Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT SUR LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME DES PERSONNES PRIVÉES DE LIBERTÉ
Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin une réunion-débat sur la protection des droits de l'homme des personnes privées de liberté.
La réunion, animée par Mme Farida Shaheed, Rapporteuse spéciale sur les droits culturels, comptait avec la participation de M. Nigel Rodley, Président du Comité des droits de l'homme; de M. Martin Schönteich, de l'organisation Open Society Justice Initiative; de M. Mario Coriolano, avocat principal de la défense à la Cour pénale d'appel de Buenos Aires (Argentine); de Mme Taghreed Jaber, Directrice régionale pour l'Afrique et le Moyen Orient de Penal Reform International; de Mme Gertrude Brinek, Présidente du bureau de l'Ombudsman de l'Australie; et de Mme Piera Barzana, de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). La réunion était animée par M. Mads Andenas, Président du Groupe de travail sur la détention arbitraire.
Ouvrant les débats, Mme Jane Connors, Directrice de la division de la recherche et du droit au développement du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a rappelé que la privation de liberté peut certes être justifiée mais qu'elle ne doit jamais être arbitraire et doit être appliquée dans le respect du droit. Mme Connors a notamment souligné que de nombreux pays abusent de la détention préventive et que la surpopulation carcérale qui en résulte entraîne des risques accrus de violations des droits de l'homme. Elle a préconisé une réduction du recours à la détention, même après condamnation, et le recours à des peines de substitution, ainsi que des mécanismes qui permettent de réduire les risques de récidive. Il faut en outre un contrôle efficace des détentions. Mme Connors a rappelé que le Haut-Commissariat avait fait de la protection des droits des personnes privées de liberté une de ses priorités de son plan de gestion pour 2014-2017.
Parmi les panélistes, M. Schönteich a notamment souligné que sur 50 millions de personnes placées tous les ans en détention préventive, environ 3,3 millions seraient finalement libérées sans qu'aucune charge ne soit retenue contre elles. Mme Jaber a constaté que la surpopulation carcérale s'aggrave dans le monde et ajouté que la solution ne résidait pas dans la construction de nouvelles prisons, car on serait tenté d'y mettre plus de prisonniers, mais dans la réforme des systèmes judiciaires et carcéraux. Mme Brinek a en outre jugé essentiel de trouver des alternatives à la prison, notamment pour les jeunes, ajoutant que l'indépendance des institutions nationales des droits de l'homme est primordiale. M. Rodley a notamment rappelé que toute personne passible de poursuites pénales devait être présentée au plus tôt à un juge. M. Coriolano a déclaré que la prison est «un échec, un fiasco total» et préconisé des mesures alternatives à la détention et de prévention tout en observant qu'en dépit du travail effectué par les organes conventionnels ou des procédures spéciales, aucune de leurs recommandations n'est appliquée par les États. Mme Barzano a notamment indiqué que l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime à Vienne a reçu mandat de l'Assemblée générale pour revoir les normes minimales des Nations Unies sur le traitement des prisonniers de 1957.
Au cours du débat, auquel ont participé une trentaine d'États, organisations internationales, institutions nationales des droits de l'homme et organisations non gouvernementales*, les intervenants ont notamment souligné que le principal défi à relever consistait à mettre réellement et efficacement en œuvre le cadre juridique international existant de protection des droits des personnes détenues, qui est déjà très complet. Les principaux défis à relever sont le manque d'efficacité des mécanismes de supervision, les violences en détention, le recours excessif à la détention et la surpopulation carcérale qui en résulte. De nombreux intervenants ont mis l'accent sur les méfaits de la surpopulation carcérale, qui tend à se généraliser et génère des conditions insalubres, voire inhumaines, de détention. Des délégations ont par ailleurs mis en avant les besoins spécifiques de diverses catégories de détenus, notamment les migrants en détention administrative, les détenus en attente de leur jugement, les femmes et plus encore les enfants.
Le Conseil des droits de l'homme reprendra à la mi-journée ses débats interactifs avec les Rapporteurs spéciaux sur les produits et déchets dangereux et sur le droit à l'eau potable et à l'assainissement, avant d'entamer l'examen de rapports sur l'utilisation de mercenaires et sur la promotion d'un ordre démocratique équitable.
Réunion-débat sur la protection des droits de l'homme des personnes privées de liberté
Déclarations liminaires
MME JANE CONNORS, Directrice de la division de la recherche et du droit au développement du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a déclaré que plus de 10 millions de personnes sont actuellement en détention dans le monde. La privation de liberté peut être justifiée, dans le cadre de la justice pénale en particulier, mais elle ne doit jamais être arbitraire et doit être appliquée dans le respect du droit. En outre, les personnes détenues sont particulièrement vulnérables aux violations des droits de l'homme. Les femmes privées de liberté sont plus encore susceptibles de subir des violations des droits de l'homme, de même que les personnes handicapées, celles qui sont l'objet de discrimination du fait de leur orientation sexuelle, ou encore les migrants, qui, en outre, sont souvent détenus avec des personnes condamnées pénalement lors de leur détention administrative.
Mme Connors a rappelé qu'aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la détention préventive doit être exceptionnelle et aussi courte que possible, dans l'attente d'un procès qui doit venir rapidement. Or, dans de nombreux pays, on abuse de la détention préventive et les détenus en préventive représentent souvent la majorité de la population carcérale et attendent parfois en détention leur jugement pendant des années. Les femmes tendent à y être soumises plus souvent que les hommes. Le Pacte relatif aux les droits civils et politiques exige que les personnes en détention préventive soient séparées des condamnés, mais c'est rarement les cas, en violation des règles de Bangkok de 2010. Par ailleurs, les femmes détenues devraient être surveillées uniquement par des femmes pour éviter les risques d'abus sexuels. Enfin, les personnes en détention préventive risquent de subir la torture ou des mauvais traitements visant à obtenir des aveux ou des renseignements.
La représentante du Haut-Commissariat a aussi souligné que la surpopulation carcérale entraîne des risques accrus de mauvais traitements et restreint la jouissance de certains droits, y compris le droit à des soins de santé appropriés. Elle a préconisé une réduction du recours à la détention, même après condamnation, et des mesures favorisant l'application de peines de substitution. En outre, les États devraient mettre l'accent sur les mécanismes de réhabilitation et d'éducation qui réduisent les risques de récidive.
Mme Connors a rappelé qu'aux termes du Pacte international sur les droits civils et politiques, toute de détention doit pouvoir faire l'objet d'un contrôle rapide, efficace et accessible. Toute personne doit notamment pouvoir contester la légalité de son arrestation et être libérée si le juge lui donne raison. C'est là une garantie vitale, trop souvent ignorée. Mme Connors a rappelé que le Haut-Commissariat avait fait de la protection des droits des personnes privées de liberté une des priorités de son plan de gestion pour 2014-2017. Le Haut-Commissariat soutient les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales qui traitent de droits de l'homme liés à la détention et participe activement aux processus intergouvernemental appuyé par l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime; ses agents sur le terrain surveillent les conditions détention et leur base légale. Enfin, le Haut-Commissariat présentera un rapport sur les implications pour les droits de l'homme du recours abusif à l'incarcération et la surpopulation carcérale en 2015, comme l'a demandé le Conseil des droits de l'homme dans sa résolution 24/12.
En conclusion, Mme Connors a rappelé que si l'application des normes du droit international était de la responsabilité principale des États, la communauté internationale avait elle aussi un rôle important à jouer. Elle doit promouvoir une plus grande volonté politique de la part des États pour traiter de la question discutée ce matin. Il faudrait en outre mettre à disposition une assistance technique beaucoup plus importante pour les États qui souhaitent améliorer leur respect des normes internationales dans ce domaine.
L'animateur du débat, M. MADS ANDENAS, Président du Groupe de travail sur la détention arbitraire, a déclaré que les États disposaient d'une grande marge en la matière mais le droit international coutumier et le droit international stipulent que la privation de liberté ne saurait obéir à une sévérité excessive par rapport aux délits reprochés. L'incarcération excessive pose des problèmes croissants, notamment des problèmes d'hygiène posés par la surpopulation carcérale. M. Andenas a souligné que la détention préventive expose des personnes qui ne sont pas encore condamnées à des violations des droits de l'homme. Il a ajouté que les organisations régionales jouent un rôle important en matière d'observation des conditions de détention dans les pays de leur aire géographique.
Exposés des panélistes
M. NIGEL RODLEY, Président du Comité des droits de l'homme, a rappelé que toute personne passible de poursuites pénales devait être rapidement présentée à un juge. Chacun a le droit de contester les motifs de sa détention, ce droit s'appliquant quelles que soient les circonstances, y compris dans les situations de conflit armé et même si ce droit peut être suspendu dans des circonstances absolument exceptionnelles. Le Comité veille à ce que tous les pays respectent cette disposition, à laquelle ils ont souscrit en adhérant aux instruments internationaux pertinents.
M. MARTIN SCHÖNTEICH, de l'organisation Open Society Justice Initiative, a indiqué que sur 50 millions de personnes placées tous les ans en détention préventive dans le monde, une moyenne de 3,3 millions d'entre elles seraient finalement libérées sans qu'aucune charge ne soit retenue contre elles. Si l'on prend en compte les conséquences sur leur famille, ce sont des dizaines de millions de personnes qui sont concernées. Par ailleurs, ces personnes sont souvent détenues dans des postes de police inadaptés, où la pratique de la torture est monnaie courante pour soutirer des aveux. Ces lieux sont accessoirement des incubateurs de maladies en raison d'une hygiène fréquemment déplorable. En outre, les proches doivent couramment nourrir le membre de leur famille emprisonné et la corruption est l'un des fléaux qui retombe du la famille. Pour M. Schönteich, si l'on plaçait moins systématiquement toute personne soupçonnée en détention préventive, on résoudrait en bonne partie le problème de la surpopulation carcérale.
M. MARIO CORIOLANO, Avocat principal de la défense à la Cour pénale d'appel de Buenos Aires (Argentine), a déclaré que la prison est «un échec, un fiasco total». Des millions de personnes et de familles souffrent des conséquences d'une pratique qui n'a pas été conçue pour cela. Il faut donc trouver d'autres mesures, y compris trouver des moyens de réduire le nombre croissant de prisonniers dans le monde. M. Coriolano a observé qu'en dépit du travail qui est fait en ce sens, aucune des recommandations émanant des organes conventionnels ou des procédures spéciales ne sont appliquées par les États. Il a plaidé pour des mécanismes nationaux de prévention, obéissant aux principes de Paris, et des mécanismes de contrôle des lieux de détention. Alors que l'on voit le nombre de détenus croître, on voit aussi que le nombre de délits ne chute pas. Cela montre la nécessité de trouver des moyens alternatifs à la prison, a-t-il conclu.
MME TAGHREED JABER, Directrice régionale pour l'Afrique et le Moyen Orient de Penal Reform International, a déclaré que la surpopulation carcérale nuisait au bon fonctionnement des prisons, réduisant les moyens dont peut disposer l'administration carcérale. La surpopulation carcérale est une tendance mondiale. Elle est également une atteinte aux droits de l'homme des détenus, dont le droit à la santé, car elle favorise la propagation de maladies, notamment les maladies de la peau. Elle atteint aussi au droit à l'alimentation, en réduisant par exemple la ration alimentaire des prisonniers. Elle est également une atteinte au droit du travail, car elle augmente le nombre de détenus à la charge de chaque surveillant de prison. Il n'est pas rare de voir un ratio de deux cents détenus pour un seul surveillant.
MME GERTRUDE BRINEK, Présidente du bureau de l'Ombudsman de l'Australie, a déclaré que l'indépendance des institutions nationales des droits de l'homme est primordiale. Son bureau, établi en septembre 2012, assume également le rôle de mécanisme national de prévention et effectue des visites des prisons. Il a ainsi pu visiter plus de 700 lieux de détention. Il dispose de six commissions, composées de 48 experts, dont des membres de la société civile. Le mécanisme adresse par ailleurs des recommandations aux autorités, notamment s'agissant des lacunes du système carcéral et dans l'application des règles et normes. Pour Mme Brinek, il est essentiel de trouver des alternatives à la prison, notamment pour les jeunes. Les devraient passer le moins de temps possible en prison; ils pourraient par exemple bénéficier de bracelets électroniques, a-t-elle plaidé.
MME PIERA BARZANA, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, a indiqué que l'ONUDC à Vienne a reçu un mandat de l'Assemblée générale pour revoir les Normes minimales des Nations Unies pour le traitement des prisonniers de 1957. Il a ainsi mis sur pied un groupe d'experts, qui s'est mis au travail en se penchant sur neuf domaines différents. Il ne s'agit pas de réduire ces normes, mais de les adapter aux nouvelles technologies, a précisé Mme Barzana. Elle a ensuite indiqué que le travail rédactionnel n'avait pas encore abouti, car il reste encore des questions sur lesquels les experts doivent se mettre d'accord. Cependant, la quatrième réunion de ces experts prévue prochainement devrait faire avancer les choses, a-t-elle espéré.
Débat interactif
Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a engagé les États membres à prendre des mesures concrètes pour s'assurer du respect des droits des détenus et a demandé aux panélistes quelles mesures concrètes ils préconisaient pour superviser l'abus de la détention et assurer la protection des droits des groupes ayant des besoins spécifiques.
L'Union européenne a rappelé que les personnes détenues doivent jouir des mêmes droits que tout autre être humain, exception faite des conditions liées directement à leur privation de liberté. L'Union européenne est attentive aux conditions de détention et tous ses États membres ont ratifié la Convention européenne pour la prévention de la torture et, pour la plupart d'entre eux, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L'Union européenne s'est enquise auprès des panélistes des lacunes pouvant exister selon eux dans la protection juridique des personnes privées de libertés. Le Portugal a rappelé que la manière dont un État traite ses détenus est un indicateur fort de la société de cet État. Les détenus doivent être reconnus et traités comme des êtres autonomes, a ajouté le pays.
La France a rappelé qu'elle avait institué en 2007 une autorité indépendante en la personne du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Elle a ajouté qu'elle s'efforce en outre de lutter contre la surpopulation carcérale et de protéger les droits des détenus, lesquels peuvent saisir différentes autorités, parmi lesquelles le Contrôleur général susmentionné et le Défenseur des droits. L'Estonie, qui a mis l'accent sur la formation et l'éducation des détenus et les garanties de leur accès à la justice, a souhaité connaître l'avis des panélistes quant au meilleur moyen selon eux de garantir la reddition de comptes en cas de violation des droits des personnes détenues. L'Autriche a constaté que des politiques de répression dure aboutissent à la violation des droits détenus ou, au moins, à la surpopulation carcérale. L'Autriche s'efforce de recourir à des mesures alternatives au placement en détention et souhaiterait connaître l'avis des panélistes quant aux meilleurs moyens de lutter contre les violations des droits des détenus.
La Suisse a rappelé que les obligations des États concernent toutes les catégories de personnes privées de liberté, y compris les migrants. En outre, certaines catégories de détenus ont des besoins spécifiques, comme les mineurs. La Suisse a indiqué qu'elle accueillerait prochainement un congrès mondial sur la justice juvénile. Elle a en outre rappelé que les violations des droits de l'homme des personnes privées de liberté surviennent souvent aux premières heures de la détention. À cet égard, l'augmentation de la détention administrative et la longueur de la détention avant jugement sont inquiétantes. Aussi, la Suisse appelle-t-elle les États à garantir à toute personne privée de liberté un accès rapide à un avocat et à supprimer la détention incommunicado. Seule une approche basée sur les droits de l'homme permettra d'améliorer la protection des droits de l'homme des personnes privées de liberté, a insisté la Suisse.
Le Maroc a jugé fondamental qu'une protection spécifique soit accordée aux détenus, lesquels doivent aussi être accompagnés vers leur retour à la liberté; tel est précisément le rôle de la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus, qui facilite le retour à l'emploi des anciens détenus. Le Maroc a souhaité connaître l'opinion des panélistes sur le recours aux peines alternatives à la privation de liberté comme moyen de lutter contre la surpopulation carcérale. Le Burkina Faso a souhaité que l'identification des meilleurs pratiques permette d'améliorer le sort des personnes privées de liberté. Le pays a indiqué avoir adopté des lois visant l'application de la Convention contre la torture dans le contexte de la détention ainsi que la protection des enfants en conflit avec la loi ou encore la protection de ceux qui sont victimes ou témoins.
Les États-Unis ont estimé que les principaux défis en termes de protection des droits des détenus résident dans l'application effective du cadre de protection existant. Le pays s'est dit préoccupé par l'impunité dont jouissent trop souvent les auteurs de violations des droits de l'homme à l'encontre de personnes détenues. Les États-Unis estiment que les différents organes des Nations Unies pourraient mieux se coordonner pour lutter contre ce type d'abus. La Colombie a indiqué avoir créé une entité spécialisée dans la gestion des personnes détenues et mis en place une politique pénale qui met en avant le respect des droits de l'homme des personnes détenues, y compris par la diffusion d'activités de promotion des droits de l'homme au sein du système pénitentiaire.
L'Islande a souligné que la surpopulation carcérale représente un défi mondial. Elle a mis l'accent sur la réhabilitation sociale des détenus, expliquant notamment que l'Islande encourage les détenus à travailler, à suivre des cours et à avoir des contacts avec leur famille. En outre, les délinquants mineurs sont détenus séparément et voient leurs parents dans un lieu autre que la prison. Enfin, l'Islande juge fondamental l'assistance et la protection juridiques des détenus. L'Islande souhaiterait savoir ce quelles mesures pourrait prendre le Conseil des droits de l'homme pour faire progresser la question des droits des personnes détenues. L'Irlande a condamné toute détention arbitraire ou prolongée et a noté que les principales difficultés à l'exercice des droits de l'homme des personnes détenues ont été bien identifiées, le principal défi à relever étant de mettre réellement et efficacement en œuvre le cadre juridique international existant, qui est très complet. Pour l'Irlande, les principaux défis sont le manque d'efficacité des mécanismes de supervision, la surpopulation carcérale, le recours excessif à la détention et les décès et lésions corporelles graves en détention.
L'Ukraine a déclaré que l'occupation et l'annexion non reconnues de la Crimée par la Fédération de Russie avaient abouti à de nouveaux type de violations des droits de l'homme, y compris des enlèvements, des transferts illégaux en Russie et des emprisonnements illégaux, sans garantie judiciaire ni protection diplomatique ou consulaire, créant de véritables otages politiques du Kremlin. Cuba a déclaré que la Révolution avait éradiqué le régime carcéral dont elle avait hérité de la dictature Battista. Elle a évoqué par ailleurs le sort de cinq ressortissants cubains emprisonnés aux États-Unis pour avoir défendu leur pays contre le terrorisme et dont les droits fondamentaux ont été violés, selon lui.
De nombreuses délégations ont mis en avant les mesures prises par leurs gouvernements afin d'améliorer les conditions de détention sur leur territoire. L'Uruguay a expliqué qu'il mettait en place une réforme totale de son système pénal et pénitentiaire pour le rendre plus digne, tout en éliminant la surpopulation carcérale et en facilitant la réinsertion des détenus dans la société et en luttant contre la récidive. Les besoins spécifiques des femmes sont pris en compte et les adolescents en conflit avec la loi doivent poursuivre leurs études. L'Indonésie a dit garantir les droits des personnes détenues, notamment dans sa Constitution et dans la loi, et par la pratique de l'habeas corpus. Selon leur âge, leur sexe et la durée de la peine, le traitement des détenus est différencié. Le pays applique les normes minimales des Nations Unies pour le traitement des prisonniers de 1957, continue de veiller au respect des droits des détenus et travaille à un système de justice réparatrice.
L'Algérie a indiqué avoir lancé depuis plusieurs années des réformes dans le secteur de la justice en vue d'asseoir les bases d'un système judiciaire fort et efficace. Cette révision a porté en premier lieu sur la prise en charge du principe du respect des droits de l'homme et des libertés individuelles et la consolidation du principe de la présomption d'innocence. L'Italie a indiqué que des mesures avaient été prises afin de réduire la population carcérale dans le pays, notamment en favorisant la libération pour bonne conduite. D'ici la fin 2014, la population carcérale devrait ainsi passer des 59 000 à quelque 50 000 personnes.
La Chine a déclaré respecter les règles internationales établies, notamment en interdisant l'exploitation d'aveux obtenus par la force, ainsi qu'en respectant le droit des détenus à entretenir des contacts avec leur avocat et leur famille. Des activités sportives et culturelles sont en outre proposées aux détenus. Les femmes et les personnes handicapées bénéficient de conditions d'incarcération spéciales. L'Égypte a fait part de sa conviction quant à l'importance d'une prévention effective et d'une réponse à d'éventuelles violations des droits des détenus. La nouvelle Constitution égyptienne établit ainsi des garanties solides pour garantir les droits de toute personne privée de liberté. L'Inde a assuré elle aussi que sa Constitution et ses lois fournissaient les garanties contre l'arbitraire. L'Iraq a affirmé que sa Constitution respectait la présomption d'innocence. Le droit de visite, d'avoir des activités sportives et religieuses, le droit d'introduire des plaintes quant aux conditions de détention sont aussi garantis par les textes. Le Ministère des droits de l'homme compte désormais des experts formés dans le pays et à l'étranger chargés de suivre les conditions de détention carcérale. Le même ministère dispose de données mises à jour sur les personnes détenues.
Enfin, le Danemark, qui a rappelé militer activement contre la pratique de la torture, a rappelé avoir lancé, lors de la session de mars 2014 du Conseil, aux côtés de quatre autres pays (Chili, Ghana, Indonésie et Maroc), une «Initiative pour la Convention contre la torture» dont l'objectif est de parvenir à une ratification universelle et à la mise en œuvre de cet instrument international dans les dix ans à venir.
Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) a estimé que l'on ne pourra pas mettre fin à l'épidémie du VIH/sida sans lutter contre cette maladie en milieu carcéral. Insistant sur le fait que la maladie a une prévalence supérieure à la moyenne en milieu carcéral, l'ONUSIDA préconise le traitement volontaire des personnes infectées comme une alternative à la détention. Les services des ministères de la santé devraient avoir le contrôle des services de santé en milieu carcéral, a ajouté l'ONUSIDA. Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance a estimé que la détention des enfants devrait être une mesure de dernier recours et sa durée minimale et s'est prononcé pour des mesures alternatives qui permettent à l'enfant de vivre avec sa famille et de mieux accéder à l'éducation. L'UNICEF estime en outre que les enfants migrants ne devraient jamais être détenus du fait du statut migratoire. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a mis l'accent sur l'impact humain de la surpopulation carcérale, qui se généralise dans plusieurs pays, générant automatiquement des conditions insalubres et souvent inhumaines de détention qui ont des conséquences très graves pour les détenus mais aussi pour le personnel pénitentiaire. Le CICR s'est associé à l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime à Vienne pour rédiger un manuel sur les moyens de réduire la surpopulation carcérale qui a été publié en début de cette année.
Intervenant à titre d'institution nationale des droits de l'homme, le Médiateur de la Géorgie a indiqué que la torture et les mauvais traitements étaient monnaie courante dans son pays jusqu'en 2012. Bien qu'aucun cas n'ait été signalé en 2013, il a reconnu qu'un certain nombre de problèmes demeuraient. Il a cité le manque d'indépendance et d'impartialité de la justice, la lenteur dans la conduite des enquêtes, ainsi que les lacunes en termes de participation des victimes et du public dans les processus d'enquête.
Pour les organisations non gouvernementales, le Panel Reform International (au nom également de American Civil Liberties Union, The International Legal Foundation Ltd, et Centre for Legal and Social Studies) a noté, pour sa part, que la surpopulation carcérale constituait une des plus graves atteintes à la dignité humaine et favorise en outre la pratique de la torture. Le taux d'emprisonnement est tel dans de nombreux pays qu'il entraîne des conditions de détention lamentables, sans réduire pour autant le taux de criminalité. La prévention doit être privilégiée afin de limiter le recours à la détention, a insisté l'ONG. Elle a appelé le Conseil et les organes de l'ONU à privilégier l'action en ce sens. Le Bureau international catholique de l'enfance s'est exprimé au sujet de l'incarcération des adolescents au Pérou, insistant sur la priorité qu'il convient d'accorder à leur réinsertion dans la société et déplorant l'absence de magistrats spécialisés dans la justice pour mineurs. L'ONG a par ailleurs déploré l'absence d'hygiène dans les centres de détention, dénonçant par exemple l'impossibilité de prendre des douches. Enfin, le Comité consultatif mondial de la Société des amis – Quakers a demandé de quelle manière on pourrait inciter les États à appliquer les «Règles de Bangkok» qui prévoient notamment le maintien des liens familiaux en cas de détention. L'ONG a donc appelé le Conseil à prendre en compte le droit des détenus et de leur famille.
Défense des enfants – international a déclaré que les enfants emprisonnés pâtissaient particulièrement de leur incarcération, soulignant plus particulièrement le sort des jeunes migrants. L'ONG a appelé au lancement d'une étude mondiale sur les enfants privés de liberté, demandant au Conseil d'appuyer cette initiative du Comité des droits de l'enfant. L'Association pour la prévention de la torture a mis en avant la nécessité de la mise en place de mécanismes préventifs nationaux. Toutefois, ce système ne peut déployer toute son efficacité que si les États respectent le Protocole facultatif à la Convention sur la torture.
Réponses et conclusions des panélistes
M. RODLEY a déclaré que deux résolutions des Nations Unies ont abordé la question de la détention de façon pertinente, dont celle de 1974. Ce qu'il faut maintenant c'est que les États passent de l'opacité à la transparence. Il faut notamment éliminer les détentions secrètes, ouvrir les prisons et lutter contre la corruption des personnels de police, a plaidé l'expert. Il a également plaidé pour une plus grande coopération entre les différents mécanismes des Nations Unies pour revoir les normes minimales des Nations Unies sur la détention, tout en aidant les États à travailler en toute transparence.
Le Président du Comité des droits de l'homme a par la suite déclaré que la coopération entre les différents mécanismes s'intéressant à la question de la détention est relativement efficace. Le seul écueil à cette bonne coopération est le doublon, a-t-il ajouté, insistant sur le fait que les mécanismes essaient de se consulter le plus souvent possible. L'expert a ensuite souligné que la surpopulation des prisons conduit à ce que les détenus soient «traités comme des animaux» en raison de leur grand nombre. La détention au secret conduit pour sa part parfois à la torture. Il faut donc que la communauté internationale, que ce soit à travers ce Conseil ou les organes conventionnels, se penche sur ces questions.
M. SCHÖNTEICH a quant à lui observé qu'il existe beaucoup de bonnes lois proposant des alternatives à la prison dans de nombreux pays, mais ce n'est pas le cas partout. Cependant, on observe une tendance positive dans quelques pays africains, qui mettent en place des mécanismes, dits «paralégaux». Ils informent notamment les détenus ou les membres de leurs familles sur les processus judiciaires ou les alternatives à la prison.
Le représentant de l'Open Society Justice Initiative a déclaré que la lutte contre la surpopulation carcérale implique que l'on limite le nombre de personnes entrant dans le système de justice pénale. Il faut orienter certaines populations, notamment les jeunes, vers d'autres systèmes, notamment préventifs, a-t-il dit. Cette lutte implique aussi que l'on dispose de plus de données statistiques, à la fois sur cette population et sur les mesures alternatives. Or ces données sont rarement disponibles.
M. CORIOLANO, a observé qu'il y a de nombreux exemples de bonnes pratiques en matière de de lutte contre la population carcérale, notamment dans certains pays d'Amérique latine. Il revient au Conseil des droits de l'homme de formuler des recommandations aux États afin qu'ils luttent contre ce phénomène.
L'avocat principal de la défense de Buenos Aires a souligné que l'absence de volonté politique, de ressources financières ou humaines explique les limites de la justice pénale. Si on remédie à ces lacunes et si l'on applique la résolution 2002/3 de l'ECOSOC, on pourrait limiter le nombre de détenus dans les prisons.
MME JABER a quant à elle déclaré que la solution à la surpopulation carcérale n'est pas la construction d'autres prisons, car, a-t-elle ajouté, on serait tenté d'y mettre plus de prisonniers. Il faut au contraire réformer les systèmes judiciaires et carcéraux. Dans cette réforme, il faut prendre en compte les intérêts des femmes et des enfants, notamment en ce qui concerne la réinsertion.
La représentante de Penal Reform International a observé que la réalité et les pratiques diffèrent d'un point à un autre du monde. C'est pour cela que l'échange des bonnes pratiques est essentiel, afin d'aider les décideurs et législateurs à mettre en place de bonnes solutions. L'experte a également estimé que l'usage excessif de la détention préventive peut aussi être préjudiciable. Toutes ces questions nécessitent que l'on s'y penche plus en profondeur.
MME BRINEK a également souligné l'inefficacité de construire plus de prisons pour lutter contre la surpopulation carcérale. Elle s'est prononcée en faveur de mesures spécifiques pour les femmes et les enfants, qui selon elle, ne devraient pas être détenus loin de leurs familles.
La Présidente du bureau de l'Ombudsman de l'Australie a déclaré que pour améliorer la situation, les mécanismes nationaux de prévention doivent avoir accès à toutes les informations et lieux de détention nécessaires.
MME BARZANO a également observé que la prison n'a pas les mêmes conséquences sur les femmes et les enfants. C'est pourquoi il faut leur réserver des mesures spécifiques.
La représentante de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime a déclaré la révision des règles minimum des Nations Unies sur la détention est assez complexe. Par exemple, l'article 6 sur la non-discrimination a posé des problèmes au groupe, qui a préféré ne pas y toucher. Par ailleurs, ces règles n'incluent pas les enfants, car d'autres dispositions les concernant directement existent déjà par ailleurs. Il en a été de même du champ d'application de ces règles, qui pose lui aussi problème, a-t-elle encore expliqué. Elle a enfin indiqué que le Comité internationale de la croix rouge dispose d'un manuel pour réduire la surpopulation carcérale qui peut servir de bonne base de travail.
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*Les délégations suivantes ont participé aux échanges avec les panélistes: Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Union européenne, Colombie, France, Estonie, Portugal, Maroc, Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) , Burkina Faso, États-Unis, Autriche, Suisse, Islande, Irlande, Uruguay, Fonds des Nations Unies pour l'enfance, Ukraine, Indonésie, Comité international de la Croix-Rouge, Danemark, Algérie, Cuba, Italie, Chine, Égypte, Iraq, Inde, le Médiateur de la Géorgie, Penal Reform International (au nom également de American Civil Liberties Union, The International Legal Foundation Ltd, et Centre for Legal and Social Studies), Bureau international catholique de l'enfance, Comité consultatif mondial de la Société des amis – Quakers, Défense des enfants – international et l'Association pour la prévention de la torture.
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HRC14/111F