Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE MALTE
Le Comité des droits de l'homme a examiné hier après-midi et ce matin le rapport présenté par Malte sur les mesures prises par le pays en application des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Présentant ce rapport, M. Silvan Agius, Coordonnateur politique au Ministère du dialogue, de la protection du consommateur et des libertés civiles de Malte, a notamment fait valoir qu'en 2014, la Constitution a été amendée afin d'y inclure l'orientation sexuelle et l'identité sexuelle en tant que motifs de discrimination prohibés. Malte continue de penser que le droit à la vie, reconnu par le Constitution, s'étend à l'enfant à naître; elle considère que la vie humaine commence dès la conception et que mettre un terme à la grossesse par le biais de procédures d'avortement provoqué à quelque étape que ce soit de la gestation et pour quelque raison que ce soit constitue une infraction à ce droit. M. Agius a d'autre part indiqué qu'en vertu d'amendements récents au Code pénal, l'âge minimum de la responsabilité pénale a été porté de 9 à 14 ans et que les châtiments corporels ont été interdits. L'un des plus importants défis auxquels Malte est soumise depuis une dizaine d'années est celui posé par d'importants flux d'immigration irrégulière en provenance d'Afrique du Nord. Le chef de la délégation a fait valoir que le taux d'octroi du statut d'asile dépasse toujours les 50%, compte tenu de la situation qui prévaut en particulier dans la Corne de l'Afrique. Si Malte se trouve au premier rang de cette tragédie, il ne s'agit pas là d'un problème concernant seulement Malte, a souligné M. Agius.
La délégation maltaise était également composée de M. John Paul Grech, Représentant permanent de Malte auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère de la famille et de la solidarité sociale; du Ministère du dialogue, de la protection du consommateur et des libertés civiles; du Ministère de l'intérieur et de la sécurité nationale; du Ministère de l'éducation et de l'emploi; du Ministère des affaires étrangères; du bureau du procureur général; et du Secrétariat parlementaire pour les droits des personnes handicapées et du vieillissement actif. La délégation a répondu aux questions soulevées en séance par les experts s'agissant notamment du droit à la vie; de la violence faite aux femmes; de la représentation des femmes; de la protection des mineurs; de l'administration de la justice pour mineurs; de l'interdiction des châtiments corporels; des questions d'asile, notamment pour ce qui a trait à la détention des requérants d'asile et d'allégations de recours excessif à la force à l'encontre des migrants en situation irrégulière; de la lutte contre la traite de personnes; ou encore de l'incrimination de la diffamation.
Dans des observations préliminaires, le Président du Comité, M. Nigel Rodley, a pris note d'un certain nombre de faits positifs intervenus à Malte, parmi lesquels figurent la ratification du Protocole sur l'abolition de la peine de mort, ainsi que les progrès exemplaires réalisés pour éliminer la discrimination fondée sur l'identité et l'orientation sexuelles. L'interdiction des châtiments corporels est également un fait extrêmement positif. S'agissant de l'avortement, il semblerait qu'en vertu de la loi en vigueur à Malte, le pays accorde la priorité à l'enfant à naître plutôt qu'à la mère, ce qui est assez difficile à comprendre, a estimé le Président. En dépit de la déception du Comité en ce qui concerne la question des réserves émises par Malte à l'égard de certaines dispositions du Pacte, le Président s'est néanmoins félicité de la volonté exprimée par le pays de travailler sur cette question en vue de lever ces réserves. D'autres membres ont notamment observé que Malte a parcouru beaucoup d14/10/2014e chemin depuis sa dernière parution devant ce Comité, ajoutant toutefois que bien des défis restent à relever. Les experts se sont par ailleurs inquiétés d'allégations d'usage excessif de la force dans les centres de rétention pour migrants.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales concernant le rapport de Malte, qui seront rendues publiques à la clôture des travaux, le vendredi 31 octobre prochain.
Cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Monténégro (CCPR/C/MNE/1).
Présentation du rapport
Présentant le rapport de Malte (CCPR/C/MLT/2), M. SILVAN AGIUS, Coordonnateur politique au Ministère du dialogue, de la protection du consommateur et des libertés civiles de Malte, a souligné que tout tribunal maltais interprétant une disposition du droit interne tiendra compte des obligations internationales auxquelles a souscrit le Gouvernement; le tribunal optera pour l'interprétation qui est conforme aux obligations internationales du pays, a insisté le chef de la délégation. Il a en outre indiqué que si Malte a ratifié le Pacte en émettant des réserves, le Gouvernement, dans la pratique, a souvent adhéré plus étroitement aux dispositions de cet instrument que ne le laissent supposer les réserves. Ces réserves sont réexaminées périodiquement en vue de leur retrait, a assuré M. Agius.
Afin de donner suite à son engagement de lutter contre la violence faite aux femmes, le Gouvernement maltais a lancé une série d'initiatives faisant partie d'un projet mené sur deux années et intitulé «Formes de violence à Malte – une perspective sexospécifique», dont l'objectif est d'accroître la sensibilisation en ce qui concerne la violence faite aux femmes et aux jeunes filles.
En 2014, a poursuivi M. Agius, le Gouvernement et l'opposition ont convenu d'amender la Constitution afin d'y inclure l'orientation sexuelle et l'identité sexuelle parmi les motifs de discrimination prohibés, ce qui fait de Malte le premier pays au monde à intégrer l'identité sexuelle comme motif de discrimination interdit. Par la loi sur les unions civiles approuvée par le Parlement en avril dernier, tous les aspects relatifs aux droits et devoirs figurant dans la loi sur le mariage s'appliquent mutatis mutandis aux partenaires civils, à la seule exclusion des questions liées aux mariages religieux, a par ailleurs indiqué M. Agius. Les unions civiles sont ouvertes sans discrimination aux homosexuels comme aux hétérosexuels, a-t-il précisé. Cette loi assure en outre que les unions contractées à l'étranger par des partenaires de même sexe sont reconnues à Malte.
L'indépendance économique des femmes et, par conséquent, le renforcement de leur participation sur le marché du travail figurent au nombre des priorités du Gouvernement, a d'autre part souligné M. Agius, faisant valoir que les autorités sont engagées à renforcer les efforts visant à combattre la discrimination sur le lieu de travail, en particulier pour ce qui a trait à un salaire régulier, aux conditions de travail et aux possibilités de carrière. S'agissant de la participation des femmes aux processus de prise de décision, M. Agius a notamment fait valoir que cette année, Mme Marie Louise Coleiro Preca a été élue Présidente de la République, ce qui fait d'elle la deuxième femme élue à ce poste depuis l'indépendance de Malte, il y a cinquante ans. M. Agius a ensuite mis l'accent sur les mesures prises par Malte en faveur des personnes les plus vulnérables, s'agissant notamment des personnes handicapées.
Malte continue de penser que le droit à la vie – qui est reconnu par le Constitution – s'étend à l'enfant à naître, a poursuivi M. Agius. Aussi, Malte considère-elle que la vie humaine commence dès la conception et que mettre un terme à la grossesse par le biais de procédures d'avortement provoqué à quelque étape que ce soit de la gestation et pour quelque raison que ce soit constitue une infraction à ce droit. Malte ne peut donc pas reconnaître l'avortement ou quelque autre interruption de la grossesse comme constituant une mesure légitime de planification familiale, a déclaré M. Agius. Il a ajouté que Malte est engagée en faveur de la promotion de la santé génésique et de la protection du droit des femmes de contrôler et de décider librement des questions liées à leur sexualité.
M. Agius a d'autre part indiqué qu'en vertu d'un amendement apporté au Code pénal en 2014, l'âge minimum de la responsabilité pénale a été porté de 9 à 14 ans. Un autre amendement apporté à ce même Code a aboli les châtiments corporels, a-t-il ajouté. Il a aussi rendu compte des consultations publiques menées en vue d'établir une commission nationale des droits de l'homme, au sujet de laquelle un projet de loi devrait être soumis pour discussion au Parlement en temps voulu.
Évoquant «l'un des plus importants défis auxquels Malte est soumise depuis une dizaine d'années», M. Agius a souligné que le pays fait face à d'importants flux d'immigration irrégulière en provenance d'Afrique du Nord depuis 2002. Ces dernières années, le taux d'octroi du statut d'asile dépasse toujours les 50%, au vu de la situation qui prévaut dans les pays dont sont originaires ces requérants d'asile – en particulier lorsqu'il s'agit de la Corne de l'Afrique. À ce jour, environ 67 000 personnes – parmi lesquelles plus de 6500 mineurs non accompagnés – ont été secourues grâce à l'opération italienne Mare Nostrum, a précisé M. Agius, soulignant que ces chiffres témoignent de la «crise humanitaire» qui se déroule en Méditerranée. Le déplacement d'un si grand nombre de personnes, qui entreprennent ces voyages au péril de leur vie, se solde par un nombre élevé et inacceptable de décès en mer, a ajouté M. Agius. Si Malte se trouve au premier rang de cette tragédie, il ne s'agit pas là d'un problème concernant seulement Malte, a-t-il souligné. Malte va amender sa législation en matière d'immigration en vue d'assurer le plein respect des récents jugements de la Cour européenne des droits de l'homme s'agissant de ces questions, en particulier pour ce qui d'assurer le droit des personnes détenues de contester leur détention et non pas seulement la durée de leur détention; seront également spécifiées dans la loi les raisons pour lesquelles un requérant d'asile peut être détenu. S'agissant des mauvaises conditions dans les centres de détention, M. Agius a affirmé que les difficultés rencontrées par Malte en la matière sont dues au grand nombre d'arrivées par rapport aux ressources dont dispose ce pays.
Présentant les réponses de Malte (CCPR/C/MLT/Q/2/Add.1) à la liste de points à traiter (CCPR/C/MLT/Q/2) que lui a adressée le Comité, M. Agius a indiqué que, pour l'heure, Malte maintenait ses réserves à l'égard de certaines dispositions du Pacte jusqu'à ce qu'elles aient été examinées plus avant. Il a aussi indiqué que, bien que le Plan national d'action contre le racisme et la xénophobie n'ait pas encore été formellement adopté, il devrait inspirer la prochaine stratégie en faveur des droits de l'homme et de l'égalité, a-t-il poursuivi.
Malheureusement, aucun pays n'est exempt de violations des droits de l'homme, notamment pour ce qui est du problème de la violence contre les femmes et les enfants, y compris la violence domestique, a déclaré M. Agius.
M. Agius a en outre réitéré la position du Gouvernement maltais selon laquelle les personnes secourues en mer ne sont pas soumises à la juridiction maltaise mais ont, en toute connaissance de cause, choisi d'être secourues par les autorités maltaises plutôt que de rester dans une dangereuse situation de détresse. Cela signifie que Malte a toujours respecté ses obligations en vertu du droit international; le fait que Malte honore de telles obligations ne saurait aucunement être perçu comme signifiant que le pays conviendrait que d'autres obligations en découlent, a insisté M. Agius, rappelant que des milliers de vies ont été sauvées en Méditerranée centrale suite aux opérations menées par les forces armées maltaises conformément au droit international. À Malte, a rappelé M. Agius, le principe de non-refoulement est garanti par la loi sur les réfugiés et la législation afférente; tous les migrants irréguliers sont informés de leurs droits, y compris leur droit de demander une protection internationale. La détention des migrants irréguliers trouve sa base légale dans la loi sur l'immigration, a précisé M. Agius: suite à la dépénalisation de l'entrée illégale, les migrants irréguliers sont soumis à une détention administrative dans des centres qui sont distincts des prisons et qui sont gérés séparément. Il convient de clarifier que les migrants vulnérables – parmi lesquels les mineurs non accompagnés, les personnes handicapées, les personnes âgées, les familles avec de jeunes enfants, les femmes enceintes et allaitantes – ne sont pas détenus; leur liberté n'est restreinte que jusqu'à ce que leur vulnérabilité ait été établie, a expliqué M. Agius, ajoutant que les migrants mineurs bénéficient des mêmes droits que les mineurs maltais, y compris le droit d'être scolarisés dans les écoles publiques. Les personnes détenues en vertu de la législation relative à l'immigration à Malte ne sont pas soumises à des sanctions disciplinaires et peuvent recevoir des visites régulières d'un grand nombre d'ONG, de ministères et de conseils juridiques, a en outre fait valoir M. Agius.
Le chef de la délégation maltaise a d'autre part indiqué que la législation maltaise ne précise pas ce que constitue un châtiment raisonnable, l'interprétation de ce que recouvre cette notion restant à la discrétion des tribunaux. Néanmoins, suite à un amendement apporté cette année au Code pénal maltais, il est spécifié que le châtiment raisonnable ne saurait renvoyer au châtiment corporel.
M. Agius a en outre souligné que l'âge de responsabilité pénale ayant été élevé à 14 ans, la loi sur les mineurs reste applicable aux mineurs âgés de moins de 16 ans.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Plusieurs experts ont souhaité savoir pour quelles raisons Malte considère qu'il soit encore essentiel de maintenir ses six réserves à l'égard du Pacte. Certaines de ces réserves, telle que celle relative à l'article 13 du Pacte concernant l'expulsion des étrangers, semblent obsolètes puisque Malte a ratifié sans aucune réserve les protocoles 4 et 7 à la Convention européenne des droits de l'homme, a fait observer un membre du Comité. Il s'est également inquiété que Malte maintienne sa réserve à l'égard de l'article 19 concernant les limites imposées à la liberté d'expression des fonctionnaires et des étrangers, alors que le droit à la liberté d'opinion et d'expression est un droit essentiel.
Malte a parcouru beaucoup de chemin depuis sa dernière parution devant ce Comité; mais bien des défis restent à relever. Malte ne semble pas être en mesure de présenter des exemples de décisions de justice dans lesquelles des dispositions du Pacte auraient été invoquées. L'expert s'est par ailleurs étonné que depuis de nombreuses années, le Comité n'ait été saisi, au titre du premier Protocole facultatif, d'aucune communication en provenance de Malte. Il s'est toutefois réjoui que Malte se dirige vers la mise sur pied d'une institution nationale des droits de l'homme; une telle institution permettrait de faire le lien, pour Malte, entre les systèmes national et international des droits de l'homme.
Une experte a souhaité savoir pourquoi Malte n'a pas retenu, au nombre des motifs de discrimination interdits, celui de la langue parlée. Elle a soulevé la question de la compatibilité avec le Pacte des dispositions de la loi maltaise selon lesquelles seuls les citoyens maltais, les ressortissants de l'Union européenne et les personnes ayant établi leur résidence habituelle à Malte peuvent demander réparation devant une juridiction pénale lorsqu'ils sont victimes d'une infraction pénale. Un autre expert s'est inquiété de ce statut distinct imposé aux non-ressortissants maltais, qui se verraient de ce fait incapable de bénéficier du même droit à réparations que les citoyens maltais.
Une experte a salué les progrès réalisés par Malte en matière de lutte contre les manifestations de racisme et de xénophobie, notamment grâce aux amendements apportés au Code pénal et aux formations dispensées aux forces de police, y compris la police des frontières. Malte a beaucoup avancé en ce qui concerne la représentation des femmes, notamment au Parlement, s'est également félicité l'experte. Elle s'est toutefois inquiétée d'une stagnation de la proportion de femmes parlementaires depuis de nombreuses années.
Une experte s'est inquiétée d'allégations d'usage excessif de la force dans les centres de rétention pour migrants et s'est enquise des mesures prises à l'encontre des responsables de telles pratiques. L'attention a notamment été attirée sur le décès de Mamadou Kamara, intervenu à l'été 2012 dans un centre de rétention maltais.
La durée de 18 mois de détention administrative encourue par les migrants en situation irrégulière a été jugée contraire au principe de proportionnalité prévu à l'article 9 du Pacte, une experte ajoutant que cette pratique est contraire à la liberté de mouvement.
Un expert a relevé que le pays n'a pas modifié sa position s'agissant de la question de l'avortement. Un autre demandé si Malte envisage de prévoir des exceptions à l'interdiction générale de l'avortement et si des mesures sont prises pour prévenir les grossesses non désirées, notamment par le biais de la mise à disposition de moyens de contraception. Le Comité des droits de l'enfant s'est dit préoccupé par le nombre de jeunes filles qui cherchent à se faire avorter clandestinement, dans des conditions risquées, a insisté une experte. Un autre expert a regretté que Malte n'envisage pas de relever l'âge de la nubilité.
Une experte s'est inquiétée d'informations faisant état du refoulement par Malte de réfugiés libyens sans qu'ait été examinée la situation personnelle de chacun d'entre eux, ce qui équivaudrait à une expulsion collective.
La législation maltaise maintient en l'état la possibilité d'un «châtiment raisonnable», sans que ce concept soit clairement défini, son acception restant à la discrétion des tribunaux, a rappelé un membre du Comité. Or, un amendement apporté au Code pénal souligne que ce concept ne saurait recouvrir le châtiment corporel et l'expert a demandé quelle forme pouvait prendre un tel «châtiment raisonnable».
S'agissant des migrants en situation irrégulière, un expert s'est inquiété de la situation des enfants migrants, souvent détenus avec des adultes dans des cellules surpeuplées où ils ne bénéficient pas des services auxquels ils devaient avoir droit. L'expert s'est en outre inquiété des nombreux cas de détention arbitraire de jeunes migrants dans des commissariats de police.
Une experte a déclaré qu'il semble que l'avocat d'une personne arrêtée ne puisse pas participer aux interrogatoires dans les commissariats de police et a demandé à la délégation de confirmer si le prévenu n'a accès à son conseil qu'avant l'interrogatoire. Elle s'est également inquiétée qu'un délai de 36 heures peut être appliqué avant qu'un prévenu puisque avoir accès à son avocat. Elle s'est aussi étonné qu'il semble que les prévenus perdent le droit de garder le silence dès le moment où ils ont accès à un avocat?
Plusieurs membres du Comité ont souhaité en savoir davantage au sujet de la législation applicable au concept de la diffamation à Malte.
Réponses de la délégation
S'agissant de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne, la délégation a rappelé que c'est un système dualiste qui prévaut à Malte, de sorte que les traités internationaux ratifiés par le pays ne font pas directement partie de la législation interne tant qu'ils ne sont pas transposés en droit interne. À Malte, les dispositions du Pacte sont incluses dans divers textes législatifs, notamment dans la Constitution ou le Code pénal, a précisé la délégation. Le Pacte étant intégré à la Constitution, ses dispositions prévalent sur celles du droit interne.
Les autorités maltaises sont en train d'examiner les différents modèles d'institutions nationales des droits de l'homme pour évaluer la meilleure marche à suivre en vue de la création d'une telle institution à Malte. Pour ce qui est de l'articulation entre une institution des droits de l'homme et celle de l'ombudsman (médiateur) parlementaire, la délégation a indiqué que les autorités maltaises envisagent de confier un mandat très large à sa future institution nationale des droits de l'homme, alors que l'ombudsman parlementaire conservera son mandat actuel.
La délégation a assuré le Comité que les autorités maltaises tiendraient compte des recommandations que pourrait lui adresser le Comité au sujet des motifs de discrimination devant être interdits par la loi. La délégation a par la suite reconnu que ni la Constitution maltaise ni la principale loi antidiscriminatoire n'interdisent, pour l'heure, la discrimination fondée sur la langue. Par conséquent, lorsqu'elles se pencheront sur la mise en place de l'institution nationale des droits de l'homme, les autorités maltaises examineront cette question, a-t-elle indiqué.
Malte compte huit femmes députées sur un total de 69 députés, a indiqué la délégation. Elle a ensuite souligné que la part des femmes dans les conseils municipaux approche les 20%.
S'agissant de la violence faite aux femmes, la délégation a expliqué qu'un ordre de protection est émis par les tribunaux en faveur des victimes de ce type de violence, de sorte que les victimes – femmes ou enfants – peuvent prétendre à un hébergement dans l'un des cinq foyers d'hébergement maltais pour les victimes de violence domestique.
La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur le système de garde gratuite d'enfants qui a été mis en place par les autorités pour les enfants âgés de trois mois à trois ans lorsque leurs deux parents travaillent ou lorsqu'ils sont élevés par un parent célibataire. Le nombre d'enfants bénéficiant de ce système est passé de 1700 en mars dernier à quelque 2700 quelques mois plus tard. Grâce à la mise en place de ce système, le nombre de femmes travaillant a pu augmenter, a fait valoir la délégation.
La durée du congé de maternité est de 18 semaines, dont les 14 premières sont totalement payées par l'employeur, les autres étant en partie couvertes par le système de prestations sociales, a en outre indiqué la délégation.
La délégation a rappelé que les châtiments corporels ont été abolis à Malte. Un amendement a été apporté à cette fin, cette année, au Code pénal qui a érigé en infraction pénale le comportement d'une personne, quelle qu'elle soit, se livrant à des châtiments corporels. La délégation a en outre attiré l'attention sur les dispositions de la loi sur la protection des mineurs. Le service de protection de l'enfance traite les cas d'abus contre les enfants, y compris au sein de la famille, a souligné la délégation, précisant qu'une ligne téléphonique d'urgence est mise à disposition des enfants.
En général, une victime renonce à dire qu'elle a été victime d'un harcèlement sexuel ou d'un viol, surtout lorsque c'est dans le cadre familial et c'est pourquoi les statistiques ne font pas état de tels cas, a par ailleurs expliqué la délégation.
Répondant aux questions des membres du Comité sur la question de l'interdiction de l'avortement, la délégation a souligné que la position de Malte concernant le droit à la vie a déjà été clairement exposée. Le Gouvernement respecte toutes ses obligations, y compris ses obligations internationales, a-t-elle insisté; lorsque la vie de la mère est en jeu, des traitements cliniques sont proposées au cas par cas, a-t-elle précisé. Bien entendu, on ne s'oppose pas à une intervention susceptible de mettre en péril la vie de l'enfant (à naître) si la vie de la mère est en péril, mais on n'envisage jamais de se défaire de la vie de l'enfant en première instance, a expliqué la délégation.
S'agissant du recours excessif à la force durant la période de détention des migrants en situation irrégulière, la délégation a répondu aux allégations en la matière en indiquant qu'entre 2011 et 2014, suite à la répression d'une émeute intervenue dans un centre de rétention pour migrants, des enquêtes ont été menées à l'issue desquelles des recommandations ont été formulées par le bureau d'enquête afin de prévenir la répétition de tels événements. Suite au décès d'un migrant malien en 2012, les responsables de ce décès ont été identifiés et poursuivis. Des incidents similaires se sont produits en février dernier dans un centre pour migrants, mais seules des blessures corporelles mineures ont été relevées et aucun décès n'a été à déplorer. Des balles en caoutchouc ont été tirées en l'air à des fins dissuasives et n'ont blessé aucun migrant, a insisté la délégation.
Le principe de non-refoulement figure dans la loi sur les réfugiés, a en outre souligné la délégation. Les statistiques publiées par le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) confirment que le système maltais est facile d'usage pour les requérants; Malte est d'ailleurs l'un des tout premiers pays qui reçoit le plus grand nombre de demandes d'asile par rapport au nombre d'habitants. Généralement, le taux de reconnaissance du statut de réfugiés atteint les 50% et parfois, selon l'origine des requérants, il peut atteindre les 80%, a fait valoir la délégation.
Actuellement, la durée maximale de détention des demandeurs d'asile est de 12 mois, a poursuivi la délégation. Une personne déboutée au bout, par exemple, de six mois n'est plus considérée comme demandeur d'asile et pourrait alors être placée en détention pour une période maximale de 18 mois. Mais dans les faits, plusieurs requérants ne sont détenus qu'une quinzaine de jours au total. La législation sera prochainement modifiée afin de préciser les raisons pour lesquelles un demandeur peut être détenu et le requérant d'asile pourra alors faire appel de ce placement en détention. Les conditions d'appel seront définies dans la loi, laquelle fixera également la durée maximale de détention des requérants d'asile.
Le Conseil de recours des migrants et le Conseil de recours des réfugiés sont deux entités différentes, a précisé la délégation, soulignant que si le premier relève de la loi sur les migrations, le second, lui, ne se penche que sur les seuls appels concernant les décisions de l'Office des réfugiés.
S'agissant de la lutte contre la traite de personnes, la délégation a fait état d'une équipe spéciale sur le terrain qui assure la liaison entre les différentes autorités chargées de la lutte contre ce phénomène. Il ne s'agit pas seulement de poursuivre les coupables, mais aussi de protéger les victimes, a souligné la délégation. Aussi, un point focal a-t-il été désigné qui est responsable de l'aide apportée aux victimes, a-t-elle précisé. Pour l'heure, les victimes identifiées viennent principalement de Chine et d'Europe de l'Est, d'Ukraine et de Fédération de Russie, a précisé la délégation.
En ce qui concerne l'administration de la justice pour mineurs, la délégation, ayant rappelé que l'âge de la responsabilité pénale a été porté à 14 ans, a précisé que les affaires impliquant des mineurs âgés de 14 à 16 ans sont traitées par des tribunaux spécialisés; au-delà de cet âge, les affaires sont traitées par les tribunaux normaux.
S'agissant de l'incrimination de la diffamation, la délégation a d'abord indiqué que le Gouvernement maltais n'avait pas l'intention de modifier sa politique actuelle. Cette position semble rigide mais en fait, l'intention du Gouvernement est toujours d'améliorer l'application du Pacte et des discussions sont en cours dans le pays à ce sujet. Pour l'heure, la position du pays reste inchangée et la délégation prend bonne note des observations des experts à ce sujet. Les éventuelles recommandations du Comité à cet égard seront dûment prises en compte par les autorités.
La délégation a indiqué qu'elle apporterait des réponses écrites à d'autres questions dans le délai prévu de 48 heures qui est imparti aux délégations par le Comité.
Conclusions
M. NIGEL RODLEY, Président du Comité des droits de l'homme, a remercié la délégation maltaise pour ce dialogue qu'il a jugé réellement constructif. Il a pris note d'un certain nombre de faits positifs intervenus à Malte, parmi lesquels figurent la ratification du deuxième Protocole se rapportant au Pacte, qui traite de l'abolition de la peine de mort, ainsi que les progrès réalisés pour éliminer la discrimination fondée sur l'identité et l'orientation sexuelles – ces derniers progrès étant exemplaires, tant du point de vue législatif que du point de vue de la sensibilisation de la population en général. Il en va de même en matière d'égalité entre les sexes, même si les choses peuvent encore être améliorées, a ajouté le Président du Comité. L'interdiction des châtiments corporels est également un fait extrêmement positif, a ajouté M. Nigel.
Le Président a déclaré qu'en dépit de la déception du Comité en ce qui concerne la question des réserves, il convient de se féliciter de la volonté exprimée par le pays de travailler sur cette question en vue de les lever. Au sujet de la diffamation des religions, le Comité aurait souhaité savoir si des poursuites ont été engagées sous ce motif, a insisté M. Rodley. Il a par ailleurs rappelé que pour ce qui est de l'avortement, les experts ne posent pas de questions sur la planification familiale mais bien sur l'application du Pacte, y compris pour ce qui est du respect du droit à la vie sous tous ses aspects; or, il semblerait qu'en vertu de la loi en vigueur à Malte, le pays accorde la priorité à l'enfant à naître plutôt qu'à la mère, ce qui est assez difficile à comprendre, a estimé le Président du Comité. En ce qui concerne le viol, la politique de Malte est également assez difficile à saisir pour certains. Sur les questions touchant à l'inceste, les priorités qui sont celles de Malte ne sont pas tout à fait compatibles avec celles du Comité, a estimé M. Rodley.
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CT14/035F