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LE COMITÉ DES DISPARITIONS FORCÉES EXAMINE LE RAPPORT DE LA SERBIE

Compte rendu de séance
Le sort de 10 929 personnes disparues pendant les conflits armés qui ont frappé le territoire de l'ancienne Yougoslavie n'est toujours pas éclairci

Le Comité des disparitions forcées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par la Serbie sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Présentant ce rapport, M. Veljko Odalović, Secrétaire général du Ministère des affaires étrangères de la Serbie et Président de la Commission nationale pour les personnes disparues, a rappelé que selon les estimations, quarante mille personnes environ ont disparu pendant les conflits armés qui ont frappé le territoire de l'ex-Yougoslavie. Selon les statistiques de décembre 2014 du Comité international de la Croix-Rouge, a-t-il précisé, quelque 10 929 cas restent non résolus. La résolution de ce problème, y compris pour ce qui est des cas de disparitions et d'enlèvements dans la province autonome du Kosovo-Metohija, est une priorité tant humanitaire que politique; en effet, elle conditionne le processus de réconciliation aussi bien que la création dans la région d'une société multiethnique et tolérante, a déclaré M. Odalović. À cette fin, a-t-il fait valoir, la Serbie a créé la Commission nationale pour les personnes disparues, qui a notamment pour mission de rassembler des données relatives aux personnes disparues et de coordonner l'action des autorités et organisations compétentes dans la recherche et l'identification des corps, tout en répondant aux besoins humanitaires des familles affectées. Par ailleurs, les autorités serbes ont mis sur pied, à la suite du dialogue engagé en 2005 entre les autorités de Belgrade et celles de Pristina, un groupe de travail chargé plus spécifiquement de la recherche des personnes disparues sur le territoire de la province autonome du Kosovo-Metohija.

Ayant ainsi posé de manière systématique les bases de son action, la République de Serbie estime que le temps constitue maintenant le principal obstacle pour résoudre les difficultés qui sont les siennes dans l'éclaircissement du sort d'un très grand nombre de personnes disparues, a indiqué M. Odalović. Il a tenu à préciser que si le Kosovo-Metohija faisait effectivement partie intégrante du territoire serbe, conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, la Serbie n'est pas en mesure d'y garantir l'application de la Convention, la région étant actuellement administrée par la Mission intérimaire des Nations Unies au Kosovo (UNMIK).

La délégation de la Serbie était composée, entre autres, de représentants des Ministères de la justice, de l'intérieur et des affaires étrangères, ainsi que de membres de la Cour de cassation et de la Cour suprême de Belgrade, d'un procureur adjoint et de représentants du parquet spécialisé dans la poursuite des crimes de guerre, de l'Office national des droits de l'homme et des droits des minorités ainsi que du Commissariat aux réfugiés et aux migrations.

La délégation serbe a fourni aux experts membres du Comité des compléments d'information s'agissant, notamment, du contrôle de constitutionnalité; des questions relatives aux procédures d'enquête et à la protection des témoins; de l'assistance judiciaire interétatique et de l'extradition; de l'existence de ce que la délégation serbe a qualifié de « prétendues prisons illégales »; de la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie; ou encore de la nécessaire incrimination de la disparition forcée. Sur ce dernier point, la délégation a indiqué que la qualification de la disparition forcée en tant que crime autonome est envisagée dans le cadre d'une réforme du Code pénal actuellement en discussion et qui devrait aboutir en avril 2016.

M. Santiago Corcuera Cabezut, l'un des deux corapporteurs du Comité pour l'examen du rapport de la Serbie, a constaté que nombre de familles de personnes disparues vivent encore aujourd'hui dans l'angoisse résultant de l'ignorance de la vérité quant au sort des disparus, ce qui pose la question des mesures à prendre en matière de protection des droits des victimes et de leurs proches. Pour remédier à ces souffrances, l'expert a conseillé à la Serbie de s'inspirer de l'expérience de plusieurs pays d'Amérique latine dans le soutien juridique aux familles de personnes disparues. M. Corcuera Cabezut s'est en outre enquis des suites judiciaires données à la découverte de fosses communes dans les villes de Batajnica et Rudnica. À l'instar de M. Corcuera Cabezut, l'autre corapporteur du Comité pour l'examen du rapport serbe, M. Kimio Yakushiji, a déploré l'absence de norme explicite relative à la disparition forcée dans le droit pénal serbe.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, des observations finales sur le rapport de la Serbie qui seront rendues publiques après la fin de la session, dont la séance de clôture se tiendra le vendredi 13 février dans l'après-midi.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité tiendra une séance publique au cours de laquelle elle s'entretiendra successivement avec les États membres, avec les organes et institutions spécialisées des Nations Unies et les organisations intergouvernementales, avec les institutions nationales de droits de l'homme et avec les organisations non gouvernementales.


Présentation du rapport de la Serbie

Le Comité est saisi du rapport initial de la Serbie (CDE/C/SRB/1) et des réponses fournies par la République de Serbie (document en anglais seulement) à la liste des questions écrites qu'il a préalablement adressée au pays en vue de l'examen de ce rapport (CDE/C/SRB/Q/1).

M. VELJKO ODALOVIĆ, Secrétaire général du Ministère des affaires étrangères de la Serbie et Président de la Commission nationale pour les personnes disparues, a déclaré que son pays, en tant qu'État candidat à l'adhésion à l'Union européenne, procédait depuis plusieurs années à un profond remaniement de son système juridique interne. Ce processus de réforme se traduit par des amendements juridiques favorables à l'intégration des normes les plus élevées et de l'acquis des sociétés modernes en matière de renforcement des institutions, de liberté de la presse et de promotion des droits de l'homme dans l'ensemble de la société serbe, a-t-il précisé. La réforme du secteur judiciaire a ainsi été lancée en 2009, en même temps qu'était promulguée une loi générale réprimant toutes les formes de discrimination, a-t-il ajouté. Il a par ailleurs rappelé que la Serbie est signataire de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale de 1959 (du Conseil de l'Europe). Conformément à l'article 16 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, les extraditions sont conditionnées aux résultats d'une évaluation des risques de disparition forcée encourus par les personnes concernées, a en outre souligné M. Odalović.

On estime que quarante mille personnes environ ont disparu pendant les conflits armés qui ont frappé le territoire de l'ex-Yougoslavie, a poursuivi le Secrétaire général du Ministère des affaires étrangères. Il a précisé que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) avait été saisi de près de 35 000 cas et que, selon les statistiques de décembre 2014 du CICR, 10 929 cas restent non résolus. La résolution de ce problème, y compris pour ce qui est des cas de disparitions et d'enlèvements dans la province autonome du Kosovo-Metohija, est une priorité tant humanitaire que politique; en effet, elle conditionne le processus de réconciliation aussi bien que la création dans la région d'une société multiethnique et tolérante, a déclaré M. Odalović. À cette fin, a-t-il fait valoir, la Serbie a créé la Commission nationale pour les personnes disparues, qui a notamment pour mission de rassembler des données relatives aux personnes disparues et de coordonner l'action des autorités et organisations compétentes dans la recherche et l'identification des corps, tout en répondant aux besoins humanitaires des familles affectées. Par ailleurs, les autorités serbes ont mis sur pied, à la suite du dialogue engagé en 2005 entre les autorités de Belgrade et celles de Pristina, un groupe de travail chargé plus spécifiquement de la recherche des personnes disparues sur le territoire de la province autonome du Kosovo-Metohija. Le groupe de travail, présidé par le Comité international de la Croix-Rouge et des représentants de Belgrade et de Pristina, a institué un cadre de collaboration et de travail qui a déjà élucidé près de 1600 cas de disparitions et mis au jour plusieurs fosses communes, a indiqué M. Odalović. Des réunions se tiennent régulièrement entre les autorités de Belgrade et de Pristina et les représentants des familles concernées, a-t-il fait valoir. L'exhumation et l'identification des corps sont réalisées sur la base de méthodes élaborées par le CICR, a-t-il précisé, ajoutant que le laboratoire ouvert à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, est le seul habilité à valider les résultats des identifications. Des démarches similaires concernent l'identification des corps à Zagreb, en Croatie, a poursuivi M. Odalović. Tous les corps identifiés sont rendus aux familles, a-t-il souligné.

Enfin, le Secrétaire général du Ministère serbe des affaires étrangères a fait savoir que la Serbie avait créé, en 2010, une Commission du droit international humanitaire chargée de suivre l'évolution de la doctrine dans ce domaine et de faire des recommandations concernant l'adhésion aux nouveaux traités et instruments.

Ayant ainsi posé de manière systématique les bases de son action, la République de Serbie estime que le temps constitue maintenant le principal obstacle pour résoudre les difficultés qui sont les siennes dans l'éclaircissement du sort d'un très grand nombre de personnes disparues, a conclu M. Odalović.

M. Odalović a tenu à préciser que si le Kosovo-Metohija faisait effectivement partie intégrante du territoire serbe, conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, la Serbie n'est pas en mesure d'y garantir l'application de la Convention, la région étant actuellement administrée par la Mission intérimaire des Nations Unies au Kosovo (UNMIK).

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. SANTIAGO CORCUERA CABEZUT, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Serbie, a rappelé que le Comité avait pour fonctions principales de vérifier l'application de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées dans la limite des frontières des États parties (article 29) et de recevoir des demandes (article 30) ou des plaintes (article 31 et 32). Il a tout d'abord souhaité savoir si la Serbie estimait que certaines dispositions de la Convention seraient incompatibles avec sa Constitution. M. Corcuera Cabezut a également voulu savoir si l'une quelconque des dispositions de la Convention avait déjà été invoquée par des plaignants en Serbie et appliquées par les tribunaux du pays.

Le droit pénal serbe ne définit pas le crime (de disparition forcée) sur lequel porte la Convention, a constaté le rapporteur. Dans ce contexte, il a voulu savoir comment s'applique à des cas de disparitions forcées l'article 332(2-3) du Code pénal serbe qui sanctionne la non-dénonciation d'actes préparatoires à des crimes ou la commission de tels actes. Plus précisément, qu'adviendrait-il d'un agent de l'État ayant commis de manière volontaire mais non préméditée un crime lié à la disparition forcée? La loi sur la fonction publique s'applique-t-elle aux forces de l'ordre et, dans la négative, quel mécanisme de reddition de comptes s'applique-t-il aux forces de l'ordre, a par ailleurs demandé M. Corcuera Cabezut?

La Convention impose d'ériger la disparition forcée en infraction pénale afin que les sanctions proportionnées puissent être prises, moyennant l'adoption indispensable de lois d'application précisant les peines encourues, ce que la Serbie n'a pas encore fait, a ensuite insisté le rapporteur. De plus, a-t-il poursuivi, la Convention contient nombre d'autres dispositions que les justiciables devraient pouvoir invoquer devant les tribunaux serbes pour faire valoir leurs droits.

M. Corcuera Cabezut a constaté que nombre de familles de personnes disparues vivent encore aujourd'hui dans l'angoisse résultant de l'ignorance de la vérité quant au sort des disparus, ce qui pose la question des mesures à prendre en matière de protection des droits des victimes et de leurs proches. Pour remédier à ces souffrances, l'expert a conseillé à la Serbie de s'inspirer de l'expérience de plusieurs pays d'Amérique latine dans le soutien juridique aux familles de personnes disparues.

M. Corcuera Cabezut a par ailleurs voulu savoir si la Commission nationale pour les personnes disparues accordait un soutien et des réparations aux familles et aux proches des personnes disparues.

Le rapporteur s'est en outre enquis des suites judiciaires données à la découverte de fosses communes dans les villes de Batajnica et Rudnica, ainsi que des réparations accordées aux proches et familles des victimes. Quelles sont les conditions auxquelles le juge peut accorder une compensation financière aux victimes et qu'en est-il de l'adéquation de cette compensation avec les exigences de la Convention, a demandé M. Corcuera Cabezut?
Enfin, le rapporteur a souhaité savoir si la Serbie avait l'intention de légiférer dans le sens de l'article 25 de la Convention – qui traite de la soustraction d'enfants soumis à une disparition forcée ou dont le père, la mère ou le représentant légal sont soumis à une disparition forcée, ou d'enfants nés pendant la captivité de leur mère soumise à une disparition forcée, ainsi que de la falsification, la dissimulation ou la destruction de documents attestant la véritable identité des enfants. Quelles mesures sont-elles prises pour localiser les enfants disparus pendant le conflit, a demandé l'expert?

M. KIMIO YAKUSHIJI, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Serbie, s'est demandé si le fait que la disparition forcée ne soit pas qualifiée en tant que telle dans le Code pénal ne constituait pas un obstacle à l'application de l'article 9 de la Convention (qui stipule que « tout État partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître d'un crime de disparition forcée »). Il s'est en outre enquis des mesures qu'il serait possible de prendre contre l'auteur d'un crime de disparition forcée qui bénéficierait de la prescription. L'expert s'est également interrogé sur la manière dont pourrait être poursuivi un militaire qui aurait commis, dans l'exercice de ses fonctions, un crime lié à la disparition forcée.

M. Yakushiji a par ailleurs prié la délégation de dire comment l'impartialité d'une enquête pour disparition forcée impliquant un employé du Ministère de la défense ou des forces armées peut être garantie par l'État, dès lors que cette enquête est confiée à la Police militaire, c'est à dire à des collègues potentiels de la personne incriminée. Plus généralement, l'expert s'est enquis de la manière dont sont traduits en justice des fonctionnaires ayant par le passé commis ou laissé commettre des crimes de disparition forcée. Le Comité a reçu des renseignements selon lesquels ces cas sont traités avec une grande lenteur, a indiqué M. Yakushiji. Il s'est en outre interrogé sur les suites judiciaires données, ou non, à d'éventuels cas de disparition forcée intervenus après le conflit. Le corapporteur a également voulu savoir dans quelle mesure le parquet spécialisé dans la poursuite des crimes de guerre avait libre accès aux archives des forces armées.

M. Yakushiji a demandé des précisions sur la composition et les compétences du service de protection des témoins, sachant que ses membres - des policiers - pourraient être amenés à protéger des personnes témoignant contre certains de leurs collègues.

À l'instar de M. Corcuera Cabezut, M. Yakushiji a déploré l'absence de norme explicite relative à la disparition forcée.

M. Yakushiji a par ailleurs demandé à la délégation de préciser le nombre de refus d'extradition prononcés au motif du risque de disparition forcée encouru dans le pays de destination. L'expert s'est également enquis de l'aboutissement des demandes d'asile déposées par des personnes soumises à ce même risque. Dans quels cas la Serbie accepte-t-elle des assurances diplomatiques émanant des pays de destination, a-t-il en outre voulu savoir? Les personnes susceptible d'être expulsées ou extradées ont-elles droit à une aide juridictionnelle gratuite et à un interprète, et quelles mesures sont-elles prises pour éviter qu'une personne extradée ne passe par un pays tiers où elle risquerait d'être victime de disparition forcée, a par ailleurs demandé le corapporteur.

Un autre expert a demandé des précisions sur les modalités de la coopération de la Serbie avec d'autres États à des fins de recherche et d'identification de personnes disparues sur son territoire.

Une experte a indiqué que le Comité est saisi de deux rapports parallèles établis par la société civile serbe; ces rapports font état de préoccupations quant à un manque d'engagement du Gouvernement serbe dans la recherche de dépouilles d'Albanais du Kosovo et demandent, notamment, l'ouverture des archives d'État et des archives militaires aux magistrats enquêteurs, a-t-elle fait observer.

Des précisions ont en outre été demandées sur le rôle du Médiateur dans le contrôle des procédures d'extradition et sur le respect de l'article 17 de la Convention, relatif au contenu des registres officiels des personnes détenues.

Quand doit aboutir le processus d'amendement législatif visant la création d'un registre national d'ADN, a-t-il également été demandé?

Un expert a relevé que la Serbie devrait compléter son acception de la notion de «partie ayant subi des préjudices», eu égard au fait que la Convention pose clairement le principe que toute personne lésée par la disparition forcée, et pas seulement la famille de la personne disparue, peut obtenir le statut de victime.

Réponses de la délégation

Le système juridique serbe prévoit un contrôle de constitutionnalité préalable à la ratification des instruments internationaux, a indiqué la délégation. La Constitution consacre les droits de l'homme, avec des restrictions possibles en cas d'état d'urgence ou de guerre, a-t-elle rappelé. Le Président du Parlement peut émettre un ordre de détention temporaire en cas de menace contre la sécurité nationale, sans l'aval préalable d'un juge mais avec un recours possible auprès de la Cour constitutionnelle, a-t-elle ajouté.

S'agissant de l'incrimination de la disparition forcée, la délégation a indiqué que les dispositions de la Convention n'ont pas été reprises intégralement dans le Code pénal serbe, lequel n'incrimine pas explicitement la disparition forcée. Toutefois, la qualification de la disparition forcée en tant que crime autonome est envisagée dans le cadre d'une réforme du Code pénal actuellement en discussion et qui devrait aboutir en avril 2016, a précisé la délégation. Actuellement, les cas de disparition forcée sont incriminés au titre de la privation arbitraire de liberté, passible d'une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement, a-t-elle ajouté.

En cas de disparition forcée, la responsabilité juridique du supérieur d'un subordonné coupable serait elle aussi engagée, supérieur et subordonné étant alors considérés coresponsables, a estimé la délégation. Un officier de police qui sait qu'un ordre reçu pourrait donner lieu à une infraction à la loi doit en informer son supérieur par écrit, a-t-elle souligné. Au niveau de la police, a ajouté la délégation, un contrôle interne est assuré par le biais des registres de plaintes. Aucune plainte n'a été lancée contre un officier de police pour disparition forcée, a-t-elle alors fait valoir. La délégation a en outre précisé qu'un membre des forces armées qui serait accusé d'un crime relevant de la Convention serait poursuivie par les autorités civiles. Le rôle de la police militaire dans une procédure judiciaire se borne à constater la commission d'un crime puis éventuellement, à en déférer l'auteur présumé devant un procureur civil, a rappelé la délégation. En cas de soupçon de commission du crime pendant la guerre, c'est alors le procureur spécialisé dans les crimes de guerre qui serait chargé du dossier, a-t-elle précisé.

Les membres de l'unité chargée des enquêtes et des poursuites pour les crimes commis pendant la guerre sont si jeunes qu'il est impossible qu'ils aient participé au conflit, a fait observer la délégation; sans compter que les autorités serbes ont, au fil du temps, pris les mesures nécessaires pour éviter toute infiltration de cette unité par des personnes risquant de susciter un conflit d'intérêt, a-t-elle ajouté. Le Bureau du Procureur spécialisé dans la poursuite des crimes de guerre a accès à tous les documents officiels, militaires ou civils, a par ailleurs assuré la délégation. Plus de 2000 documents émanant des forces armées et de la police ont également été communiqués à Pristina, et 1500 à la partie croate, a précisé la délégation serbe: ces démarches ont permis de retrouver de nombreux lieux d'inhumation et de procéder à des fouilles suivies d'identification de dépouilles, comme par exemple à Vukovar.

L'Unité de protection des témoins est chargée de la protection des personnes devant déposer sur des crimes commis pendant la guerre et ayant fait l'objet de menaces, a expliqué la délégation. L'organisation de cette unité va être revue et adaptée en fonction des critiques émises par la Commission européenne et par la société civile, a-t-elle fait valoir. Ainsi, des experts supplémentaires vont-ils être embauchés, notamment des psychologues, et des ressources matérielles supplémentaires dégagées.

La Serbie peut accorder des circonstances atténuantes à toute personne inculpée qui collaborerait à l'enquête la concernant, a par ailleurs indiqué la délégation.

L'Union européenne a émis de recommandations concernant les poursuites contre des personnes accusées de crimes de guerre, suite à quoi la Serbie a élaboré un plan d'action pour donner effet à ces recommandations, a poursuivi la délégation. Ce plan d'action tient également compte de la contribution des organisations de la société civile, a-t-elle précisé. Il prévoit notamment des mesures de renforcement des capacités des autorités en charge des enquêtes et des poursuites, a-t-elle indiqué, avant d'affirmer que des progrès ont été réalisés ces dernières années s'agissant de l'accélération des procédures à l'encontre des personnes accusées de crimes de guerre.

Les tribunaux serbes peuvent poursuivre un citoyen serbe ayant commis un crime à l'étranger de même qu'un ressortissant étranger ayant commis, également à l'étranger, un crime contre un citoyen serbe, a indiqué la délégation. La Convention constitue une base pour la collaboration de la Serbie avec d'autres États à des enquêtes pour des crimes de disparitions forcées commis sur son territoire, a-t-elle souligné.

S'agissant de la poursuite d'auteurs d'actes assimilables à la disparition forcée commis dans un pays où, comme en Serbie, les disparitions forcées ne constituent pas d'un crime en elles-mêmes mais relèvent d'un autre crime (privation illégale de liberté, par exemple), la délégation a indiqué que le tribunal peut ouvrir des poursuites au titre de cet autre crime.

La Serbie a conclu de nombreux accords bilatéraux et multilatéraux d'assistance judiciaire, a poursuivi la délégation, avant de souligner que la loi précise les modalités de la procédure à suivre s'il n'existe pas d'accord ou si l'assistance n'aboutit pas, a-t-elle ajouté. La demande d'entraide ne peut concerner des affaires politiques ou militaires, a souligné la délégation, avant de préciser que le Ministère de la justice accorde néanmoins la plupart du temps l'assistance judiciaire.

L'extradition est soumise à de nombreuses conditions et c'est le Ministre de la justice qui tranche en dernière instance, a par ailleurs indiqué la délégation. Pour que son auteur soit susceptible d'être extradé, le crime visé doit être passible, en Serbie, d'une peine d'au moins un an d'emprisonnement, a-t-elle précisé, ajoutant que chaque demande d'extradition est examinée au cas par cas, individuellement. Personne ne peut être remis à un État tiers pour des faits sans rapport avec la demande d'extradition, a ajouté la délégation. En outre, a-t-elle souligné, la Serbie peut refuser l'extradition si la personne visée est exposée à un danger de disparition forcée dans le pays vers lequel elle est susceptible d'être extradée.

La décision d'expulsion d'une personne du territoire serbe doit être prise par un tribunal et peut faire l'objet d'un appel, a par ailleurs indiqué la délégation. La Serbie – qui est membre d'Interpol et d'Europol - évalue au cas par cas le risque pour la personne expulsée d'être soumise à une disparition forcée ou à toute autre violation des droits de l'homme dans le pays de destination, a-t-elle expliqué, soulignant que la Loi sur les étrangers tient compte de ce principe de non-refoulement. Les décisions sont prises au cas par cas, en fonction des infractions ou délits reprochés; le Ministère de la justice peut revenir sur une décision du tribunal et se prononce en dernier recours, a ajouté la délégation. La Serbie a dressé en 2009 une liste de 142 «pays sûrs», vers lesquels l'expulsion est possible, a-t-elle précisé. Personne ne peut être expulsé pour des motifs autres que ceux ayant motivé son arrestation, ni transféré en cours de route (durant l'expulsion) dans un pays tiers pour y être poursuivi pour un autre motif.

S'agissant de l'existence de «prétendues prisons illégales», la délégation serbe a assuré qu'il s'agit là d'une allégation fausse et très dommageable à la paix des familles. Les autorités serbes ont lancé des appels pour que toute information crédible à ce sujet, si elle existe, soit rendue publique, a ajouté la délégation.

L'adoption d'une loi sur les personnes disparues suscite beaucoup d'intérêt en Serbie, ce qui s'explique par les nombreuses disparitions constatées sur l'ensemble du territoire de l'ancienne Yougoslavie, a poursuivi la délégation. Les autorités actuelles mettent tout en œuvre pour remédier aux effets de ces disparitions et pour garantir les droits des victimes et de leurs ayants droit, qui sont au nombre de 400 000 personnes.

La Serbie est confrontée à une difficulté supplémentaire: le grand nombre de personnes déplacées à la suite du conflit et les changements de nationalité que cela implique suscitent des conflits de juridiction très complexes avec les autres ex-républiques, a par ailleurs souligné la délégation.

Les autorités s'efforcent de garantir la continuité de leurs efforts dans la recherche des personnes disparues, a par ailleurs souligné la délégation, précisant que plus d'un millier de dépouilles ont été retrouvées ces dernières années à la suite d'enquêtes menées avec la collaboration indispensable de toute les autorités concernées. La MINUK et les autorités albanaises ont ainsi contribué à la découverte de dépouilles à Rudnica, a rappelé la délégation. La découverte d'une fosse entraîne ipso facto l'ouverture d'une instruction pénale, a-t-elle souligné.

La Serbie a largement ouvert ses archives au procureur du Tribunal pénal international (TPI)pour l'ex-Yougoslavie, ce qui a permis à ce Tribunal d'étayer ses accusations, a par ailleurs fait valoir la délégation. Le Procureur du TPI a accordé à ce propos un satisfecit à la Serbie devant l'Assemblée générale, a-t-elle souligné. D'autre part, les autorités serbes œuvrent depuis longtemps pour établir les responsabilités des crimes de guerre décrits par les rapports parallèles, a-t-elle ajouté. Les enquêtes sont rendues très difficiles du fait de la peur, du secret et du temps écoulé; de ce fait, les autorités s'efforcent désormais de retrouver des témoins indirects des événements, a expliqué la délégation.

Toute personne n'ayant pas les moyens de s'en payer une peut recevoir une aide juridique gratuite, a d'autre part fait valoir la délégation. Les ressortissants étrangers ont le droit de contacter leur consulat et de bénéficier des services d'un interprète, a-t-elle ajouté.

La délégation a par ailleurs souligné que le Défenseur du citoyen a accès à tout lieu de privation de liberté sur le territoire serbe. Il a pour mission de contrôler les activités de l'administration publique, laquelle est tenue de coopérer sans entraves avec lui. En cas de refus de coopération, la loi autorise le Défenseur à lancer une procédure disciplinaire qui peut aboutir au licenciement du fonctionnaire incriminé.

Les dossiers individuels des personnes détenues sont informatisés, a ensuite indiqué la délégation. Ces dossiers contiennent des données personnelles relatives au parcours judiciaire des intéressés, a-t-elle précisé, ajoutant que le Ministère de la justice peut appliquer des sanctions en cas de non-respect des prescriptions relatives à la tenue desdits dossiers.

La loi sur le registre d'ADN pourrait être adoptée d'ici la fin de cette année, a par ailleurs indiqué la délégation, assurant que ce texte de loi constitue une priorité absolue pour les autorités serbes.

S'agissant de la garde à vue, la délégation a indiqué que sa durée légale est de 48 heures, suite à quoi le procureur doit prendre une décision d'inculpation ou d'élargissement du suspect. Pendant ces 48 heures, le suspect peut consulter un avocat et communiquer avec sa famille.

Un groupe de travail a été chargé de rédiger un manuel de formation destiné aux policiers concernant la procédure d'enquête en cas d'enlèvement, a d'autre part indiqué la délégation, ajoutant que les juges et les procureurs reçoivent également des enseignements portant sur les conventions relatives aux droits de l'homme.

Les familles des victimes ont droit à compensation si elles prouvent que l'État n'a pas rempli ses obligations en matière de recherche et d'identification; mais la charge de la preuve repose sur les familles, a indiqué la délégation. Elle a convenu que la définition de la victime dans le droit serbe était trop restreinte au regard de ce que prévoit la Convention. La loi va toutefois dans le sens d'un élargissement des droits des victimes non seulement de la disparition forcée, mais aussi de la traite des êtres humains ou de la violence sexiste, a néanmoins fait observer la délégation.

En conclusion, la délégation, par la voix de son chef, M. ODALOVIĆ, a souligné que la Serbie et le Kosovo-Metohija sont en désaccord sur de nombreux points, y compris la question des disparitions forcées. Cela étant, les responsables concernés des deux parties entretiennent un dialogue et une coopération sur le volet humanitaire de ce problème, un volet prioritaire, a souligné la délégation serbe, assurant que l'objectif ultime de la Serbie est bien de régler définitivement le problème des personnes disparues.

Observations préliminaires

Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Serbie, M. YAKUSHIJI, a affirmé que ce dialogue avait permis au Comité de mieux comprendre le cadre juridique mais aussi les difficultés qui conditionnent l'action des autorités serbes pour remédier aux conséquences des disparitions forcées. Le Comité tiendra compte, pour la préparation de ses recommandations à l'intention de la Serbie, des renseignements que lui a fournis la délégation concernant l'organisation du système pénal et la prise en charge des victimes, a-t-il indiqué.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport serbe, M. CORCUERA CABEZUT, a indiqué avoir pris bonne note des commentaires de la délégation concernant les difficultés rencontrées par la Serbie et ses préoccupations, s'agissant notamment de l'application - ou la non-application - de la Convention dans la province du Kosovo.


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CED15/005F