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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DU CAMBODGE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Cambodge sur les mesures qu'il a prises pour assurer la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

La délégation cambodgienne, dirigée par le Président du Comité national des droits de l'homme, M, Mak Sambath, a fait part de l'intention de son Gouvernement de convoquer prochainement un atelier national sur la question de la création d'une institution nationale des droits de l'homme avant que le projet de loi sur la question puisse être soumis en conseil des ministres. S'agissant de la question des réformes foncières, elle a indiqué que des titres de propriété ont d'ores et déjà été octroyés à quelque 500 000 foyers. Les peuples autochtones se voient accorder davantage de droits fonciers que les autres citoyens puisqu'ils peuvent se voir octroyer des droits collectifs sur la terre communautaire en plus des droits de propriété individuels dont les personnes autochtones peuvent bénéficier comme le reste de la population, a fait valoir le Représentant permanent.

La délégation cambodgienne était composée de membres de la Mission permanente du Cambodge auprès des Nations Unies à Genève, dont le Représentant permanent, M. Ney Samol. Elle a répondu aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de la création d'une institution nationale des droits de l'homme; du fonctionnement du système judiciaire; de la nécessité d'un système de justice spécifique pour mineurs; de l'irrecevabilité des aveux obtenus sous la torture; de la situation dans les prisons; des questions de torture; de la violence domestique; des questions de nationalité, s'agissant notamment des personnes d'origine vietnamienne; de la situation des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres; de la représentation des femmes; du travail des enfants; des disparitions forcées; des chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens chargées de la poursuite des crimes commis par les Khmers Rouges; ou encore de la lutte contre l'impunité.

Plusieurs membres du Comité se sont dits particulièrement préoccupés par l'impunité qui prévaut face aux violations graves des droits de l'homme, et en particulier s'agissant du droit à la vie. Des centaines d'exécutions imputables à la police, à l'armée ou à la gendarmerie sont restées sans suites judiciaires. Il semble qu'un certain nombre de détenus se sont plaints d'avoir été soumis à des actes de torture et de mauvais traitements en détention. Au Cambodge, la prison préventive est la règle et non l'exception, a-t-il aussi été relevé. Un membre du Comité a dénoncé les assassinats de journalistes ainsi que les agressions, ayant parfois provoqué la mort, de défenseurs des droits de l'homme et de syndicalistes. L'usage excessif de la force par les agents chargés de l'ordre public dans le cadre des manifestations a également été dénoncé. Le Cambodge rencontre un problème de décalage entre le droit et la pratique, a-t-il été souligné. Par ailleurs, le code pénal condamne certaines discriminations mais ne prévoit rien contre la discrimination fondée sur le sexe. Une experte s'est inquiétée de la persistance de la violence domestique au Cambodge, où il apparaît que 35% des Cambodgiens ont eu recours à la violence physique contre leur épouse.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur les rapports examinés durant la session, y compris celui du Cambodge, et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 2 avril prochain.


Le Comité entame cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport de la Côte d'Ivoire (CCPR/C/CIV/1), qui se poursuivra demain matin.


Présentation du rapport du Cambodge

Le Comité est saisi du rapport du Cambodge (CCPR/C/KHM/2), ainsi que de ses réponses (CCPR/C/KHM/Q/2/Add.1, à paraître en français) aux questions figurant dans une «liste de points à traiter» (CCPR/C/KHM/Q/2) que lui a adressée le Comité en août 2014.

M. MAK SAMBATH, Président du Comité national des droits de l'homme du Cambodge, a indiqué qu'en 1997, le Gouvernement royal du Cambodge avait publié un sous-décret visant l'établissement d'un comité chargé de rédiger le projet de loi relatif à la création d'une institution nationale de droits de l'homme; mais ce comité n'a jamais commencé ses travaux. Par la suite, en septembre 2006, le Gouvernement royal a organisé un atelier national sur la question de la création d'une institution nationale de droits de l'homme et un projet de loi a été finalisé en 2010, que la société civile a souhaité voir largement diffuser auprès du public. Les autorités ont ainsi engagé une coopération avec la société civile aux fins de la rédaction d'un projet de loi conforme aux Principes de Paris. Le Gouvernement a l'intention de convoquer prochainement un atelier national sur la question avant que ce projet de loi puisse être soumis en conseil des ministres.

S'agissant de la question des réformes foncières, M. Mak a indiqué qu'à ce jour, quelque 3 840 000 titres de propriété ont été octroyés à quelque 500 000 foyers. Les peuples autochtones se voient accorder davantage de droits fonciers que les autres citoyens puisqu'ils peuvent se voir octroyer des droits collectifs sur la terre communautaire en plus des droits de propriété individuels auxquels ils ont droit comme le reste de la population. Le représentant cambodgien a indiqué qu'a la fin 2014, le processus d'enregistrement des terres communautaires autochtones était achevé pour huit communautés et en cours d'achèvement pour 10 autres.

M. Mak a fait valoir que indiqué que trois lois importantes ont été promulguées par l'Assemblée nationale dans le cadre de réformes juridiques et judiciaires. Il a aussi déclaré que, suite aux dernières élections nationales et aux importantes manifestations qui ont eu lieu dans le pays à cette occasion, et pour «éviter tout problème à l'avenir», il a été décidé de procéder à une réforme électorale exhaustive. Un accord de résolution politique a été conclu le 22 juillet 2014. La culture du dialogue est profondément ancrée dans la culture du pays et les autorités entendent la poursuivre pour maintenir l'harmonie sociale, a insisté M. Mak.

En ce qui concerne la liberté d'expression, M. Mak a rappelé que la Constitution mentionne les droits, devoirs et obligations applicables aux citoyens du pays. Des dispositions législatives relatives aux manifestations ont été adoptées en 2012, a indiqué le représentant, assurant qu'il n'y avait pas de restrictions à la liberté d'expression, en dehors de celles visant à préserver le pays de tout risque de trouble à l'ordre public.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Dès l'ouverture de la séance, le Président du Comité, M. FABIÁN OMAR SALVIOLI, a fait observer que ce deuxième rapport périodique est parvenu au Comité avec près de dix ans de retard par rapport au délai fixé par le Pacte pour sa soumission.

Un autre membre du Comité a relevé qu'un grand nombre de faits nouveaux sont intervenus au Cambodge depuis la présentation du rapport initial, il y a seize ans. Cette experte a demandé si les juges auront la possibilité d'appliquer directement les dispositions du Pacte dans le cadre des décisions qu'ils rendent. Pour être conforme aux Principes de Paris, l'institution nationale des droits de l'homme doit être indépendante et autonome et être créée en vertu d'une loi, a rappelé l'experte, qui a voulu connaître la date à laquelle il est prévu de soumettre au parlement le projet de loi portant création de cette institution.

Il semblerait que la police ouvre très peu d'enquêtes sur les cas de traite et que, de ce fait, rares soient les poursuites engagées dans de telles affaires, a par ailleurs fait observer l'experte. Aussi a-t-elle voulu connaître le nombre de victimes, de plaintes déposées, de poursuites engagées en justice et de condamnations prononcées s'agissant de faits de traite de personnes.

Un expert s'est enquis des écarts de salaires entre hommes et femmes. Il a souligné que des employés du textile, principalement des femmes, ont été sanctionnés, voire assassinés, alors qu'ils revendiquaient des hausses de salaire. Reste par ailleurs sans réponse la question que le Comité a adressée aux autorités cambodgiennes concernant le sentiment antivietnamien qui continue de régner au Cambodge, a fait observer cet expert, attirant notamment l'attention sur le grand nombre d'apatrides d'origine vietnamienne qui continuent de vivre au Cambodge. Le code pénal condamne certaines discriminations mais ne prévoit rien contre la discrimination fondée sur le sexe; d'après les informations disponibles, ces lacunes permettent aux employeurs de refuser des personnes issues de la communauté LGBT, a par ailleurs souligné l'expert, qui a relevé que les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres sont souvent tout simplement déshérités par leur propre famille. Les personnes handicapées mentales ne semblent pas jouir du droit de vote, s'est en outre inquiété l'expert.

Une experte s'est inquiétée de la persistance de la violence domestique au Cambodge, où il apparaît que 35% des Cambodgiens ont eu recours à la violence physique contre leur épouse. Les actes de violence fondée sur le sexe font très rarement l'objet de poursuites en justice, a ajouté l'experte.

Un expert s'est réjoui que le Cambodge ait aboli la peine de mort. Il a ensuite relevé que ces dernières années, de nombreux incidents se sont produits dans le pays: il y a notamment eu des assassinats de journalistes. Il y a également eu des agressions, ayant parfois provoqué la mort, de défenseurs des droits de l'homme et de syndicalistes et si les autorités cambodgiennes nient ces informations, il n'en demeure pas moins qu'elles proviennent de différentes sources concordantes. Dans ce contexte, y a-t-il réellement une volonté politique de mettre fin à ces dépassements de la part des forces de police et des forces armées. Que fait le Gouvernement pour sensibiliser ces forces responsables du maintien de l'ordre aux problèmes des droits de l'homme et en particulier au respect du droit à la vie, a demandé l'expert.

Quant à l'usage excessif de la force par les agents chargés de l'ordre public dans le cadre des manifestations, il semble qu'il y ait là aussi des abus, a déploré l'expert, relevant qu'au cours des manifestations au Cambodge, il y a parfois des blessés et des morts. Ces informations sont confirmées par un Rapporteur spécial des Nations Unies, a insisté l'expert. Au Cambodge, il y a un décalage entre le droit et la pratique, a-t-il souligné.

S'agissant du cadre législatif permettant de poursuivre les responsables d'actes de torture, l'expert a relevé qu'un article du code de procédure pénale rend nul, donc irrecevable, tout aveu obtenu sous la contrainte. Il n'en demeure pas moins qu'il ressort d'une enquête menée par des ONG entre 2010 et 2013 qu'un certain nombre de détenus se sont plaints d'avoir été soumis à des actes de torture et de mauvais traitements en détention. Dans ce contexte, quelles mesures les autorités envisagent-elles pour mettre fin à ce problème qui reste «quelque peu endémique», a demandé l'expert.

Au Cambodge, la prison préventive est la règle et non l'exception et 65% des personnes privées de liberté sont dans l'attente d'un procès ou d'une condamnation, s'est inquiété un expert, faisant observer que certaines personnes restent placées en détention préventive pour une durée supérieure à la peine encourue pour l'acte qui leur est imputé. Tous les avantages en prison, y compris pour ce qui a trait aux visites ou même aux grâces, se monnaient, a en outre fait observer cet expert. La surpopulation carcérale est une véritable bombe à retardement et la tuberculose risque de devenir un véritable problème de santé publique, a-t-il par ailleurs averti.

Questions et observations des experts - suite

Plusieurs experts ont dénoncé l'impunité qui semble prévaloir au Cambodge face à diverses violations graves des droits de l'homme, notamment face aux atteintes au droit à la vie ou encore face aux actes de torture dans les prisons. Aujourd'hui, le Haut Commissariat aux droits de l'homme, le CICR et/ou les organisations de la société civile peuvent-ils se rendre dans les prisons du Cambodge pour y voir ce qui s'y passe, a demandé un membre du Comité?

Un membre du Comité a relevé que la loi foncière relative aux peuples autochtones protège les droits de ces personnes; sont notamment interdites les concessions sur les terres autochtones. Mais d'après certaines informations, a ajouté cet expert, il semblerait que le Gouvernement n'applique pas dûment ces dispositions légales et que des concessions soient encore accordées sur des terres autochtones.

Comment le Cambodge envisage-t-il d'accroître le nombre d'avocats dans le pays, dont les autorités reconnaissent qu'il est insuffisant, a pour sa part demandé une experte? Soucieuse de l'indépendance du pouvoir judiciaire, elle s'est notamment enquise de la composition et du fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature. Dans quelle mesure les aveux sont-ils recevables comme éléments de preuve au pénal, a-t-elle en outre demandé? L'experte s'est en outre inquiétée d'informations laissant apparaître des dysfonctionnements dans l'enregistrement des noms des électeurs sur les listes électorales.

Au Cambodge, la liberté de la presse et la liberté de réunion et d'assemblée sont certes garanties par la Constitution; mais il semble qu'en vertu du Code pénal, les libertés d'expression, de réunion et d'assemblée puissent être limitées en cas de pratiques assimilables à la haine, a fait observer un membre du Comité. Or, ces restrictions semblent être utilisées pour arrêter des militants des droits de l'homme et des journalistes, s'est inquiété cet expert. Selon certaines informations, a-t-il insisté, plusieurs militants des droits de l'homme ont été poursuivis et parfois reconnus coupables de diffamation depuis 2010.

Il a par ailleurs été recommandé au Cambodge de créer un système de justice pour mineurs bien distinct ce qui n'a pas, à ce stade, été fait à proprement parler.

Un expert s'est enquis des mesures prises par les autorités cambodgiennes pour éliminer le travail des enfants ainsi que les sévices et châtiments corporels à leur encontre, et pour assurer l'enregistrement des enfants à la naissance. D'après les statistiques, 10% des enfants âgés de 5 à 17 ans travaillent comme ouvriers et 5% sont engagés dans des travaux dangereux; en outre, les enfants sont également utilisés dans le secteur informel, a souligné cet expert. Il s'est en outre inquiété du contenu de l'article 1045 du Code civil qui autorise le détenteur de l'autorité parentale à discipliner un enfant dans la mesure du nécessaire. Quant à l'enregistrement des naissances – en dépit des efforts déployés par les autorités suite à l'adoption du sous-décret n°103 de l'an 2000, qui fait obligation aux familles d'inscrire leurs enfants au registre de l'État civil –, il existe en la matière une très forte disparité régionale entre la capitale et les régions, a ajouté l'expert.

Il est évident que les chambres extraordinaires qui ont été créées ne parviendront pas à juger l'ensemble des responsables du génocide cambodgien, a fait observer un membre du Comité; aussi, des mesures complémentaires ont-elles été prévues pour juger d'autres responsables ou, alternativement, établir la vérité, a-t-il demandé?
Une experte a déploré la complexité des procédures d'enregistrement pour les organisations de la société civile.

Réponses de la délégation

La délégation cambodgienne s'est dite assez surprise voire mécontente que le Comité estime que le rapport ne reflète pas correctement la situation qui prévaut au Cambodge. Ce sont les citoyens qui élisent le Gouvernement et lui accordent leur confiance; le Gouvernement doit donc travailler dur pour être élu, voire réélu le cas échéant, a souligné la délégation. Or, si la situation n'était pas assez bonne, les citoyens ne voteraient pour le maintien du Gouvernement, a-t-elle expliqué.

La délégation a en outre rappelé que le Cambodge a signé à Phnom Penh une déclaration relative aux droits de l'homme dans le cadre de l'ANASE. Les autorités cambodgiennes ont accepté de devenir le cinquième pays de la région à se doter d'une institution nationale des droits de l'homme qui soit conforme aux Principes de Paris, a poursuivi la délégation. Elle a indiqué qu'un projet de loi en ce sens avait été soumis aux autorités le mois dernier, qui doit encore faire l'objet d'un dialogue entre les autorités et la société civile. Il convient en effet de relever qu'accorder trop de pouvoirs à cette future institution nationale de droits de l'homme pourrait avoir des incidences sur d'autres institutions, a fait observer la délégation. Une fois ce dialogue terminé, a-t-elle poursuivi, pourra être organisé un atelier national afin de former les juges, avocats et autres parties prenantes; les populations autochtones ainsi que des membres des assemblées parlementaires seront également conviés. Après examen par l'Assemblée nationale, le projet de loi sera envoyé pour adoption au Conseil des Ministres, après quoi il sera de nouveau renvoyé devant le Parlement, a expliqué la délégation.

Plusieurs lois visant à renforcer le fonctionnement du système judiciaire cambodgien ont été adoptées récemment: loi relative au fonctionnement des tribunaux, loi sur la formation des magistrats, ou encore loi sur le fonctionnement de la Cour suprême, a indiqué la délégation.

Actuellement, le Cambodge ne compte que quelque 500 avocats environ et dans certaines provinces, en particulier dans les plus reculées d'entre elles, il est vrai qu'il peut s'avérer difficile d'avoir accès à un avocat.

Le Conseil supérieur de la magistrature est composé de onze membres, parmi lesquels figurent le Ministre de la justice et le Procureur de la Cour suprême; certains de ces membres sont élus par le Sénat ou l'Assemblée nationale, a indiqué la délégation.

Il n'existe pas de législation particulière portant sur la justice pour mineurs, a reconnu la délégation. Il n'y a pas au Cambodge de système de justice juvénile à proprement parler, mais il n'en demeure pas moins que les autorités ne souhaitent pas que les délinquants mineurs soient renvoyés vers le système carcéral général, c'est-à-dire incarcérés; les autorités souhaitent que les mineurs en conflit avec la loi soient orientés non pas vers les tribunaux mais vers des mesures de réhabilitation qui, si elles ne s'avèrent pas efficaces, pourraient alors laisser place à un renvoi vers un tribunal. Aussi, des consultations sont-elles menées auprès de la société civile et en coopération avec différents partenaires, parmi lesquels le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), aux fins de l'élaboration d'un projet de loi en la matière qui, une fois rédigé, sera soumis au Conseil des Ministres.

Aucun aveu obtenu sous la contrainte ne peut être utilisé par les tribunaux comme élément de preuve, a par ailleurs assuré la délégation.

Pour ce qui de la situation des prisons, la délégation s'est demandé d'où les membres du Comité tiennent leurs informations en la matière. Les autorités ont entrepris de rénover les établissements pénitentiaires afin de permettre aux détenus d'y vivre de manière adéquate, a-t-elle indiqué. Au total, 22 femmes détenues enceintes ou avec des enfants en bas âge ont été libérées le 8 mars dernier, à l'occasion de la Journée internationale de la femme; d'autres seront libérées à l'occasion du jour du nouvel an cambodgien, a fait valoir la délégation. La délégation a en outre indiqué que le pays compte quelque 24 centres de détention et que plusieurs centres d'accueil spécialisés sont réservés aux délinquants mineurs. Un projet de loi relatif à la justice pour mineurs prévoit que dans les prisons, les femmes et les enfants soient séparés des détenus masculins adultes, a par ailleurs indiqué la délégation.

Pour ce qui est des questions relatives à la torture, la délégation a rappelé que le Cambodge avait adhéré à la Convention contre la torture et que le pays est l'un des seuls d'Asie à avoir ratifié le Protocole facultatif y relatif, en 2007. Le pays s'est doté depuis le mois d'août 2009 d'un mécanisme national de prévention de la torture, a-t-elle en outre fait valoir. S'il y a des cas de torture, alors ils sont réprimés et de nombreuses ONG travaillent d'ailleurs dans les prisons, a assuré la délégation, interrogeant ici encore les membres du Comité pour savoir d'où ils tiennent leurs informations.

Un membre du Comité a tenu à souligner que les experts de cet organe ne travaillent – ne fondent leur travail – que sur la base d'informations officielles et publiques qui peuvent être consultées par tous. «Nous ne prenons pas ce que nous disent les ONG pour argent comptant»; nous soumettons parfois aux délégations des allégations qui nous ont été transmises et les laissons alors y répondre, a insisté l'expert. Les questions soulevées par les membres du Comité concernant le plus important des droits, à savoir le droit à la vie, sont restées sans réponse à ce stade, a-t-il poursuivi, rappelant que les experts du Comité sont particulièrement préoccupés par l'impunité qui prévaut face aux violations graves des droits de l'homme et notamment face aux violations du droit à la vie. Des centaines d'exécutions imputables à la police, à l'armée ou à la gendarmerie sont restées sans suites judiciaires, a fait observer cet expert. Le problème de l'impunité reste pour nous un problème sérieux, a-t-il insisté. Ce n'est pas pour censurer ou nuire que nous faisons ces remarques, mais par sympathie pour le Cambodge dont on souhaite qu'en tant que berceau de la civilisation khmère, il soit au niveau de sa réputation historique, a assuré l'expert.

La délégation cambodgienne a rappelé que plusieurs milliers d'ONG œuvrent pour la cause des droits de l'homme au Cambodge. Les autorités cambodgiennes, soucieuses de lutter contre l'impunité, entendent bien tirer des leçons de l'expérience des chambres extraordinaires (ou tribunaux pour les Khmers), a par ailleurs indiqué la délégation. L'impunité n'est plus de mise au Cambodge, a-t-elle ensuite assuré après avoir fait état d'un cas de disparition dont les résultats de l'enquête sont attendus.

La délégation a par ailleurs rappelé que le Cambodge a ratifié la Convention sur les disparitions forcées. Le Gouvernement cambodgien n'a jamais ignoré les cas de disparitions, a-t-elle assuré.

La délégation a en outre fait valoir que le pays a accepté les visites de plusieurs titulaires de mandats au titre de procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies.

S'agissant des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, chargées de la poursuite des crimes commis par les Khmers Rouges, la délégation a rejeté les allégations selon lesquelles le Gouvernement aurait cessé à un moment donné de rémunérer les employés de ce tribunal spécial qui – a-t-elle rappelé – est un tribunal hybride. Pour ce qui est du Dossier 002, qui concerne le crime de génocide, la délégation a rappelé que le Gouvernement n'a pas voix au chapitre quant aux condamnations qui pourraient être prononcées dans le cadre de cette Affaire. Pour les Dossiers 003 et 004, là, les juges d'instruction ont travaillé de concert; ils se sont consultés s'agissant de ces affaires-là, a poursuivi la délégation. Pour les Dossiers 003 et 004, il existe une clause permettant au juge d'instruction d'interrompre les enquêtes, a-t-elle ajouté. La délégation a en outre renvoyé aux déclarations du porte-parole de ce tribunal spécial, qui a indiqué comment il pouvait être remédié aux différends susceptibles d'apparaître entre les différents juges.

Le Ministère des affaires féminines travaille sans relâche pour lutter contre la violence domestique, a par ailleurs assuré la délégation. Il arrive parfois que les épouses viennent réclamer leur mari après leur arrestation (suite à une plainte pour violence domestique), arguant qu'il est un indispensable soutien de famille, a expliqué la délégation. Il s'agit donc d'affaires très difficiles et il arrive donc que l'on libère alors les hommes sous caution et sous réserve qu'ils ne se livrent plus à des actes de violence domestique, a-t-elle indiqué. Ne sauraient être acceptés les chiffres cités par certains selon lesquels une femme sur trois serait victime de violences domestiques; si tel était le cas, le Cambodge se trouverait dans une situation de chaos total, a par ailleurs affirmé la délégation.

Le Gouvernement royal respecte les droits de l'homme pour tous et pas seulement pour un groupe, qu'il soit riche ou pauvre, a insisté la délégation.

Les enfants nés au Cambodge peuvent obtenir un acte de naissance, ce qui ne leur donne pas automatiquement droit à la nationalité cambodgienne, a rappelé la délégation. Au total, 22 nationalités vivent au Cambodge et tous leurs membres ont accès à des documents d'identité officiels, y compris les Vietnamiens, a-t-elle ajouté. Il n'y a aucune discrimination au Cambodge contre les Vietnamiens ou contre les ressortissants d'autres pays, a assuré la délégation.

En ce qui concerne la traite de personnes, la délégation a reconnu que le nombre de poursuites engagées pour de tels actes a diminué; mais cela peut être dû au fait que le nombre de plaintes déposées a diminué et non au fait que le procureur donnerait moins suite aux plaintes déposées, a souligné la délégation.

Lorsqu'un cas de travail des enfants est identifié, l'enfant est soustrait de l'entreprise dans laquelle il travaille, a indiqué la délégation. Le fait est que souvent, les parents permettent à leurs enfants de travailler afin de bénéficier du salaire qui en résultera; dans ce contexte, les autorités doivent-elles procéder à l'arrestation des parents (en plus de celle des responsables de l'usine ayant employé l'enfant), auquel cas qui aura la garde de l'enfant, a interrogé la délégation?

Quant à la communauté LGBT, la délégation a affirmé que les personnes qui en sont issues ne sont pas victimes de discrimination. Les personnes LGBT «sont considérées comme des citoyens à part entière avec lesquels nous devons vivre», a ajouté la délégation. Certes, il n'existe pas de législation les protégeant spécifiquement et il peut arriver que, comme partout dans le monde, ces personnes soient confrontées à une discrimination; mais on ne peut pas dire que ces personnes soient victimes de pratiques discriminatoires généralisées, a ensuite déclaré la délégation.

La représentation des femmes a atteint 20% au niveau des institutions publiques, a d'autre part fait observer la délégation. La question de la parité est intégrée dans la politique nationale, a-t-elle assuré, après avoir fait observer qu'aucun Secrétaire général des Nations Unies depuis la création de l'ONU n'a jamais été une femme.

Conclusion

Le Président du Comité, M. FABIAN OMAR SALVIOLI, a tenu à souligner que lorsque des experts posent des questions complémentaires, c'est parce que cela est essentiel aux fins de l'élaboration des observations finales du Comité, faute de quoi l'État partie rate une occasion de fournir directement à cet organe les informations requises. Le Comité n'est pas un tribunal qui juge mais une enceinte au sein de laquelle il convient de coopérer, a insisté M. Salvioli. Il a rappelé à la délégation cambodgienne qu'elle disposait à compter de maintenant d'un délai de 48 heures pour transmettre au Comité toute information qu'elle pourrait juger pertinente.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CT15/004F