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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA GÉORGIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de la Géorgie sur la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

La Ministre de la justice de la Géorgie, Mme Tea Tsululiani, a affirmé avec force que l'être humain est au cœur de toutes les réformes en cours dans le pays, ce qui n'était guère le cas des gouvernements précédents. Ces réformes s'articulent autour de la Stratégie nationale des droits de l'homme adoptée en avril dernier par le parlement à l'issue d'un processus consultatif inclusif, assorti d'un Plan d'action visant à la consolidation de la «démocratie institutionnelle» et à la garantie des droits, au quotidien. La Géorgie a également adopté une loi sur l'élimination de toutes les formes de discrimination. En dépit du lourd héritage du passé s'agissant du système pénitentiaire, le pays a fait des progrès remarquables, en un temps record. En outre, la réforme judiciaire se poursuit et le processus de dépolitisation de la police et de transformation du Ministère de l'intérieur en un organisme orienté vers la communauté est une priorité du Gouvernement. De la même façon, la nouvelle loi sur la police consacre les principes de légalité, égalité, proportionnalité et neutralité politique.

Suite au conflit avec la Fédération de Russie, la Ministre géorgienne de la justice a déclaré que l'installation d'une barrière de fils barbelés le long des territoires occupés de Géorgie impose de lourdes restrictions à la liberté de mouvement, en particulier aux personnes ayant besoin d'une assistance médicale d'urgence comme les femmes enceintes. Aujourd'hui, plus d'un demi-million de personnes déplacées et de réfugiés continuent de se voir priver de leur droit fondamental à un retour digne. Le Gouvernement géorgien n'épargne aucun effort pour répondre aux besoins de la population des deux côtés de la ligne d'occupation, conformément à la Stratégie d'engagement. Elle a appuyé, les efforts du Haut-Commissariat en vue d'un accès humanitaire à l'Abkhazie et à Tskhinvali.

Forte de plus d'une vingtaine de membres, la délégation géorgienne de haut niveau était notamment composée du Vice-Ministre de la justice, M. Gocha Lordkipanidze; de la Vice-ministre chargée des services correctionnels, Mme Archil Talakvadze; de la Première Vice-Ministre de l'éducation et de la science, Mme Ketevan Natriashvili; de la Présidente du Comité des droits de l'homme et de l'intégration civile du Parlement géorgien, Mme Eka Beselia; ainsi que de représentants du bureau du Procureur de la République, du Ministère de l'intérieur, et du Ministre des affaires étrangères. Elle a répondu aux questions des membres du Comité s'agissant notamment du renforcement de la protection des droits de l'homme et de l'aide humanitaire aux populations d'Abkhazie, en Géorgie, et de la région de Tskhinvali, en Ossétie du Sud; de la prévention, de la lutte et de la pénalisation des propos discriminatoires à l'encontre notamment des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres; de la participation des femmes à la vie publique et politique; la lutte contre la violence au sein de la famille; des mesures prises suite à des situations de recours excessif à la force lors de manifestations; de la poursuite d'actes de crimes de guerre par l'armée géorgienne durant le conflit armé de 2008; de la lutte contre la torture et les mauvais traitements dans les centres de détention.

Le Président du Comité des droits de l'homme, M. Nigel Rodley, a estimé que la Géorgie est bien consciente de la nécessité de garantir l'égalité devant les tribunaux et ailleurs, et a vivement félicité le Gouvernement actuel, avant d'appeler, néanmoins, à un examen approfondi des institutions étatiques dont certains fonctionnaires ont commis des crimes en réaction à des manifestations ou dans d'autres contextes.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales concernant tous les rapports présentés au cours de la session. Elles seront rendues publiques à la clôture des travaux, le 25 juillet prochain.


À sa prochaine séance publique, lundi matin à 10 heures, le Comité se penchera sur ses méthodes de travail. Il entamera lundi l'après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport de l'Irlande (CCPR/C/IRL/4).


Présentation du rapport

Présentant le rapport de la Géorgie la (CCPR/C/GEO/4 et réponses à la liste de points à traiter) Mme TEA TSULUKIANI, Ministre de la justice de la Géorgie, a déclaré qu'elle dirigeait une délégation comprenant plus de vingt-quatre membres dont deux parlementaires et trois vice-ministres, ce qui atteste, s'il le faut, de l'importance accordée par son pays à l'application du Pacte, en s'appuyant sur la Stratégie et le Plan d'action national sur les droits de l'homme. Cette stratégie de sept ans a été adoptée le 30 avril 2014 par le parlement à l'issue d'un processus inédit et inclusif au cours duquel toutes les agences internationales et organisations non gouvernementales ont participé. Son objectif majeur consiste à consolider la «démocratie institutionnelle» et à garantir le respect, au quotidien, des obligations de la Géorgie en matière des droits de l'homme dans le cadre d'une politique multisectorielle et unifiée.

Élaborée sur la base des recommandations du bureau du Médiateur et sur le rapport de M. Thomas Hammarberg en sa capacité de Conseiller spécial de l'Union européenne sur la réforme juridique et constitutionnelle et des droits de l'homme de la Géorgie, fixe les priorités stratégiques pour 2014-2020. Le Plan d'action sur les droits de l'homme pour 2014-2015, adopté le 6 juin 2014, couvre les activités concrètes à mener et fixe les échéanciers et indicateurs d'évaluation.

La loi sur l'élimination de toutes les formes de discrimination a été approuvée par le parlement le 2 mai 2014. Elle a intégré les normes internationales les plus importantes dans ce domaine et a été examinée par la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme.

D'un autre côté, la réforme judiciaire se poursuit depuis une première vague d'amendements en novembre 2012, en vue notamment de garantir l'indépendance des juges, de renforcer la confiance du public et de défendre les droits des victimes.

Au lendemain des élections législatives de 2012, le processus de dépolitisation de la police et de transformation du Ministère de l'intérieur en un organisme orienté vers la communauté a été une des grandes priorités, et la nouvelle loi sur la police consacrant les principes de légalité, égalité, proportionnalité et neutralité politique a été entérinée le 4 octobre 2013. En dépit du lourd héritage du passé dans ce domaine, le pays a fait des progrès remarquables, en un temps record, sur les questions les plus problématiques du système pénitentiaire.

La Géorgie a en outre accompli des progrès pour garantir la protection des données privées, avec l'entrée en vigueur effective, en mai 2012, d'une loi sur la question et la nomination par le Premier Ministre, en juillet 2013, de l'Inspecteur chargé de la protection des données privées.

Depuis la présentation de son précédent rapport, la Géorgie a également ratifié la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées et, tout récemment, de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie.

La Géorgie est devenue signataire, le 19 juin dernier, de la Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, qui entrera en vigueur le 1er août prochain.

Au chapitre des défis rencontrés, la Ministre de la justice a déclaré que l'installation d'une barrière de fils barbelés le long des territoires occupés de Géorgie impose de lourdes restrictions à la liberté de mouvement, en particulier aux personnes ayant besoin d'une assistance médicale d'urgence comme les femmes enceintes. Malgré maints appels de la communauté internationale, plus d'un demi-million de personnes déplacées et de réfugiés continuent de se voir priver de leur droit fondamental à un retour digne.

Dans ces régions sous contrôle effectif de la Russie et subissant sa présence militaire, la population géorgienne, notamment celle du district de Gali, vit sous une menace permanente de harcèlement et d'enlèvements. Abus physiques et crimes contre les résidents géorgiens sont monnaie courante.

Le Gouvernement géorgien, pour sa part, n'épargne aucun effort pour répondre aux besoins de la population des deux côtés de la ligne d'occupation. Il fournit ainsi à toute personne des régions occupées un traitement médical gracieux et des ambulances, de même qu'il a lancé une campagne de vaccination pour les résidents de la région d'Abkhazie, conformément à la Stratégie d'engagement. Le chef de la délégation géorgienne a souhaité que la communauté internationale contribue à combattre les violations des droits de l'homme dans ces régions. Mme Tsulukiani a expliqué que la nouvelle approche privilégie les mesures humanitaires sans pour autant sacrifier les droits de l'homme. Elle a appuyé, dans ce contexte, les efforts du Haut-Commissariat en vue d'un accès à l'Abkhazie et à Tskhinvali.

Faisant état de l'élaboration et de la mise en œuvre effective d'une politique tendant à l'intégration des minorités ethniques, la Ministre de la justice a déclaré que la Stratégie et le Plan d'action d'intégration nationale et de tolérance contribuera à jeter les bases d'une société démocratique, et à la consolidation d'une société civile aux valeurs communes qui considère la diversité comme une force. Une nouvelle agence religieuse spéciale concerne non seulement l'église orthodoxe mais d'autres confessions et se penche sur les problèmes liés aux droits fonciers. Les droits des minorités sont également pris en considération dans la politique géorgienne qui s'articule au travers de la stratégie sur les minorités sur la base de la tolérance.

Questions et observations des membres du Comité

Un membre du Comité a félicité la délégation de haut niveau pour la qualité de sa présentation et du rapport géorgien. Il a demandé des précisions sur les cas dans lesquels les tribunaux géorgiens ont invoqué le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L'institution du Médiateur dépend encore en grande partie des bailleurs de fonds étrangers, a-t-il remarqué, encourageant la Géorgie à lui allouer des fonds publics pour garantir son bon fonctionnement et son indépendance.

L'expert, qui a été Représentant spécial du Secrétaire général sur les droits des personnes déplacées dans leur propre pays, a souligné, s'agissant de la loi concernant les territoires occupés, que la Géorgie a une obligation d'acheminer des biens de première nécessité aux populations concernées. Il s'est en outre dit préoccupé par les conséquences éventuelles du paragraphe 2 de cette loi sur l'exercice de certains droits, comme celui au mariage.

Tout en saluant l'adoption d'une loi sur l'égalité des sexes, un autre expert s'est demandé comment la Géorgie allait remédier au problème de la sous-représentation des femmes sur le marché du travail. Il a d'autre part noté les difficultés d'accès des femmes des zones rurales ou marginales aux ressources et services.

Un de ses homologues a demandé des précisions concernant la loi géorgienne sur l'élimination de toutes les formes de discrimination. Il a d'autre part noté que le Médiateur n'était pas habilité à s'adresser aux tribunaux. Il a aussi souhaité des précisions sur la manière dont la loi sur la lutte contre la discrimination raciale abordait les droits des personnes handicapées.

Un membre du Comité a voulu obtenir des informations sur les conditions de détention dans plusieurs centres, sur les recours à la disposition des détenus, sur les programmes de réinsertion offerts aux prisonniers victimes d'actes de torture, notamment suite aux faits de torture révélés en 2012 à la prison de Gldani. Un membre du Comité a demandé des précisions sur le fonctionnement des centres de réinsertion des anciens prisonniers et s'est demandé s'il n'y a avait pas un manque d'intérêt à ce propos. Une experte a décrit les conditions déplorables des prisons no. 6 et 7 et s'est inquiétée du taux élevé de toxicomanes parmi les détenus.

Un expert a en outre souligné que les deux conflits ethniques ont placé les femmes dans des conditions de précarité et de marginalisation. Un autre membre du Comité a exprimé son inquiétude sur les nombreuses violences sexuelles et viols commis en 2008 durant le conflit et a prié la délégation d'apporter des informations sur les poursuites et les condamnations de leurs auteurs à ce jour.

L'expert s'est félicité de la loi sur la violence familiale mais a relevé que les organisations non gouvernementales signalent de nombreux cas de violence au foyer, et que le pays dispose de peu de centres d'accueil des victimes. Il a encouragé la Géorgie à inclure les souffrances psychiques et physiques dans la définition de la violence familiale.

L'expert a par ailleurs demandé des informations sur les mesures prises pour lutter contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Il a aussi sollicité des informations sur les lois en vigueur sur l'avortement et sur le mariage forcé. Des précisions ont été demandées sur les interventions d'interruption volontaire de grossesse dans les hôpitaux.

L'expert a enfin requis des éclaircissements sur les cas de M. Mamuka Mikautadze, mort en garde à vue et dont le décès a été présenté comme un suicide, ainsi que sur le cas d'un autre détenu. Un autre expert s'est penché sur la question de l'abus de pouvoir et des actes de torture et de traitements inhumains à la lumière du nouveau code de procédure pénale de la Géorgie. Un expert a estimé que certaines accusations contre les fonctionnaires qui ont manqué à leur devoir étaient assez vagues, ce qui risque d'entamer la confiance de l'opinion publique.

S'agissant de la problématique de la défense lors d'une détention administrative et du droit à un procès équitable, un expert a recommandé l'adoption de garanties à ce propos, dans le cadre de la réforme judiciaire plus précisément. Reconnaissant que d'importants progrès ont été enregistrés dans ce domaine, il a noté cependant que le taux d'acquittement est nettement inférieur à la moyenne constatée dans d'autres pays. Il a aussi mentionné des allégations selon lesquelles des motivations politiques se cacheraient derrière l'affaire de l'ancien ministre de l'intérieur.

L'expert a relevé que 2000 personnes ont porté plainte pour coercition et s'est demandé si elles ont des possibilités de recours. Il a aussi évoqué la politique de tolérance zéro sur les stupéfiants mais mis en doute sa mise en œuvre et efficacité de cette politique. Il a voulu connaître son incidence sur le système judiciaire, qui est en proie à des difficultés financières.

Une experte a demandé si la réforme du système de justice pour mineurs a-t-elle été mise en œuvre dans tout le pays, de même que le programme de médiation envisagé, a-t-elle demandé.

Deux de ses homologues ont demandé des renseignements sur les allégations d'abus commis lors d'une manifestation de lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres. De plus amples informations ont également été demandées s'agissant des mesures prises pour garantir aux personnes déplacées un meilleur accès aux services sociaux, aux transports et à de nouveaux sites d'installation. La Géorgie verse-telle des indemnisations lorsque la restitution des biens spoliés n'est pas possible. Un autre membre du Comité a déclaré qu'aucune réponse n'a été apportée aux questions sur la restitution des biens, en particulier ceux des communautés religieuses. En outre, il s'est demandé s'il y a un traitement préférentiel de l'église orthodoxe de Géorgie dans ce cas précis. Il a aussi voulu connaître la nature juridique de l'accord constitutionnel qui, selon certains, est devenu la première source de discrimination à l'égard des communautés religieuses, l'État géorgien transférant par exemple environ 120 millions de dollars à l'Église orthodoxe, qui bénéficie par ailleurs d'exemptions fiscales dont ne jouissent pas d'autres minorités religieuses. Le rapport de l'Ombudsman et celui de M. Hammarberg signalent également ces faits.

Des questions ont en outre été posées s'agissant de la situation des Arméniens et des minorités abkhazes, de même que celle des Roms et du groupe dit des migrants.

Réponses de la délégation

La délégation a souligné la tendance générale et croissante par les tribunaux à se référer au Pacte et à d'autres instruments relatifs aux droits de l'homme. À l'heure actuelle, le Gouvernement effectue un travail de sensibilisation tous azimuts à ce propos, à tel point qu'un module dans le cursus de la faculté de droit de Tbilissi traite exclusivement de cette question. L'article 210 du code de procédure pénale stipule que, lorsque la Cour de Strasbourg prend des décisions sur une affaire, les tribunaux nationaux ont l'obligation de réexaminer ces cas.

Répondant aux questions des membres du Comité s'agissant du Médiateur, la délégation a précisé que son budget avait doublé en six ans, et l'État est tenu de ne jamais réduire ce budget.

La loi sur les territoires occupés aborde principalement la liberté de mouvement et la surveillance de la situation par les organisations internationales. D'autre part, la Géorgie ne reconnaît pas la légitimité d'élections qui se dérouleraient dans les territoires occupés. L'année dernière, seuls 43 passeports neutres (permettant aux titulaires de se déplacer librement en Géorgie et de voyager à l'étranger) ont été émis et 15 cette année. Le système d'assurance maladie lancé en 2012 vaut des deux côtés de la ligne d'occupation. Un accord a été conclu avec la force d'occupation pour l'approvisionnement en eau en Ossétie car la source se trouvait dans le territoire occupé. Cela prouve la bonne foi dans l'exécution de la Stratégie d'engagement.

L'opinion publique étant très réticente à l'adoption de la loi sur l'élimination de toutes les formes de discrimination, une importante campagne de sensibilisation a été menée mais il faudrait un organisme qui rendrait des avis avec force obligatoire pour que les contrevenants à cette loi se voient infligés des sanctions ou des amendes. À ce propos, il est question d'élargir le mandat du bureau du Médiateur. L'article 142 de la Constitution interdit le racisme et toute forme de discrimination tandis que l'article 50 sur les médias interdit la diffusion d'informations ou de matériels contenant des éléments racistes ou discriminatoires.

Un protocole exige que dans cinq ans, les normes des bâtiments publics prévoient les aménagements nécessaires à l'accès de tous les handicapés. L'approche adoptée est passée du médical au social dans tous les aspects de la vie des personnes handicapées.

S'agissant de la présomption de mauvais traitements dans les établissements mentionnés par un membre du Comité, les auteurs présumés de mauvais traitements dans la prison de Gldani ont été poursuivis en justice. Près de 2000 prisonniers ont déjà été interrogés dans le cadre de l'enquête et des examens physiques médicaux ont été effectués pour détecter également des personnes maltraitées. En mai 2014, en vertu de l'article 141.1 du code sur la torture, un certain nombre personnes ont été appréhendées et elles ne peuvent plus exercer leur fonction pendant une durée pouvant aller jusqu'à trois ans.

L'ancien directeur d'une prison a été jugé et emprisonné pour actes de torture. En 2013 et 2014, des prisonniers ont demandé des réparations, qui ont été obtenues dans 38 de ces cas. Une évaluation des traumatismes et blessures a été conduite qui a mené à la création d'unités de traitement des traumatismes dans les hôpitaux. L'Inspection générale du système pénitentiaire a licencié plus d'une centaine de membres du personnel suite à des plaintes, et en a sanctionné 300 autres. La peur est désormais dissipée dans les lieux de détention et les prisonniers ne craignent pas de représailles et savent qu'ils peuvent s'exprimer librement. Certains prisonniers avaient observé une grève de la faim exigeant l'amélioration des conditions dans les prisons. Pour la première, un programme de réinsertion sociale des anciens détenus a commencé il y a près de deux ans au Centre de la prévention du crime. Centre-trente participants à ce programme sont des femmes. La délégation a précisé que 300 détenus n'ont pas souhaité participer.

Seuls 11% des députés sont des femmes, a reconnu la délégation, qui a toutefois fait valoir que, si cela reste insuffisant, ce nombre a doublé par rapport à la précédente législature. On assiste en outre à une augmentation du nombre de femmes occupant des postes de haute responsabilité.

Concernant l'accès des minorités ethniques à l'éducation et la défense de l'identité culturelle et linguistique, le Ministère de l'éducation et de la science a mis en œuvre un programme d'enseignement du Géorgien en tant que deuxième langue. La délégation a précisé que 280 enseignants ont été déployés dans les écoles des minorités pour dispenser un enseignement gratuit. La plupart des manuels didactiques sont bilingues (géorgien et russe, arménien ou azéri).

La délégation a indiqué que des mesures de sensibilisation ont été prises auprès des groupes vulnérables et marginalisés sur l'utilisation de préservatifs. Selon les résultats d'une enquête, 0,9% des femmes interrogées ont déclaré avoir eu recours à un avortement sélectif, ce qui est dû à des facteurs socioculturels qu'il conviendra d'analyser pour pallier à ce phénomène.

La délégation a fait valoir que des centres d'accueil des femmes ayant souffert de violences familiales sont établis dans plusieurs parties du pays. Le concept de «membre de la famille» a été défini par rapport à la violence familiale, ce qui représente un jalon. L'article 106.1 du code de procédure pénale établit une sanction pénale de ce type de violence et prévoit la responsabilité pénale pour viol. Le viol conjugal est également considéré comme un délit en vertu du même code, dont l'article 137 traite du viol et de la violence sexuelle. Les délits commis par abus de pouvoir constituent une circonstance aggravante, en particulier si la victime est un enfant.

D'autre part, des mesures spéciales visent à l'accélération de l'égalité des sexes de facto. La protection des droits de minorités et la lutte contre les stéréotypes à l'encontre des femmes et des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) est assurée petit à petit avec l'abrogation progressive de lois discriminatoires. Les droits des LGBT font partie du plan d'action sur l'élimination de toutes les formes de discrimination, même si cela est impopulaire pour certains secteurs de la population.

Le harcèlement sexuel n'est pas encore érigé en délit mais en signant la Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe, le Gouvernement s'est d'ores et déjà engagé à adopter des normes pénalisant toute forme de harcèlement.

La délégation a attiré l'attention sur deux enquêtes qui ont été lancées pour faire la lumière sur des crimes graves comme les crimes contre l'humanité et crimes de guerre, d'une part, et d'abus commis par des de membres des forces de sécurité et militaires, de l'autre. Ces enquêtes ne sont pas achevées et la situation est difficile car une partie du territoire est sous occupation étrangère. Les investigations pour crimes de guerre sont impossibles sans une coopération totale de toutes les parties prenantes. Les études ont révélé que les crimes d'État qui ont été commis vont de la torture à la destruction massive de biens, ainsi que de 12 villages à la fin de la guerre, en août 2008, en passant par le bombardement aérien et des attaques militaires contre la population civile. Le bureau du Procureur a fait son possible pour mener des investigations mais les autres parties doivent aussi coopérer, y compris les Nations Unies.

Répondant aux questions sur les dispositions concernant la torture et les mauvais traitements, la délégation a indiqué qu'à la suite d'un amendement, l'article 218 du code de procédure pénale interdit dans les cas de torture et de mauvais traitement tout «accord procédural» à caractère exceptionnel avec l'accusé. La Ministre de la justice de la Géorgie a fourni une explication juridique détaillée sur l'accord procédural à titre exceptionnel. Même si l'Ombudsman le recommande, ce type d'accord n'est pas envisagé par le législateur. Il existe depuis quelques années en Géorgie un Comité interministériel sur la torture et les mauvais traitements, présidé par la Ministre de la justice, qui examine la possibilité de mettre sur pied une institution chargée d'enquêter sur les crimes commis par des agents des forces de l'ordre.

Au sujet de l'usage excessif de la force par la police lors de la manifestation du 25 mai 2011, l'ancien Ministre de l'intérieur, Ivane Merabishvili, a été reconnu coupable d'abus de pouvoir et condamné à quatre ans et demi de prison. Concernant les autres fonctionnaires impliqués dans la violation du droit d'assemblée, l'enquête, qui suit son cours, a révélé un abus de pouvoir par la police et des passages à tabac. La délégation a aussi fourni des éclaircissements sur d'autres affaires de décès ou d'agressions physiques aux mains de la police.

Répondant à la question d'un expert s'agissant de l'interruption volontaire de grossesse, la délégation a expliqué que le délai légal entre le moment où une femme sollicite une IVG et l'intervention a été porté de trois à cinq jours. La Géorgie compte deux millions d'habitants et accuse une baisse importante du taux de natalité. Une grossesse hors mariage est considérée comme problématique par la société, en particulier dans les zones rurales, donc le législateur a souligné que le délai décidé n'a pas d'incidence sur le droit et l'accès à l'avortement mais donne un peu plus de temps pour réfléchir sur cette importante décision. Le prolongement de ce délai permet à la femme de prendre une décision éclairée et non sous le coup de l'émotion. Le pays a vécu une expérience malheureuse en interdisant l'avortement dans les années 1980 mais même si cela a servi à diminuer le taux d'avortement, il a fait surgir l'avortement clandestin effectué dans des conditions dangereuses qui ont conduit à une hausse de la mortalité maternelle.

Il y a deux ans, le Gouvernement a augmenté le budget de l'administration pénitentiaire, ce qui est un précédent en soi. La délégation a indiqué que des programmes financés par des bailleurs de fonds, dont l'Union européenne, ont permis à des ONG d'appuyer la réhabilitation psycho-sociale d'ex-détenus. Par ailleurs, quelque 8600 anciens détenus sur 10 000 ont été transférés dans des prisons disposant de centres d'aide psychologique.

S'agissant de l'incarcération des consommateurs de stupéfiants, qui ont besoin d'une assistance spécifique et d'un traitement, la délégation a indiqué que des amendements législatifs prévoyant des sanctions plus sévères des importateurs, distributeurs et trafiquants sont en cours d'examen. La situation s'est améliorée concernant les détenus toxicomanes. L'accès à une prise en charge spécialisée a été élargi. Ainsi un dixième des détenus concernés a été transféré vers des hôpitaux civils et une thérapie de substitution sera mise à la disposition des détenus. Des efforts sont également déployés concernant les personnes infectées par le VIH/sida et l'hépatite.

Il y a quelques années, la détention administrative, régie par des textes qui remontent à l'ère soviétique, était passée de 60 à 90 jours, et il y a à peine quelques semaines, un député membre du comité des questions juridiques a introduit un amendement sur le code des infractions administratives demandant la réduction à 15 ans de cette détention administrative. Le Parlement semble être unanimement en faveur de cette proposition.

La réforme du pouvoir judiciaire est en cours et, après les mesures de renforcement de l'indépendance des juges, le rôle individuel des juges continuera d'être renforcé également. La Géorgie ne compte pas de juges spécialisés dans les affaires impliquant des mineurs et le nouveau code prévoit la création de juges pour mineurs. Dans cadre de la troisième vague de réforme, il y a aura un groupe de juges réservistes qui accepteront d'aller en missions et d'occuper des postes dans des zones reculées, ce qui inversera une tendance négative jusque-là.

Le taux d'acquittement des accusés est quasiment nul, ce que la délégation a qualifié d'inadmissible et qui l'a attribué à la politique étatique du passé. En 2013, sur 30 500 cas, 15 personnes ont été acquittées et d'autres affaires ont conduit à des acquittements partiels, ce qui porte le nombre total à 600. En 2011, seuls 56 sur 16 000 personnes ont été acquittées, a déclaré la délégation en formant l'espoir que la nouvelle politique changera ces données dans le futur.

En cas d'allégations de coercition, l'État a suivi les recommandations de la société civile qui consistent à renvoyer l'affaire devant un juge d'un rang hiérarchique plus élevé. Petit à petit, il sera mis également un terme à la politique d'entente relative au plaidoyer.

Lors de l'interpellation, la police informe trois fois la personne de ses droits et des raisons de l'arrestation, que le détenu doit signer, a indiqué la délégation en réponse à d'autres questions.

Le recours excessif à la force durant les manifestations de mai 2011 ayant conduit à des décès mais aussi à des disparitions de 45 jours à l'issue desquels il s'est avéré que des actes de tortures graves et de traitements cruels et dégradants avaient été commis par des fonctionnaires publics, des procès ont eu lieu, y compris du Ministre de l'intérieur de l'époque et de cinq autres haut fonctionnaires. La délégation a souligné que la Géorgie faisait son possible pour régler toutes ces affaires qui lui ont fait une si mauvaise réputation dans le monde. Le nouveau gouvernement, dont certains membres étaient victimes à l'époque, est déterminé à la transparence à la fois dans le contexte du respect de ses obligations en matière des droits de l'homme, mais aussi pour ne pas être accusé de vengeance.

Un membre de la délégation géorgienne a déclaré qu'une nouvelle série de mesures est en cours de préparation pour établir les preuves des accusations à l'égard de nombreux fonctionnaires publics. La Géorgie n'est pas fière de cette situation mais estime très important de la régler dans les meilleures conditions.

Des poursuites et des condamnations fermes ont également été prononcées contre des fonctionnaires ayant commis des abus lors de la manifestation de la communauté lesbienne, gay, bisexuelle et transgenres en 2013.

Répondant aux questions sur les minorités religieuses, la délégation a indiqué que le Concordat sépare l'État et la religion et n'octroie de privilège à aucune communauté religieuse.

S'agissant des enfants dans le système judiciaire, un nouveau centre de la médiation pour les mineurs dans le système de justice a été ouvert au sein du Ministère de la justice. Le programme de médiation a été étendu à 25 villes et les mesures positives prises ont donné des résultats tangibles. Ainsi le taux de récidive est très faible, soit 5%, ce qui atteste de l'utilité du programme. Le taux de participation des mineurs à ce programme est de 11% cette année.

Les personnes déplacées jouissent de logements et de garanties quant à la qualité de ces logements. Des contrats sont par exemple conclus avec les sociétés de construction pour garantir des réparations. Les personnes déplacées, en particulier des zones rurales, ont accès à des programmes dans les domaines de l'éducation, de la santé et autres. Un programme en coopération avec la Banque mondiale prévoit l'acquisition de terres pour les personnes déplacées qui désirent s'installer dans des zones rurales pour s'adonner à l'agriculture.

Depuis 2007, des progrès considérables ont été accomplis dans la restitution des biens religieux confisqués durant l'occupation. Une commission interinstitutions sur les restitutions a été mise sur pied et l'État géorgien a conclu un accord de principe avec les institutions religieuses. À présent, les organisations religieuses ont un statut distinct des organisations non gouvernementales, qu'elles revendiquaient depuis longue date. Le statut de monument du patrimoine culturel a été accordé à cinq synagogues, mosquées et églises. Environ 5,5 millions de dollars a été dégagé pour l'amélioration ou la réparation ou toute autre activité relative à la restauration aux lieux de culte et pour favoriser la tolérance. Concernant le village et la mosquée du village de Chela à majorité musulmane, dont le minaret a été démonté, la délégation a souligné que le Gouvernement a rapidement réagi en dépêchant une délégation sur place. La Ministre de la justice a précisé que la mosquée avait été construite «en cachette», ce qui est illégal. Pour prévenir de nouveaux problèmes de ce genre, une agence de suivi a été créée qui veillera à ce que la loi soit la appliquée de la même manière à toutes les minorités religieuses. La Géorgie n'a jamais connu de guerre ou de conflits religieux, a-t-elle tenu à rappeler.

La loi d'amnistie a permis de diminuer de 60% le nombre des détenus. Pour régler la problématique des prisonniers politiques, le parlement se base sur les critères contenus dans la résolution d'octobre 2012 du Conseil de l'Europe sur les prisonniers politiques.

Conclusions

MME TULIA TSULULIANI, Ministre de la justice de la Géorgie, Mme Tsululiani a indiqué que sa délégation ferait parvenir au Comité des compléments d'informations par écrit. Elle a assuré que l'être humain se trouve au cœur de toutes les réformes en cours, ce qui n'était guère le cas des gouvernements passés, a-t-elle affirmé, en déclarant que le Comité peut s'attendre à des rapports sérieux de la part de la Géorgie. Les autorités souhaitent régler les erreurs du passé et se tourner vers l'avenir avec une législation solide en matière de droits civils et politiques.

M. NIGEL RODLEY, Président du Comité des droits de l'homme, s'est félicité que les réponses de la délégation géorgienne comptent parmi les plus complètes que le Comité ait jamais entendues. Il a déclaré que, de toute évidence, beaucoup de choses ont eu lieu en deux ans sous l'égide de la Ministre de la justice, qui a répondu avec tant d'efficacité à de très nombreuses questions. L'État partie est bien conscient de la nécessité de garantir l'égalité devant les tribunaux et ailleurs, compte tenu, par exemple, que le pays compte plusieurs minorités ethniques et religieuses. La réaction aux manifestations de désaccord public reste une des questions qu'il faut régler sur la base d'un examen approfondi des représentants d'institutions s'étant rendu responsables de crimes dans ce contexte.


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CT14/020F