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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE DES RAPPORTS SUR L'UTILISATION DE MERCENAIRES ET SUR LA PROMOTION D'UN ORDRE INTERNATIONAL ÉQUITABLE

Compte rendu de séance
Il achève ses débats sur le droit à l'eau potable et à l'assainissement et sur la question de la gestion des produits et déchets dangereux

Le Conseil des droits de l'homme a examiné, lors d'une séance supplémentaire de la mi-journée, des rapports sur l'utilisation de mercenaires et sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable, après avoir conclu des débats interactifs sur le droit à l'eau et à l'assainissement ainsi que sur les déchets dangereux.

Mme Patricia Arias, Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur l'utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à l'autodétermination, a indiqué que les travaux de cette année avaient principalement porté sur l'élaboration de normes régulatrices pour les entreprises militaires et de sécurité privées. Le Groupe de travail est d'avis qu'il convient à la fois de promouvoir des normes internationales, une réglementation et une mise en œuvre au niveau national, tout en exigeant du secteur concerné qu'il respecte les droits de l'homme. Le Groupe de travail est d'avis qu'un instrument international juridiquement contraignant est nécessaire pour relever les défis dans la régulation d'un phénomène transnational en plein essor. S'agissant des bonnes pratiques, Mme Arias a salué les initiatives louables que constituent le Document de Montreux et l'autorégulation de la part des entreprises concernées. Les Comores sont intervenues pour commenter le rapport Groupe de travail sur une mission effectuée dans le pays.

Au cours du débat qui a suivi, de nombreuses délégations** se sont dites favorables à l'élaboration d'un instrument international contraignant afin de réglementer les activités des entreprises militaires et de sécurité privées. Certaines ont toutefois estimé qu'il ne saurait y avoir de législation universelle à ce sujet. Plusieurs délégations ont appelé le Groupe de travail à poursuivre l'étude des législations nationales afin d'identifier les meilleures pratiques.

L'Expert indépendant sur la promotion d'un ordre international équitable et démocratique, M. Alfred-Maurice de Zayas, a réitéré que la communauté internationale devait prendre des mesures pour réformer le système des Nations Unies et les institutions financières internationales afin de permettre la participation de tous les États aux processus de prise de décision, en particulier celles qui concernent la lutte contre la pauvreté, les changements climatiques, la dégradation de l'environnement ou encore les pandémies. Pour l'Expert indépendant, le désarmement et la démilitarisation sont les clefs du développement et de la sécurité, et il recommande aux États de rendre compte au Conseil de leurs dépenses militaires et de réduire ces dépenses au profit des services sociaux et de l'emploi.

Lors du débat, plusieurs délégations** ont convenu que la diminution des dépenses militaires permettrait de redonner la priorité aux budgets sociaux, favorisant en cela l'émergence d'un ordre international plus équitable. Une délégation a notamment observé que les objectifs du Millénaire pour le développement auraient sans doute ainsi été atteints plus complètement. Une autre délégation a déploré que le droit au développement ne suscite qu'un intérêt limité au sein d'un Conseil plus soucieux des droits civils et politiques.

Après avoir entendu les derniers orateurs* dans le cadre du débat interactif sur le droit à l'eau et à l'assainissement, Mme Catarina De Albuquerque, Rapporteuse spéciale sur le droit à l'eau potable et à l'assainissement, a présenté des conclusions dans lesquelles elle a notamment souligné que la privation d'eau, y compris en temps de conflit, constituait une violation flagrante du droit international humanitaire. Pour elle, le droit d'accès à l'eau potable et le droit à l'assainissement sont deux droits différents à part entière, qui doivent être abordés et résolus de manière différente et concomitante dans le cadre du programme de développement pour l'après-2015. M. Baskut Tuncak, Rapporteur spécial sur les implications pour les droits de l'homme de la gestion écologiquement rationnelle et l'élimination des substances et des déchets dangereux, qui a également présenté son rapport hier, a pour sa part expliqué qu'il entendait porter son attention aux défenseurs des droits de l'homme et aux principes des Nations Unies, et aux lacunes du droit international dans le domaine sur lequel porte son mandat.


Cet après-midi à partir de 15 heures, le Conseil des droits de l'homme portera son attention sur un rapport sur la détention arbitraire et sur une étude concernant la vérité, la justice, la réparation et des garanties de non-répétition.


Fin du débat interactif sur le droit à l'eau potable et à l'assainissement

La Verein Südwind Entwicklunspolitik a déclaré que les diverses formes d'exploitation d'hydrocarbures dans le Golfe persique ne pouvait qu'augmenter encore la pollution déjà grave de l'eau. À travers le monde, l'utilisation des ressources en eau suit une vision à court terme et provoque une pollution massive, alors que la ressource se raréfie. La World Barua Organization a déclaré que la défécation à l'air libre représente un grave problème en Inde, surtout dans le nord et le nord-est du pays, là où vivent la majorité des dalits. De manière générale, les services d'assainissement sont très insuffisants en Inde et affectent en premier lieu les pauvres. Les eaux souterraines sont asséchées ou polluées, et la biodiversité s'érode, ce qui ne fait qu'aggraver la situation des plus pauvres. Le Conseil des droits de l'homme devrait agir pour inciter l'Inde à prendre des mesures. L'Association of World Citizens a présenté un cours en ligne qui sera dispensé en français à partir de fin septembre grâce à l'Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR). Il portera sur la pression humaine, démographique et industrielle, qui s'exerce de plus en plus sur l'eau potable dans le monde.

Réponses et conclusions des experts

MME CATERINA DE ALBUQUERQUE, Rapporteuse spéciale sur le droit à l'eau potable et à l'assainissement, a déclaré que la privation d'eau, notamment en temps de conflit, est une violation flagrante du droit international humanitaire. Il faut donc que les parties qui se rendent coupables de telles pratiques y mettent un terme. Elle a également souligné qu'au regard des problèmes et défis posés par les questions de l'eau et de l'assainissement, elle avait plaidé pour leur inclusion en tant que question transversale dans le programme de développement pour l'après 2015. Pour elle, le droit d'accès à l'eau potable et le droit à l'assainissement sont deux droits différents à part entière, qui doivent être abordés et résolus de manière différente et concomitante. Il reste beaucoup à faire, a telle conclu, souhaitant un plein succès à son successeur, qui devra être nommé prochainement.

M. BASKUT TUNCAK, Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l'homme de la gestion et de l'élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, a expliqué qu'il entendait consulter et coopérer avec toutes les parties pour mieux défendre les défenseurs des droits de l'homme qui s'occupent de ces questions. Il compte aussi appliquer les principes des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme. Il a en outre l'intention d'analyser les lacunes du droit international dans ce domaine.


Rapports sur l'utilisation de mercenaires et sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable

Présentation des rapports

MME PATRICIA ARIAS, Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur l'utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à l'autodétermination, a rappelé que le mandat du Groupe inclut, d'une part, la surveillance des activités de mercenaires et, d'autre part, la prise en compte de la manière dont les activités des entreprises militaires et de sécurité privées affectent les droits de l'homme. Au cours de l'année écoulée, a-t-elle précisé, le Groupe de travail – tout en continuant de s'acquitter des deux aspects de son mandat – s'est concentré sur l'élaboration de normes régulatrices pour ces entreprises.

Le Groupe de travail est d'avis que réglementer les acteurs non étatiques, tels que les prestataires de sécurité privés, requiert une approche multidimensionnelle, a poursuivi sa Présidente-Rapporteuse. Il faut en effet promouvoir à la fois des normes internationales, une réglementation et une mise en œuvre effectives au niveau national et des efforts de la part du secteur concerné afin d'améliorer le respect des normes de droits de l'homme.

Mme Arias a indiqué que le Groupe de travail avait participé en juillet dernier à la troisième session du Groupe de travail intergouvernemental chargé d'examiner la possibilité d'élaborer un cadre régulateur international sur la réglementation, le contrôle et la supervision des activités des entreprises militaires et de sécurité privées. En dépit d'efforts en cours, tant au niveau international qu'au niveau national, qu'il convient de saluer, la combinaison de cadres juridiques internationaux et généraux existants, d'initiatives d'autorégulation et de législations internes n'a pas permis de remédier aux lacunes afin d'assurer l'obligation redditionnelle des entreprises militaires et de sécurité privées, ni d'éviter les violations de droits de l'homme. Le Groupe de travail est donc d'avis qu'un instrument international juridiquement contraignant est nécessaire pour relever les difficultés qui se posent en termes de régulation de ce phénomène transnational qui se développe rapidement.

S'agissant des normes nationales sur lesquelles le Groupe de travail s'est penché, Mme Arias a attiré l'attention sur leur manque d'uniformité. En l'absence d'un instrument international juridiquement contraignant, peu d'orientation existe quant à la façon de faire face au phénomène de la privatisation de la sécurité. Aucune des législations que le Groupe de travail a étudiées ne traite des entreprises militaires privées ni de manière adéquate de la question des services militaires et de sécurité fournis à l'étranger ou encore de la question de l'applicabilité extraterritoriale de la législation en la matière. Sans supervision ni contrôle effectif, les activités des entreprises militaires et de sécurité privées pourraient, dans certains cas, saper gravement l'état de droit et le fonctionnement effectif des institutions d'un État démocratique chargées de la sécurité publique conformément aux normes internationales de droits de l'homme. Cela ne fait que mettre en lumière de nouveau la nécessité d'élaborer des normes internationales minimales concernant la réglementation par les États des activités du personnel de sécurité privé.

Mme Arias a salué les initiatives louables que constituent le Document de Montreux et l'autorégulation de la part des entreprises militaires et de sécurité privées par le biais du Code de conduite international pour prestataires privés de services de sécurité. Pour autant, a fait observer Mme Arias, ces initiatives ont leurs limites, car elles ne couvrent pas les questions de l'obligation redditionnelle et des recours et réparations en faveur des victimes.

Évoquant la visite que deux membres du Groupe de travail (dont elle-même) ont effectuée aux Comores du 7 au 16 mai 2014, Mme Arias a remercié le Gouvernement pour sa coopération et s'est réjouie de la volonté de son gouvernement de répondre aux défis des droits de l'homme auxquels est actuellement confronté le pays. Le Groupe a relevé que la série de coups d'État impliquant des mercenaires que le pays a connue depuis son indépendance en 1975 et l'instabilité politique qui a prévalu durant trois décennies après l'indépendance avaient entravé le développement politique, économique et social des Comores. Cette instabilité politique a également empêché les Comoriens de réaliser l'unité nationale. En outre, le manquement à traduire en justice les responsables des violations des droits de l'homme passées, y compris les mercenaires, a fait éclore une culture de l'impunité qui prévaut encore dans ce pays, notamment en raison de l'absence persistante d'un système judiciaire stable et effectif. Le Groupe de travail tient à souligner le lien qui existe entre l'histoire du mercenariat aux Comores et les nombreux défis de droits de l'homme que le pays doit encore relever, pauvreté incluse. Le Groupe de travail note par ailleurs que la présence de ressources naturelles aux Comores pourrait bien attirer les investissements des entreprises multinationales de l'industrie d'extraction, qui recourent souvent à des sociétés de sécurité privées pour protéger leurs installations. La probabilité d'une croissance du nombre d'entreprises de sécurité privées opérant aux Comores ainsi que les préoccupations actuelles entourant les questions de délimitation maritime exigent l'adoption de réglementations appropriées.

Le Groupe de travail s'est également penché sur la manière dont les Nations Unies passent elles-mêmes des contrats avec des entreprises militaires et de sécurité privées et sur les services que les Nations Unies demandent à ces entreprises d'assurer. Le rapport du Groupe de travail évalue les limites des outils politiques mis en place par l'ONU dans ce contexte et fait des suggestions quant aux moyens d'assurer une sélection efficace de ce type d'entreprises.

En conclusion, Mme Arias a souligné que si tout individu a droit à la sécurité et à la protection contre toute forme de violence, sous-traiter le recours à la force à des acteurs de sécurité privés affaiblit considérablement l'état de droit et menace gravement les droits de l'homme. Aussi, les États devraient-ils envisager d'élaborer des lois et réglementations visant à éviter tout vide juridique, de manière à ce que les responsables soient tenus de rendre des comptes et à ce que les victimes d'abus dans ce contexte disposent de voies de recours adéquates.

Le Conseil est saisi du rapport du Groupe de travail (A/HRC/27/50 et l'additif A/HRC/27/50/Add.1 concernant la visite que le Groupe a effectuée aux Comores).

Le rapport annuel du Groupe de travail sur l'utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à l'autodétermination (A/HRC/27/50). Le Conseil est également saisi du rapport du Groupe de travail sur la mission aux Comores effectuée du 7 au 16 mai 2014.

M. ALFRED-MAURICE DE ZAYAS, Expert indépendant sur la promotion d'un ordre international équitable et démocratique, a souligné que tout le monde s'accorde sur le fait que l'ordre international actuel n'est ni pacifique, ni équitable et encore moins démocratique. C'est pour cela qu'il a toujours indiqué, y compris dans ses précédents rapports, que la communauté internationale doit progressivement prendre des mesures pour notamment réformer le système des Nations Unies et les institutions financières internationales. Ces réformes doivent aboutir à une participation de tous et de tous les États aux processus de prise de décision, en particulier celles qui concernent la lutte contre la pauvreté, les changements climatiques, la dégradation de l'environnement ou encore les pandémies. Au niveau interne, les États doivent pour leur part faire davantage d'efforts pour améliorer la participation de tous dans l'élaboration des politiques nationales et étrangères.

M. De Zayas a ensuite indiqué que son rapport se concentre cette année sur le niveau des dépenses militaires des États et sur ses conséquences pour les droits de l'homme. Selon l'Institut international de recherches sur la paix de Stockholm, ces dépenses ont atteint 1,75 milliard de milliards de dollars des États-Unis rien qu'en 2013, engloutissant 30 à 40% des budgets de certains pays, selon des chiffres émanant de la Banque mondiale. Cela dans un contexte où des États réduisent leurs budgets sociaux, investissent moins dans l'éducation ou réduisent l'aide publique au développement. On voit là une influence du lobby militaro-industriel qui joue sur la perception réelle ou imaginaire d'une menace exacerbée par la propagande et le bellicisme. Un nouvel ennemi est aujourd'hui identifié, le terrorisme, qui offre une bonne opportunité aux alliances militaires et aux grosses dépenses militaires. Au lieu d'investir tant de moyens dans le militaire, la communauté internationale ferait mieux de se pencher sur les causes profondes des conflits et les résoudre pacifiquement, comme le demande l'article 2 (3) de la Charte des Nations Unies.

L'expert indépendant a cependant constaté des évolutions positives, notamment dans les pays de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), qui ont adopté le 29 janvier dernier une déclaration faisant de cette région une «zone de paix», reprenant ainsi le Traité de Tlatelolco, qui établit une zone exempte d'armes nucléaires dans la région. Le groupe des 77 et la Bolivie ont de leur côté adopté une déclaration sur le développement national et la coopération sud-sud, qui se concentre sur l'éradication de la pauvreté, la sécurité alimentaire et le développement durable. Le Conseil des droits de l'homme accorde aujourd'hui davantage d'intérêt pour les dépenses militaires, notamment par le bais de l'Examen périodique universel, s'est félicité l'expert. C'est dans ce contexte que le rapport insiste sur la nécessité de la paix pour parvenir à un ordre international équitable et démocratique. Pour l'Expert indépendant, le désarmement et la démilitarisation sont les clefs du développement et de la sécurité. C'est pour cela que l'Expert indépendant recommande aux États de rendre compte au Conseil des droits de l'homme de leurs dépenses militaires, de réduire ces dépenses au profit des services sociaux, de l'emploi et des industries pacifiques ou encore vers la prévention et la résolution pacifique des conflits.

Le Conseil est saisi du rapport annuel sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable (A/HRC/27/51, à paraître en français mais disponible en anglais).

Pays concerné par le rapport sur l'utilisation de mercenaires

Les Comores ont salué le remarquable rapport que vient de présenter la Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur l'utilisation de mercenaires. L'histoire des Comores a été marquée par une succession de coups d'État qui ont compromis l'avenir du pays, a rappelé la délégation comorienne. Il faut espérer que le rapport du Groupe de travail marque le début d'un processus grâce auquel on finira enfin par connaître les vraies causes à l'origine des coups d'État de 1978, 1989 et 1994, leurs commanditaires et leurs complices, ainsi que la source des grands moyens humains, financiers et militaires mis en œuvre. Aujourd'hui encore, le pays peine à se relever de ces calamités, aggravées par des menées séparatistes sporadiques qui compromettent tous les efforts en faveur de l'intégrité territoriale du pays. Ces coups d'État n'ont donné lieu aux Comores à aucune action judiciaire, sans doute en raison des «capacités de nuisance» de leurs commanditaires et de leurs complices, mais plus sûrement encore, aux défaillances d'un appareil judiciaire auquel ont manqué les ressources nécessaires à l'accomplissement de ses missions. Aussi, les Comores appellent-elles leurs partenaires à les aider à rendre au système judiciaire comorien toute son efficacité, surtout en ce moment où l'on estime très probable la présence de pétrole ou de gaz. Dans cette perspective, le pays appelle ses partenaires à l'aider à mettre en place une législation efficace pour contrôler les activités des sociétés de sécurité qui fleurissent déjà dans le pays. En amont, elle s'est demandé «si l'occupation illégale de l'île comorienne de Mayotte, en violation du droit international, n'est pas une des causes principales de ce cycle infernal de coups d'état et de velléités séparatistes récurrentes».

Débat interactif sur l'utilisation de mercenaires

De nombreuses délégations se sont dites favorables à l'élaboration d'un instrument juridiquement contraignant, le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, affirmant sa conviction de la nécessité de combler les lacunes existantes dans le cadre juridique international; un instrument international complet juridiquement contraignant serait la solution optimale. Le Maroc estime important de faire la distinction entre les sociétés de sécurité privées opérant dans la sphère nationale et celles à vocation transnationale et ou militaire. Pour lui aussi, un instrument international juridiquement contraignant serait le meilleur moyen d'harmoniser les législations nationales en la matière et de se conformer en même temps aux textes internationaux des droits de l'homme. Il est aussi favorable à une réglementation internationale contraignante. La Chine estime également nécessaire de renforcer la régulation des sociétés militaires et de sécurité privées. Elle est favorable au renforcement du contrôle international de ces sociétés et n'est pas opposée à l'élaboration d'un instrument international en la matière. La Chine a élaboré sa propre législation à cet égard et elle est disposée à partager son expérience avec d'autres. L'Indonésie a appelé le Groupe de travail à poursuivre l'étude des législations nationales afin d'identifier les meilleures pratiques.

À l'inverse, l'Union européenne, qui a déploré que ce mandat manquait de clarté depuis sa création, a estimé qu'il ne saurait y avoir de législation universelle à ce sujet. Elle est favorable à une approche prenant en compte les différentes facettes du problème. Elle se félicite de la réflexion entamée par le Groupe de travail dans le cadre de l'analyse des législations existantes. Il serait toutefois contreproductif que le Groupe de travail adopte une position prédéfinie en vertu de laquelle l'élaboration d'un instrument juridiquement contraignant serait nécessairement la panacée.

Pour sa part, la Fédération de Russie a constaté que le recrutement de mercenaires avait été grandement facilité par le canal de l'Internet et des réseaux sociaux, citant le cas de la Syrie. On peut constater une situation similaire en Ukraine, a-t-elle affirmé, où des centaines de mercenaires combattent au sein de bataillons autonomes. Leurs exactions sont innombrables, ces mercenaires étant les principaux responsables des actes les plus barbares. Le Gouvernement ukrainien les contrôle mal, ces unités obéissant principalement aux oligarques qui les financent, a affirmé la délégation russe. Le Venezuela a cité un cas concret d'impunité, celui du «terroriste» Luis Posada Carriles, un mercenaire auteur d'un attentat contre un avion cubain ayant fait 73 morts en 1976, dont le Venezuela a demandé l'extradition et qui demeure néanmoins libre aux États-Unis. Il faut à respecter ses engagements internationaux en jugeant cette personne ou en l'extradant au Venezuela. Cuba a souligné sa vive préoccupation s'agissant du recrutement de mercenaires et réitéré sa disposition à coopérer avec le Groupe de travail.

La Suisse a expliqué les activités qu'elle mène en coopération avec le Comité international de la Croix-rouge (CICR) et le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées (DCAF) et a annoncé la tenue en décembre prochain du premier «Montreux document forum», qui devra permettre un dialogue régulier sur les défis liés à la mise en œuvre au plan nationale des dispositions prévues par le Document de Montreux. La nature internationale des entreprises militaires et de sécurité privées constitue en effet un défi de taille et certains États dont la législation interdit à leurs ressortissants de travailler pour de telles entreprises ont du mal à faire respecter leur législation par d'autres pays et par les entreprises étrangères. La Suisse considère le Document de Montreux, soutenu actuellement par 50 États et trois organisations internationales, comme complémentaire aux activités menées dans le cadre des Nations Unies.

Parmi les nombreux États qui se disent favorables à l'adoption d'un instrument juridique international contraignant, l'Afrique du Sud a estimé qu'un tel cadre permettrait de mettre fin à la pratique regrettable, mais persistante, de recrutement de citoyens sud-africains par des officines privées étrangères en violation de la loi sud-africaine. En outre, le contrôle du respect des normes internationales de droits de l'homme devrait faire partie du mécanisme de surveillance institué par un tel instrument. La République islamique d'Iran estime elle aussi qu'il est urgent de mettre en place ce mécanisme pour combler les lacunes et permettre la poursuite des entités transnationales. Elle attend avec intérêt les futures versions du rapport du Groupe de travail, qui porteront sur d'autres régions du monde. L'Algérie constate une implication croissance des sociétés de sécurité privées au plan international. En cas de violations des droits de l'homme, les victimes devraient avoir droit à des réparations adéquates. Un instrument juridique international contraignant permettrait de faire valoir ce droit, alors que mécanismes existants ne répondent pas à la question et ne protègent pas les droits de l'homme.

L'Équateur - qui dispose d'une loi qui réglemente strictement l'existence et le fonctionnement de telles entreprises - et le Chili estiment que les services offerts par les entreprises militaires et de sécurité privées pourraient être réglementés par un instrument international sur les entreprises privées et les droits de l'homme. Pour le Chili, la diversité des activités des entreprises militaires et de sécurité privées a des conséquences sur l'efficacité des contrôles menés par un seul État. Il faudrait donc combiner législation nationale et internationale et autorégulation du secteur intéressé. Parmi les points les plus importants figurent l'obligation de rendre des comptes en cas de violations des droits de l'homme et le droit des victimes à l'indemnisation. Pour le Chili, il serait bon aussi d'étudier les moyens d'imputer des responsabilités aux pays d'origine des acteurs privés qui commettent des violations des droits de l'homme. La Bolivie estime qu'une telle règlementation permettrait de mieux protéger les droits de l'homme et ceux des populations, y compris le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. La Bolivie encourage donc le Groupe de travail à poursuivre ses travaux.

L'Inde estime que le principal danger des entreprises militaires et de sécurité privées vient du caractère transnational de leurs activités, qui sont interdites sans autorisations préalables par la loi indienne, qui interdit en outre les activités de telles sociétés étrangères, sauf respect de critères précis.

L'Ukraine a dénoncé une nouvelle forme particulièrement dangereuse de mercenariat, le «mercenariat d'État», dont elle est victime. Elle a accusé la Fédération de Russie non seulement de parrainer des groupes terroristes illégaux, mais aussi d'envoyer en Ukraine du personnel d'active de son armée officiellement en congé ou en fin de contrat. En revanche, ajoute l'Ukraine, aucun rapport d'organisations internationales sérieuses, comme l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, ne fait état du recrutement de mercenaires par l'Ukraine.

S'agissant des organisations non gouvernementales le Canners International Permanent Committee a insisté sur la nécessité d'élargir la portée du mandat du Groupe de travail sur l'utilisation des mercenaires au-delà des seules entreprises militaires et de sécurité privées qui agissent sur demande d'un État. Il faudrait voir si des groupes tels que les taliban ne devraient pas aussi être pris en compte dans le cadre de ce mandat, alors même qu'a été prouvée l'implication directe d'agences et forces armées pakistanaises en faveur des talibans. Al-Khoei Foundation a attiré l'attention sur le sort d'un certain nombre de communautés minoritaires menacées de génocide, évoquant notamment le sort de certains Chiites et exigeant que des enquêtes transparentes soient menées par le Gouvernement iraquien et les Nations Unies. La World Barua Organization a condamné les agissements des mercenaires payés pour tuer comme constituant un fléau pour l'ensemble de l'humanité. L'ONG a également condamné les agissements des forces de sécurité d'États qui, telles les forces armées indiennes, agissent contre les minorités existant au sein de leur propre population. Le Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture a dénoncé les pratiques répressives à Bahreïn, y compris le bannissement de citoyens bahreïnis, parmi lesquels des parlementaires, des activités politiques et défenseurs des droits de l'homme ou encore des journalistes. Enfin, la Fédération des femmes cubaines a dénoncé l'envoi de messages politiques aux Cubains afin de fomenter la subversion depuis l'extérieur de l'île et de déstabiliser la révolution cubaine. Ce projet des États-Unis, fomenté contre Cuba par l'agence US-Aid, entre autres, emploie des ressources qui auraient pu être utilisées à des fins de développement.

Débat interactif sur un ordre international démocratique et équitable

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a dit sa conviction qu'un ordre international équitable était la pierre de touche du développement. Les ressources doivent être réorientées vers les services sociaux, l'OCI souhaitant que les efforts portent sur le programme de développement pour l'après 2015. Le Maroc a souligné que la réduction des dépenses militaires permettrait de transférer les fonds vers des projets de développement durable et de promouvoir la culture du respect des droits de l'homme au développement et à la paix. Il partage l'opinion de l'Expert indépendant suivant lequel l'instauration d'un ordre international démocratique et équitable exige un changement complet dans les priorités des États. La Chine a souligné que l'égalité entre pays devait être promue. Le développement national doit se faire de concert avec le développement collectif dans le cadre d'un nouveau partenariat international que la Chine appelle de ses vœux et qui soient susceptibles d'être partagés par le plus grand nombre. L'Indonésie a dit sa conviction qu'un ordre international équitable était souhaitable mais que malheureusement le droit au développement suscitait un intérêt très limité au sein du Conseil, celui privilégiant plutôt les droits civils et politiques. Le Venezuela, qui est hostile à la privatisation de la guerre, a déclaré que l'on aurait bien plus progressé dans les objectifs du Millénaire pour le développement si une fraction des dépenses militaires mondiales leur avait été consacrée, ainsi que l'affirme lui-même l'Expert indépendant.

La République islamique d'Iran a estimé que toute solution durable à la crise financière internationale et aux économies en difficulté de nombreux pays est à trouver pour une bonne part dans la reconnaissance de la nécessité de réduire les budgets militaires de nombreux pays, ajoutant que les arsenaux nucléaires et les armées de grande dimension ne sont plus d'actualité. L'Iran a également dénoncé les conséquences négatives des sanctions unilatérales sur la jouissance effective des droits de l'homme

Plusieurs autres pays, comme l'Algérie, l'Afrique du Sud, Sri Lanka ou encore Cuba estiment que le désarmement et la démilitarisation sont des clés pour le développement et qu'ils doivent être démocratiquement mis en œuvre, ce qui permettra de dégager des ressources pour le développement ou encore la lutte contre les conséquences du changement climatique. Cuba a par ailleurs demandé quelles pouvaient être les conséquences pour le droit au développement de l'établissement de zones exemptes d'armes nucléaires. Sri Lanka appuie en particulier les appels en faveur d'un désarmement nucléaire sous contrôle international effectif et estime qu'il devrait être une priorité internationale. Les ressources ainsi dégagées devraient être affectées au développement notamment des pays les plus pauvres.

Pour les organisations non gouvernementales, le Conseil indien d'Amérique du Sud a fait observer que les dépenses militaires engagées par des États sur des territoires contestés au plan international est une question qui devrait être examinée dans le cadre de l'Examen périodique universel. Des activités minières, notamment dans la filière de l'uranium, souillent l'environnement de nombreux territoires, a insisté l'ONG, déplorant le manque de consultations menées en amont de la mise en place de telles activités. La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a elle aussi dénoncé l'obstacle pour le développement que constituent les dépenses militaires engagées dans le monde entier. L'ONG a déploré qu'une solution militaire soit recherchée en Ukraine et a dénoncé le génocide perpétré par l'état islamique en Iraq ainsi que les violations massives des droits de l'homme en Syrie. L'ONG a déploré que les armes soient perçues comme étant susceptibles d'assurer la sécurité. L'OCAPROCE a elle aussi dénoncé le niveau extrêmement élevé des dépenses militaires à travers le monde, qui atteignaient 1750 milliards de dollars en 2012, alors qu'en même temps, des millions de personnes meurent dans la pauvreté. Le Bureau international de la paix a salué l'accent placé par l'Expert indépendant sur la question des dépenses militaires – un sujet peu étudié, a fortiori au sein des Nations Unies.

La Verein Südwind Entwicllungspolitik a salué les tentatives d'accord concernant le dossier du nucléaire iranien, avant de dénoncer la persistance de mauvaises pratiques concernant les armes classiques, notamment au Moyen-Orient et en Afrique du Nord où prévalent malheureusement les tentatives de règlement militaire des crises concernées. L'Association internationale des écoles de service social a dénoncé l'occupation d'Hawaï par l'armée des États-Unis, soulignant que le people hawaïen n'a jamais consenti à cette occupation. L'ONG a également déploré la situation qui prévaut en Alaska, faisant observer que 20 000 militaires sont actuellement postés à Hawaï et 3000 en Alaska.

Réponses et conclusions des titulaires de mandats

MME ARIAS a noté que l'Union européenne continue de regretter l'absence de clarté conceptuelle dans le mandat du Groupe de travail, alors que les résolutions du Conseil relatives au mandat du Groupe de travail sont très claires, exigeant notamment que le Groupe de travail assure le suivi des activités menées par les mercenaires sous toutes leurs formes et manifestations et étudie les effets de ces activités sur les droits de l'homme, et en particulier sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Le Groupe de travail, en ce qui le concerne, s'est toujours efforcé d'établir une claire distinction entre les mercenaires, dont les activités sont illégales au regard du droit international, et les entreprises militaires privées qui sont des entités morales opérant dans un cadre juridique. Mme Arias a ajouté que l'étude comparative des législations nationales qu'a menée le Groupe de travail avait pour objectif de tester la solidité de l'un des trois piliers sur lesquels le Groupe fonde ses travaux. Les trois piliers – les normes internationales, les normes et législations nationales et les efforts menés par les acteurs du secteur privé – sont fondamentaux et incontournables, a souligné la Présidente-Rapporteuse, avant de préciser que le Groupe allait maintenant se pencher sur l'étude des normes et législations nationales existant dans plusieurs pays européens et latino-américains.

La Présidente du Groupe de travail sur les mercenaires s'est dite largement d'accord avec la déclaration de la Suisse, notamment sur la complémentarité entre les activités des Nations Unies et celles menées autour du Document de Montreux, ainsi que sur l'ampleur des défis que représentent pour les droits de l'homme la nature transnationale des entreprises militaires et de sécurité privée, dont l'éventail des compétence ne cesse de s'élargir. Par exemple, les entreprises privées exercent désormais parfois la fonction régalienne de la police, par exemple pour réprimer des manifestations sociales. En outre, dans certains pays, les agents de sécurité privés sont parfois mieux formés, mieux équipés et beaucoup plus nombreux que les policiers. Il y a aussi des policiers qui, en dehors de leur service, agissent en tant qu'agents de sécurité privés. Mme Arias a rappelé que de nombreuses violations des droits de l'homme avaient été commises par les agents de sécurité privés recrutés par des entreprises d'extraction en Amérique latine. Elle a en outre constaté que la militarisation gagne du terrain dans le monde. C'est aussi le cas des entreprises de sécurité privées, qui utilisent parfois, légalement dans certains pays, des armes de gros calibre jusqu'à présent réservées à des forces militaires. Mme Arias a aussi mis l'accent sur les immunités diplomatiques dont peuvent bénéficier des agents de sécurité qui commentent pourtant de graves violations, par exemple contre les femmes.

M. DE ZAYAS a assuré qu'il tiendrait compte dans ses travaux futurs des suggestions des délégations. En réponse à l'intervention de la Chine qui insistait sur la nécessité pour l'Expert de mettre davantage l'accent sur les besoins des pays en développement afin qu'ils puissent davantage participer sur la scène internationale plutôt que de s'occuper des dépenses militaires, M. de Zayas a rappelé que le Conseil, dans les résolutions relatives à son mandat, lui avait laissé les coudées franches pour traiter tout thème qui lui paraîtra important. L'Expert indépendant a en outre indiqué qu'à l'avenir, il entendait notamment se pencher sur les déséquilibres existants dans les échanges commerciaux ou encore sur la question de l'allègement de la dette.

L'Expert indépendant sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable a refusé «de renoncer à tout espoir» et s'est dit convaincu que l'attitude des sociétés au regard des dépenses militaires peut changer, notamment du fait de l'éducation. Il est regrettable que, dans certaines sociétés, on assimile à un antipatriotisme, voire à de la trahison, la critique des dépenses militaires. Il faut mettre l'accent sur le règlement pacifique des conflits, faire de la Cour internationale de justice une forme de cour constitutionnelle internationale. M. Zayas a rappelé plusieurs des exhortations qu'il a faites dans son rapport aux parlementaires de différents États, invité entre autres à résister aux lobbies aux services des complexes militaro-industriels ou encore à se former à l'étude des budgets militaires. Il a aussi renouvelé son appel aux organisations non gouvernementales pour qu'elles exigent une meilleure participation des populations à l'élaboration des budgets, afin que l'accent soit mis sur des secteurs autres que les budgets militaires.

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*Les délégations suivantes ont participé aux échanges sur les mercenaires et sur un ordre international démocratique et équitable: Union européenne, Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Maroc, Venezuela, China, Fédération de Russie, Indonésie, Iran , Ukraine, Algérie, Bolivie, Afrique du Sud, Suisse, Équateur, Sri Lanka, Cuba, Inde, Chili, Conseil indien d'Amérique du Sud, Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, Organisation pour la communication en Afrique et de promotion de la coopération économique internationale - OCAPROCE International, Canners International Permanent Committee, Verein Südwind Entwicklungspolitik, Association internationale des écoles de service social, Al-khoei Foundation, World Barua Organization, Bureau international de la paix, Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture et la Fédération des femmes cubaines.

**Les délégations suivantes ont participé aux échanges sur le droit à l'eau potable et à l'assainissement: Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights, Article 19 - Centre international contre la censure, Défense des enfants - international, Association internationale des juristes démocrates, Amnesty International, Human Rights Now, Franciscain international, Libération, Verein Südwind Entwicklungspolitik, World Barua Organization, Association of World Citizens.


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HRC14/112F