugé inconstitutionnelle la réglementation en cause, qui revenait à établir une discrimination entre Soudanais d'origine et Soudanais par naturalisation.

Un comité spécifique a été créé pour élaborer un projet de loi contre la discrimination raciale. Le projet de loi sera promulgué après son examen par le Parlement lors de la session de juin prochain. La nouvelle législation entraînera un amendement du code pénal. Toute incitation à la haine ethnique ou religieuse est interdite et punissable.

Le Commissariat national aux droits de l'homme, créé en 2009, compte 15 membres, dont six membres nommés par décret présidentiel, pour la première fois en 2012. La structure du Conseil est très représentative. Le Commissariat reçoit des plaintes individuelles et présente des recommandations idoines à tous les organes pertinents.

La notion de discrimination ethnique ou ethno-religieuse est peu utilisée au Soudan, pays composé surtout de groupes tribaux. On compte des dizaines d'ethnies mais il n'y a pas de «snobisme ethnique». Le pays compte une grande diversité culturelle, avec plus de cent langues et dialectes.

Parmi les principales institutions de droits de l'homme, on compte notamment la Cour constitutionnelle, le Haut-Commissariat national aux droits de l'homme, la Commission nationale des droits de l'homme ou encore le Conseil consultatif des droits de l'homme. Il est facile de déposer plainte si on estime être victime de discrimination: il existe plus de 15 manières légales de porter plainte.

La diversité ethnique et culturelle est respectée partout dans le pays, y compris dans l'État du Nil et celui du Kordofan, qui bénéficient tous deux d'un statut particulier avec en outre la possibilité de recourir à des tribunaux traditionnels ou populaires, ce qui étend encore l'accès à la justice de la population. Malgré les difficultés rencontrées dans ces deux provinces, le dialogue n'a jamais été rompu.

Un accord de paix pour les provinces de l'Est a été conclu en 2006 et reste à mettre en application. L'État veille à assurer l'accès aux services aux populations des deux provinces concernées qui, il est vrai, sont frappées par la pauvreté, d'autant qu'il existe des conflits armés lancés par des groupes financés de l'extérieur qui entravent la reconstruction. En outre, le Soudan est soumis depuis plusieurs années à des sanctions économiques unilatérales imposées de l'extérieur qui nuisent au développement. Il faut toutefois distinguer la pauvreté de la population des services fournis par l'État. Ainsi, les deux régions de l'est du pays – Kassala et Mer Rouge –, sont en fait parmi les plus développées de la région.

Les migrations que connaît le Soudan sont liées à des situations économiques et de sécurité. La stratégie d'ouverture de camps, commencée en 2003 au Darfour, ayant eu des effets négatifs sur les populations alentour, le Soudan a décidé de ne plus ouvrir des camps pour les personnes déplacées mais d'intégrer celles-ci dans la population. Cela facilite notamment l'accès à l'éducation et à un logement décent, là encore malgré les contraintes imposées par les sanctions unilatérales. Le Gouvernement encourage en outre les retours volontaires, y compris par la création de 211 «villages du retour» dans les différentes parties du Darfour. L'accent y est mis sur la sécurité et l'accès aux services sociaux de base, comme l'éducation, la santé ou l'assainissement.

Les normes d'accès à la fonction publique sont la compétence et les diplômes requis, dans le cadre de concours ou examen de sélection selon une procédure transparente. Il existe dans chaque gouvernement une réglementation sur la fonction publique, réservée au Soudanais, sauf exception prévue par la loi. Le recrutement dans les services de police se fait par concours, là encore sans aucune discrimination, suivie d'une formation dans une académie de police. L'accès aux fonctions politiques se fait elle aussi sans aucune discrimination. Les élections de 2015 se sont déroulées de manière parfaite et sans aucune discrimination.

Concernant les non-Soudanais, y compris les réfugiés et demandeurs d'asile, le Gouvernement du Soudan coopère avec le Soudan du Sud et les organisations spécialisées dans le cadre d'un accord relatifs aux ressortissants soudanais qui se trouvent au Soudan du Sud. L'accord a été salué par le Haut-Commissariat pour les réfugiés. Une loi de 2014 régit le statut des demandeurs d'asile et régit la lutte contre la traite des êtres humains. Le Commissariat national aux réfugiés, avec l'appui du Haut-Commissariat pour les réfugiés et de l'Organisation internationale pour les migrations, veille au renforcement des capacités de lutte contre la traite, qui concerne notamment les réfugiés érythréens. La stratégie nationale a contribué à l'atténuation du phénomène de la traite, le nombre de cas étant passé de 392 en 2012 à 113 en 2014.

Enfin, au Darfour, un procureur général a été nommé pour enquêter sur les violations des droits de l'homme et enregistrer les plaintes concernant les événements de 2003.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. MELHEM KHALAF, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Soudan, a salué la délégation, ainsi que le fait que le pays présente ses rapports, même avec retard. La bonne présentation du rapport reflète la conviction du Soudan quant à l'importance du dialogue sur la situation dans le pays et la lutte contre les formes de discrimination raciale dans le pays. Le rapporteur a noté la richesse ethnique, culturelle et linguistique du pays et sa volonté sincère d'asseoir la paix après un conflit qui l'a accablé et ce, avec une aide importante, internationale et africaine, et malgré des difficultés. Il a rappelé le processus de paix avec le Sud, marqué par l'accord général de 2005 qui a été respecté, et l'accord de Doha de 2011 sur le Darfour, puis l'accord visant à mettre fin au conflit de l'Abyei, un processus soutenu par les Nations Unies. Le Soudan a ainsi pu dépasser une période de conflits accablants.

Toutefois, à la fin de 2013, les tensions se sont multipliées et de nouvelles accusations ont surgi. Il est donc redevenu essentiel de mettre de l'ordre et d'éviter que ne resurgissent les conflits internes, sans parler des conflits internationaux. L'Union africaine joue un rôle d'intermédiaire pour différents conflits, au Darfour, dans l'État du Nil bleu ou celui du Kordofan du Sud, avec une force de maintien de la paix hybride. Au Darfour, les conflits prennent des formes diverses, entre le Gouvernement et des groupes rebelles, ou entre groupes rebelles. Depuis 2014, près de 58 000 personnes ont été nouvellement déplacées. Dans l'État du Nil bleu aussi, il y a des violations des droits de l'homme et des violences sexuelles graves. De multiples autres causes expliquent les difficultés en matière de droits de l'homme, y compris par exemple des projets de barrage qui entraînement de déplacement supplémentaires de populations.

Il faudrait obtenir du Soudan qu'il facilite l'accès et l'acheminement de l'aide humanitaire. Le rapporteur a dit craindre de nouvelles pressions sur la société civile. Constatant qu'il n'y avait pas eu de rapport alternatif présenté par celle-ci, il a souhaité savoir qui dans la société civile avait participé à la préparation du rapport de pays. Il a demandé comment les principes de non-discrimination de la Convention étaient intégrés dans la législation interne. Il a noté que la Constitution de 2005 était provisoire et a noté qu'il n'y avait pas eu de nouvelle constitution après le terme de la période transitoire marquée par l'indépendance du Soudan du Sud. Il a surtout noté qu'il n'existait pas de définition officielle de la discrimination raciale. Des textes font certes état de l'égalité entre tous les citoyens mais il n'existe pas de dispositions conformes à l'article 4 de la Convention.

Le rapporteur s'est en outre préoccupé des dispositions concernant la nationalité dans le cadre de la séparation du Soudan du Sud, estimant qu'il pourrait y avoir un risque de cas d'apatridie.

Le rapporteur a regretté l'insuffisance de statistiques sur les ethnies. Il a ainsi noté qu'il l'absence totale de données concernant les populations nomades, leurs lieux de vie, leur accès à la santé et aux services sociaux de base. Il a félicité le Soudan pour la mise en place de la Commission nationale des droits de l'homme, tout en demandant des garanties sur l'indépendance de ladite commission, dont les membres sont nommés par le Président, et des informations sur la manière dont elle travaille. La Commission a-t-elle l'intention de rejoindre le réseau international des institutions nationales des droits de l'homme?

Parmi les autres membres du Comité, deux experts se sont félicités de la présence de la délégation du Soudan devant le Comité, pour la première fois depuis 2001. Ils ont souhaité une actualisation du document de base, élément constitutif du rapport, qui date de 1999 et ne reflète donc plus la situation du Soudan d'aujourd'hui, notamment géographiquement du fait de la séparation du Soudan du Sud en 2011.

Un expert a noté que le rapport faisait état de nombreuses contraintes imposées de l'extérieur dans l'amélioration en particulier des conditions de vie des personnes déplacées.

Un expert a demandé des précisions sur la grande diversité culturelle et linguistique du pays. Un autre a demandé quelle était la différence entre une tribu et un petit groupe ethnique.

Un expert a constaté que le mariage n'était pas consenti par la femme mais apparemment décidé par les membres masculins de sa famille, ce qui est une pratique certes traditionnelle mais incompatible avec les droits des femmes. Il a demandé s'il y avait toujours condamnation à mort par lapidation en cas d'adultère. Un homme pourrait-il être soumis au même châtiment dans les mêmes circonstances? Les femmes peuvent–elles témoigner à égalité de droit avec les hommes aux termes de la loi? Une experte a rappelé que, devant le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, le Soudan avait fait état d'un vaste processus en cours tendant à l'adhésion à la la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Constatant que le droit prenait comme source la charia, une experte a demandé quelle loi était appliquée aux populations soudanaises non musulmanes. Un autre expert a demandé s'il existait des juges non musulmans. Si un citoyen non musulman commet un crime, est-il soumis aux mêmes sanctions prévues par la loi islamique qu'un musulman?

Un expert s'est enquis du contrôle judiciaire sur les services de renseignements et les services secrets, qui ont très mauvaise réputation en matière de droits de l'homme, et sur l'impunité dont bénéficieraient souvent leurs membres.

Des experts se sont enquis du statut de la Commission nationale des droits de l'homme. Est-elle bien conforme aux Principes de Paris? Comment peut-on la dire indépendante et impartiale si ses membres sont nommés par le Président de la république.

Un expert a demandé comment s'articulaient les différents organes de droits de l'homme et en quoi consistait le plan stratégique de quatre ans mise au point par la Commission nationale des droits de l'homme. Il a demandé la position du Soudan concernant la ratification de la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail sur les peuples indigènes et tribaux.

Une experte a estimé que les mesures institutionnelles prévues trouvaient rarement une traduction concrète. Elle a demandé où en était le processus d'adoption d'une nouvelle Constitution, celle de 2005 étant provisoire. Elle a demandé où en était le projet de loi sur la discrimination raciale. Des experts ont demandé si ce texte comportait une définition et une incrimination de la discrimination raciale.

Rappelant que le Soudan, après la séparation du Soudan du Sud, restait le troisième plus grand pays d'Afrique et comptait encore de 31 millions d'habitants, un expert a noté les abondantes ressources encore inexploitées du pays et les conflits qui sont apparus pour s'en assurer le contrôle. Il a estimé que le Soudan avait répondu aux préoccupations exprimées en 2001 par le Comité et que, si on considérait seulement la Constitution, les droits de la population semblaient bien protégés. Pourtant, il existe de nombreux problèmes, que la délégation a reconnus dans sa présentation. Si la Constitution actuelle était réellement appliquée, elle permettrait de résoudre une grande partie de ses problèmes du pays.

Des membres du Comité se sont enquis de la situation au Darfour, sur laquelle le rapport est lapidaire. Que fait, ou a l'intention de faire, le Gouvernement du Soudan pour résoudre les problèmes rencontrés par les populations déplacées du Darfour pour rentrer chez elles, ce qui représente une tâche énorme. Un expert a demandé des informations sur le sort du peuple Dinka, troisième groupe démographique du pays. Une autre s'est inquiété du sort du peuple nouba.

D'autres experts se sont enquis de la réduction des ressources apportées par les agences internationales. Un expert a demandé pourquoi le Haut-Commissariat pour les réfugiés avait retiré son assistance et si ce retrait concernait seulement, comme semble l'indiquer le rapport, les populations d'origine érythréenne et éthiopienne.

Une experte s'est étonnée de l'affirmation de la délégation selon laquelle il n'y avait pas de plaintes pour discrimination au Soudan, alors qu'on trouve de telles plaintes dans tous les pays. Un expert a demandé des précisions sur l'affirmation que le pays avait une structure plus tribale qu'ethnique. Le Soudan entend-il que les conflits intertribaux n'ont pas de caractère racial, ce qui les exclurait de la compétence du Comité?

Le Soudan sort d'un conflit prolongé, a rappelé un expert. Une telle situation laisse des traces. Or, le rapport se veut très optimiste. Le conflit a-t-il touché plus particulièrement certains groupes ethniques et que fait pour eux le Gouvernement aujourd'hui. Le Comité ne dispose pas de données sur l'état des groupes ethniques et, en leur absence, ne peut évaluer l'application de la Convention. L'expert a demandé des informations sur le nombre de plaintes et auprès de quel organe elles étaient déposées.

Un expert s'est inquiété des restrictions imposées par les autorités soudanaises à l'expression des droits civils et politiques et a regretté l'absence de représentants de la société civile.

Un expert a noté le faible niveau d'éducation de la population, notamment s'agissant de la scolarisation des enfants, ce qui aura des effets négatifs sur le développement économique et social du pays. Ila demandé des précisions sur les investissements du pays dans le domaine de l'éducation, notamment en faveur des populations les plus éloignées et des minorités.

Un membre du Comité a rappelé qu'aux termes de la Convention, l'ethnie n'était pas définie par la science mais sur la base de l'auto-identification, en fonction notamment de critères culturels. Il en est de même pour la définition des groupes autochtones. Il serait donc bon que l'État partie explique comment il définit les peuples autochtones. Par ailleurs, le Comité se préoccupe de discriminations de fait, même si l'origine d'un conflit n'est pas une question ethnique mais une question de ressources.

Une experte a estimé que, malgré de réels progrès, il restait au Soudan beaucoup à faire en ce qui concerne l'égalité homme-femme. Elle s'est enquise des mariages entre Soudanais et étrangers et a demandé si la nationalité soudanaise pouvait être transmise par les femmes. Si la charia ne s'applique qu'aux musulmans, comment identifie-ton les non-musulmans. L'ethnie n'est pas inscrite sur les documents d'identités, la religion l'est-elle? Comment un non-musulman fait-il pour ne pas être jugé sur la base de la charia?

Un expert a estimé que le rapport faisait comme si certaines difficultés n'avaient jamais existé, ce qui rend difficile toute approche constructive. Le Soudan ne devrait pas nier une réalité éclatante. Quand on dit «nous sommes tous noirs, tous musulmans, il n'y a pas de différence», entend-on qu'il y aurait une ethnie soudanaise unique?

Un autre expert a relevé que le Comité ne recherchait pas la pureté des races, ce qui serait du racisme, mais à savoir s'il existe dans un État partie des groupes différents avec le risque de certains soient victimes de discriminations par rapport à d'autres. En ce qui concerne les autochtones, la délégation a affirmé que le système juridique ne les reconnaissait pas, mais n'y a-t-il pas, dans la réalité, des groupes particuliers, comme il en existe dans d'autres pays africains. Ne pas reconnaître une réalité peut être source de discrimination.

Réponses de la délégation

La délégation a déclaré que, comme le Comité, elle souhaitait améliorer l'application de la Convention sur le territoire du Soudan. Le Gouvernement du Soudan s'est efforcé depuis les années 1990 de trouver une solution négociée à tous les conflits et a signé depuis 1992 de nombreux accords de paix. Après la séparation du sud du Soudan, le pays a pu organiser avec son nouveau voisin les conditions de la coexistence et d'une coopération pacifique. Malheureusement, la guerre civile au Soudan du Sud entrave l'application de l'accord signé.

Le Gouvernement du Soudan tente de poursuivre toutes les personnes accusées de violations des droits de l'homme, notamment en collaboration avec l'Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD). Toutefois, la MINUAD n'a toujours pas accepté de se présenter devant les tribunaux soudanais pour apporter sa contribution aux enquêtes et poursuites à l'encontre de membres de cette force ou de citoyens soudanais.

Les instruments internationaux priment parfois sur le droit national mais certaines doivent d'abord être transcrites en droit national par le biais d'une législation, a par la suite expliqué la délégation. En revanche, le droit coutumier international peut être appliqué directement s'il peut être prouvé que les mesures concernées relèvent effectivement du droit international coutumier. Concernant la Convention de l'OIT sur les populations indigènes et tribales, la délégation a expliqué que la définition internationale des populations autochtones n'était pas applicable au Soudan.

La charia ne s'applique qu'aux musulmans. Les non-musulmans, qui forment au Soudan une minorité religieuse, jouissent de tous les droits liés à la citoyenneté soudanaise. Le Vice-Président de la Commission nationale des droits de l'homme est d'ailleurs un chrétien membre d'une minorité copte. Il existe des juges ou procureurs de confession chrétienne, nommés sur la base de leurs qualifications. Mais le fait est que la population du Soudan est à 98% musulmane.

Il n'y a pas au Soudan de «Soudanais de souche» à opposer à d'autres. La population est homogène et il n'y a pas d'ethnies qu'on pourrait qualifier d'autochtone, ni d'ethnie qu'on pourrait qualifier de «pure». Il n'y a pas, comme on le dit parfois dans les médias, d'«Arabes» ou d'«Africains» au Soudan. Tout le monde y a la peau noire et est musulman. La population et la civilisation soudanaise sont très anciennes, comme l'indiquent les nombreux sites archéologiques du pays. Le système tribal n'est pas ethnique. La carte d'identité nationale ne donne pas d'indication sur la tribu et personne n'est tenu de déclarer la tribu à laquelle il appartient. Le conflit au Darfour n'est pas non plus un conflit entre Arabes nomades et Africains cultivateurs sédentaires: il existe parmi les nomades des groupes africains et des groupes arabes.

Suite à des questions complémentaires sur ces questions, la délégation a répondu que les quelques centaines de tribus que compte le pays ne correspondaient pas à autant de groupes ethniques. Il existe ainsi environ 250 tribus qui s'identifient ainsi sur le plan de l'organisation tout en se considérant comme arabes. Il n'existe pas au Soudan de groupe qui se distingue par sa culture ou tout élément qui permettrait de définir un peuple autochtone au sens du droit international, avec les protections qui y sont associées.

Il n'existe pas de mention de l'ethnie, de la tribu ou de la religion sur la carte d'identité. Mais, dans un tribunal, le juge interroge la personne sur son nom, son âge et sa religion. L'intéressé n'est pas tenu de répondre mais peut s'affirmer musulman ou non-musulman. La charia ne s'appliquera qu'à une personne qui s'affirmera musulmane.

Le Gouvernement a mis fin à l'activité d'organisations qui travaillent en violation de la loi et qui ont fait l'objet de poursuites judiciaires car elles n'agissaient pas en conformité avec la loi. Il ne s'agissait pas d'une organisation non gouvernementale enregistrée mais d'une entreprise. Il existe au Soudan 4330 organisations non gouvernementales enregistrées qui travaillent en toute liberté.

Le Gouvernement a lancé une invitation aux organisations de la société civile pour qu'elles contribuent aux travaux préparatoires du présent rapport, ce qui a été fait. Le Gouvernement avait invité ces organisations à préparer leur propre rapport parallèle; il n'a toutefois pas vérifié si de tels rapports ont été remis et ne pouvait pas obliger les organisations non gouvernementales à le faire.

Le Gouvernement travaille à la préparation d'une nouvelle Constitution depuis l'an dernier. Il ne veut toutefois pas se hâter pour l'adopter avant de s'assurer d'une large participation des partis politiques enregistrées et de toutes les parties prenantes, car le Gouvernement veut réellement que la future Constitution soit permanente. Le projet de loi sur la discrimination raciale adopte les définitions et dispositions de la Convention, ce qui facilite évidemment son application.

Concernant les projets de barrages qui entraîneraient des déplacements de populations, il s'agit bien de projets. En outre, les travaux préparatoires ont mis en évidence de nombreux vestiges archéologiques. Les projets de barrages, qui bénéficieront à toute la population soudanaise, donneront lieu à des compensations pour les personnes éventuellement déplacées. Suite à de nouvelles questions concernant la consultation des peuples des Monts Nouba concernant les projets de barrage ainsi que l'utilisation d'armes à sous-munition dans la région, la délégation a répondu qu'aucun barrage n'avait été construit dans cette région; les projets de barrage actuels sont plutôt au nord.

Les statistiques peuvent être insuffisantes car les différents États du Soudan ont une très large autonomie et n'ont pas tous fourni les données demandées dans les temps. On peut espérer qu'elles seront plus complètes dans le prochain rapport.

L'indépendance de la Commission nationale des droits de l'homme est garantie par la loi. Ses membres sont nommés par le président de la République, mais sur la base des recommandations de la chambre haute du Parlement. Sa composition est faite conformément aux Principes de Paris. Le Commissariat est au complet et il s'acquitte de ses fonctions. Il n'y a pas de liens organiques entre le Commissariat, organe indépendant, et le Conseil consultatif des droits de l'homme, organe exécutif, qui assure la coordination avec les organes de l'État dans le domaine des droits de l'homme. C'est le conseil consultatif qui prépare les rapports de pays pour le compte du Gouvernement.

La Commission nationale des droits de l'homme a adopté une stratégie nationale 2014-2018 pour promouvoir les droits de l'homme. Pour sa part, le Conseil consultatif a adopté en 2013 une stratégie sur dix ans pour la promotion et la protection des droits de l'homme et la lutte contre la discrimination raciale.

Le Soudan est un immense pays et personne ne nie qu'il connaît des problèmes, mais l'accès à la justice y est garanti et disponible partout avec plus de 200 localités dotées de tribunaux dans plus de 16 provinces.

Le nombre de réfugiés au Soudan est énorme. Les réfugiées viennent de plusieurs pays: Érythrée, Soudan du Sud (plus de 390 000), Éthiopie, Congo, République centrafricaine, entre autres. Depuis trois ou quatre ans, le Soudan refuse d'installer les réfugiés dans des camps et veille à les intégrer dans les villages où ils sont traités sur un pied d'égalité avec les citoyens soudanais. Ils sont toutefois enregistrés par le Haut-Commissariat pour les réfugiés. Le pays compte un million d'Éthiopiens qui ne sont pas des réfugiés et vivent en paix. Les réfugiés éthiopiens constituaient un nombre réduit et le Haut-Commissariat pour les réfugiés a décidé qu'ils n'avaient plus besoin d'assistance et pouvaient rentrer chez eux. C'est une décision du Haut-Commissariat pour les réfugiés, pas du Soudan. Certains camps pour les Éthiopiens ont été fermés par le Haut-Commissariat pour les réfugiés mais on y trouve encore des Érythréens. Les anciens camps de réfugiés, qui sont en très mauvais état, seront remplacés par des villages, mais la construction de nouveaux logements décents suppose un soutien financier de la communauté internationale. Le Soudan, qui compte parmi les pays les moins avancés, ne peut pas compenser seul la diminution de l'aide humanitaire.

On ne peut parler au Darfour de conflit ethnique ou de discrimination raciale. Il s'agit essentiellement d'un conflit entre des groupes nomades et des agriculteurs sédentaires pour l'usage de la terre et de l'eau, ou le contrôle du pouvoir. Des crimes y sont commis, y compris des crimes de guerre, mais les questions de race ne sont pas en jeu. On ne peut parler de génocide au Darfour. D'ailleurs, les personnes originaires du Darfour qui n'y résident pas - ils sont cinq millions - ne souffrent d'aucune discrimination et ne font pas l'objet d'attaques. S'il y avait eu volonté de génocide de la population du Darfour, les deux millions de personnes qui en viennent et vivent à Khartoum auraient été les premières visées. Sur les 6 millions de personnes qui vivent à Khartoum, 2 millions viennent du Darfour et personne ne s'est jamais plaint de discrimination raciale.

Le Gouvernement fait de son mieux pour que les coupables soient traduits en justice, y compris par le biais du bureau du procureur spécial. Ce bureau existe depuis plus de cinq ans mais ne reçoit aucun soutien de la communauté internationale pour ses enquêtes ou sur le plan financier pour lutter contre l'impunité au Soudan.

Le Soudan ne compte sans doute pas quatre millions de personnes déplacées mais il y en a beaucoup, c'est un fait. Les personnes déplacées du Darfour peuvent rentrer chez elles et le Gouvernement déploie beaucoup d'efforts pour assurer un tel retour. Plus de 90 villages de retour, modernes et bien équipés, ont été créés à cette fin avec le soutien de la Ligue des États arabes et de plusieurs États. Le village de Tabit – en fait un groupe de villages - est un exemple utilisé par l'opposition pour saper les efforts en matière de retour. Il n'y a eu aucun cas de viol et la MINUAD a confirmé n'avoir pas d'indications en ce sens. Dire que quelque 200 femmes y ont été violées est un mensonge. Il y a sur place 160 soldats, dont 40 viennent de ce village et il est impensable qu'ils aient participé aux viols de femmes de leur propre famille ou pu laisser commettre un tel acte.

Le conflit dans les Monts Nouba n'a rien d'ethnique non plus; il est le fait d'un groupe rebelle originaire du Darfour qui refuse tout accord de paix et qui reçoit le soutien de certains pays voisins, dont le Soudan du Sud, alors que cette région fait partie intégrante du Soudan. De même, l'armée du Soudan du Sud est présente dans l'État du Nil bleu; de nombreux cadres de l'armée de ce pays sont d'ailleurs originaires de l'État du Nil bleu.

En réponse à une autre question, la délégation a souligné que les Dinka et les Nuer ne sont plus des citoyens du Soudan mais du Soudan du Sud. C'est donc à ce pays qu'il faut demander des renseignements.

Quant au conflit dans le Kordofan du Sud, la région est proche du Soudan et la guerre est appuyée par ce pays. La délégation a dit n'être pas en mesure de se prononcer sur l'utilisation de telles ou telles armes. En revanche, il est certain que les Noubas ne sont pas pris pour cibles en tant que tels. Pas plus qu'au Darfour on ne peut dire que tel ou tel groupe ethnique soit pris pour cible. Les différences entre de tels groupes sont réellement minimes

L'arabe est la langue officielle du Soudan, mais le Gouvernement cherche à promouvoir les langues et dialectes locaux.

Les sanctions pour la traite d'êtres humains ne s'élèvent plus à 5 ans de prison maximum: la nouvelle loi fédérale prévoit jusqu'à l'application de la peine de mort.

Concernant le statut des femmes, il est faux de dire que le consentement des parents suffit pour le mariage d'une femme; il faut aussi le consentement de la femme. En cas de signature de contrat, le tuteur de la femme doit être un homme, mais la femme doit donner son consentement. En matière de témoignage, une mauvaise interprétation de la charia dit que le témoignage de la femme vaut la moitié de celui de l'homme, en fait, cela vaut seulement en ce qui concerne les questions de dette. De même, en cas d'héritage, il existe des cas où la femme peut toucher plus ou moins de la moitié. La lapidation en cas d'adultère est une sanction prévue par la charia et elle s'applique aussi bien à l'homme qu'à la femme; il faut en outre que la femme soit mariée sous le régime de la loi islamique. La peine de lapidation n'a en réalité jamais été appliquée au Soudan.

Le Soudan n'a pas encore adhéré à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes mais cela ne veut pas dire qu'il viole les dispositions de cette Convention; le Soudan en applique plusieurs et le pays a reçu des félicitations en tant que premier pays arabe à encourager activement la pleine participation des femmes au Gouvernement. Le Soudan a une longue histoire de participation des femmes. Selon une loi adoptée l'an dernier, 25% des membres du Parlement et des conseils consultatifs locaux doivent être des femmes. Un nouveau texte vient cette année de porter cette part à 30%. Au Parlement, il s'agit de sièges réservés aux femmes, ce qui signifie pratiquement que les hommes ne peuvent se présenter qu'à 70% du total des sièges du Parlement alors que les femmes peuvent, elles, concourir pour 100% des sièges. Il y a 50% de femmes dans le secteur de la santé, 55% dans l'éducation. Il n'existe pas de discrimination en matière de salaire entre hommes et femmes.

En réponse à une autre question, la délégation a expliqué que la loi sur la nationalité confère les mêmes droits à l'homme et à la femme pour transmettre de la nationalité soudanaise. Les enfants d'une Soudanaise mariée à un étranger aura donc par la naissance la nationalité soudanaise.

Sur la question de l'impunité, la délégation a expliqué que les immunités dont bénéficient les policiers sont fonctionnelles mais elles peuvent être levées, ce qui est arrivé de nombreuses fois.

Le phénomène des enlèvements d'enfants n'existe plus au Soudan, a assuré la délégation, qui a toutefois ajouté qu'il perdurait au Soudan du Sud.

Les personnes originaires du Soudan du Sud qui se trouvaient dans le nord au moment de l'indépendance sont rentrées au Soudan du Sud, souvent avec le soutien d'organisations internationales comme l'Organisation internationale pour les migrations. Il reste aujourd'hui au Soudan des étrangers qui doivent disposer de papiers.

La Cour constitutionnelle est totalement séparée du système judiciaire et de ses procédures d'appel. Tout individu peut la saisir s'il estime que ces droits ont été violés. La Cour suprême, comme son nom l'indique, est au sommet de la pyramide du système judiciaire et est en principe saisie dans le cadre de procédures d'appel.


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CERD15/008F