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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par la Fédération de Russie sur les mesures qu'elle a prises pour assurer la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le rapport a été présenté par le Vice-Ministre de la justice de la Fédération de Russie, M. Georgy Matyushkin. Il a affirmé que les autorités russes continuent de renforcer les mécanismes de protection des droits de l'homme en s'efforçant de faire participer au maximum la société civile. Ainsi, les autorités russes poursuivent-elles une réforme à grande échelle du système pénitentiaire et mettent l'accent sur l'humanisation de la politique pénale et sur les mesures alternatives à la privation de liberté. Le Vice-Ministre de la justice a en outre indiqué que les personnes souffrant de troubles psychiques ne sont désormais plus privées de leur capacité d'agir, sauf sur décision de justice; une nouvelle loi en la matière est entrée en vigueur ce mois-ci. Des garanties, associées notamment à l'inviolabilité de la vie privée, ont été apportées aux citoyens en vertu de nouvelles dispositions du code civil, a en outre fait valoir M. Matyushkin. Il a aussi souligné que le nombre d'affaires soumises à la Cour européenne des droits de l'homme concernant la Fédération de Russie a considérablement diminué ces dernières années, passant de 40 000 plaintes en 2011 à 10 000 aujourd'hui.

L'importante délégation russe était également composée de représentants des Ministères de l'intérieur, des affaires étrangères, de la justice, des affaires de Crimée, du travail et de la protection sociale, de la défense, de la santé, de l'éducation et des sciences, et de la culture. Elle comprenait également des représentants du Service pénitentiaire fédéral, de la Commission électorale centrale, du Service fédéral des migrations, du bureau du Procureur général et de la Cour suprême. Elle a répondu aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de la situation des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres dans le pays; du traitement des toxicomanes; de la situation des Roms; de la question des aveux obtenus sous la contrainte; des enlèvements de fiancées; de la violence familiale; du bizutage dans l'armée; des questions d'immigration; de la liberté d'expression; de la lutte contre l'extrémisme; de la lutte contre le terrorisme dans le nord du Caucase; ou encore de la situation en Crimée. La délégation russe a par ailleurs expliqué que la Fédération de Russie estimait que le Donbass faisait partie de l'Ukraine et qu'elle n'avait donc pas à fournir d'informations à ce sujet.

Un membre du Comité a fait part de sa préoccupation face au manque apparent de dispositions protégeant explicitement les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres contre la discrimination ou les crimes de haine en Fédération de Russie. L'expert s'est ensuite inquiété de la situation des enfants handicapés eu égard à leur institutionnalisation généralisée dans le pays. Il s'est également inquiété d'informations émanant de médias russes et faisant état de stérilisations et d'avortements forcés pratiqués sur des femmes souffrant de certains types de handicaps mentaux. L'expert a en outre attiré l'attention sur la situation des toxicomanes qui, en Fédération de Russie, sont victimes de fouilles, d'arrestations et de détentions discriminatoires. Par ailleurs, l'introduction de politiques anti-opiacées en Crimée aurait provoqué une interruption de la thérapie de substitution pour 800 toxicomanes, se soldant par le décès d'au moins 10% d'entre eux «depuis que l'État partie a imposé ses lois sur la péninsule». L'expert s'est également inquiété qu'un sevrage serait imposé à des suspects toxicomanes afin de leur extorquer des aveux ou les obliger à coopérer avec la police. Il semble que la torture et les mauvais traitements soient un problème en Fédération de Russie, a observé un autre membre du Comité , qui s'est notamment inquiété d'allégations selon lesquelles des personnes ayant avoué l'assassinat de Boris Nemtsov auraient été torturées. Il semble que la violence se soit de nouveau répandue dans les prisons, a-t-il en outre été déploré.

Des experts se sont par ailleurs inquiétés des disparitions forcées intervenues notamment en Tchétchénie mais aussi dans d'autres territoires se trouvant sous le contrôle de l'État russe, y compris en Crimée. L'attention a également été attirée sur les harcèlements, les pressions voire les menaces de mort dont sont victimes les militants de droits de l'homme, ainsi que sur les harcèlements dont font l'objet les avocats, dans le nord du Caucase. Des questions ont aussi été posées s'agissant d'allégations de violations des droits de l'homme dans le nord du Caucase suite aux opérations militaires entre la Fédération de Russie et la Géorgie en 2008. S'agissant de la situation des droits de l'homme en Crimée, des préoccupations ont été exprimées au sujet du harcèlement à l'encontre des médias; du statut des habitants de la Crimée; des contenus éducatifs et culturels en ukrainien pour les membres de la minorité parlant l'ukrainien. Un expert s'est interrogé sur la responsabilité de la Fédération de Russie sur la situation des droits de l'homme dans le Donbass du fait de son influence considérable sur les autorités des régions de Donestk et de Louhansk.


Le Comité entame cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport du Cambodge (CCPR/C/KHM/2), qui se poursuivra demain matin.


Présentation du rapport de la Fédération de Russie

Le Comité est saisi du rapport de la Fédération de Russie (CCPR/C/RUS/7), ainsi que de ses réponses (CCPR/C/RUS/Q/7/Add.1, à paraître en français) à une liste de points à traiter (CCPR/C/RUS/Q/7).

M. GEORGY MATYUSHKIN, Vice-Ministre de la justice de la Fédération de Russie, a souligné que ce septième rapport périodique avait été adressé au Comité en novembre 2012 et est accompagné des réponses apportées en décembre dernier par la Fédération de Russie à la liste des questions écrites que le Comité lui a adressées. Les autorités russes continuent de renforcer les mécanismes de protection des droits de l'homme au niveau national en s'efforçant de faire participer au maximum la société civile à tous les niveaux, a-t-il fait valoir. Il y a aujourd'hui plus de 70 partis politiques en Fédération de Russie, a-t-il ajouté.

Les autorités russes poursuivent à grande échelle une réforme du système pénitentiaire, a poursuivi M. Matyushkin, insistant sur l'humanisation de la politique pénale poursuivie par les autorités et sur les mesures alternatives à la privation de liberté mises en place dans le pays. Le Vice-Ministre de la justice a en outre indiqué que les personnes souffrant de troubles psychiques ne sont désormais plus privées de leur capacité d'agir sauf sur décision de justice; une nouvelle loi en la matière est entrée en vigueur ce mois-ci, a-t-il précisé.

Des garanties, associées notamment à l'inviolabilité de la vie privée, ont été apportées aux citoyens en vertu de nouvelles dispositions du code civil, a en outre fait valoir M. Matyushkin. Il a par ailleurs indiqué qu'en 2013, la Cour suprême a adopté une disposition permettant une meilleure application de la Convention européenne des droits de l'homme et de ses protocoles. Ces quatre dernières années, le nombre d'affaires soumises à la Cour européenne des droits de l'homme et concernant la Fédération de Russie a considérablement diminué, passant de 40 000 plaintes en 2011 à 10 000 aujourd'hui, a en outre souligné le Vice-Ministre russe.

Examen du rapport

Questions et observations des experts

Un membre du Comité a demandé à la délégation si elle était en mesure de fournir des informations qui permettraient de constater que les tribunaux russes s'appuient effectivement, dans leurs décisions, sur les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et que les constatations du Comité, à l'issue de l'examen de plaintes individuelles, sont dûment prises en compte par les autorités russes concernées. L'expert s'est en outre enquis du rôle du Conseil consultatif des droits de l'homme de Russie en matière de mise en œuvre des dispositions du Pacte, ainsi que de l'efficacité et de l'indépendance de ce Conseil.

L'expert a en outre pris acte des nouvelles modifications apportées au cadre juridique global concernant la non-discrimination. Il a néanmoins fait part de sa préoccupation face au manque apparent de disposition protégeant explicitement les personnes LGBT contre la discrimination ou les crimes de haine en Fédération de Russie, soulignant que certains procureurs avaient indiqué qu'ils ne considéraient pas la communauté lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre comme un groupe social au sens de l'article 63 du code pénal – article qui, en incriminant les crimes de haine, couvre la haine à l'encontre d'un «groupe social». En fait, seul un petit pourcentage des plaintes enregistrées pour violence à l'encontre d'une «LGBT» fait l'objet de poursuites. La question qui se pose est de savoir si la Fédération de Russie considère les crimes haineux contre les minorités sexuelles comme un problème et si le pays envisage de renforcer son cadre juridique de protection des «LGBT» contre toute discrimination et contre toute violence, a-t-il souligné.

La situation des enfants handicapés en Fédération de Russie eu égard à leur institutionnalisation généralisée suscite également des inquiétudes. Des inquiétudes ont également été exprimées au sujet de la loi fédérale russe du 28 décembre 2012 qui interdit les adoptions en provenance de la Fédération de Russie aux États-Unis et n'aurait eu pour effet que d'accroître plus encore l'institutionnalisation des enfants handicapés dans des orphelinats en Fédération de Russie, a ajouté le rapporteur. Une ONG internationale indique que près de 30% des enfants russes handicapés vivent dans des orphelinats, s'est-il inquiété.

Des informations émanant de médias russes font état de stérilisations et d'avortements forcés pratiqués sur des femmes souffrant de certains types de handicaps mentaux, les procédures légales applicables en pareilles circonstances n'étant pas respectées par les autorités, a relevé ce membre du Comité. Il a en outre attiré l'attention sur la situation des toxicomanes qui, en Fédération de Russie, sont victimes de fouilles, d'arrestations et de détentions discriminatoires, leur dossier médical étant souvent utilisé par les agents responsables de l'application des lois afin de les cibler. Il a rappelé que le Rapporteur spécial sur la torture avait indiqué, en 2013, que le refus de fournir de la méthadone aux toxicomanes privés de liberté constituait dans certaines circonstances une violation du droit de ne pas être soumis à la torture ou à un mauvais traitement. L'expert a en outre relevé que selon certaines informations, l'introduction de politiques anti-opiacées en Crimée, qui a provoqué une interruption de la thérapie de substitution pour 800 toxicomanes, s'était soldée par le décès d'au moins 10% de ces personnes, par overdose ou par suicide, «depuis que l'État partie a imposé ses lois sur la péninsule». L'expert s'est également inquiété d'informations selon lesquelles des suspects de verraient contraints au sevrage afin de leur extorquer des aveux et de les obliger à coopérer avec la police.

Un autre membre du Comité a soulevé les questions de la non-discrimination à l'encontre des Roms et du profilage racial. L'experte a demandé quelles mesures sont prises pour mettre, en pratique, un terme à la discrimination et aux préjugés dont souffrent les Roms, notamment en termes d'accès au logement, à l'éducation, à la santé et à l'emploi. Elle a souhaité en savoir davantage sur les mesures prises pour améliorer les aptitudes linguistiques, en langue russe, des enfants roms, ainsi que sur les mesures prises pour lutter contre les expulsions forcées de Roms. L'experte a attiré l'attention sur la problématique des documents d'identité, auxquels nombre de Roms n'ont pas accès puisque beaucoup ne disposent pas d'un certificat de naissance, ce qui les empêchent d'avoir accès aux services sociaux de base. Les enfants de mère rom se verraient privés d'avoir des papiers d'identité, a-t-elle insisté. L'experte s'est en outre inquiétée d'informations faisant état d'une pratique du profilage racial par les agents de la force publique. Les Roms et les personnes originaires du Caucase, d'Asie centrale et d'Afrique sont touchées de manière disproportionnée par les contrôles d'identité et harcelées, a-t-elle précisé. Combien d'agents ont-ils été poursuivis pour avoir maltraité des personnes issues des groupes minoritaires, a demandé l'experte?

Qu'en est-il des écarts salariaux entre hommes et femmes en Fédération de Russie, a demandé un autre membre du Comité? Cet expert s'est en outre inquiété du manque de centres d'accueil pour victimes de la violence domestique. Qu'en est-il du nombre de crimes d'honneur enregistrés en Fédération de Russie, a-t-il par ailleurs demandé? Qu'en est-il de l'évolution des chiffres concernant les brutalités à l'encontre des nouveaux arrivants dans l'armée russe, alors que certaines informations laissent apparaître qu'il y aurait eu en 2014 quelque 38 décès dans ce contexte?

Un expert a demandé si des sanctions ont été prononcées à l'encontre de politiciens ayant eu recours à des discours de haine.

Des informations ont également été demandées s'agissant de la situation dans le nord du Caucase, eu égard notamment à la question des disparitions forcées et aux résultats du programme de prévention des enlèvements. Selon certaines informations, des châtiments collectifs ont été pratiqués à Grozny, a-t-il été souligné.

Un expert s'est réjoui que le moratoire sur la peine de mort qui est en place depuis de très nombreuses années en Fédération de Russie soit considéré comme une interdiction juridique d'imposer cette peine. L'expert a en revanche fait observer qu'il semble que la torture et les mauvais traitements soient un problème en Fédération de Russie, selon ce qu'indique le Comité européen de prévention de la torture s'agissant notamment des agissements de la police. Cet expert s'est inquiété d'allégations selon lesquelles des personnes ayant avoué l'assassinat de Boris Nemsov auraient été torturées.

Tout en se disant encouragé que la Fédération de Russie indique prendre au sérieux les requêtes (plaintes) déposées auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, un expert a demandé quelles mesures sont prises pour garantir que les étrangers placés en détention avant leur expulsion aient effectivement accès à des conseils leur permettant notamment de présenter une demande d'asile. D'autre part, si la majorité des décès en détention sont dus à la tuberculose et autres maladies, un nombre non négligeable de décès en détention restent liés à d'autres causes et l'expert a souhaité savoir lesquelles.

Un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur le droit à la vie et le recours à l'avortement en Fédération de Russie.

Un expert a insisté pour savoir quelle agence de l'État était responsable de la mise en œuvre des constatations adoptées par le Comité concernant les plaintes individuelles dont il est saisi par des citoyens russes. Il a dit craindre qu'associée à la réticence à protéger les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres en tant que groupe social contre les crimes haineux, la loi contre la propagande de l'homosexualité n'exacerbe les stéréotypes négatifs concernant cette communauté et, indirectement, légitime les harcèlements à leur encontre par des groupes extrémistes.

Sur la question des thérapies de substitution par la méthadone, l'expert a en outre attiré l'attention sur l'obligation de protéger les individus, en l'occurrence les toxicomanes, contre les souffrances associées à leur sevrage. Il a en outre demandé des précisions sur les enquêtes et autres procédures juridiques engagées face aux allégations faisant état de violations présumées des droits de l'homme dans le nord du Caucase suite aux opérations militaires menées dans le cadre de la guerre entre la Fédération de Russie et la Géorgie en 2008. Il s'est aussi enquis des mesures prises pour garantir la liberté d'opinion et la liberté d'expression, dans la loi et dans la pratique. Il s'est demandé dans quelle mesure l'incrimination de la diffamation (2011), la loi de novembre 2012 élargissant la définition de la trahison, la loi de juin 2013 sur la blasphème ou encore la loi de mai 2014 réglementant les activités des blogs en ligne étaient compatibles avec les obligations de la Fédération de Russie au titre de l'article 19 du Pacte sur la liberté d'opinion et la liberté d'expression. L'expert a souhaité en savoir davantage au sujet de la portée des restrictions applicables à la législation relative à la liberté d'expression et s'est enquis de ce qui pouvait justifier les poursuites engagées et les condamnations prononcées à l'encontre des membres du groupe punk des Pussy Riot pour «hooliganisme motivé par la haine raciale».

S'agissant de la situation des droits de l'homme en Crimée, l'expert a soulevé la question du harcèlement à l'encontre des médias, renvoyant notamment à des informations en provenance du Conseil de l'Europe relatives, entre autres, à la fermeture de la chaîne de télévision Black Sea TV. La Fédération de Russie conteste-t-elle le rapport du Conseil de l'Europe selon lequel des forces d'autodéfense auraient été engagées pour exercer certaines fonctions de «quasi-police» et, à maintes occasions, auraient été impliquées dans de graves violations de droits de l'homme, y compris des enlèvements, des détentions arbitraires, des mauvais traitements et des attaques contre des journalistes, a demandé l'expert? Qu'en est-il du statut des habitants de la Crimée relativement à la nationalité; pourquoi le délai pour renoncer à la citoyenneté (russe) était-il si court et excluait-il les personnes qui n'étaient pas en mesure de déposer leur candidature en personnes parce qu'elles se trouvaient dans des lieux de détention ou dans des orphelinats? Quelles sont les conséquences du renoncement à la citoyenneté russe en termes d'accès aux services de santé, aux diplômes et à la fonction publique, a insisté l'expert?

L'expert a souhaité que la délégation russe explique la décision des autorités d'interdire pour cinq ans l'entrée sur le territoire de Crimée de certains chefs des Tatars de Crimée (à savoir Mustafa Dzhemilev, Ismet Yuksel et Reshat Chubarov). Des prêtres de l'église catholique romaine ont également rencontré des difficultés similaires pour obtenir un visa, a fait observer l'expert.

Comment la délégation explique-t-elle que le nombre d'enseignants de la langue ukrainienne a été divisé par deux depuis que la Crimée est sous contrôle russe, a par ailleurs demandé l'expert? Quelles mesures sont-elles prises pour assurer la continuité de la disponibilité de contenus éducatifs et culturels en ukrainien pour les membres de la minorité parlant l'ukrainien, a-t-il également demandé?

Enfin, l'expert a souhaité savoir si la Fédération de Russie acceptait une quelconque responsabilité sur la situation des droits de l'homme dans le Donbass en vertu de son influence considérable sur les autorités des régions de Donestk et de Louhansk.

La Fédération de Russie fait savoir que les aveux obtenus en violation du code de procédure pénale ne sont pas recevables; mais quels sont précisément les articles du code qui établiraient que les aveux ainsi obtenus ne seraient pas recevables, a demandé un autre expert? Cet expert s'est en outre inquiété d'informations laissant entendre que trois des personnes détenues dans le cadre de l'enquête sur la mort de Boris Nemtsov auraient fait l'objet de tortures. En 2014, la Fédération de Russie a enregistré 7 décès dans des centres de détention et 54 dans des prisons, soit au total 61 décès dus à une mort violente, a en outre souligné ce membre du Comité, ajoutant qu'il s'agissait d'assassinats et non de suicides ou autres.

S'il est vrai que des progrès avaient été enregistrés par le passé en Fédération de Russie s'agissant de la situation carcérale, il semble que la violence se soit répandue dans les prisons du fait d'actes commis par des unités d'ordre et de discipline intégrant des prisonniers qui agissent sous la houlette des autorités, a pour sa part fait observer un expert. En outre, la santé des prisonniers semble s'être détériorée, en raison notamment de la consommation de drogues, a-t-il ajouté. Cet expert s'est en outre enquis des mesures prises en matière de lutte contre la traite de personnes. Il a ensuite attiré l'attention sur les harcèlements, les pressions voire les menaces de mort dont sont victimes les militants de droits de l'homme, notamment dans le nord du Caucase. Quelles sont les mesures prises pour protéger ces personnes et leur permettre de poursuivre leur mission, a-t-il demandé?

Combien de juges ont-ils été licenciés et sur quelle base, a demandé une experte? Elle s'est dite préoccupée par des informations laissant apparaître que les avocats font l'objet de harcèlements et de menaces, en particulier dans le nord du Caucase. Des poursuites judiciaires ont-elles donc été engagées pour harcèlement contre avocats, a-t-elle demandé?

Un autre membre du Comité s'est enquis des mesures prises par la Fédération de Russie pour enquêter sur les disparitions forcées intervenues notamment en Tchétchénie mais aussi dans d'autres territoires se trouvant sous le contrôle de l'État russe, y compris en Crimée. En Fédération de Russie, pour engager une enquête lorsqu'une disparition forcée est signalée, est-il nécessaire qu'une plainte soit déposée, a demandé l'expert?

Réponses de la délégation

La délégation russe a assuré que les juges s'inspirent des droits énoncés dans le Pacte et s'y réfèrent. Au civil comme au pénal, il est prévu qu'un procès puisse être repris s'il y a matière à le faire en vertu des instruments internationaux ratifiés par la Fédération de Russie.

S'agissant des «personnes LGBT», la délégation a assuré qu'en Fédération de Russie, tous les citoyens, indépendamment de leur orientation sexuelle, jouissent de l'égalité de droits et d'obligations, y compris pour ce qui est du droit de créer une association. Rien dans la loi russe ne nie l'homosexualité; elle n'est pas réprimée, que ce soit au niveau administratif ou au niveau pénal, a ajouté la délégation. Pour ce qui est de l'interdiction de la publicité sur l'homosexualité auprès des mineurs, la délégation a rappelé que l'exercice de la liberté peut s'accompagner de certaines limites fixées par la loi – des limites nécessaires dans toute société démocratique pour protéger la santé psychique, physique et morale voire spirituelle des citoyens. Les valeurs traditionnelles permettent aux générations de se succéder et permettent que «le génie russe» puisse se perpétuer, a insisté la délégation, avant de rappeler que la Cour suprême avait explicité ce qu'elle entend par «publicité de l'homosexualité auprès des mineurs». L'interdiction d'une telle publicité n'est pas contraire à la Constitution dans la mesure où cette dernière fait état de valeurs telles que la famille et l'enfance et dans la mesure où la législation en vigueur fait état de la nécessité de ne pas attenter à la santé ni à l'autonomie sexuelle des enfants, a ajouté la délégation.

Les membres de la communauté LGBT conservent le droit de défendre leurs intérêts légitimes en ayant recours à tous les moyens qui ne sont pas proscrits par la loi, y compris pour ce qui est de l'organisation de manifestations ou d'événements publics. Au collège, le programme scolaire prévoit des heures de cours consacrées à l'éducation sexuelle des enfants; mais dans l'ensemble, il s'agit d'une question dont le soin est confié à la famille.

La délégation a par la suite indiqué que les membres de la communauté LGBT et leurs représentants disposent des mêmes droits et obligations que les autres citoyens russes, a de nouveau souligné la délégation. Ils jouissent des droits d'assemblée et d'organiser des réunions publiques comme tous les autres citoyens, a-t-elle insisté. Quatre manifestations organisées sans autorisation préalable ont même pu se dérouler dans un parc de Saint Pétersbourg et des flash mobs se sont déroulées dans plusieurs villes dont Iekaterinbourg, Mourmansk et Moscou, a-t-elle précisé. Lors de certaines de ces manifestations organisées par la communauté LGBT, la police a eu à intervenir pour maintenir l'ordre et a même été amenée à protéger, en les exfiltrant du lieu de la manifestation, des membres de cette communauté.

L'avortement en Fédération de Russie n'est pas interdit, a souligné la délégation. La législation prévoit expressément que les avortements ne sont effectués qu'avec le consentement éclairé de la personne concernée, a-t-elle en outre fait valoir. Une femme qui souhaite avorter bénéficie d'un temps de réflexion d'une semaine au minimum pour voir si elle souhaite vraiment franchir cette étape. Tout médecin peut refuser de pratiquer un avortement pour des raisons morales ou éthiques mais les services médicaux sont alors tenus de trouver un autre médecin à la femme qui désire pratiquer l'avortement, a expliqué la délégation.

Pour ce qui est de la thérapie de substitution à la méthadone, la délégation a rappelé que la méthadone figure dans la liste 1 des médicaments interdits en Fédération de Russie. Néanmoins, le pays a mis en place un service d'aide aux toxicomanes qui est assuré au niveau régional, a-t-elle assuré. En 2013, le nombre de patients qui ont arrêté d'être suivies par des centres médicaux s'élevait à près de 7000, soit environ 40% du nombre total de personnes suivies en une année donné, ce qui témoigne d'un taux de succès élevé de la méthode adoptée en Fédération de Russie.

La délégation a rejeté l'allégation selon laquelle un grand nombre de personnes jusque-là soumises à une thérapie de substitution par la méthadone seraient décédées suite à l'entrée de la Crimée dans la Fédération de Russie. En effet, seules 7 personnes qui recevaient auparavant de la méthadone sont décédées en Crimée en 2014, contre 16 l'année précédente.

En Fédération de Russie, les aveux obtenus sous la contrainte sont irrecevables, a assuré la délégation. Tout acte cruel fait l'objet de poursuites au pénal, a-t-elle assuré.

Quant à l'interdiction de la torture, la délégation a indiqué que le Procureur général a informé les parquets régionaux d'un certain nombre de décisions prises au niveau du Conseil de l'Europe. Les statistiques montrent que le nombre de fonctionnaires traduits en justice pour torture a baissé en Fédération de Russie, a en outre fait valoir la délégation.

La délégation a fait état de la préparation d'un projet de loi visant la prise de mesures contre la violence familiale à l'encontre des femmes et des enfants. Ces cinq dernières années, ce type de violence a tendance à augmenter, a-t-elle ajouté; la hausse a été de 20% depuis 2010, le nombre de victimes s'établissant pour 2014 à 42 800 personnes, a précisé la délégation.

La Fédération de Russie compte près de 250 000 Tziganes qui jouissent de droits et libertés culturels autonomes, a indiqué la délégation. En 2013 et 2014, a été pris tout un ensemble de mesures autour du développement économique et culturel des Tziganes, a-t-elle fait valoir. Quant aux expulsions forcées, elles se font selon les modalités prévues par le code pertinent et, en cas de litige, ce sont les tribunaux qui tranchent, a affirmé la délégation. Quelque 65 000 Tziganes ont récemment reçu leurs papiers d'identité, a-t-elle en outre fait valoir, avant d'ajouter que 1400 personnes avaient eu à prouver devant la justice qu'elles étaient bien des citoyens russes avant de se voir octroyer des papiers.

Au total, quelque 277 langues sont utilisées en Fédération de Russie, a rappelé la délégation. Les enfants roms ont droit à l'éducation comme tous les autres enfants russes et, comme eux, ont pleinement accès à la cantine, gratuitement. De 2016 à 2020, 4 millions de roubles seront consacrés chaque année à des journées de la culture tziganes, a indiqué la délégation.

La tradition des enlèvements de fiancées n'est plus aussi répandue que jadis, a par ailleurs fait valoir la délégation. Dans la pratique de cette tradition, la jeune fille était de toute façon généralement consentante, faute de quoi il s'agit d'une séquestration de personne et donc d'un délit, a souligné la délégation.

S'agissant des brutalités commises contre les nouveaux soldats dans l'armée, la délégation a rappelé que le service militaire en Fédération de Russie a été ramené à 12 mois. Les conscrits sont désormais séparés de ceux qui se sont engagés, ce qui a constitué un grand pas en avant pour prévenir le bizutage dans les forces armées, a-t-elle souligné. D'après les statistiques du Ministère de la défense, il n'y a pas eu l'an dernier 38, comme certains le prétendent, mais bien 5 décès liés à de telles brutalités dans l'armée, a indiqué la délégation.

La lutte contre l'extrémisme se déroule dans le cadre de la loi générale de répression des activités extrémistes, a poursuivi la délégation. Le site web du Ministère russe de la justice contient une liste des associations qui ont été dissoutes parce qu'elles exerçaient des activités contraires à la loi, a-t-elle indiqué. Les personnes qui ont été condamnées pour activités extrémistes ne sont pas autorisées à être membres d'une association, a-t-elle souligné. Pour ce qui est du nombre de crimes enregistrés en Fédération de Russie au titre de l'article 105 du code pénal, qui traite des meurtres haineux, la délégation a indiqué que ces dernières années, le chiffre annuel oscille entre 3 et 19: ils étaient par exemple 18 en 2011, 6 en 2012, 3 en 2013 et 12 en 2014.

Pour ce qui est du respect des droits de l'homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans le nord du Caucase, les pouvoirs publics sont sans cesse en contact avec le Conseil des Ministres du Conseil de l'Europe, qui est chargé de contrôler la conduite des États membres, a en outre indiqué la délégation russe. Le parquet dispose d'un service chargé spécifiquement de la question des droits de l'homme dans le contexte de la lutte contre le terrorisme dans le nord du Caucase et en cas de violations, les autorités indemnisent les victimes, a précisé la délégation. S'il s'agit d'une disparition, une enquête est diligentée pour éclaircir les faits, a-t-elle ajouté.

Dans le cadre de l'application des procédures d'expulsions d'étrangers, les autorités russes contactent les consulats des pays dont sont originaires les personnes devant être expulsées et coopèrent avec eux, a expliqué la délégation. Lorsqu'une personne fait une demande d'asile, la procédure d'expulsion est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande, a-t-elle précisé.

En 2014, sont entrés sur le territoire de la Fédération de Russie un très grand nombre d'immigrants en provenance surtout des pays voisins et dont la principale motivation a trait à la recherche d'un emploi, a indiqué la délégation. Elle a fait état dans ce contexte de quelque 132 fonctionnaires poursuivis l'an dernier contre 238 l'année précédente, ce qui, a-t-elle ajouté, montre que l'État s'efforce de sanctionner les fonctionnaires qui cherchent à obtenir des pots de vins des immigrés.

D'après l'article 19 du Pacte, l'exercice du droit à la liberté d'expression génère une responsabilité particulière et toute restriction en la matière doit être expressément fixée par la loi et viser le respect des droits ou de la réputation d'autrui ou encore la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Cette norme est aussi ancrée dans la Constitution de la Fédération de Russie, a indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs rappelé que la législation en vigueur en Fédération de Russie interdit de diffuser des informations extrémistes, des informations de promotion du terrorisme, des informations de promotion des stupéfiants, des informations pédopornographiques, des appels au suicide, ou encore des informations impliquant un trouble à l'ordre public.

La délégation a assuré qu'il n'y avait eu aucune déclaration attestant de violations des droits de citoyens de l'Ossétie du Sud.

S'agissant de la Crimée, la délégation a affirmé que depuis que la République autonome de Crimée a été intégrée à la Fédération de Russie, un travail considérable a été accompli pour procéder à l'adaptation nécessaire dans tous les domaines, économique, social et juridique. Les emplois ont été maintenus et les obligations sociales ont été respectées pour tous les habitants de Crimée, a assuré la délégation. La Fédération de Russie a créé toutes les conditions juridiques nécessaires permettant de réenregistrer toutes les personnes morales afin qu'elles n'aient pas à interrompre leurs activités, a-t-elle ajouté.

Pour ce qui est des questions de citoyenneté sur le territoire de la péninsule, la délégation a indiqué qu'à ce jour, près de deux millions de résidents permanents en République autonome de Crimée ont des passeports et la citoyenneté russes. Des dispositions portant sur la double nationalité permettent, sans perdre la citoyenneté ukrainienne, de recevoir la citoyenneté de la Fédération de Russie – offrant ainsi tous les avantages de la citoyenneté russe, a par ailleurs fait valoir la délégation. La réception de la citoyenneté de la Fédération de Russie se fait librement et de plein gré et uniquement sur demande de la personne, a-t-elle en outre indiqué; il ne serait donc aucunement être question de recevoir la citoyenneté russe par la force, a-t-elle souligné.

Quant aux Tatars de Crimée, il est vrai que ce peuple a fait l'objet d'une cruelle injustice, a poursuivi la délégation, rappelant l'historique de ce peuple et son retour sur ses terres. Le Gouvernement russe a pris les mesures nécessaires pour achever le processus de réhabilitation des Tatars de Crimée et la restitution de leurs droits, a affirmé la délégation. En Crimée, les langues officielles sont au nombre de trois, a d'autre part rappelé la délégation russe: le tatar, l'ukrainien et le russe.

La délégation russe a indiqué que la Fédération de Russie estime que le Donbass fait partie de l'Ukraine; «par conséquent, nous n'avons pas à fournir d'informations à ce sujet», a affirmé la délégation. «Nous sommes partisans du processus de paix lancé à l'initiative de la France, de la Fédération de Russie et de l'Allemagne – c'est ce que l'on appelle les accords de Minsk – et nous espérons que cela ne sera pas remis en question en raison du conflit qui sévit à l'intérieur de l'Ukraine», a déclaré la délégation russe.

S'agissant des violences en prison, la délégation a indiqué que 267 sanctions administratives avaient été prononcées en 2014. Les détenus ont le droit de s'adresser à un médecin et l'exercent effectivement, a-t-elle fait valoir. Les médecins ne relèvent plus de l'administration pénitentiaire mais de l'organe central chargé de l'application des peines, a-t-elle indiqué.

Les juges peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires et précisément, 24 d'entre eux s'en sont vu appliquer l'an dernier, a d'autre part indiqué la délégation.

La délégation a souligné que les dispositions légales en vigueur en Fédération de Russie garantissent le droit de tout détenu d'avoir recours à un avocat dès qu'est entamée la procédure pénale à son encontre. Des aveux obtenus de manière irrégulière ne sont pas recevables, a-t-elle de nouveau indiqué.

Conclusion

M. FABIÁN OMAR SALVIOLI, Président du Comité, s'est réjoui du dialogue qui s'est noué avec la délégation russe. Le Comité demeure néanmoins très préoccupé et plusieurs experts ont posé des questions exprimant les mêmes préoccupations que lors de l'examen du précédent rapport, en 2009; le Président a donc invité la Fédération de Russie à faire une plus grande démonstration de la volonté de l'État d'assurer un suivi adéquat des recommandations du Comité. La Fédération de Russie a l'obligation de préserver les droits des détenus, même si des problèmes se posent à l'intérieur des établissements pénitentiaires, a en outre souligné M. Salvioli. Quant à la liberté d'expression, le Président a invité le pays à se référer aux orientations fournies dans l'observation générale n°34 du Comité, qui porte sur la liberté d'opinion et la liberté d'expression (article 19 du Pacte).


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CT15/003F