Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DU JAPON
Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi, ce matin et une partie de cet après-midi, le rapport du Japon sur la mise en œuvre par ce pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Présentant ce rapport, le Directeur de la Division des affaires humanitaires et des droits de l'homme au Bureau de la politique étrangère du Ministère des affaires étrangères du Japon, M. Osamu Yamanaka, a notamment affirmé que la promotion de la participation de la femme est au cœur de la stratégie de croissance du Japon. Des efforts sont déployés en vue de l'élimination de toutes les formes de violence à l'égard des femmes, a-t-il ajouté. Le projet de loi révisé concernant la santé mentale, qui prévoit de passer d'un traitement en milieu hospitalier à un traitement au sein de la communauté pour les personnes mentalement handicapées, a été approuvé par la Diète en 2013, a par ailleurs souligné M. Yamanaka.
M. Yamanaka a par ailleurs signalé que l'année 2009 avait marqué un tournant majeur avec l'introduction du système de jury dans le système de justice pénale. Entre avril 2012 et mars 2013, les interrogatoires ont été enregistrés par des moyens audiovisuels dans plus de 90% des procès avec jury, a-t-il ajouté. S'agissant du maintien de la peine de mort, M. Yamanaka a expliqué que le public japonais estime que les individus qui commettent des crimes atroces doivent être condamnés à mort.
La délégation japonaise était composée d'une trentaine de membres, parmi lesquels le Directeur adjoint du Bureau de la politique globale en faveur des Ainu, M. Kenji Yoshida; le Coordinateur du Bureau du renseignement et de la recherche, M. Kotaro Katsuki, ainsi que plusieurs hauts fonctionnaires de ce Bureau; la Conseillère pour la promotion de l'égalité entre les sexes, Mme Keiko Sawai; un avocat à la Division du secrétariat du Ministère de la justice, M. Akira Matusmoto; et le Chef de la Section des affaires internationales du Ministère de la justice, M. Yuichi Shirakawa.
La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les experts s'agissant, notamment, de la future institution nationale des droits de l'homme; des LGBT; des Ainu; de la violence familiale et des châtiments corporels; des enfants nés hors mariage; de la santé mentale; de l'incrimination des discours haineux; de l'administration de la justice; de la peine capitale; de la traite de personnes; ou encore de l'esclavage sexuel des femmes dites de réconfort.
Concluant le débat, le Président du Comité, M. Nigel Rodley, a déploré le caractère quelque peu répétitif des présentations faites par le Japon au fil des différents rapports que ce pays présente au Comité. Il est étrange que dans un pays ayant les moyens économiques du Japon, la résolution de certaines questions relevant des droits de l'homme reste tributaire des ressources allouées, comme cela est le cas pour le système judiciaire et les questions de détention, a-t-il fait observer. Le monde attend qu'une enquête indépendante internationale soit menée sur les «femmes de réconfort», vocable qui n'est qu'un euphémisme pour désigner ce qui est en fait un système d'esclavage sexuel, a par ailleurs souligné M. Rodley.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, des observations finales concernant le rapport du Japon et les rendra publiques - à l'instar de toutes celles concernant les autres rapports examinés durant cette session, après le 25 juillet prochain, date de clôture de la session.
Demain matin, à 10 heures, le Comité se penchera sur son projet d'observation générale relatif à l'article 9 du Pacte.
Présentation du rapport du Japon
Présentant le sixième rapport périodique de son pays (CCPR/C/JPN/6), M. OSAMU YAMANAKA, Directeur de la Division des affaires humanitaires et des droits de l'homme au Bureau de la politique étrangère du Ministère des affaires étrangères du Japon, a indiqué que plusieurs ministères et organismes, de même que la société civile, ont participé au dialogue ayant accompagné la préparation de ce document, notamment par le biais d'un site Internet. Depuis la présentation du précédent rapport, le Gouvernement japonais a adopté un certain nombre de mesures juridiques pour garantir la promotion et la protection des droits des femmes, a-t-il souligné, avant d'ajouter que la promotion de la participation de la femme est au cœur de la stratégie de croissance du Japon.
Des efforts sont également déployés en vue de l'élimination de toutes les formes de violence à l'égard des femmes, a poursuivi M. Yamanaka. Depuis la signature, en 2007, de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, des réformes ont été entreprises en vue de la ratification de cet instrument, a-t-il indiqué, avant de préciser que les instruments de ratification de ladite Convention ont été déposés le 20 janvier 2014, ce qui fait du Japon le 114e État partie à cet instrument. Le projet de loi révisé concernant la santé mentale, qui prévoit de passer d'un traitement en milieu hospitalier à un traitement au sein de la communauté pour les personnes mentalement handicapées, a été approuvé par la Diète en 2013, a souligné M. Yamanaka.
Le Japon est confronté à une situation qui pourrait être qualifiée de «faible taux de natalité» et qui risque d'affecter les fondations de son économie sociale, a poursuivi M. Yamanaka, avant de faire état des mesures envisagées pour inverser cette tendance. Par ailleurs, a-t-il indiqué, des jalons ont été posés en matière de lutte contre la discrimination à l'égard des enfants nés hors mariage, particulièrement en ce qui concerne l'acquisition de la nationalité et le droit à l'héritage pour ces enfants. Le Code de procédure pénale a été révisé en avril 2012 en vue de la protection des enfants contre les violences et autres abus, a ajouté M. Yamanaka.
M. Yamanaka a d'autre part souligné que le Plan d'action de lutte contre la traite de personnes a été adopté en décembre 2009 et suivi de directives sur les mesures d'identification et de protection des victimes. Le Comité interministériel sur les mesures de lutte contre ce phénomène tient des réunions régulières, ainsi que des activités de suivi, notamment en vue de la collecte de données, en partenariat avec les organisations non gouvernementales.
M. Yamanaka a par ailleurs signalé que l'année 2009 avait marqué un tournant majeur avec l'introduction du système de jury dans le système de justice pénale. Entre avril 2012 et mars 2013, les interrogatoires ont été enregistrés par des moyens audiovisuels dans plus de 90% des procès avec jury, a-t-il ajouté.
Au sujet du maintien de la peine de mort, M. Yamanaka a expliqué que le public japonais estime que les individus qui commettent des crimes atroces doivent être condamnés à mort.
Examen du rapport
Questions et commentaires des membres du Comité
Le Japon a ratifié le Pacte international relatif aux droits civiques et politiques il y a exactement trente-cinq ans et a soumis tous ses rapports à ce titre, a fait observer un membre du Comité. Il a toutefois estimé qu'une certaine confusion règne encore dans l'ordre juridique japonais quant à l'applicabilité des dispositions de cet instrument. Aussi, a-t-il prié la délégation de fournir des exemples de décisions de justice fondées sur les dispositions du Pacte ou de lois reprenant ces dispositions. Dans quelle mesure le Japon tient-il compte des observations générales que lui adresse le Comité, a en outre demandé l'expert? Qu'en est-il de l'intention du pays d'adhérer aux protocoles facultatifs se rapportant au Pacte? Par ailleurs, le Japon a-t-il mis en place une institution nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris, comme il s'y est engagé lors de l'examen périodique universel?
Une experte s'est intéressée à la notion de «discrimination non raisonnable» utilisée par le Japon et qu'elle a qualifiée d'incompatible avec le Pacte. Elle s'est en outre interrogée sur les raisons pour lesquelles le Japon n'a fourni aucune information quant à l'éventuelle adoption d'une loi antidiscriminatoire. Tous les trois jours, au Japon, une femme est tuée par son mari, a par ailleurs fait observer cette experte, avant de déplorer l'absence d'efforts en vue de la mise en place d'un mécanisme de plaintes pour violence au foyer. En tant qu'étrangères, les migrantes hésitent à porter plainte pour violence familiale, a-t-elle d'autre part souligné. De plus, rien n'a changé depuis 2008 en ce qui concerne la reconnaissance du viol conjugal ou de l'inceste. L'experte a en outre exigé l'abolition du système de Daiyo Kangoku, en vertu duquel des suspects peuvent être placés dans les locaux de détention de la police pour une période pouvant aller jusqu'à vingt-trois jours à des fins d'enquête, sans possibilité de libération sous caution et avec un accès limité à un conseil. Le système Daiyo Kangoku n'existe nulle part ailleurs dans le monde, a-t-elle insisté. Elle a fait observer que depuis cinq ans, le nombre des aveux forcés dans les locaux de la police a augmenté.
Un autre expert a lui aussi souhaité obtenir davantage d'informations sur les modalités de fonctionnement du système de Daiyo Kangoku.
Un autre membre du Comité a regretté que les réponses apportées par le Japon dans le cadre de l'examen du présent rapport soient strictement les mêmes que celles fournies en 2008. Il a souligné que des personnes affectées de maladies mentales continuent d'être admises dans des cliniques psychiatriques sans leur consentement. Qu'est-il fait pour que ces personnes puissent quitter l'hôpital par la suite, a-t-il demandé? Certaines allégations font état de milliers de personnes hospitalisées de la sorte et qui finissent par ne plus avoir nulle part où aller. Souvent, les institutions psychiatriques sont des environnements confinés favorisant les mauvais traitements, a fait observer cet expert. Il s'est toutefois réjoui que la situation semble peu à peu changer depuis l'adhésion du Japon à la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. Cet expert a lui aussi regretté que le Japon n'ait toujours pas adhéré au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui vise l'abolition de la peine de mort et qui commémore cette année son vingt-cinquième anniversaire. La date de l'exécution du condamné à mort est divulguée à la dernière minute au condamné lui-même et aux membres de sa famille et, de plus, une personne démente est elle aussi susceptible d'être exécutée, s'est inquiété l'expert.
Un autre expert s'est demandé si le moment n'était pas venu d'envisager des mesures spéciales plus agressives en faveur de l'autonomisation des femmes, en particulier au sein des entreprises et dans l'administration publique. Cet expert s'est enquis des raisons de l'écart salarial entre les femmes et les hommes et a relevé que 19% des femmes employées subissent une forme ou une autre de harcèlement sur le lieu de travail.
D'autre part, les mesures visant à intégrer les minorités sur le marché du travail ont-elles réussi à réduire les discriminations et manifestations racistes à leur encontre, surtout dans les quartiers coréens de Tokyo, a-t-il été demandé? Le Japon envisage-t-il l'adoption d'une législation contre les discours racistes et d'incitation à la haine?
La mise en place d'un mécanisme d'inspection des enregistrements d'interrogatoires a été recommandée.
Une experte s'est enquise de statistiques concernant les Coréens et autres étrangers qui perçoivent une retraite.
Une experte a fait état de personnes enlevées par leur propre famille et que les autorités ne considèrent pas comme disparues. Elle a par ailleurs jugé trop générale la référence sur le «bien être» du public et demandé dans quelle mesure la liberté d'expression et d'opinion est limitée dans la législation. Elle a souhaité en savoir davantage au sujet de la loi sur l'accès à l'information, s'agissant notamment des personnes qui obtiennent des informations officielles et les rendent accessibles à l'opinion publique; l'experte a cité en particulier dans ce contexte les cas de journalistes, de défenseurs des droits de l'homme et d'internautes. Les personnes appartenant à des minorités ethniques et culturelles ne peuvent être empêchées de parler leur langue et de garder leur mode de vie, a d'autre part souligné l'experte, avant d'attirer l'attention sur la nécessité de prendre des mesures d'action affirmative en faveur de la protection des minorités Ainu et des natifs de Kikuyu à Okinawa.
La conception des droits de l'homme de l'Etat partie est biaisée et ne satisfait pas le Comité, a affirmé un expert. Le principe de non-refoulement (d'un étranger) doit s'appliquer lorsqu'il existe un risque réel de traitements cruels, inhumains ou dégradants à son encontre dans le pays d'origine, a rappelé cet expert, avant de faire observer que le Japon prévoit certes ce principe mais les services concernés n'en tiennent pas compte.
Une experte a regretté l'absence d'informations sur l'indemnisation des «femmes de réconfort», le Japon se bornant à répéter ce qu'il a dit par le passé à ce sujet. Certaines survivantes réclament des excuses et des réparations pour toutes les victimes, a souligné l'experte. Relevant que le Gouvernement japonais avait certes présenté des excuses en 1993, elle l'a toutefois sommé de renoncer à l'euphémisme de «femmes de réconfort» pour parler d'«esclaves sexuelles forcées». De nombreuses femmes exigent le droit à la vérité dans cette affaires et demandent la publication des documents détenus par le Gouvernement japonais ainsi que l'octroi de moyens de recours et de réparations. Le Gouvernement ne peut-il songer à organiser une cérémonie publique de reconnaissance de ces femmes, durant laquelle il présenterait ses excuses et son remords?
Un autre membre du Comité a demandé si des mesures sont prévues au Japon pour promouvoir la liberté d'expression; qu'en est-il de l'éventuelle intention du pays d'adhérer au premier Protocole facultatif au Pacte, qui porte sur les communications. Cet expert s'est enquis des obstacles à l'établissement d'une commission nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris. Il a en outre souhaité savoir si des mesures ont été prises en vue de l'adhésion du pays au Protocole de Palerme sur la traite des personnes. A cet égard, l'expert a demandé que soit élucidée la définition de la traite qui sous-tend le plan national d'action contre la traite adopté en 2009 par le Japon. Il a ensuite évoqué les conditions épouvantables de certains stagiaires étrangers – ou Kensyuusei – dans le cadre d'un programme de formation technique visant un transfert de savoir aux pays en développement. Le Rapporteur spécial sur les droits des migrants, M. Bustamante, a indiqué que les stagiaires de ce programme n'avaient pas de recours contre les violences et abus sexuels, a insisté l'expert, avant de se dire choqué par la fréquence des décès de ces jeunes stagiaires étrangers participant à ce programme – dont la suppression immédiate est exigée par nombre d'organisations non gouvernementales et par M. Bustamante lui-même.
Un autre expert a rappelé au Japon les obligations qui sont les siennes s'agissant de la liberté d'expression, du droit de tout suspect à une défense et à l'information, ou encore de l'interdiction des châtiments corporels au foyer.
Quels sont les critères de politique pénale qui ont conduit à maintenir la peine capitale pour dix-neuf chefs d'accusation, a-t-il en outre été demandé?
Un autre membre du Comité s'est enquis du niveau des radiations et du nombre de cancers déclarés suite à la catastrophe de Fukushima; qu'en est-il par ailleurs de l'éventualité d'un retour des habitants dans la zone irradiée?
Un membre du Comité a relevé que 58% de la population adulte au Japon estime que le châtiment corporel est un moyen de discipliner un enfant; qu'en est-il dans ce contexte des dispositions de la loi s'agissant de cette question, a-t-il demandé?
Réponses de la délégation
Des professeurs universitaires sont invités à dispenser aux juges et aux procureurs des cours de formation au droit international et au Pacte.
La délégation a indiqué qu'une nouvelle institution nationale des droits de l'homme allait être établie; mais le débat est encore en cours quant au mandat et aux prérogatives de cette nouvelle institution. La Diète a été dissoute avant l'adoption du projet de loi établissant une Commission nationale des droits de l'homme, a ensuite expliqué la délégation.
L'article 14.1 de la Constitution japonaise énonce les principes généraux de l'égalité de tous et de la non-discrimination dans tous les domaines, a souligné la délégation.
Ce sont les gouvernements locaux qui décident des résidents auxquels est octroyé un logement public et il n'y a pas de discrimination vis-à-vis des couples du même sexe, a ajouté la délégation.
Au sujet des LGBT, la délégation a expliqué qu'un Bureau des droits de l'homme est chargé d'enquêter sur les troubles du comportement lié à l'identité sexuelle; des centres de santé mentale fournissent des consultations spécialisées pour ces personnes, a-t-elle ajouté. Les enfants souffrant de tels troubles de l'identité de genre sont traités et les enseignants, professeurs, infirmières et autres professionnels tentent d'analyser le comportement des enfants et de dispenser des conseils et d'aider à la coopération entre différentes instances médicales en cas de besoin, a-t-elle insisté. Selon la loi, le changement de sexe peut être effectué, sauf si la personne est parente d'un enfant mineur, a en outre fait observer la délégation.
Dans le cadre du soutien à l'autosuffisance des victimes de la violence familiale, l'ordre de séparation (de la victime) d'avec le conjoint violent est réexaminé chaque année, a ensuite expliqué la délégation. La durée moyenne de 12,8 jours avant décision de séparation pour protéger la victime ayant été jugée trop longue, elle a été réduite et se situe aujourd'hui à 10 jours. En 2010, il y a eu 112 plaintes ayant conduit à des mesures de protection, a précisé la délégation.
Les personnes étrangères victimes de violence au foyer bénéficient d'une protection de leur intégrité physique et reçoivent un soutien en vue du changement de résidence, le cas échéant, toujours dans un souci humanitaire, a par ailleurs expliqué la délégation.
Actuellement, a poursuivi la délégation, la société japonaise conduit de nombreux débats concernant diverses questions de société telles que celle ayant trait à l'interdiction qui est faite à la femme divorcée de se remarier avant un certain temps après le divorce – la raison étant qu'il faut respecter une période raisonnable pour s'assurer de la paternité dans le cas d'une éventuelle grossesse.
Le Conseil de l'éducation prend des mesures disciplinaires contre les contrevenants à la loi qui proscrit les châtiments corporels en milieu scolaire, a assuré la délégation. Un article du Code civil prévoit des sanctions contre les parents ou tuteurs qui exercent des châtiments corporels à l'encontre d'un enfant dont ils ont la garde; les services et centres sociaux sont en outre obligés de dénoncer une telle situation, a indiqué la délégation.
La délégation a affirmé que la situation des enfants nés hors mariage est conforme à la Constitution et a indiqué que le Japon n'était pas au courant que les dispositions du pays en la matière étaient considérées comme incompatibles avec le Pacte. La Constitution prévoit l'égalité de tous devant la loi et il faut un motif rationnel pour modifier la loi, a ajouté la délégation.
S'agissant de la peine capitale et de la nécessité d'informer le public à ce sujet, la délégation a indiqué que depuis 2007, après l'exécution, sont rendus publics le nom, la date de naissance, les circonstances du crime et le lieu de l'exécution. Il est approprié de ne pas diffuser davantage d'informations que celles ci-dessus mentionnées, a estimé la délégation. Parmi les dix-neuf chefs d'accusation susceptible d'emporter la peine capitale, la délégation a cité l'insurrection, l'instigation d'agression étrangère, l'aide à l'ennemi, l'incendie d'un immeuble habité, la détonation illégale d'explosifs, le déraillement d'un train faisant des victimes, la pollution de l'eau, le vol à main armé, le viol sur le lieu d'un vol suivi d'un décès, le meurtre par duel, le détournement d'avion faisant des morts, l'exécution d'otages, ou encore la piraterie débouchant sur des morts. Le Groupe d'étude sur la peine de mort a collecté des informations sur les avantages et les inconvénients de la peine capitale et son rapport de synthèse a été publié, a par ailleurs indiqué la délégation. Le Groupe d'étude, dont le mandat a expiré, a conclu qu'il y avait des idées profondément enracinées tant en faveur que contre la peine capitale et qu'il est donc particulièrement ardu de parvenir à dégager une conclusion. En tout état de cause, l'état mental du condamné à mort fait toujours l'objet d'un suivi médical, a précisé la délégation. S'agissant de l'affaire Iwao Hakamada, qui se trouve dans le couloir de la mort depuis une cinquantaine d'années pour un quadruple meurtre mais dont la condamnation a été suspendue à l'issue d'un appel suite à des analyses ADN, la délégation a indiqué que son nouveau procès est toujours en cours et que, pour cette raison, elle préfère ne pas faire davantage de commentaires sur la nature de cette affaire. Il y a quelques années, la Cour suprême a recommandé la plus grande prudence pour les sentences de peine de mort et leur exécution, a ensuite rappelé la délégation.
S'agissant de l'administration de la justice, la délégation a indiqué que les enregistrements audio d'interrogatoires avaient d'abord commencé à titre expérimental et sont désormais de plus en plus systématiques. La légalisation des enregistrements audiovisuels reste toutefois, à ce stade, à l'étude, a ajouté la délégation, précisant qu'il existe aussi une forte opposition contre l'utilisation systématique de cette méthode.
La durée maximale de détention en garde à vue est de 23 jours pour garantir l'efficacité de l'enquête, a par ailleurs indiqué la délégation. Les installations de détention dans les locaux de la police se situent dans des lieux centraux dans toutes les régions, ce qui fait qu'il est plus facile d'organiser des entretiens mais aussi des visites des familles, a-t-elle fait valoir.
Tout suspect a droit à l'assistance d'un avocat, quelles que soient les circonstances et un suspect peut aussi refuser cette assistance, y compris durant une garde à vue et un interrogatoire, a rappelé la délégation.
La Constitution japonaise contient des dispositions sur les propos haineux; néanmoins, certains discours n'entrent pas dans le cadre de ces dispositions et il convient donc de rester vigilant par rapport à certains comportements, a d'autre part indiqué la délégation. Des décrets administratifs ont été pris aux fins, notamment, de la sensibilisation à la lutte contre certains discours d'incitation à la haine ou xénophobes, a-t-elle ensuite souligné. Elle a exprimé l'espoir que ces mesures encourageront à moins de discrimination à l'égard des étrangers. Le respect de la liberté d'expression exige un équilibre délicat et le Gouvernement fait le maximum pour poursuivre les activités de sensibilisation à cet égard.
La délégation s'est efforcée d'expliquer l'écart salarial entre hommes et femmes en renvoyant au fait que la grossesse et l'accouchement amènent beaucoup de femmes à quitter leurs postes, ce qui – a-t-elle ajouté – est aussi une des raisons expliquant qu'il y ait moins de femmes que d'hommes aux postes de responsabilité.
D'une manière générale, a ensuite affirmé la délégation, l'hospitalisation est fondée sur le consentement de l'individu de manière à protéger les droits des patients; il existe une procédure rigoureuse d'admission et il en va de même pour la sortie de l'hôpital. Pour les malades mentaux, il existe des foyers de vie en commun et une sortie précoce est également prévue, a-t-elle poursuivi. La tendance actuelle est à la promotion de la vie en foyer en commun dans le plein respect de la dignité et de la vie de l'individu, a-t-elle insisté. Les handicapés mentaux décident librement d'y entrer et l'environnement y est bien différent du milieu hospitalier, a-t-elle poursuivi.
La délégation a en outre fait part du travail réalisé par les autorités en vue de garantir la pleine participation des femmes à la vie politique et économique. Une série d'incitations est mise en place par les entreprises ainsi que dans la fonction publique pour nommer davantage de femmes à des postes de responsabilités et de prise de décisions. Un Groupe d'experts de surveillance veille à la bonne application des mesures prévues dans ce contexte.
S'agissant de la loi sur l'accès à l'information, la délégation a assuré que cette loi n'aura aucune incidence sur l'article 19 du Pacte, qui traite de la liberté d'expression ou d'opinion. L'objectif de cette loi est de prévenir la diffusion d'informations sur des secrets nationaux et de protéger la sécurité du Japon et de ses citoyens, a expliqué la délégation. Ce type de loi est en vigueur dans d'autres pays comme les Etats-Unis, a-t-elle rappelé, faisant valoir que le tableau annexé à la loi est restrictif par rapport à la législation d'autres pays sur le même sujet. Cette loi contient aussi des dispositions sur l'espionnage, a-t-elle ajouté, avant de préciser qu'un Comité des sages est chargé du suivi de cette loi. Par conséquent, cette loi est compatible avec l'article 19 du Pacte, a insisté la délégation.
Suite à un amendement apporté à la loi sur le contrôle de l'immigration, un requérant d'asile qui encourt un risque de torture dans son lieu d'origine n'y sera pas renvoyé, a par ailleurs fait valoir la délégation.
Les enfants de parents étrangers ont le droit de s'inscrire gratuitement dans l'enseignement public ainsi que dans les établissements réservés aux étrangers où ils peuvent également apprendre le Japonais, a indiqué la délégation.
Le Gouvernement japonais alloue des fonds publics à la revitalisation de la culture et de la langue Ainu ainsi qu'en faveur des droits des peuples autochtones, a en outre souligné la délégation. Le 6 juin 2008, la Diète a adopté à l'unanimité une résolution reconnaissant aux Ainu le statut de peuple autochtone avec une culture, une langue et une religion unique en leur genre, a-t-elle rappelé.
La communication sur les dangers et risques pour la santé liés aux radiations à Fukushima se fait régulièrement, y compris à l'aide de brochures expliquant les mesures pratiques de protection, a indiqué la délégation.
La délégation a indiqué que le Japon examinait la possibilité d'adhésion au premier Protocole se rapportant au Pacte, qui traite des plaintes.
Il existe au Japon une définition de la traite des personnes et le pays s'est doté d'un Plan national d'action de prévention et de lutte contre ce phénomène, a ensuite rappelé la délégation. Le cadre normatif en la matière a été renforcé en 2010, a-t-elle fait valoir, soulignant par ailleurs qu'un employé peut utiliser une ligne d'urgence pour notifier une situation de traite ou d'abus au travail.
Le harcèlement sexuel, en revanche, n'est pas encore érigé en infraction pénale; mais le législateur y travaille, a poursuivi la délégation.
Un accord bilatéral a été conclu avec la République de Corée pour régler les questions foncières et celle des biens suite à la guerre, a poursuivi la délégation. Pour ce qui est des «femmes de réconfort», le Japon considère qu'après les excuses présentées par le pays et l'instauration du Fonds d'aide aux femmes asiatiques, ce dossier est clos une bonne fois pour toute. La délégation a rappelé qu'une étude sérieuse avait été faite sur cette problématique et a précisé que la déclaration officielle sur cette question «ne sera pas modifiée». La question des «femmes de réconfort» ne tombe pas du tout sous le coup de l'esclavage sexuel, a conclu la délégation.
Remarques de conclusion
M. NIGEL RODLEY, Président du Comité des droits de l'homme, a déploré le caractère quelque peu répétitif des présentations faites par le Japon au fil des différents rapports que ce pays présente au Comité. Il est étrange que dans un pays ayant les moyens économiques du Japon, la résolution de certaines questions relevant des droits de l'homme reste tributaire des ressources allouées, comme cela est le cas pour le système judiciaire et les questions de détention, a-t-il fait observer. Le barreau, mais aussi les familles des détenus sont en désaccord avec ce système depuis des décennies; or, rien ne laisse penser qu'il existe une volonté réelle de modifier, par exemple, le système d'interrogatoire des suspects, alors qu'il est en contradiction flagrante avec le Pacte. Le système d'enregistrement audiovisuel des interrogatoires, quant à lui, n'est pas encore tout à fait en place, pas plus que n'est en place l'accès systématique à un avocat, a souligné M. Rodley. Ce dialogue avec le Japon laisse un goût amer aux membres du Comité, eu égard à la répétition par le Japon des mêmes arguments que par le passé, a-t-il insisté.
Le monde attend qu'une enquête indépendante internationale soit menée sur les «femmes de réconfort», vocable qui n'est qu'un euphémisme pour désigner ce qui est en fait un système d'esclavage sexuel; il est regrettable que le Gouvernement japonais n'ait toujours pas entendu les appels qui lui ont été adressés en ce sens par la communauté internationale, a poursuivi M. Rodley.
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CT14/023F