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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LES RAPPORTS DE L'IRAQ

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, hier et ce matin, les rapports présentés par l'Iraq sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre la Convention relative aux droits de l'enfant et ses Protocoles facultatifs concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés et la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Le rapport a été présenté par le Ministre des droits de l'homme de l'Iraq, M. Mohammad Mahdi Ameen Al-Bayati, qui a souligné qu'une menace terroriste pèse sur son pays, les groupes terroristes de Daesh ayant pris le contrôle de villes et menaçant la vie de centaines de milliers de civils appartenant à des minorités. Deux millions et demi de personnes sont déplacées de force, dont 30% d'enfants; des témoignages font état d'enlèvements, d'exploitation et d'esclavage sexuel. La communauté internationale doit aider l'Iraq à faire face à ce terrorisme aveugle, a demandé le Ministre. Il a ajouté qu'en dépit des grandes difficultés qu'il connaît, l'Iraq a obtenu de bons résultats dans le domaine de l'éradication de la pauvreté, dont le taux est tombé de 22,9% en 2007 à 18,9% en 2012, ou encore s'agissant du taux de scolarisation, qui atteint 90,4% dans le primaire. L'Iraq a également créé des institutions destinées aux enfants, comme par exemple des tribunaux familiaux, quatre tribunaux spécialisés dans la violence domestique, une direction de la protection de la famille au sein du Ministère de l'intérieur et l'ouverture d'une ligne téléphonique pour orienter les enfants en difficulté vers les services sociaux et médicaux compétents.

La délégation iraquienne était composée de représentants des Ministères des droits de l'homme, des affaires étrangères, de l'intérieur, de la santé et de l'éducation. Elle a répondu aux questions et observations des experts concernant les pratiques traditionnelles néfastes pour les jeunes filles, la prise en charge des enfants privés de soins parentaux, les soins et l'accompagnement donnés aux nombreux enfants victimes de la violence et de la guerre ou encore la protection des mineurs contre le recrutement forcé par des groupes armés ou terroristes.

Le Comité avait constitué un groupe de travail composé de quatre de ses membres, chargé de l'examen des rapports de l'Iraq, plutôt que de nommer deux rapporteurs comme le veut la pratique habituelle. Les experts ont notamment salué les progrès réalisés par l'Iraq depuis la présentation de son dernier rapport, il y a dix-sept ans. Ils ont assuré la délégation que le Comité était conscient des difficultés que traverse actuellement ce pays, notamment en raison de la corruption, qui a des répercussions directes sur le sort des enfants, et des attentats perpétrés directement contre des écoles ou des hôpitaux. Le Comité est également préoccupé par la discrimination, les crimes d'honneur, les violences sexuelles dont sont victimes les petites filles et les jeunes filles en Iraq. Il sera difficile d'éliminer les crimes d'honneur aussi longtemps qu'ils seront tolérés par la loi de l'Iraq. Il a en outre été recommandé au pays de lever sa réserve à l'article 14 de la Convention, qui concerne le droit de l'enfant à la liberté de pensée. Les experts ont en outre constaté que les budgets de l'État ne prévoient pas suffisamment de ressources spécifiquement consacrées à l'enfance, ce qui pourrait notamment expliquer en partie l'important abandon scolaire parmi les jeunes Iraquiens.

Le Comité rendra publiques à la fin de ses travaux, le 30 janvier prochain, ses observations finales sur chacun des rapports examinés au cours de la session.


Le Comité se réunira cet après-midi pour terminer l'examen des rapports de la Suisse (salle du rez-de-chaussée du Palais Wilson), dernier pays à l'ordre du jour de la présente session.


Présentation des rapports de l'Iraq

Le Comité est saisi du rapport de l'Iraq au titre de la Convention et de ses deux Protocoles facultatifs ((CRC/C/IRQ/2-4, CRC/C/OPAC/IRQ/1 et CRC/C/OPSC/IRQ/1), ainsi que de ses réponses (CRC/C/IRQ/Q/2-4/Add.1, CRC/C/OPAC/IRQ/Q/1/Add.1 et - à paraître - CRC/C/OPSC/IRQ/Q/1/Add.1) aux listes de points à traiter que lui a adressées le Comité (CRC/C/IRQ/Q/2-4, CRC/C/OPAC/IRQ/Q/1 et CRC/C/OPSC/IRQ/Q/1).

M. MOHAMMAD MAHDI AMEEN AL-BAYATI, Ministre des droits de l'homme de l'Iraq, a déclaré que son pays, confronté à d'importantes difficultés aux plans sécuritaire, politique, social et économique, doit en particulier faire face aux groupes terroristes de Daesh, qui ont pris le contrôle de villes et menacent la vie de centaines de milliers de civils appartenant aux minorités chrétienne, turkmène, yézidi et shabak. Les groupes terroristes ont commis des délits assimilables à des crimes de guerre, à des génocides, des actes de torture, dont les enfants sont les principales victimes. Deux millions et demi de personnes ont été déplacées suite à ces événements, dont 30% d'enfants. Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance recense 858 disparitions d'enfants; Amnesty International et d'autres organisations ont recueilli des témoignages de jeunes survivantes d'enlèvements, d'exploitation et d'esclavage sexuel. Ces faits doivent pousser la communauté internationale à consentir des efforts concertés pour aider l'Iraq à faire face au terrorisme aveugle.

En dépit des grandes difficultés qu'il traverse, l'Iraq a obtenu de bons résultats dans le domaine de l'éradication de la pauvreté, dont le taux est tombé de 22,9% en 2007 à 18,9% en 2012, le taux de scolarisation dans le primaire atteignant 90,4% en 2011. L'Iraq a également créé un certain nombre d'institutions destinées aux enfants, en particulier des tribunaux familiaux, quatre tribunaux spécialisés dans la violence domestique, une direction de la protection de la famille au sein du Ministère de l'intérieur ou encore l'ouverture d'une ligne téléphonique pour orienter les enfants en difficulté vers les services sociaux et médicaux compétents.

Le Ministre a précisé que les rapports de son pays avaient été préparés par un groupe d'organes gouvernementaux chapeauté par le Ministère des droits de l'homme, avant d'être soumis à la consultation des organisations de la société civile, du monde universitaire et du grand public en général. Le Centre national des droits de l'homme du Ministère des droits de l'homme a organisé des séminaires de formation sur le contenu du rapport à l'intention des fonctionnaires et membres de la société civile.

Examen du rapport présenté au titre de la Convention

Questions et observations des membres du Comité

MME RENATE WINTER, membre du groupe de travail chargé de l'examen des rapports de l'Iraq, a déclaré que le Comité était tout à fait conscient des difficultés que traverse actuellement ce pays, notamment la corruption, qui a des répercussions directes sur le sort des enfants, et les attentats perpétrés directement contre des écoles ou des hôpitaux abritant des enfants. Mais le Comité est aussi préoccupé par la discrimination, les crimes d'honneur, les violences sexuelles dont sont victimes les petites filles et les jeunes filles en Iraq. Il souligne que le Gouvernement est tenu de respecter un certain nombre d'obligations même s'il est confronté à une situation assimilable à une guerre.

M. HATEM KOTRANE, membre du groupe de travail, s'est félicité de la présence dans la délégation de représentants des autorités de la région du Kurdistan. Il a salué les progrès réalisés par l'Iraq depuis la présentation de son dernier rapport, voici 17 ans, ainsi que la promulgation ou l'examen de plusieurs textes de loi relatifs aux droits de l'enfant, notamment la loi sur la protection de l'enfant adoptée par le Kurdistan. L'expert a voulu savoir si l'Iraq entendait ratifier le Protocole facultatif à la Convention établissant une procédure de présentation de communications (plaintes). Il a constaté que la Constitution de 2005 ne reconnaissait pas le caractère automatiquement contraignant des dispositions de la Convention.

M. Kotrane s'est dit conscient des difficultés que rencontre l'Iraq pour donner effet aux dispositions de la Convention, notamment l'escalade de la violence, particulièrement meurtrière parmi les catégories les plus vulnérables de la population. L'expert a toutefois recommandé que les autorités iraquiennes prennent des mesures pour réduire l'incidence non seulement de la corruption, mais aussi de la discrimination entre les sexes dans la loi. M. Kotrane a recommandé à l'Iraq de lever sa réserve sur l'article 14 de la Convention, qui concerne le droit de l'enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

M. Kotrane a demandé des éclaircissements sur la prise en compte du principe d'intérêt supérieur de l'enfant dans tous les contextes, surtout dans le cadre judiciaire. Il a espéré que des mesures seraient prises pour modifier la loi de manière à permettre aux femmes iraquiennes de transmettre leur nationalité à leurs enfants, à l'instar de leurs maris.

MME ASEIL AL-SHEHAIL, membre du groupe de travail, a constaté que les budgets de l'État ne prévoient pas suffisamment de ressources spécifiquement consacrées à l'enfance. Cette insuffisance de moyens pourrait notamment expliquer en partie l'important abandon scolaire parmi les jeunes Iraquiens. L'experte a souligné l'importance de diffuser la Convention et de sensibiliser la population à son contenu. Mme As-Shehail a demandé quelles mesures étaient prises pour aider les organisations de la société civile à jouer leur rôle social, notamment en contribuant à l'élimination de certaines pratiques traditionnelles néfastes pour les filles.

MME MARIA RITA PARSI, membre du groupe de travail, a observé qu'il sera difficile d'éliminer les crimes d'honneur si la loi les tolère, ce qui est toujours le cas en Iraq. Les mineures menacées par ce crime ne sont pas protégées et n'ont pas accès, faute de papiers d'identité, aux services de soutien médicaux et psychosociaux publics. La délégation a aussi été priée de dire comment elle entendait lutter contre les mutilations génitales féminines qui sont encore pratiquées dans la province du Kurdistan, malgré leur interdiction par la loi. Enfin, l'experte a souligné que le rapport iraquien faisait état d'un taux très élevé et en augmentation de mariages précoces: en 2011, 22% des jeunes filles de moins de 19 ans étaient mariées, contre 21% en 2007. Un projet de loi prévoit d'autoriser le mariage dès 9 ans: il s'agirait là de pédophilie, a mis en garde l'experte.

D'autres membres du Comité ont voulu savoir de quelles mesures de protection bénéficient les écoles et les hôpitaux iraquiens. Une experte a dit avoir été informée par des juristes que l'âge de responsabilité pénale était communément fixé à 7 ans en Iraq, conformément à des croyances religieuses et contrairement aux dispositions de la loi (9 ans). Un expert a demandé des précisions sur les compétences du haut-commissariat iraquien aux droits de l'homme, son fonctionnement, sa composition et le nombre de plaintes dont il est saisi.

Une experte a voulu savoir si la loi concernant le droit de participation des jeunes dans la vie publique était respectée et par le biais de quel type d'institutions. Elle s'est interrogée également sur les moyens mis en œuvre par les autorités pour veiller à la sécurité des enfants sur Internet.

Des experts ont connaître les répercussions sanitaires du phosphore blanc et de l'uranium appauvri utilisés pendant la guerre en 1991.

Une experte a souligné que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes avait déjà attiré l'attention de l'Iraq sur les problèmes d'application de la loi sur le mariage, eu égard notamment à la pratique qui consiste à obtenir, par la corruption, le consentement du juge à un mariage illégal du fait du jeune âge de la mariée, par exemple. Une experte du Comité a demandé de quelle manière l'État agit pour faire évoluer les mentalités au sujet de l'âge du mariage des filles.

Un expert a constaté une forte augmentation du nombre des enfants iraquiens placés hors de leur famille: l'Iraq ressent-il le besoin d'adapter sa loi à l'évolution de la situation sur le terrain? Il faudrait également préciser les conditions d'attribution de la garde des enfants.

Une experte a relevé que, dans un contexte marqué depuis longtemps par la guerre et par la violence, nombre de jeunes sont soumis à un stress post-traumatique intense qui explique un taux de suicide élevé et une forte consommation de stupéfiants parmi eux. L'experte a rappelé que la violence exercée sur les jeunes (qui représentent la moitié de la population) risque d'avoir des conséquences dramatiques pour l'avenir de l'Iraq et appelle donc des mesures urgentes de la part de l'État. Un autre expert s'est alarmé, dans ce contexte, du nombre très élevé de jeunes et d'enfants victimes de handicaps physiques et mentaux.

Un expert a souligné que, selon le rapport, 70% des enfants des rues sont illettrés, ce qui semble pointer un problème de scolarisation. Une autre experte a voulu savoir si les familles pauvres bénéficiaient d'un soutien pour scolariser leurs enfants, en particulier les filles, comparativement moins présentes à l'école que les garçons.

Plusieurs membres du Comité ont posé des questions sur les efforts menés contre la corruption politique en Iraq.

Une experte a appelé les autorités iraquiennes à remédier au lavage des cerveaux de la jeunesse par Daesh et à faire prévaloir une authentique conscience des droits de l'homme dans le pays.

Un expert a relevé que plusieurs pays de la région avaient fait passer l'âge de la responsabilité pénale à 13 ans, encourageant l'Iraq à faire de même. Un expert a recommandé que l'Iraq ratifie le Protocole facultatif à la Convention contre la torture créant un mécanisme de communication.

Des experts ont relevé que la discrimination dont sont victimes certaines catégories d'enfants (les enfants handicapés par exemple) fragilise ces enfants et risque de les faire tomber dans les mains de groupes terroristes.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions et observations des experts, la délégation iraquienne a précisé que la commission nationale des droits de l'homme, créée voici plusieurs années, n'a pas encore été en mesure, pour des raisons internes, d'élire son président. Composée de parlementaires notamment, elle a déjà commencé ses travaux. La commission soumet ses rapports au parlement.

La Constitution iraquienne interdit l'adoption de lois contraires aux principes démocratiques. Un comité a été chargé de vérifier la compatibilité du droit national avec les dispositions des instruments internationaux des droits de l'homme. L'Iraq attendra d'avoir renforcé ses institutions internes avant d'envisager de ratifier le troisième Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Il a déjà promulgué une loi sur la protection de la famille.

En 2013, 335 enfants sont morts ou blessés, victimes directes de terroristes, un bilan qui s'est encore aggravé en 2014. Une commission est maintenant chargée de surveiller la santé de ces enfants qui bénéficient, selon les régions, d'un soutien psychologique intégré aux services de santé de base.

Le Gouvernement a dégagé des ressources supplémentaires pour faire face au terrorisme. Pour dissuader les jeunes de commettre des actes terroristes, les autorités agissent en particulier au niveau de la scolarisation et de la sensibilisation. Les établissements scolaires sont surveillés par les forces de police.

Le code de la famille assure l'acquisition de la nationalité iraquienne à tout enfant dont le père ou la mère est iraquien. Plus de 95% des naissances sont actuellement enregistrées.

La loi fixe à 18 ans l'âge du mariage. Mais le juge dispose d'une grande marge de manœuvre pour tenir compte des circonstances et autoriser des unions entre mineurs, selon leur maturité. Reste que les nombreux abus constatés poussent les autorités à durcir les sanctions: un juge qui autorise le mariage d'une fille de moins de 15 ans devra en rendre compte. Le problème du mariage d'une fille violée avec son agresseur est très préoccupant aux yeux des autorités; toute la question est de savoir si la mentalité tribale est prête à protéger les femmes et les filles concernées.

La sécurité dans la famille et la lutte contre la violence domestique sont de la responsabilité de deux directions rattachées aux services de police, en concertation avec les tribunaux spécialisés. Un bureau de conseil juridique sera ouvert pour les affaires matrimoniales. La police dispose d'une unité composée de volontaires chargés de prodiguer une aide sociale aux victimes de la violence domestique.

Le Ministère de l'intérieur a créé un service chargé de superviser le traitement par la police des adolescents en conflit avec la loi. Les jeunes sont placés en garde à vue dans les commissariats avant leur présentation devant un juge. La police adopte un comportement prudent et procède aux interrogatoires des adolescents de manière transparente. Les agents sont formés pour obtenir des renseignements sans violence. Les postes sont contrôlés pour éviter tout abus dans le traitement des jeunes. Des «centres de réadaptation» assurent l'intégration des jeunes délinquants, misant en particulier sur la formation puis la réinsertion professionnelles. La délégation a aussi précisé que les enfants âgés de 0 à 4 ans restent avec leur mère détenue; passés quatre ans, ils sont placés dans leur famille élargie ou, à défaut, dans des institutions spécialisées.

À partir de 12 ans, les enfants sont consultés pour certaines décisions le concernant, notamment en cas de divorce. D'une manière générale, les enfants sont encouragés à mettre en valeur leurs talents artistiques, ce qui est une autre manière pour eux de se faire entendre.

Le Gouvernement réprime activement les trafics de stupéfiants. Le Ministère de l'intérieur a formé les agents de police aux techniques modernes de détection des trafics aux frontières. Le Gouvernement iraquien respecte les conventions internationales concernant la collaboration internationale dans ce domaine. Le Ministère de la santé assure des soins de santé aux toxicomanes et mène des campagnes d'information sur la toxicomanie. La délégation a ajouté que le Parlement était actuellement saisi d'un projet de loi sur le sujet.

Le Ministère des droits de l'homme a pour tâche de sensibiliser la population à l'importance des droits de l'homme, ciblant en particulier les fonctionnaires ainsi que les enfants eux-mêmes dans les écoles. Les autres ministères appuient cette action sur le terrain. Les imams sont encouragés, lors du prêche du vendredi, à mettre l'accent sur les droits de l'enfant.

L'Iraq, très isolé du monde jusqu'en 2003, a dû introduire avec retard et progressivement une réglementation relative à Internet. Toute restriction de l'utilisation d'Internet doit être mesurée à l'aune des principes de la liberté d'expression. Les autorités estiment que l'école et l'éducation doivent donner aux enfants la capacité de jugement nécessaire à l'utilisation fructueuse d'Internet.

L'Iraq compte quelque 300 000 orphelins. Tous bénéficient de mesures de protection. Les enfants ayant perdu leurs parents suite à une attaque terroriste sont indemnisés à hauteur de 150% du revenu moyen d'un fonctionnaire. Il faut savoir que le tissu social iraquien est suffisamment dense pour que la famille élargie soit généralement en mesure de prendre en charge les enfants privés de soutien familial direct, a indiqué la délégation. Le recours à la kafala, mécanisme d'adoption prévu par le droit islamique, est possible en Iraq: la loi réglemente de manière très précise les droits de l'enfant placé sous ce régime.

Les enfants privés de cadre familial, abandonnés ou de parents inconnus peuvent être pris en charge par des foyers gérés par le Ministère des affaires sociales. Les enfants y reçoivent tout ce dont ils ont besoin, y compris aux plans culturel, éducatif et scolaire, des loisirs et des sports, l'objectif étant de les intégrer dans la société. Les foyers collaborent étroitement avec les écoles et les services sociaux. Ils reçoivent la visite régulière de médecins, dont des psychiatres et des psychologues.

La réunification familiale est gérée, le cas échéant, par une institution spécialisée; les enfants rendus à leur famille continuent d'être suivis. Les enfants de parents inconnus ou dont les parents sont en détention sont pris en charge par les mêmes foyers. Une vingtaine d'enfants ont été réinsérés dans leur famille en 2014. La même année, trente autres enfants ont été confiés à des familles d'accueil sur décision judiciaire: il s'agit d'un programme pilote d'une durée de six mois, reconductible.

La loi de 2013 sur le handicap prévoit la création de centres d'accueil pour enfants handicapés. Les personnes handicapées sont souvent prises en charge par la société civile ou par le Croissant-Rouge, entre autres organisations. La délégation a reconnu que beaucoup reste à faire dans ce domaine.

Le Ministère du travail et des affaires sociales a lancé plusieurs projets de lutte contre les pires formes de travail des enfants, en collaboration avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance et des organisations de la société civile. Plus de 500 inspecteurs sont chargés de vérifier sur le terrain l'application du droit du travail, notamment l'interdiction d'utiliser des enfants pour certains emplois. Mais, en l'état, le droit du travail iraquien n'est pas exempt de défauts, notamment des sanctions très légères. Le nouveau projet de loi sur cette question, dont l'adoption est retardée par les événements récents, viendra cependant combler les lacunes constatées.

Répondant aux questions et observations des membres du Comité concernant l'éducation, la délégation a indiqué que les autorités avaient lancé un programme visant l'intégration des 180 000 enfants déscolarisés que compte l'Iraq. Elles consacrent par ailleurs toutes les ressources humaines et financières disponibles pour réduire de moitié l'analphabétisme parmi les jeunes et les adultes.

D'autre part, des allocations budgétaires ont été débloquées pour la construction de 14 000 écoles, alors que l'Iraq connaît une explosion démographique et en dépit des difficultés matérielles qu'il connaît. Le budget de l'éducation représente 7% du budget national, un niveau équivalent aux budgets de la santé et de la protection sociale. Les autorités accordent des subventions aux familles pour les encourager à envoyer leurs enfants à l'école. Les filles sont davantage présentes à l'école secondaire que les garçons, a précisé la délégation.

L'Iraq a malheureusement été la proie d'une activité criminelle intense pendant la période 2002-2003, avec une forte emprise de la corruption dans le pays à cette époque. La commission nationale chargée de lutter contre ce problème est efficace. Ses antennes locales procèdent à des inspections dans les gouvernorats afin de mieux protéger les droits des citoyens et éviter les détournements de fonds.

Les Ministères du travail et des affaires sociales ont la charge des enfants des rues. Une fois détectés, les enfants de moins de 18 ans vivant dans les rues sont placés, sur décision d'un tribunal et pour autant qu'ils n'aient pas de famille, dans l'un des foyers gérés par le Ministère des affaires sociales. Ils y bénéficient d'un suivi et d'un encadrement concernant leur comportement en société, de même qu'une formation et de services d'insertion. L'objectif est de leur permettre de trouver un emploi à l'âge adulte et d'éviter la récidive. De nombreuses familles souhaitent accueillir des enfants, mais les valeurs et traditions de l'Iraq sont opposées à l'adoption, a souligné la délégation.

Priée de dire comment l'Iraq comptait légiférer contre l'impunité des violeurs autorisés à épouser leurs jeunes victimes, la délégation a déclaré que cette question faisait débat depuis longtemps en Iraq. Le dialogue à ce sujet avec les autorités religieuses n'a pas permis de tirer des conclusions définitives. Faute de sensibilisation, faute aussi de protection des victimes par leurs propres familles - la délégation a cité le cas d'une petite fille victime d'un viol, tuée par sa famille qui refusait de la voir épouser son bourreau - la société n'est absolument pas prête à changer la loi en vigueur. Une experte du Comité a jugé difficile de croire que l'État iraquien ne dispose d'aucun moyen d'action dans ce cas de figure. La délégation a précisé qu'il fallait distinguer entre le viol et l'inceste: l'inceste est très sévèrement réprimé en Iraq.

L'âge de responsabilité pénale est de 11 ans au Kurdistan iraquien, contre 9 ans dans le reste du pays. Les autorités entendent harmoniser l'âge de la responsabilité pénale, mais cette démarche prendra non seulement du temps parlementaire, a indiqué la délégation, mais nécessitera aussi un dialogue approfondi avec les responsables tribaux.

Le bureau des affaires de l'enfance procède à des inspections régulières des lieux de détention de mineurs. Plusieurs comités parlementaires et municipaux sont, de même, autorisés à contrôler de manière inopinée les institutions de correction. Les enfants qui quittent ces établissements sont suivis pendant quelque temps par les autorités; s'ils n'ont pas de famille, ils sont placés dans une institution sociale. La délégation a assuré que les abus commis contre des enfants en conflit avec la loi sont des cas individuels, l'État ne cautionnant d'aucune manière la violence ni même les menaces contre les mineurs.

L'institution du «Parlement des enfants» est une nouveauté en Iraq, inspirée de l'expérience de pays voisins. Son but est avant tout d'habituer les enfants à s'écouter et à respecter les pratiques démocratiques.

La délégation a confirmé que des enfants handicapés ont été utilisés pour commettre, à leur insu, des actes terroristes. L'Iraq, qui a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées, a créé un organe indépendant chargé d'en appliquer les dispositions et d'éduquer la population. Plus de 13 000 enfants handicapés actuellement scolarisés vont bénéficier de mesures concrètes (transports, accès aux sanitaires...) pour leur faciliter la vie quotidienne.

Le droit iraquien est répressif concernant les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, a indiqué la délégation. Cela étant, les tribunaux admettent la pratique du changement de sexe fondé sur un avis médical.

La délégation a indiqué que l'Iraq avait émis une réserve à l'article 14 de la Convention afin de préserver le cadre familial, qui est le socle de la société iraquienne.

Au chapitre des pratiques traditionnelles, les autorités luttent sérieusement contre les mutilations génitales féminines, plusieurs médecins ayant été poursuivis au pénal pour les avoir pratiquées. Mais il est difficile d'interdire les mariages temporaires, institution musulmane dont la légitimité dépend du respect d'un certain nombre de conditions.

L'Iraq a beaucoup progressé dans le domaine de la santé maternelle et infantile, a par ailleurs fait valoir sa délégation.

Examen du rapport de l'Iraq sur l'implication d'enfants dans les conflits armés

Questions et observations des membres du Comité

Il y a lieu de croire que des enfants de moins de 18 ans sont utilisés par des milices soutenues par le Gouvernement, a dit MME WINTER. Elle s'est en outre inquiétée des conditions de détention, voire la condamnation à mort, de mineurs soupçonnés d'actes de terrorisme. La délégation a été priée de décrire le cadre réglementaire applicable aux mineurs engagés dans des activités terroristes. L'experte a rappelé que l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans constitue un crime de guerre.

M. KOTRANE a constaté avec satisfaction que l'Iraq s'apprêtait à promulguer une loi criminalisant le recrutement d'enfant par quelque partie que ce soit. L'expert a rappelé qu'indépendamment des actes qu'ils ont pu commettre, il faut veiller aux conditions de détention de mineurs convaincus de terrorisme.

Un autre expert a voulu savoir si le Gouvernement iraquien envisageait de se doter d'un comité interministériel chargé de la situation des enfants confrontés à la guerre et à la violence armée.

Réponses de la délégation

L'Iraq condamne la participation d'enfants aux conflits armés, a assuré la délégation, c'est pourquoi il a ratifié le Protocole facultatif. L'Iraq dénonce les écoles de pensée religieuses qui poussent les jeunes au meurtre. Les Nations Unies devraient d'ailleurs exercer des pressions sur les pays qui autorisent certains religieux à prêcher cette violence, a demandé la délégation. Elle a souligné qu'en Iraq, plus de 250 terroristes eux-mêmes ont été égorgés par leurs propres maîtres parce qu'ils avaient protesté contre le recrutement d'enfants.

Le recrutement d'enfants de moins de 18 ans n'est pas autorisé en Iraq, ni dans l'armée, ni dans la police, ni dans les milices contrôlées par les forces armées. Les responsables de recrutement de mineurs sont punissables de peines de prison. L'Iraq prépare actuellement un projet de loi prévoyant des mesures pour dissuader le recrutement d'enfants. Ce projet de loi se base sur un arrêt important de la Cour suprême et tient pleinement compte du fait que le recrutement d'enfants de moins de 15 ans constitue un crime de guerre.

Les États-Unis, quand ils occupaient l'Iraq, ont créé des forces armées autonomes présentes dans les gouvernorats les plus difficiles au plan de la sécurité. Suite à des accusations, le Ministère de la défense a pris de mesures de protection des mineurs contre le recrutement dans ces forces. Dans le gouvernorat du Kurdistan, les peshmergas très bien encadrés ne recrutent pas d'enfants.

Les mineurs convaincus de terrorisme remis aux autorités iraquiennes par les forces américaines au moment de leur départ ont été condamnés par les tribunaux à des peines maximales de 15 ans de prison. Il est impossible d'exécuter ces jeunes. En 2014, 17 de ces terroristes mineurs étaient encore en détention.

Le problème mondial du terrorisme a heureusement suscité une réaction mondiale, a constaté la délégation. En Iraq, on ne compte aucun terroriste parmi les Yézidis, victimes au premier chef du terrorisme. La misère n'explique pas le phénomène du terrorisme. Daesh n'est pas un problème seulement pour l'Iraq: il reflète une mentalité bien particulière qu'il faut combattre en tant que telle. Certaines tribus impliquées dans le terrorisme sont maintenant contre ce phénomène, dont elles se sont retrouvées les victimes.

Le droit international n'interdit pas l'autodéfense et, dans certaines régions rurales de l'Iraq, des centaines de jeunes et de femmes sont morts en essayant de se défendre eux-mêmes contre les attaques de groupes terroristes, a indiqué la délégation, estimant qu'on ne peut parler de recrutement dans ce contexte. L'État récolte actuellement des preuves des crimes commis contre des enfants par Daesh, preuves qui seront présentées en mars prochain au Conseil des droits de l'homme. L'Iraq est pleinement engagé à appliquer la résolution 1612 (2005) du Conseil de sécurité sur le sort des enfants dans les conflits armés.

Les camps pour personnes déplacées sont gérés par le Gouvernement, y compris les camps créés par des institutions des Nations Unies. Aucun cas de recrutement ou d'enrôlement forcé n'est à signaler dans ces camps, a assuré la délégation. Mme Winter ayant fait état d'informations selon lesquelles certains enfants vivant dans des camps situés en Turquie, en Syrie et au Liban ont été enlevés par des groupes armés et recrutés de force, la délégation a confirmé que de nombreux groupes armés sévissent dans ces pays. Mais ces incidents isolés ne peuvent être généralisés. Les enfants ne sont pas les seules victimes d'enlèvements, a ajouté la délégation: les groupes terroristes se finançant par les rançons d'hommes d'affaires, journalistes, etc.

L'Iraq a renoncé aux discours belliqueux d'antan et entend désormais promouvoir sa richesse culturelle, a assuré la délégation.

Examen du rapport de l'Iraq sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

Questions et observations des membres du Comité

M. KOTRANE a constaté que le rapport ne donnait pas de réponse à la question de savoir si la législation iraquienne pénalise la vente d'enfants ou le travail forcé des enfants. De par le Protocole facultatif, La législation et le code pénal des États parties doivent définir ce en quoi consiste le crime de «vente d'enfant» et le sanctionner, a souligné l'expert. De plus, la loi iraquienne ne définit que de manière très générale «l'acquisition de matériel pornographique», pouvant éventuellement inclure la pédopornographie: or, la loi doit incriminer explicitement ce délit. Le Comité aimerait aussi savoir si les tribunaux iraquiens ont ou non la compétence de poursuivre des personnes ayant commis, hors de l'Iraq, des actes qui constituent des délits au titre du Protocole facultatif.

Un autre membre du Comité a noté que l'Iraq ne gère pas de base de données relatives au nombre d'enfants victimes de la vente et de l'exploitation d'enfants ou de la pornographie mettant en scène des enfants. Il faudrait préciser, d'autre part, si les autorités concernées connaissent la teneur du Protocole facultatif et disposent des moyens de l'appliquer.

Pour une autre experte, l'Iraq semble, pour des raisons culturelles et sécuritaires, avoir perdu la volonté de lutter contre certaines souffrances infligées aux enfants. Ce sentiment de désespoir est particulièrement aigu dans un pays riche comme l'Iraq. Quelles sont les marges de manœuvre dont disposent réellement les autorités pour assurer la protection des enfants?

Réponses de la délégation

Le problème de la traite des enfants ne se pose que de manière très fréquente en Iraq, a assuré la délégation. Le code pénal contient les dispositions nécessaires à la répression de ce phénomène et des autres délits couverts par le protocole. La loi sur la traite des personnes a porté création en particulier d'une unité de lutte contre la traite des personnes - enfants comme adultes-, sous l'égide du Ministère de l'intérieur et en collaboration avec d'autres acteurs du terrain et institutions internationales. La loi prévoit une échelle de sanctions et de circonstances aggravantes, au nombre desquelles la qualité de fonctionnaire. Des magistrats sont formés à la répression de la traite des enfants. Victimes et témoins sont traités comme tels et bénéficient de mesures de protection et de réinsertion. Une ligne téléphonique a été ouverte pour le dépôt de plaintes. Les fonctionnaires de police et d'autres services publics reçoivent des formations à la prise en charge des victimes de la traite des êtres humains.

Une commission est chargée de l'harmonisation de la législation nationale sur les dispositions du Protocole facultatif sur la vente d'enfants, qui a été publié au Journal officiel.

Les autorités ont, d'une manière générale, pour objectif prioritaire de mieux coordonner leur action dans le domaine de la protection de l'enfance. Elles ne se sont pas résignées aux aspects culturels négatifs. Si son potentiel est riche, l'Iraq souffre, depuis 1916, de l'épuisement systématique de ses ressources dans des conflits successifs.

Conclusions

MME WINTER, membre du groupe de travail du Comité chargé de l'examen des rapports de l'Iraq, a assuré la délégation que le Comité n'avait pas le droit ni l'intention de dire aux États ce qu'ils doivent faire. Par contre, le Comité a pour mission de donner des indications sur la manière d'appliquer la Convention et ses Protocole facultatif sur la base des informations soumises par le pays concerné et par d'autres sources dignes de foi, y compris l'expérience personnelle de ses membres. Le Comité est conscient des difficultés que rencontre l'Iraq mais doit néanmoins envoyer un certain nombre d'alertes. En dépit des difficultés rencontrées, le Gouvernement a fait des progrès au plan législatif. La difficulté consiste maintenant à appliquer les nouvelles lois dans le contexte de coutumes religieuses et tribales très prégnantes. À cet égard, l'Iraq aura certainement besoin d'une assistance technique, a relevé l'experte. Parmi les maux auxquels l'Iraq peut remédier, Mme Winter a cité l'autonomisation économique des femmes et la réglementation plus stricte des mariages. Elle a observé, enfin, que les enfants seront d'autant moins susceptibles d'être enrôlés dans des groupes armés qu'ils seront protégés contre la pauvreté.

M. KOTRANE, membre du groupe de travail, a remercié la délégation du dialogue ouvert et constructif auquel elle s'est volontiers prêtée. L'expert s'est dit convaincu que s'il est clair que le Gouvernement iraquien ne ménage pas ses efforts au niveau législatif, des mesures supplémentaires pourraient être prises pour mettre la loi en conformité avec les dispositions de la Convention et de ses Protocoles facultatifs. Tous les enfants doivent bénéficier des droits consacrés par ces trois instruments.

M. AMEEN AL-BAYATI, Ministre des droits de l'homme de l'Iraq, a assuré que son gouvernement était prêt à collaborer plus avant avec le Comité pour améliorer la situation des droits de l'enfant en Iraq.


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