Fil d'Ariane
LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTEND LA MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA GÉORGIE
La Conférence du désarmement a entendu, cet après-midi, des déclarations de la Ministre des affaires étrangères de la Géorgie, Mme Tamar Beruchashvili, ainsi que le Vice-Ministre des affaires étrangères du Myanmar et le Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et aux droits de l'homme du Mexique. Les délégations de la Fédération de Russie et de la Géorgie sont également intervenues, de même que le Président de la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel.
La Ministre géorgienne des affaires étrangères a notamment souligné que les garanties de sécurité accordées à l'Ukraine en vertu du Mémorandum de Budapest suite à l'accession de ce pays au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) ont été ignorées; l'un des États garants a lui-même ouvertement défié l'intégrité territoriale et la souveraineté de ce pays. La crise en Ukraine n'est pas une occurrence unique, a-t-elle rappelé; la première alarme de ce genre a sonné en août 2008 lorsque la Fédération de Russie a lancé contre la Géorgie une agression militaire à grande échelle qui s'est soldée par l'occupation de plus de 20% du territoire.
Le désarmement nucléaire reste la première priorité du Myanmar, a pour sa part indiqué le Vice-Ministre des affaires étrangères du Myanmar, M. Thant Kyaw. Il convient de fournir aux États non dotés d'armes nucléaires les garanties nécessaires contre l'utilisation ou la menace d'utilisation de ces armes, a-t-il souligné. Le Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et aux droits de l'homme du Mexique, M. Juan Manuel Gómez Robledo, a pour sa part déploré qu'avec la paralysie qui frappe la Conférence, aucun nouvel instrument ni aucun progrès n'avancent dans le domaine du désarmement, ce qui ne fait que protéger les intérêts d'une minorité d'États, à savoir ceux qui possèdent l'arme nucléaire. Il a rappelé l'obligation de résultats pour les États parties au TNP et souligné qu'à partir des résultats qui seront enregistrés à New York à l'issue de la neuvième Conférence d'examen du TNP, chacun pourra tirer ses conclusions.
Le Président de la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel, l'Ambassadeur de Belgique, M. Bertrand de Crombrugghe, a notamment observé que si plus de 47 millions de mines antipersonnel stockées ont été détruites depuis l'entrée en vigueur de la Convention, il est trop tôt pour crier victoire, car d'importants stocks subsistent et en de trop nombreux endroits, des champs de mines existent encore qui représentent un danger pour les populations civiles.
La Conférence du désarmement poursuivra demain matin, à partir de 10h45, son débat ministériel. Elle doit notamment entendre des hauts dignitaires du Kazakhstan, du Costa Rica, de la République de Corée et de la Lettonie.
Aperçu des déclarations
MME TAMAR BERUCHASHVILI, Ministre des affaires étrangères de la Géorgie, a indiqué partager le point de vue selon lequel la Conférence pourrait incontestablement tirer parti d'une plus grande interaction avec la société civile. Relevant que ces dernières années, des interrogations étaient soulevées au sujet du caractère adéquat ou non adéquat des arrangements de sécurité existants, elle s'est dite confiante, estimant que le principal problème était davantage lié au manque de volonté de respecter strictement les obligations consenties qu'à l'imperfection du système lui-même. Peut-être le non-respect des obligations constitue-t-il un défi majeur lancé à la sécurité commune, a insisté la Ministre géorgienne, regrettant que la communauté internationale ne fasse pas preuve de suffisamment de résolution et d'unité pour répondre de manière adéquate à cette tendance dangereuse à un stade précoce. Les garanties de sécurité accordées à l'Ukraine en vertu du Mémorandum de Budapest suite à l'accession de ce pays au TNP ont été ignorées et l'un des États garants a lui-même ouvertement défié l'intégrité territoriale et la souveraineté de ce pays, a poursuivi Mme Beruchashvili. Ce développement extrêmement dangereux menace d'avoir des implications néfastes de grande portée, notamment sur le processus de désarmement et de non-prolifération nucléaires, a-t-elle insisté.
La crise en Ukraine n'est pas une occurrence exclusive, a souligné la Ministre géorgienne des affaires étrangères. La première alarme de ce genre a sonné en août 2008 lorsque la Fédération de Russie a lancé contre la Géorgie une agression militaire à grande échelle qui s'est soldée par l'occupation de plus de 20% du territoire souverain géorgien, a-t-elle rappelé. Il ne fait aucun doute que cette occupation de régions géorgiennes constitue une menace fondamentale pour la sécurité et la stabilité de la Géorgie, a insisté la Ministre des affaires étrangères. Le manque de mécanismes de contrôle international dans ces régions non contrôlées par le Gouvernement géorgien crée un terreau fertile pour toutes sortes d'activités illégales, y compris la prolifération chimique, bactériologique, radiologique et nucléaire et l'accumulation et le transfert illicite d'armes conventionnelles, a souligné Mme Beruchashvili, avant de rappeler que plusieurs tentatives de contrebande nucléaire via les régions géorgiennes occupées avaient été enregistrées et que la communauté internationale en avait été dûment informée. En outre, de grosses quantités d'armements ont été accumulées dans les régions géorgiennes occupées d'Abkhazie et de Tskhinvali, en violation flagrante des principes fondamentaux du droit international et des engagements internationaux souscrits par la Fédération de Russie, y compris l'accord de cessez-le-feu du 12 août 2008. Au lieu de se retirer des régions occupées de Géorgie comme cela était prévu dans l'accord de cessez-le-feu, la Fédération de Russie introduit des personnels, des armements et des équipements supplémentaires, établissant de nouvelles structures militaires illégales. Plus de 10 000 soldats de troupe d'occupation sont illégalement déployés dans ces deux régions, a indiqué la Ministre géorgienne des affaires étrangères. Elle a enfin indiqué que son pays considérait l'élargissement de la composition de la Conférence comme un processus nécessaire ; l'objectif universel de sécurité et de stabilité internationales doit par définition être traité par un organe à représentation universelle.
M. THANT KYAW, Vice-Ministre des affaires étrangères du Myanmar, a indiqué partager la déception et la frustration de nombreux pays concernant la stagnation continue de la Conférence au cours des dix-huit dernières années. Le Myanmar n'en estime pas moins que l'existence de cette instance et sa composition unique en font un atout important dans la quête de la paix et de la sécurité par le biais du désarmement, a-t-il indiqué. Le désarmement nucléaire reste la première priorité du Myanmar, a-t-il poursuivi, affirmant que la seule garantie absolue contre l'utilisation des armes nucléaires reste leur élimination complète et totale. Aussi, le Vice-Ministre a-t-il encouragé toutes les parties à continuer de mettre l'accent sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires dans tous les fora pertinents. Il convient de fournir aux États non dotés d'armes nucléaires les garanties nécessaires contre l'utilisation ou la menace d'utilisation de ces armes, a poursuivi le Vice-Ministre des affaires étrangères du Myanmar. Affirmant souhaiter le succès de la prochaine Conférence d'examen du TNP, qui s'ouvrira à New York dans moins de deux mois, il a exhorté tous les États dotés de l'arme nucléaire, en particulier ceux ayant les plus gros arsenaux nucléaires, à respecter immédiatement et pleinement le Plan d'action en 22 points sur le désarmement nucléaire contenu dans le document final de la Conférence d'examen de 2010.
M. Thant Kyaw a ensuite indiqué que son pays se félicitait de l'appel en faveur de la nomination d'un coordonnateur spécial sur la question de l'élargissement de la composition de la Conférence, sans préjuger des résultats. De l'avis du Myanmar, la volonté politique des États membres est importante pour faire avancer la Conférence, a-t-il ajouté. Il a indiqué soutenir le renforcement de l'interaction entre la Conférence et la société civile, précisant qu'en dépit du manque de consensus le mois dernier sur la proposition de participation de la société civile à la Conférence, il convenait néanmoins de poursuivre l'exploration des possibilités en la matière. Conformément à l'article 17 (entrée en vigueur) du Protocole additionnel sur les garanties de l'AIEA, le Myanmar est en train d'achever ses procédures internes, y compris l'élaboration de lois internes, a d'autre part fait valoir le Vice-Ministre des affaires étrangères. En décembre dernier, a-t-il ajouté, le Myanmar a déposé son instrument de ratification de la Convention sur les armes biologiques. Il a également indiqué qu'en janvier dernier, le Parlement de l'Union du Myanmar avait approuvé à l'unanimité la proposition visant la ratification de la Convention sur les armes chimiques. Enfin, M. Thant Kyaw a rappelé que le Myanmar avait signé en 1996 le traité d'interdiction complète des essais nucléaires.
M. JUAN MANUEL GÓMEZ ROBLEDO, Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et aux droits de l'homme du Mexique, a souligné que l'immobilisme et la paralysie qui frappent la Conférence depuis plus de 18 ans maintenant sont incompréhensibles et contraires à l'esprit du multilatéralisme. Certains invoquent le manque de volonté politique au sein de la Conférence ; pourtant, l'immense majorité des États qui y sont représentés a manifesté sa disposition à négocier, a-t-il fait observer. Alors que la paralysie frappe la Conférence, aucune nouvelle norme ni aucun progrès n'avancent dans le domaine du désarmement, ce qui ne fait que protéger les intérêts d'une minorité d'États, à savoir ceux qui possèdent l'arme nucléaire, a souligné M. Gómez Robledo, avant de rappeler les initiatives prises par l'Ambassadeur Jorge Lomónaco du Mexique en tant que Président de la Conférence au début de la présente session. L'incapacité de la Conférence à adopter et appliquer un programme de travail est un échec collectif, a déclaré M. Gómez Robledo, soulignant que «nous sommes tous responsables d'encourager une sous-culture de la Conférence qui concède à tous ses membres le droit de veto, y compris dans une décision de procédure». Il s'agit en fin de compte d'une sous-culture qui préfère établir des groupes informels pour négocier un programme de travail qui ne puisse pas être appliqué plutôt que s'atteler au travail de fond de façon transparente, sous l'œil public de la société civile, en rendant des comptes à nos citoyens, a insisté le Sous-Secrétaire mexicain aux affaires multilatérales et aux droits de l'homme. L'important, c'est le désarmement, pas la Conférence, a-t-il déclaré.
M. Gómez Robledo a rappelé que l'avis consultatif de la Cour internationale de justice de 1996 avait réaffirmé que l'obligation découlant de l'Article VI du TNP (concernant le désarmement nucléaire) était une obligation de résultats pour les États parties au TNP. Il a en outre souligné que les trois conférences sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires qui se sont tenues en Norvège, au Mexique et en Autriche en 2013 et 2014 ont permis de renforcer les données, les arguments et les faits sur les dommages causés par ces armes. Or, aujourd'hui, subsistent plus de 16 000 armes nucléaires, a-t-il fait observer. Alors qu'une minorité de pays, dont beaucoup ne sont pas dotés d'armes nucléaires, continue d'argumenter que ces armes sont les garantes de la sécurité contemporaine, d'autres pays semblent justifier la possession d'armes nucléaires de certains États et prétendent que les circonstances actuelles sous-tendent la nécessité de conserver un armement nucléaire pour dissuader tout ennemi. De l'avis du Mexique, il s'agit là d'une invitation à la prolifération nucléaire qui est très préoccupante et contraire à la lettre et à l'esprit du TNP. Étant donné que les dimensions de non-prolifération et de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire ont été traitées, la priorité réside désormais, alors que va bientôt s'ouvrir la Neuvième Conférence d'examen du TNP, dans le respect de l'Article VI de ce Traité. À partir des résultats qui seront enregistrés à New York à l'issue de cette Conférence d'examen, chacun pourra tirer ses conclusions, a averti M. Gómez Robledo. L'histoire du désarmement multilatéral montre que les armes qui ont été éliminées sont celles qui ont fait l'objet d'une interdiction expresse prévue dans des instruments juridiquement contraignants, a-t-il souligné. Le Mexique considère que la priorité de la communauté internationale doit être de négocier un instrument global interdisant l'utilisation, la fabrication, la production, l'acquisition et le stockage ou toute autre forme de possession de toute arme nucléaire, a conclu M. Gómez Robledo.
L'Ambassadeur BERTRAND DE CROMBRUGGHE de la Belgique, en tant que Président de la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel, a rappelé que son pays est et a toujours été un fervent partisan de la Convention. La Belgique a été le premier État à déclarer une interdiction complète des mines antipersonnel et à procéder à leur destruction, a-t-il souligné, ajoutant que le pays n'a cessé, depuis, d'œuvrer à l'universalisation de cet instrument. Alors que la Convention d'Ottawa célébrait avant-hier, 1er mars, le seizième anniversaire de son entrée en vigueur, cet instrument compte désormais, avec l'accession d'Oman, 162 États parties. En outre, plusieurs États non signataires de cette Convention ont soit apporté leur soutien à la résolution annuelle des Nations Unies sur la Convention d'Ottawa, soit directement fait état de leur claire aspiration d'accéder en fin de compte à cet instrument, a fait observer M. de Crombrugghe. Plus de 47 millions de mines antipersonnel stockées ont été détruites depuis l'entrée en vigueur de la Convention, a-t-il fait valoir. Cela est remarquable et autant peut en être dit du déminage sur le terrain.
Pour autant, il est trop tôt pour crier victoire, car d'importants stocks subsistent et en de trop nombreux endroits, des champs de mines existent encore qui représentent un danger pour les populations civiles. Davantage de détermination est donc nécessaire de la part des gouvernements, a insisté M. de Crombrugghe, soulignant que ce sont les situations les plus difficiles à régler qui restent à résoudre. Au moins quatre cas ont été rapportés d'usage allégué de mines antipersonnel sur le territoire actuellement ou anciennement contrôlé par des États parties ; en outre, trois États parties n'ont pas été en mesure de détruire leurs mines antipersonnel dans les délais prévus par la Convention et deux États parties sont actuellement confrontés à la difficile tâche de respecter les délais de déminage qui leur est fixé pour cette année. Parallèlement, les victimes de mines antipersonnel continuent de souffrir et pour 2013, quelque 3308 décès ont été enregistrés ; si cela représente techniquement une baisse de 24% par rapport à 2012, il n'en demeure pas moins que chaque décès est un décès de trop, a souligné l'Ambassadeur de la Belgique, avant de rappeler l'engagement pris à Maputo en 2014 de parvenir à un monde exempt de mines antipersonnel d'ici 2025.
Autres déclarations
La Fédération de Russie a déclaré que l'intervention de la Ministre des affaires étrangères de la Géorgie donne l'impression que certains vivent encore dans le passé, c'est-à-dire avant la date du mois d'août 2008. Il s'agit en fait d'une tentative de couvrir l'agression de la Géorgie contre l'Ossétie du Sud telle qu'elle s'est produite un certain jour d'août 2008, a déclaré la délégation russe. Le contingent russe de maintien de la paix qui se trouvait en Ossétie du Sud en vertu d'accords internationaux a été attaqué à cette époque, de sorte qu'il ne restait à la Fédération de Russie d'autre choix que de décider d'obliger par la force la partie géorgienne à la paix. Après quoi, a eu lieu la séparation de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie de la Géorgie, chacune de ces deux entités ayant décidé de se retirer de la Géorgie et de créer un État souverain. Les contingents russes s'y trouvent désormais en vertu d'accords bilatéraux conclus avec ces deux États. Depuis 2008, ont lieu les pourparlers de Genève sur la sécurité et la stabilité dans la région du Caucase, a rappelé la Russie, soulignant que toutes les parties y participent, y compris l'Abkhazie, l'Ossétie du Sud et la Géorgie. Elle appelle la partie géorgienne à se concentrer sur ces pourparlers plutôt que sur la diplomatie publique.
La Géorgie a rappelé qu'il y avait eu une agression de la Géorgie par la Fédération de Russie en 2008. La Fédération de Russie contrôle en tant que puissance d'occupation deux régions géorgiennes, a ajouté la délégation. La Fédération de Russie continue de nier ses responsabilités en tant que puissance d'occupation, a-t-elle insisté, plaidant pour un accès d'observateurs internationaux à ces lieux d'occupation.
La Fédération de Russie a affirmé que certaines interventions reflètent bien l'état d'esprit qui prévaut à la Conférence, un état d'esprit démocratique qui permet à chacun de dire ce qu'il veut, même si cela n'a aucun rapport avec le mandat de la Conférence. À ceux qui plaident pour un élargissement de la composition de la Conférence, la délégation russe a fait observer que l'on a assisté cet après-midi à une tentative de politiser les travaux de la Conférence, détournant cette instance des compromis qu'elle doit rechercher sur des questions difficiles telles que son programme de travail.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
DC15/016F