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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE L'ESPAGNE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport présenté par l'Espagne sur les mesures qui ont été prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La Représentante permanente de l'Espagne auprès des Nations Unies à Genève, Mme Ana María Menéndez, qui présentait le rapport de son pays, a notamment fait valoir que la réforme du code de procédure pénale avait permis de renforcer les garanties procédurales. Par ailleurs, suite aux recommandations du Comité à cet égard, l'Espagne a fait de la traite de personnes une infraction autonome dans sa législation interne et prévoit désormais, parmi les mesures de soutien aux victimes de traite, l'octroi de permis de résidence. Une loi sur le statut de victime a également été adoptée, qui prévoit des réparations complètes. La détention au secret reste un régime exceptionnel qui ne doit être utilisé qu'avec parcimonie, a d'autre part souligné Mme Menéndez, faisant état d'une réduction significative du recours au placement en isolement et à la détention au secret dans son ensemble et précisant que, ces trois dernières années, ce type de détention n'a été utilisé que dans 8% des cas de personnes accusées de terrorisme. La lutte contre la violence fondée sur le sexe est une priorité politique pour le Gouvernement espagnol et les efforts déployés à cette fin s'inscrivent dans le cadre de la Stratégie nationale pour l'éradication de la violence contre les femmes, a d'autre part expliqué Mme Menéndez.

La délégation espagnole était également composée de représentants du Ministère des affaires extérieures et de la coopération; du Ministère de la justice; du Ministère de l'intérieur; du Ministère de la santé, des services sociaux et de l'égalité; du Ministère de l'emploi et de la sécurité sociale; du Tribunal constitutionnel; et du Conseil général du pouvoir judiciaire. La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les experts membres du Comité s'agissant, entre autres, de la définition du crime de torture et de son imprescriptibilité; des garanties entourant l'extradition; des plaintes pour mauvaises pratiques policières; des garanties procédurales pour les personnes placées en détention; des conditions de détention; du traitement des prisonniers basques; des questions d'immigration, en particulier dans les enclaves de Ceuta et Melilla; du contrôle des foules par les agents des forces de l'ordre; ou encore de l'irrecevabilité des preuves obtenues sous la torture.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, M. Claudio Grossman, s'est enquis des mesures qui ont été prises pour prévenir tout acte de torture et de mauvais traitement à l'encontre des personnes suspectées de terrorisme qui sont placées en détention au secret. Il a par ailleurs fait observer qu'Amnesty International n'avait pas été autorisé à entreprendre de visite dans les lieux où sont détenus les migrants sans papiers. Le corapporteur, M. Abdoulaye Gaye, a fait état d'informations attestant d'un usage excessif de la force par les forces de l'ordre dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Il s'est enquis des mesures prises pour proposer des mesures de substitution à l'emprisonnement et pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale, s'inquiétant en outre que des centres de rétention pour migrants soient également en situation de surpeuplement. Le corapporteur s'est inquiété de la situation des prisonniers basques qui continuent de se plaindre de traitements humiliants, d'agressions et de conditions de détention particulièrement dures. M. Gaye s'est fait l'écho de la grave préoccupation exprimée par le Défenseur du peuple dans son rapport de 2009 concernant les centres de détention pour mineurs. Plusieurs experts ont déploré que la disparition forcée ne soit pas incriminée en tant qu'infraction autonome. Une experte a constaté que l'Espagne connaissait un problème d'usage excessif de la force par la police tant contre ses citoyens dans le cadre de manifestations que contre les migrants étrangers.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de l'Espagne et les rendra publiques à l'issue de la session, qui se termine le vendredi 15 mai.


Le Comité entamera demain matin l'examen du rapport de la Colombie (CAT/C/COL/5), qui se poursuivra vendredi matin. Il doit aussi, vers midi, tenir une réunion avec le Conseil d'administration du Fonds volontaire pour les victimes de la torture.


Présentation du rapport

Présentant le rapport de l'Espagne (CAT/C/ESP/6), MME ANA MARÍA MENÉNDEZ, Représentante permanente de l'Espagne auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que de nombreuses évolutions étaient intervenues en Espagne, en rapport avec la mise en œuvre de la Convention, durant la période couverte par le présent rapport et depuis sa soumission. Elle a notamment attiré l'attention sur la réforme apportée au code de procédure pénale afin de renforcer les garanties procédurales, notamment pour ce qui a trait au droit de consulter un avocat à tout moment durant la détention.

Suite aux recommandations qui avaient été adressées au pays par le Comité, l'Espagne a fait de la traite de personnes une infraction autonome dans sa législation interne, a par ailleurs fait valoir Mme Menéndez, attirant en outre l'attention sur le cadre de protection des victimes de la traite adopté en 2011. Parmi les mesures de soutien aux victimes de la traite, figure l'octroi de permis de résidence, a-t-elle souligné. Elle a également souligné qu'une loi sur le statut de victime avait été adoptée, qui prévoit des réparations complètes.

Mme Menéndez a assuré que la détention au secret restait un régime exceptionnel qui ne doit être utilisé qu'avec parcimonie. Les juges comme les forces de sécurité ont adapté leurs pratiques à la nature exceptionnelle de la détention au secret, ce qui s'est traduit par une réduction significative du recours au placement en isolement et à la détention au secret dans son ensemble. Ces trois dernières années, ce type de détention n'a été utilisé que dans 8% des cas de personnes accusées de terrorisme et pour 2015, il n'a pas été utilisé une seule fois, a précisé Mme Menéndez. Une base de données est tenue à jour concernant les personnes placées en garde à vue dans les locaux de police, a-t-elle par ailleurs souligné.

La représentante a fait état des campagnes de sensibilisation menées dans le pays dans le cadre de la lutte contre la violence faite aux femmes et de la lutte contre le racisme et la xénophobie. Elle a attiré l'attention sur l'adoption de la loi relative à l'incitation à la haine à l'égard des groupes minoritaires. Une stratégie nationale de lutte contre le racisme et la xénophobie a été approuvée en novembre 2011 et une cinquantaine de services chargés de traiter des crimes de haine ont été mis en place à travers le pays.

La lutte contre la violence fondée sur le sexe est une priorité politique pour le Gouvernement espagnol et les efforts déployés à cette fin s'inscrivent dans le cadre de la Stratégie nationale pour l'éradication de la violence contre les femmes (2013-2016), a d'autre part expliqué Mme Menéndez. Elle a en outre fait état d'une nouvelle loi visant à élargir la liste des crimes commis en dehors du territoire espagnol qui sont susceptibles d'être poursuivis par les tribunaux espagnols, de manière à inclure les crimes de violence à l'égard des femmes, ainsi que d'une nouvelle loi visant à venir en aide aux femmes étrangères en situation irrégulière ayant été victimes de violences domestiques ou fondées sur le sexe, afin qu'elles puissent porter plainte en toute confiance en étant assurées qu'elles ne seront pas expulsées d'Espagne après être entrées en contact avec les autorités et qu'elles se verront au contraire octroyer un permis de résidence et de travail.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. CLAUDIO GROSSMAN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, a demandé quelles mesures avaient été prises pour prévenir tout acte de torture et de mauvais traitement à l'encontre des personnes suspectées de terrorisme qui sont placées en détention au secret.

Le rapporteur a par ailleurs fait observer qu'Amnesty International n'avait pas été autorisée à entreprendre de visite dans les lieux où sont détenus les migrants sans papiers.

S'agissant de la traite de personnes, M. Grossman a indiqué que le Comité était extrêmement satisfait de constater que l'Espagne avait pris en compte ses précédentes recommandations et y avait donné suite. Maintenant qu'une législation en la matière est en place, il a voulu savoir ce qui était prévu pour la mettre en œuvre. Il a en outre fait observer que le sort des femmes en situation irrégulière, sans papiers d'identité, était souvent lié à la question de la traite de personnes.

Y a-t-il dans les prisons espagnoles ne serait-ce qu'une personne ayant été condamnée pour avoir commis un acte de torture, a par ailleurs demandé M. Grossman?

Le rapporteur a aussi souhaité en savoir davantage sur le recours par l'Espagne aux garanties diplomatiques en cas de demande d'extradition.

M. ABDOULAYE GAYE, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, a soulevé la question de l'évaluation de la formation dispensée aux agents des forces de l'ordre. Qu'en est-il de l'impact de cette formation dans les faits, notamment du point de vue de la prévention de l'usage excessif de la force par les agents des forces de l'ordre, a-t-il demandé, faisant état d'informations attestant d'un usage excessif de la force dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla?

M. Gaye a prié la délégation espagnole de faire le point sur la situation des prisons en Espagne, notamment sous l'angle des mesures de substitution à l'emprisonnement et de la résolution du problème de la surpopulation carcérale. Il a constaté à cet égard que des centres de rétention pour migrants sont également en situation de surpeuplement.

Le corapporteur s'est en outre inquiété de la situation des prisonniers basques qui continuent de se plaindre de traitements humiliants, d'agressions et de conditions de détention particulièrement dures, ainsi que d'un éloignement qui les coupe de leurs racines familiales.

M. Gaye s'est ensuite fait l'écho de la grave préoccupation exprimée par le Défenseur du peuple dans son rapport de 2009 concernant les centres de détention pour mineurs. Combien de plaintes ont-elles été déposées pour torture ou mauvais traitements par des mineurs détenus dans ces centres et combien d'incidents de mauvais traitements dans ces centres ont-ils fait l'objet d'enquêtes, a demandé le corapporteur?

Le corapporteur a voulu connaître les dispositions relatives à l'indemnisation accordée aux victimes de torture. Il a aussi demandé des précisions s'agissant de la loi de procédure civile concernant l'internement des personnes qui souffrent de troubles mentaux sans consentement de la personne concernée. La disparition forcée n'est pas incriminée pour l'instant en Espagne en tant qu'infraction autonome, a fait observer M. Gaye, relevant toutefois qu'il semble exister un projet afin d'y remédier.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a insisté sur le problème de a surpopulation dans les prisons espagnoles. La population carcérale de l'Espagne a augmenté rapidement, passant d'environ 40 000 en 2000 à plus de 76 000 en 2010, pour atteindre un taux moyen d'occupation de 165% et faire de l'Espagne le pays abritant la plus grande population carcérale de l'Union européenne, a-t-il été souligné. Dans ce contexte, les experts ont voulu savoir ce qu'envisage l'Espagne pour recourir à des peines alternatives à l'emprisonnement? Relevant le nombre élevé de suicides et de morts violentes dans les lieux de détention et de garde à vue, un expert a demandé quel avait été l'impact du programme de prévention des suicides mis en place par le Directeur des prisons.

Une experte a constaté que l'Espagne connaissait des problèmes d'usage excessif de la force par la police, tant contre ses citoyens - notamment dans le cadre d'un certain nombre de manifestations ces dernières années - que contre les migrants étrangers. L'experte a elle aussi déploré que la disparition forcée ne soit pas incriminée en tant que crime autonome.

Un autre expert s'est notamment enquis des motifs permettant de placer une personne en détention au secret.

Il a en outre été rappelé que le Comité européen de prévention de la torture, lors de sa visite en Espagne en 2007, s'était inquiété que des prisonniers aient été placés en isolement durant plus de 28 jours et pouvaient même potentiellement y être placés pour 48 jours. Des examens médicaux sont-ils menés à intervalles réguliers sur les prisonniers placés en isolement?

Un expert a jugé légère la peine de 18 mois d'emprisonnement aux Canaries infligée à une personne pour acte de torture. Il a par ailleurs rappelé que le concept de délit continu s'applique aux disparitions forcées et a déploré que ce concept ne semble pas intégré dans la législation espagnole.

Évoquant la question des réparations en vertu de l'article 14 de la Convention, un autre expert a relevé que les autorités espagnoles font état d'un cas d'une personne indemnisée suite à une décision de la Cour européenne des droits de l'homme. Mais qu'en est-il des possibilités internes d'indemnisation en Espagne, a-t-il souhaité savoir? Pour ce qui est des problèmes d'immigration dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, en Afrique du Nord, l'expert tout en estimant regrettable que des agents de la force publique aient été blessés, s'est félicité qu'une enquête ait été ordonnée s'agissant des événements d'avril 2014 à Melilla.

L'expert a par ailleurs indiqué que le Comité avait reçu des plaintes concernant les disparitions forcées intervenues durant la guerre civile espagnole et la dictature franquiste, de la part de personnes qui affirment n'être pas suffisamment soutenues dans la recherche des dépouilles de leurs proches et souhaitent que l'État espagnol les aide davantage à cet égard. La disparition forcée ayant été, semble-t-il, érigée en infraction, il semble que ce soit là un pas dans la bonne direction, a fait observer cet expert.

Réponses de la délégation

S'agissant de la définition du crime de torture, la délégation espagnole a rappelé qu'en 2009, le Comité avait notamment jugé nécessaire pour l'Espagne d'inclure explicitement dans sa définition de la torture l'intimidation ou la coercition à l'encontre d'une personne en tant qu'élément de finalité de l'acte de torture. Après avoir souligné que la notion de «fonctionnaire public» sur laquelle se fonde le droit pénal espagnol est large puisqu'elle englobe toute personne exerçant des fonctions publiques, la délégation a rappelé que pour ce qui est de l'intimidation ou de la contrainte, en vertu du droit en vigueur en Espagne, les contraintes et les menaces constituent des délits contre la liberté et la torture est également sanctionnée en tant que délit contre l'intégrité morale; ces infractions sont donc punies de manière distincte. Ce qu'il convient de souligner, a insisté la délégation, c'est que cela ne signifie en aucun cas que la contrainte ou l'intimidation exercées par un fonctionnaire restent impunies, puisqu'elles seront sanctionnées en tant que délits distincts. Le droit en vigueur en Espagne considère que la contrainte s'exerce également lorsque l'on oblige la victime à réaliser un acte légal ou permis par le droit.

Pour ce qui est de l'application de la définition de la torture aux cas de violence fondée sur le sexe, la délégation a indiqué qu'avec la récente réforme du code pénal, le genre a été inclus comme motif discriminatoire permettant d'aggraver tout délit. L'acte de torture en tant qu'acte de violence fondée sur le sexe peut être sanctionné isolément sans qu'il ne soit besoin que cet acte soit habituel, a par ailleurs souligné la délégation, tout en précisant que le code pénal (article 173) prévoit bien un délit distinct, aggravé, de violence fondée sur le sexe ayant un caractère habituel.

Tous les actes de torture sont qualifiés de délit grave mais la sévérité de la peine dépendra de la gravité de l'acte, a précisé la délégation.

Évoquant le dernier cas en date de personne purgeant une peine d'emprisonnement pour ces délits, la délégation a indiqué qu'il s'agit d'une personne condamnée à une peine de 18 mois d'emprisonnement pour acte de torture et qui purge actuellement sa peine à Santa Cruz de Tenerife.

La délégation a par ailleurs rappelé que la Convention n'oblige pas les États parties à déclarer l'imprescriptibilité du crime de torture. En Espagne, la torture n'est imprescriptible que si elle est constitutive d'un crime contre l'humanité, a précisé la délégation. Dans les autres cas, le délai de prescription inscrit à l'article 131 du code pénal est de 15 ans. Les délais pour l'annulation des antécédents pénaux pour ce type de délit ont été portés à 10 ans, contre cinq auparavant.

Interpellée sur le projet de réforme du code pénal, la délégation espagnole a indiqué que le projet de loi visé a été récemment approuvé par le Parlement, son entrée en vigueur étant prévue pour le 1er juillet prochain. En vertu de cette réforme, sont désormais sanctionnés le mariage forcé ou encore le harcèlement sexuel. Elle a en outre attiré l'attention sur le nouveau délit de disparition forcée qui fera partie intégrante de l'ordre juridique espagnol en tant que délit pénal autonome conformément aux dispositions de la Convention sur les disparitions forcées.

Pour ce qui est de l'«internement civil», la délégation a tenu à souligner que le Tribunal constitutionnel a jugé inconstitutionnelle la réglementation actuelle pour des questions de forme: en effet, là où une loi organique serait nécessaire, l'internement civil procède d'une loi ordinaire. C'est pourquoi le Tribunal constitutionnel n'a pas déclaré nulle la réglementation à cet égard, qui reste applicable, obligation étant faite au législateur d'édicter une norme ayant rang de loi organique, a expliqué la délégation.

Tout détenu peut demander à l'autorité judiciaire d'être examiné par un médecin de son choix, en plus de l'examen que peut pratiquer sur lui le médecin légiste, a indiqué la délégation.

Pour ce qui est du statut de la Convention contre la torture, la délégation a indiqué que cet instrument faisait partie de l'ordre juridique interne, conformément à la Constitution; ses dispositions priment sur celles du droit national, a-t-elle précisé.

Répondant à une question sur les garanties diplomatiques en matière d'extradition, la loi en vigueur en Espagne stipule que l'extradition d'une personne ne sera pas autorisée vers un État qui ne garantit pas que cette personne extradée ne sera pas exécutée ni ne se verra infliger des actes de torture ou tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant, a indiqué la délégation. La jurisprudence actuelle n'accorde pas l'extradition s'il existe un risque pour la personne concernée de torture ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant même si l'État vers lequel doit être extradée la personne a fourni toutes les garanties nécessaires, a-t-elle assuré.

La grâce est prévue par l'article 62 de la Constitution, a par ailleurs indiqué la délégation, avant d'expliquer que la grâce emporte l'extinction totale ou partielle de la responsabilité pénale de la personne visée mais n'affecte jamais le délit commis lui-même, ni la culpabilité du condamné, pas plus qu'elle n'éteint la responsabilité civile découlant du délit commis.

Le régime de détention au secret actuellement en vigueur en Espagne est envisagé comme ayant un caractère exceptionnel et vise à éviter que des personnes soupçonnées d'être impliquées dans les faits faisant l'objet d'une enquête ne se soustraient à l'action de la justice, a par ailleurs rappelé la délégation. S'il n'a pas opté pour l'abolition de la possibilité de restreindre le droit du détenu de communiquer avec des tierces personnes, le projet de loi organique portant modification de la loi relative aux poursuites pénales modifie toutefois la configuration du régime de détention au secret, afin de l'accompagner de garanties accrues, a souligné la délégation.

Dans diverses circulaires, le Procureur général de l'État a réitéré que les mineurs détenus pour délit de terrorisme faisant l'objet d'un placement au secret ne pourront s'entretenir isolément avec un avocat, a fait observer la délégation. Pour autant, les procureurs s'opposeront à toute demande visant le placement en détention au secret d'un mineur, sauf si cela est strictement nécessaire aux fins des enquêtes en cours, a-t-elle précisé.

Le projet de loi organique portant modification de la loi relative aux poursuites pénales (procédure pénale) prévoit également de réduire de huit à trois heures le délai maximum à l'issue duquel une personne privée de liberté doit pouvoir avoir accès à l'assistance d'un avocat, a indiqué la délégation. Elle a en outre indiqué que ce projet de loi consacre également la procédure de recours en habeas corpus et prévoit que le détenu soit informé de ce droit.

La délégation a d'autre part fait valoir que le nombre global de plaintes pour mauvaises pratiques policières n'a fait que baisser, de plus de 50%, depuis que des statistiques en la matière sont recueillies. La délégation a en outre attiré l'attention sur le développement des systèmes d'enregistrement audiovisuels dans les centres de détention policière.

S'agissant des suicides en prison, la délégation a fait état d'une baisse importante du nombre de morts et de suicides dans les centres pénitentiaires espagnols ces sept dernières années.

La population carcérale en Espagne poursuit sa tendance à la baisse et a été réduite de près de 9000 personnes au cours des quatre dernières années, ce qui n'a pas manqué d'avoir un impact favorable dans certains centres pénitentiaires qui connaissaient un taux d'occupation supérieur à leur capacité d'accueil maximale, a poursuivi la délégation. Actuellement, «la capacité des centres pénitentiaires est satisfaisante», a assuré la délégation. La population carcérale a diminué de 11,6% depuis le 31 décembre 2010, a-t-elle insisté, ajoutant que le Gouvernement avait déployé d'extraordinaires efforts pour la rénovation et l'extension des infrastructures pénitentiaires.

En réponse à la question qui lui était adressée par M. Gaye au sujet de la situation des «prisonniers basques», la délégation a tenu a préciser qu'en Espagne, les prisonniers ne sont pas catalogués sur la base de leur lieu d'origine et qu'il n'est donc pas correct de parler de prisonniers basques, andalous ou de toute autre origine territoriale. M. Gaye se réfère probablement aux prisonniers qui ont été condamnés pour appartenance à l'ETA ou pour leur collaboration avec ce groupe terroriste, a poursuivi la délégation, soulignant qu'il y a parmi eux des personnes d'origines diverses, basques, navarraises ou d'autres origines espagnoles voire des personnes ayant une autre nationalité. À l'inverse, il y a en Espagne «beaucoup de prisonniers d'Euskadi qui n'ont rien à voir avec le terrorisme et il y a également beaucoup, beaucoup de victimes du terrorisme qui sont basques et qui ne méritent donc pas que leurs assassins soient simplement identifiés comme prisonniers basques», a ajouté la délégation, affirmant qu' «ETA a été la source principale de violations des droits fondamentaux de la démocratie espagnole». Avec les terroristes de l'ETA et d'autres organisations terroristes, c'est le principe de la dispersion qui est appliqué, afin de favoriser leur réinsertion et leur abandon de la discipline de l'organisation criminelle, a expliqué la délégation, faisant observer que plusieurs dizaines de prisonniers terroristes ont déjà rompu avec leur organisation et se sont intégrés dans un programme spécifique de réinsertion, ayant été transférés pour cela dans des centres pénitentiaires adéquats pour leur réintégration sociale.

Pour ce qui est des questions d'immigration, en particulier à Ceuta et Melilla, la délégation a déclaré que l'on ne se trouve pas en face d'un phénomène conjoncturel ou passager mais devant un phénomène qui plonge ses racines dans les profondes inégalités existantes. En même temps, il est nécessaire de continuer d'agir avec fermeté contre les esclavagistes du XXIe siècle, a ajouté la délégation. La réponse à apporter doit être internationale et mondiale, a-t-elle insisté. Les villes autonomes de Ceuta et Melilla subissent une pression migratoire sans précédent qui, à maintes occasions, prend la forme d'assauts massifs et violents, dans le contexte desquels des agents des forces de l'ordre ont été blessés à diverses reprises, a poursuivi la délégation. Elle a ensuite indiqué que les événements intervenus sur la plage d'El Tarajal en 2014 font l'objet d'une enquête judiciaire, encore ouverte, visant à éclaircir les faits.

La délégation a précisé que Ceuta et Melilla disposent de centres de séjour temporaire qui sont des dispositifs d'accueil des migrants. Il ne s'agit pas de centres de rétention mais bien de centres ouverts pour migrants en situation vulnérable; les migrants qui y séjournent ne sont donc pas soumis à un régime d'internement, a précisé la délégation. Ces centres font l'objet de visites d'institutions nationales et internationales, dont celle du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme en janvier 2013, a-t-elle souligné. Amnesty International a pour sa part visité en octobre 2014 les centres de séjour temporaire de Ceuta et Melilla.

Répondant à une experte qui a fait état d'usage excessif de la force par la police dans le cadre de manifestations, la délégation indiqué que lorsque les unités de contrôle des foules reçoivent l'ordre d'intervenir, il s'agit la plupart du temps d'essayer de résoudre des situations violentes, ce qui exige une action rapide et résolue mais ne saurait en aucun cas perturber le libre exercice des droits de réunion et de manifestation des citoyens. Quoi qu'il en soit, le recours à la force dans ce contexte est absolument exceptionnel, a assuré la délégation: sur les 6000 manifestations et rassemblements qui se sont déroulés librement en 2013, seuls une vingtaine – soit 0,2% - ont connu l'usage de matériel anti-émeute, a-t-elle fait valoir.

La délégation a catégoriquement démenti le commentaire du Président du Comité concernant l'exercice de la profession de journaliste durant les manifestations et selon lequel un projet de loi envisagerait la possibilité de détenir les journalistes qui feraient obstacles aux forces de l'ordre.

La délégation a par ailleurs souligné que les preuves obtenues directement ou indirectement en violant les droits et libertés fondamentaux sont sans effet. Toute déclaration obtenue sous la torture est absolument irrecevable dans un procès pénal, a insisté la délégation.

L'avortement en Espagne est autorisé jusqu'à 14 semaines d'aménorrhée et jusqu'à 22 semaines en cas de risque grave pour la santé de la mère, a indiqué la délégation en réponse à une autre question.

Cette année, deux agents des forces de l'ordre ont été condamnés à des peines de prison de trois ans pour actes de torture et purgent leur peine dans deux centres pénitentiaires de deux régions différentes du pays.


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CAT15/010F