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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT D'HAÏTI

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique d'Haïti sur la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le rapport a été présenté par Mme Rose Anne Auguste, Ministre déléguée auprès du Premier Ministre chargée des droits de l'homme et de la lutte contre la pauvreté extrême, qui a fait valoir que, dès le début de son mandat, le président Michel Joseph Martelly a envoyé des signaux clairs sur son attachement au respect de la démocratie et à la bonne marche des institutions. Les mesures qui ont été prises ont en particulier rendu opérationnelles les importantes institutions que sont la Cour de cassation et le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. S'agissant d'allégations d'atteintes au droit à la vie formulées contre des agents de la Police nationale, la ministre a fait état d'un nouveau dynamisme dans la poursuite et la sanction contre les policiers concernés. La détention préventive prolongée est une véritable préoccupation pour le Gouvernement, a assuré Mme Auguste, qui a aussi attiré l'attention sur les discussions en cours concernant les réformes à effectuer au sein du système judiciaire en vue de le rendre plus efficace dans la garantie des libertés et des droits fondamentaux des citoyens. Certaines mesures ont en outre été prises concernant les infrastructures et le droit à la santé dans les prisons et des travaux ont permis des améliorations des conditions de détention. Le Gouvernement haïtien a d'autre part initié une réforme du système de l'état civil et un projet de documentation des migrants haïtiens en République dominicaine commence à donner des résultats encourageants. Le processus de relocalisation des personnes vivant dans les camps de déplacés évolue lentement mais positivement, a assuré le chef de la délégation. En ce qui concerne l'organisation des élections, la ministre a attiré l'attention sur un dialogue politique et interinstitutionnel pour discuter de manière inclusive des questions relatives à la gouvernance, aux élections et à l'application de la Constitution.

La délégation était également composée de membres de la Mission permanente d'Haïti auprès des Nations Unies à Genève, dont le Représentant permanent, M. Pierre André Dunbar, ainsi que d'un conseiller du Président de la République et de représentants de la Direction juridique au Bureau du Premier Ministre, de la Direction des affaires juridiques au Ministère à la condition féminine et aux droits de la femme, de l'Unité de construction de logements et de bâtiments publics. La délégation haïtienne a apporté des réponses aux questions soulevées par les experts du Comité s'agissant, entre autres, de la discrimination à l'égard des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres; de la protection des enfants dans le cadre des adoptions internationales; de la loi sur «la paternité responsable»; de la situation des personnes déplacées; des mesures prises contre les lynchages; d'allégations de recours abusif à la force par la police dans le cadre des manifestations; des dispositions relatives à la détention préventive; de la lutte contre la corruption; de la lutte contre le viol et les violences à l'égard des femmes.

Dans des observations préliminaires, le Président du Comité, M. Nigel Rodley, a dit que le Comité était sensible aux problèmes qu'a dû affronter Haïti ces dernières années. Haïti est une société fragile et pauvre et cela ne va pas sans affecter la société dans son ensemble. Parmi les principaux problèmes concernant Haïti figurent la surpopulation carcérale et le recours à la détention préventive prolongée. Par ailleurs, la définition de la torture doit inclure la torture psychologique, a ajouté M. Rodley. Il a aussi souligné les défis que représentent notamment l'éviction abusive des personnes déplacées, l'usage excessif de la force contre les manifestants et les menaces à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme. «Chapeautant le tout, on trouve la gangrène du manque d'intégrité judiciaire qui provoque le cancer de la justice populaire», a déclaré M. Rodley.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales concernant le rapport d'Haïti, qui seront rendues publiques à la clôture des travaux, le vendredi 31 octobre prochain.


Lundi matin, 13 octobre, le Comité se penchera sur un projet d'observation générale se rapportant à l'article 9 du Pacte, relatif au droit à la liberté et la sécurité de la personne. À 15 heures, il entamera l'examen du rapport de Malte (CCPR/C/MLT/2).


Présentation du rapport

Présentant le rapport initial d'Haïti (CCPR/C/HTI/1), MME ROSE ANNE AUGUSTE, Ministre déléguée auprès du Premier Ministre chargée des droits de l'homme et de la lutte contre la pauvreté extrême, a exprimé sa grande satisfaction, d'abord comme Ministre mais aussi comme militante engagée depuis plusieurs années dans la défense des droits de l'homme dans son pays, à conduire la délégation haïtienne devant le Comité. Elle a assuré le Comité du profond engagement de l'administration du Président Michel Joseph Martelly et du Gouvernement du Premier Ministre Laurent Lamothe pour la promotion et le respect des droits de l'homme en Haïti. Elle a aussi salué la présence de représentants d'organisations de défense des droits de l'homme œuvrant en Haïti, dont le travail de veille contribue à aider les autorités haïtiennes à améliorer la situation sur le terrain. Si le rapport alternatif de l'Office de la protection du citoyen et de la citoyenne est constructif, la ministre a toutefois déploré la manière partiale dont certains faits, ou évènements, sont présentés dans le rapport conjoint de plusieurs organisations haïtiennes de défense des droits de l'homme.

Dès le début de son mandat, le président Martelly a envoyé des signaux clairs sur son attachement au respect de la démocratie et à la bonne marche des institutions, notamment l'installation du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), organe d'administration, de contrôle, de discipline et de délibération du pouvoir judiciaire; la nomination d'une ministre déléguée en charge des droits de l'homme et la création du Comité interministériel des droits de la personne; le renforcement de l'École de la magistrature en la dotant de moyens financiers et matériels nécessaires. Les mesures prises ont en particulier rendu opérationnelles les importantes institutions que sont la Cour de cassation et le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. La ministre haïtienne a par ailleurs fait valoir que d'importantes avancées ont été réalisées quant à la ratification d'instruments internationaux en matière de droits de l'homme. Le pays a notamment signé la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en août 2013 et a soumis au Parlement, en vue de sa ratification, le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

En réponse aux allégations d'atteintes au droit à la vie formulées généralement contre des agents de la Police nationale, le Gouvernement a nommé un nouvel Inspecteur général en chef à l'Inspection générale de la Police nationale d'Haïti (IGPNH) en septembre 2013. Ce dernier a insufflé un nouveau dynamisme dans la poursuite et la sanction contre les policiers concernés. Au cours de l'année 2013, l'IGPNH a ouvert 1022 dossiers concernant ces plaintes et en a traité et clôturé 345, soit 34% de l'ensemble des dossiers. À la suite des enquêtes disciplinaires clôturées, l'lGPNH a émis 324 recommandations de sanctions contre des policiers, dont 24 recommandations de révocation, 31 recommandations de renvoi du dossier vers les instances judiciaires, 81 suspensions, transferts et lettres de blâmes et 47 mises en disponibilité. La ministre a d'autre part indiqué qu'un processus de certification des magistrats a été engagé fin septembre 2014; ce processus sera mené de manière progressive et concernera à terme 900 juges.

La ministre a fait valoir que la loi sur la paternité, la maternité et la filiation constitue depuis juin 2014 un jalon important dans la réforme du droit de la famille en instaurant notamment un nouveau cadre normatif sur la recherche de la paternité et la filiation et établit le principe d'égalité entre tous les enfants qu'ils soient nés de couples mariés ou non. Sur la question de l'inégalité de genres, un projet de loi sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence faite aux femmes est en cours d'élaboration par le Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes. En outre, le nouveau plan national de lutte contre les violences faites aux femmes, couvrant la période 2012-2016, a été lancé en 2013 après consultation des organisations intéressées. Mme Auguste a aussi fait valoir que les dispositions de la loi électorale de décembre 2013 exigent la participation des femmes dans la vie politique du pays. En application du quota de 30% établi dans la Constitution, trois femmes siègent déjà au Conseil électoral.

La détention préventive prolongée est une véritable préoccupation pour le Gouvernement, a assuré la ministre. Un dialogue rapproché a été amorcé avec des partenaires de la communauté internationale, dont les Nations Unies, sur la définition d'une stratégie nationale visant à résoudre de façon urgente et significative le problème de la sous-capacité carcérale. Dans ce même objectif, le Ministère de la justice a organisé à la mi-septembre 2014 un «Forum sur la politique pénale du Gouvernement» portant sur les réformes à effectuer au sein du système judiciaire en vue de le rendre plus efficace dans la garantie des libertés et des droits fondamentaux des citoyens. Certaines mesures ont été prises dans ce cadre concernant les infrastructures et le droit à la santé dans les prisons haïtiennes. Sur la même note, des travaux au sein de diverses prisons du pays ont permis de sensibles améliorations des conditions de détention. Des rénovations des prisons ont été réalisées ou sont en cours pour en augmenter la capacité et rapprocher les conditions de détention en Haïti des standards internationaux.

En ce qui a trait à la traite des personnes, une étude sur la domesticité infantile est en cours en Haïti qui permettra de mieux définir cette problématique et de faire des recommandations concrètes aux autorités étatiques en vue de lutter contre ce phénomène. La loi sur la traite des personnes vient de combler un vide juridique en rendant possible la poursuite pénale des auteurs. Le Gouvernement haïtien a d'autre part initié une réforme du système actuel de l'état civil qui devrait être finalisée d'ici 2015 et un projet de documentation des migrants haïtiens en République dominicaine est mis en œuvre et commence à donner des résultats encourageants. Ce programme sera répliqué aux Bahamas, aux Îles turques et caïques et au Suriname.

Le processus de relocalisation des personnes vivant dans les camps de déplacés évolue lentement mais positivement, a poursuivi Mme Auguste. Ainsi, au 30 septembre 2014, le nombre total de personnes déplacées était évalué à 85 432 individus, soit 22 741 ménages, situés sur 123 sites. Depuis juillet 2010, on enregistre donc une diminution de 93.7% du nombre de ménages et de 92.1% du nombre de sites. Cette diminution est principalement due à la mise en œuvre des programmes de retour et de réinstallation. Suite à des procédures d'évictions entamées dans certains camps par des propriétaires des terrains sur lesquels lesdits camps étaient établis, le Ministère de la justice et de la sécurité publique a instruit de surseoir à toutes mesures d'exécution de jugements d'évictions sur les terrains privés. Donc, toutes les personnes déplacées relogées dans le cadre des programmes de relocalisation l'ont été dans le strict respect des droits de l'individu. À date, la quasi-totalité des camps réputés à risques d'évictions forcées figurant sur la liste de priorité de 2014 sont fermés.

En ce qui concerne l'organisation des élections, le Gouvernement haïtien, dans un souci d'inclusion, a organisé un dialogue politique et interinstitutionnel pour discuter des questions relatives à la gouvernance, aux élections et à l'application de la Constitution.

En conclusion, la Ministre a déclaré que le Gouvernement haïtien considère que les dispositions du Pacte constituent une boussole permettant de guider les différents acteurs nationaux dans cette longue marche pour la promotion et la protection des droits de l'homme.

Le Comité est également saisi des réponses d'Haïti (CCPR/C/HTI/Q/1/Add.1) à la liste de points à traiter (CCPR/C/HTI/Q/1) que lui a adressée le Comité.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Alors que Jean-Claude Duvalier vient de mourir, un membre du Comité a insisté sur la nécessité pour Haïti de rendre justice et d'assurer les compensations adéquates pour les victimes des graves violations de droits de l'homme commises sous le régime Duvalier. À cet égard, il a jugé peu claire l'attitude du Gouvernement, qui semble avoir adopté une posture ambiguë.

Des informations complémentaires ont été requises s'agissant des travaux de la Commission nationale de vérité et de justice relatifs aux crimes commis entre 1991 et 1994 et des compensations accordées aux victimes.

Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés de la persistance de stéréotypes sexistes en Haïti. Des informations ont donc été requises s'agissant des mesures déployées pour éradiquer la discrimination fondée sur le sexe et les stéréotypes traditionnels concernant la femme.

Un expert s'est inquiété des nombreux événements homophobes et discriminatoires intervenus ces dernières années en Haïti, mentionnant notamment la marche du 19 juillet 2013, à Port-au-Prince, contre les homosexuels. Près d'une cinquantaine d'incidents de violence homophobes ont été recensés par des organisations de lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, sans qu'aucune action publique ne soit engagée, a déploré l'expert.

Évoquant des cas d'exécutions extrajudiciaires par la police, un autre membre du Comité a attiré l'attention sur le problème qui semble exister s'agissant du recours aux armes à feu.

Des préoccupations ont en outre été exprimées s'agissant des forts taux de mortalité maternelle et infantile en Haïti.

La surpopulation carcérale et les mauvaises conditions carcérales constituent de graves problèmes, a-t-il également été souligné, un membre du Comité faisant observer que l'espace moyen disponible par prisonnier est de 0,6 mètre carré. Des préoccupations ont été exprimées au sujet de la hausse récente du nombre de personnes détenues en Haïti, et la question a alors été soulevée de savoir si le recours à la détention préventive était justifié dans tous les cas.

Qu'en est-il de la suite donnée aux allégations de torture et de traitement cruel, inhumain ou dégradant, a-t-il par ailleurs été demandé? Le projet de loi contre la torture va-t-il faire de la torture une infraction pénale distincte? Un expert a insisté sur la nécessité pour ce projet de loi de couvrir également la torture psychologique. Haïti envisage-t-il de faire du viol une infraction pénale, a-t-il également été demandé?

Un membre du Comité a fait part de sa préoccupation face au grand nombre d'avortements clandestins, qui contribue au taux élevé de mortalité maternelle enregistré dans le pays.

Un expert s'est inquiété de la persistance de la pratique consistant à forcer des enfants – appelés restaveks en Haïti – à effectuer des travaux domestiques. Quatre-vingt pour cent de ces restaveks sont des jeunes filles en âge scolaire issues de foyers à faible revenu et envoyées dans des familles plus riches dans l'espoir qu'elles soient prises en charge en contrepartie de petites tâches à effectuer; or, souvent, ces restaveks ne perçoivent aucun salaire, sont privés d'éducation, maltraités et victime d'abus sexuels. étant donné que depuis le tremblement de terre, de nombreux enfants n'ont pu trouver refuge que dans des camps de réfugiés, les Nations Unies et les organisations de la société civile ont des raisons de s'inquiéter et d'attirer l'attention sur le fait que le séjour prolongé de mineurs dans les camps peut favoriser le travail forcé ou la traite.

S'agissant de la liberté religieuse, un membre du Comité a fait observer que certaines personnes continuent de se plaindre de ne pas jouir des mêmes droits religieux que d'autres. Cet expert s'est également inquiété de la situation en ce qui concerne la liberté d'opinion et d'expression.

Un expert s'est enquis des mesures prises par Haïti pour faire en sorte que soient respectés les quotas de genre lors des élections. Un autre expert a demandé comment les autorités garantissent l'inscription des personnes déplacées sur les listes électorales.

Un membre du Comité s'est enquis de la situation du million d'Haïtiens vivant en République dominicaine, où ils travaillent notamment dans les plantations de canne à sucre et se retrouvent parfois apatrides. Ainsi, des enfants haïtiens ayant d'abord suivi des études primaires ou secondaires en République dominicaine n'ont ensuite pas pu poursuivre leurs études parce qu'ils n'avaient pas de papiers d'identité.

Selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, le tremblement de terre en Haïti a endommagé ou détruit près de 4000 écoles, provoquant une interruption scolaire prolongée pour environ 2,5 millions d'enfants, a fait observer un membre du Comité, qui a voulu savoir quelles mesures sont prises pour éviter l'abandon scolaire des enfants les plus vulnérables tels que les orphelins, les personnes déplacées et les restaveks.

Il a par ailleurs été relevé que selon Human Rights Watch, l'insécurité économique dont souffrent les femmes a amené nombre d'entre elles à «offrir des services sexuels» contre de l'alimentation et ce, sans utiliser de protection. La violence sexuelle, comme souvent dans des situations d'après-catastrophe, a augmenté après le tremblement de terre en Haïti, a-t-il déplacées aussi été souligné.

L'épidémie de choléra de 2010 a non seulement propagé cette infection virale mais a également provoqué une grande colère et des a priori à l'encontre des forces de maintien de la paix étrangères accusées d'avoir apporté cette maladie en Haïti, a rappelé un membre du Comité. La colère s'est alors reportée sur les prêtres vaudous qui ont parfois été lynchés, a-t-il ajouté, précisant qu'en décembre 2010, 45 personnes auraient été lynchées à travers le pays. Dans ce contexte, combien de personnes ont-elles été poursuivies en justice et jugées pour ces lynchages et quelles réparations ont-elles été accordées aux victimes ou leurs familles?

Un expert a évoqué la corruption du système judiciaire en Haïti, s'inquiétant notamment de pots-de-vin versés à des juges et d'allégations selon lesquelles des responsables gouvernementaux interviendraient dans des affaires portées devant la justice et ce, en toute impunité. C'est parce que les gens n'ont plus confiance dans le système de justice que fleurit la justice populaire, en particulier le lynchage, a souligné cet expert.

Réponses de la délégation

Le Gouvernement haïtien est totalement solidaire, au plus haut niveau, des organisations qui cherchent à promouvoir les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, a assuré la délégation. Il est vrai qu'il y a un problème avec la mentalité des gens s'agissant de cette question, a-t-elle reconnu, avant de faire valoir que le Gouvernement a publié une note dans laquelle il condamne fermement les comportements homophobes.

La délégation a rappelé qu'un appel, toujours en suspens, a été déposé devant la Cour de cassation s'agissant du cas de Jean-Claude Duvalier. Il est vrai que les retards pris dans cette affaire ont été importants, mais cela s'explique en particulier par la culture orale qui prévaut en Haïti, les gens portant davantage plainte à travers la radio que par écrit, a notamment expliqué la délégation. Il ne fait aucun doute que la procédure à des fins de jugement des autres responsables (que J.-C. Duvalier) qui n'ont pas encore été poursuivis va continuer, a assuré la délégation. La délégation a insisté sur la crise multidimensionnelle que traverse Haïti depuis plusieurs décennies – au moins quatre décennies au total – attirant notamment l'attention sur la succession de crises politiques qu'a connue le pays.

«Nous sommes un gouvernement ouvert; nous n'avons de problème avec personne», a déclaré la délégation, saluant de nouveau la présence de la société civile. Dénonçant les allégations mensongères proférées dans les médias à l'encontre du Gouvernement haïtien, la délégation a assuré qu'il n'y a dans le pays aucune persécution contre quiconque; la liberté d'expression en Haïti est totale et les gens peuvent dire n'importe quoi, a insisté la délégation. Nous sommes un gouvernement responsable; nous sommes un État fragile; nous sommes un pays meurtri, a-t-elle aussi déclaré, assurant les membres du Comité du sérieux avec lequel elle appréhende le présent dialogue.

Interpellée au sujet des adoptions internationales, la délégation a indiqué que le pays a révisé sa loi de 1994 sur l'adoption conformément à la Convention de La Haye. Ainsi, la loi sur l'adoption suit-elle le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant et vise-t-elle l'adoption en tant que mesure de dernier recours. Le recours à l'adoption internationale est une mesure de dernier recours qui ne peut intervenir qu'après épuisement des solutions internes, à savoir l'assistance sociale aux familles, le placement en famille d'accueil ou encore l'adoption intrafamiliale, a précisé la délégation. Elle a fait état d'une baisse du nombre des adoptions, de 600 en 2013 à 200, à ce jour, en 2014. La procédure d'adoption est désormais très stricte, a insisté la délégation.

Une loi sur la traite a été promulguée cette année, a par ailleurs indiqué la délégation. Un comité national de lutte contre la traite a été chargé de surveiller l'application de cette loi et un fonds spécial va accorder des aides aux victimes, a-t-elle précisé.

Il a en outre été procédé à l'élaboration d'un code de l'enfance qui regroupera toutes les nouvelles lois, y compris celles sur l'adoption et sur la traite susmentionnées, a indiqué la délégation.

S'agissant des personnes déplacées, la délégation a affirmé que le Gouvernement a décidé de fermer tous les camps. Les Haïtiens victimes du séisme ne peuvent plus vivre dans les camps; c'est inacceptable et c'est une situation inhumaine, a-t-elle expliqué. Nous confirmons donc qu'il faut effectivement que tous les camps soient fermés, a insisté la délégation.

Il y a effectivement des cas de lynchages dans le pays, a reconnu la délégation; mais elle a assuré que lorsqu'il en survient, les auteurs sont punis, de sorte que cela dissuade d'autres personnes de se livrer à de telles pratiques.

En ce qui concerne la question du recours abusif à la force dans le cadre des manifestations, la délégation a fait état de plusieurs affaires où des policiers ont été détachés ou écartés de la police jusqu'à ce que la justice se prononce sur leur cas.

Dans le cadre du projet de réforme législative concernant le domaine judiciaire, il est prévu d'intégrer des peines alternatives à la détention préventive, a d'autre part indiqué la délégation.

La loi contre la corruption a été publiée au Journal officiel en mai dernier, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a expliqué qu'avec l'adoption de la loi sur la paternité responsable, il n'existe plus de distinction entre enfant né hors mariage et enfant issu du mariage, mais une seule catégorie d'enfants. Grâce à cette loi, la recherche de la paternité est désormais permise, alors qu'elle ne l'était pas jusqu'ici, a fait valoir la délégation.

Il n'existe pas dans la législation haïtienne d'article spécifique incriminant le viol conjugal; le viol est puni d'une manière générale, a indiqué la délégation. En cas d'agression sexuelle, la première démarche pour la victime est d'obtenir un certificat médical, que peuvent émettre tous les hôpitaux et centres de santé du pays. La délégation a en outre fait état d'un projet de loi en cours d'élaboration qui couvrira toutes les formes de violence à l'égard des femmes. Entre 2007 et 2012, de nombreuses campagnes ont été menées afin de lutter contre les stéréotypes fondés sur le sexe, a d'autre part fait valoir la délégation.

La liberté religieuse est reconnue en Haïti, même s'il peut être plus compliqué pour certains cultes que pour d'autres de se faire enregistrer, a déclaré la délégation, admettant qu'il puisse être nécessaire de modifier quelque peu la loi afin de permettre à tous les cultes de se faire enregistrer sans difficulté.

Conclusions

MME AUGUSTE a demandé le soutien du Haut-Commissariat aux droits de l'homme dans la mise en œuvre du Pacte et s'est engagée à le traduire en créole dès que possible. Elle a regretté ne pas avoir pu disposer de davantage de temps pour fournir plus d'informations sur les progrès réalisés dans des domaines tels que les droits des enfants, les droits des personnes handicapées et l'égalité des sexes. Le Pacte n'est pas mis en œuvre aussi bien qu'on l'aurait souhaité, et les restrictions budgétaires, surtout après le séisme de 2010, représentent un énorme défi pour le pays. Mais Haïti poursuivra ses efforts, notamment dans le cadre de la mise en œuvre du Plan national des droits de l'homme et de la mise en place de la Commission nationale des droits de l'homme. Haïti a vécu une longue période d'apprentissage vers la réalité démocratique et continuera sur cette voie.

M. NIGEL RODLEY, Président du Comité, a assuré que le Comité était sensible aux problèmes qu'a dû affronter Haïti ces dernières années. Comme l'a souligné la délégation, Haïti est une société fragile et pauvre et cela ne va pas sans affecter la société dans son ensemble. Parmi les principaux problèmes concernant Haïti figurent la surpopulation carcérale et le recours à la détention préventive prolongée, qui ne respecte pas certaines normes, en termes notamment de délais légaux. Par ailleurs, la définition de la torture doit inclure la torture psychologique, a ajouté M. Rodley. Parmi les autres défis, le Président a mentionné l'éviction abusive des personnes déplacées, le recours excessif à la force contre les manifestants et les menaces à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme. Chapeautant le tout, on trouve la gangrène du manque d'intégrité judiciaire qui provoque le cancer de la justice populaire, a déclaré M. Rodley.


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CT14/033F