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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DE LA MAURITANIE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui le rapport présenté par la Mauritanie sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Le rapport a été présenté par la Ministre mauritanienne des affaires sociales, de l'enfance et de la famille, Mme Lemina Mint El Ghotob Ould Moma, qui a assuré le Comité que son gouvernement n'avait ménagé aucun effort pour mettre en œuvre toutes les mesures d'ordre législatif, administratif, judiciaire, économique, politique et social susceptibles de contribuer à la réalisation des dispositions de la Convention. Elle a fait valoir que 7 ministres sur 30 sont des femmes, 31 députés sur 147, 9 sénateurs sur 56 et 1317 conseillers municipaux sur 3722. Le cadre institutionnel national de protection des droits de l'homme s'est enrichi ces dernières années par la création de l'Agence nationale TADAMOUN, qui est chargée de la lutte contre les séquelles de l'esclavage, de l'insertion et de la lutte contre la pauvreté, et s'est vu confier la mission de mettre en œuvre des projets économiques destinés notamment à réduire la pauvreté des femmes. Mme Ould Moma a reconnu que le phénomène des violences basées sur le genre relevait du domaine du tabou jusqu'en 2004, mais a affirmé que cette problématique était désormais traitée et qu'elle constituait un axe majeur de la politique de protection et de promotion des droits de la femme. La ministre a attiré l'attention sur un projet de loi sur ces violences qui doit être adopté avant la fin de l'année, sur la promulgation de deux fatwas interdisant les mutilations génitales féminines et sur un plan d'action national sur les violences basées sur le genre. «La mise en œuvre des dispositions de la Convention révèle que la Mauritanie a enregistré des avancées considérables et qu'elle ne pourra gagner le pari de la promotion et la protection des droits de la femme que si elle parvient à relever certains défis» d'ordre économique, social et sécuritaire, a indiqué la ministre. Elle a fait part de la décision prise par la Mauritanie de lever la réserve générale sur la Convention et de la remplacer par des réserves concernant deux de ses dispositions.

Également composée de Mme Salka Mint Bilal Ould Yamar, Représentante permanente à Genève, ainsi que de représentants du Ministère de la justice et du Ministère des affaires sociales, de l'enfance et de la famille, la délégation mauritanienne a répondu aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des violences basées sur le genre; de l'autonomisation économique des femmes; de l'interdiction de la discrimination; de la répression du crime de viol; de la pénalisation de la prostitution; de la traite de personnes, de l'esclavage et ses séquelles; des questions de nationalité; des réfugiés maliens; ainsi que des questions d'éducation et de santé.

Une experte a estimé que la Mauritanie disposait désormais d'une «masse critique» de femmes intégrées au niveau politique, au niveau des municipalités et du parlement, qui peuvent aider à mener une grande campagne culturelle en faveur de la promotion des droits des femmes. Une experte s'est inquiétée de la grande proportion de femmes se mariant en Mauritanie avant l'âge de 18 ans voire de 15 ans. Elle a constaté que les pratiques de mariage forcé dans le pays ressemblent beaucoup à la traite de personnes.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales concernant les rapports présentés au cours de la session, qui seront rendues publiques à la clôture des travaux, le 18 juillet prochain.


Le Comité examinera demain le rapport de la République arabe syrienne (CEDAW/C/SYR/2).


Présentation du rapport

Présentant le rapport de la Mauritanie (CEDAW/C/MRT/2-3), MME LEMINA MINT EL GHOTOB OULD MOMA, Ministre des affaires sociales, de l'enfance et de la famille, a assuré le Comité que le Gouvernement mauritanien n'a ménagé aucun effort pour mettre en œuvre toutes les mesures d'ordre législatif, administratif, judiciaire, économique, politique et social susceptibles de contribuer à la réalisation du contenu des dispositions de la Convention. Elle a réitéré l'attachement de son pays aux idéaux, principes et valeurs contenus dans cet instrument. Le rapport est le fruit d'une large concertation engagée entre son ministère, la Commission nationale des droits de l'homme, les organisations de la société civile, les autres secteurs et les partenaires techniques et financiers. En dépit de la conjoncture internationale, marquée notamment par des phénomènes récurrents et dangereux comme le terrorisme, l'afflux massif de réfugiés dans la zone sahélo-saharienne, l'insécurité et la criminalité transnationale organisée, d'une part, et par la rareté des ressources financières due à la persistance de la crise économique et financière mondiale d'autre part, la Mauritanie est restée fidèle au schéma de développement qu'elle s'est tracée pour consolider l'état de droit et les acquis démocratiques, a déclaré Mme Ould Moma. Elle a fait observer à cet égard que les élections d'octobre 2013 et les élections présidentielles du mois dernier ont été couronnées de succès.

Soucieux de faire participer les femmes (50,7% de la population) au développement de la Mauritanie, qui ne saurait se réaliser sans leur apport, le Gouvernement a mis en chantier plusieurs politiques basées sur l'approche de genre, a poursuivi la ministre. Elle a par ailleurs indiqué que 7 ministres sur 30 sont des femmes, de même que 31 députés sur 147 (21%), 9 sénateurs sur 56 et 1317 conseillers municipaux sur 3722 (35,4%). Évoquant ensuite les mesures spéciales prises en faveur des femmes, Mme Ould Moma a indiqué qu'en plus des femmes admises au concours général d'entrée à l'École nationale d'administration, de journalisme et de la magistrature (ENAJM), un concours ouvert exclusivement aux femmes a été organisé en novembre 2011 qui a permis l'accès de 50 femmes supplémentaires à cette école.

Le cadre institutionnel national de protection des droits de l'homme s'est enrichi ces dernières années par la création de l'Agence nationale TADAMOUN chargée de la lutte contre les séquelles de l'esclavage, de l'insertion et de la lutte contre la pauvreté, qui s'est vu confier la mission de mettre en œuvre des projets économiques destinés entre autres à réduire la pauvreté des femmes, a poursuivi Mme Ould Moma. La législation mauritanienne incrimine la discrimination à travers la loi n°2007-042 du 3 septembre 2007 relative à la lutte contre le sida et la loi sur l'état civil qui accorde à l'homme et à la femme les mêmes droits; la justice est résolument engagée dans la sanction de cette pratique de façon générale et en particulier celle dirigée contre les femmes, a indiqué la ministre. La loi constitutionnelle n°2012-015 portant révision de la Constitution de 1991 consacre l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives; l'interdiction de l'esclavage et de toute autre forme d'asservissement, de torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants – pratiques qui constituent des crimes contre l'humanité et sont punies comme tels par la loi; la pleine jouissance par les citoyens des mêmes droits et des mêmes devoirs vis-à-vis de la Nation; ou encore la réforme de la Commission nationale des droits de l'homme, qui a rendu celle-ci conforme aux Principes de Paris. En janvier 2013 a en outre été adoptée une loi portant répression des crimes d'esclavage et de torture en tant que crimes contre l'humanité.

«Dans nos sociétés, le phénomène des violences basées sur le genre relevait du domaine du tabou jusqu'en 2004», a poursuivi Mme Ould Moma, avant d'ajouter que «cette problématique est désormais traitée et constitue un axe majeur de la politique de protection et de promotion des droits de la femme». C'est ainsi que la Mauritanie a mis en place, ces dernières années, un important dispositif institutionnel comprenant le Comité national de lutte contre les violences basées sur le genre, y compris les mutilations génitales féminines; les comités régionaux de lutte contre les violences basées sur le genre, y compris les mutilations génitales féminines; les comités départementaux des droits humains. La ministre a également mis l'accent sur la mise en œuvre depuis 2010 de procédures opérationnelles et de normes pour la lutte contre les violences à l'égard des femmes, qui va permettre une meilleure réponse et une prise en charge des survivantes des violences basées sur le genre. En outre, l'Office national de la statistique a réalisé en 2011 une enquête nationale de référence sur ces violences. Attirant l'attention sur un certain nombre d'autres initiatives en cours de mise en œuvre dans le domaine des violences basées sur le genre, Mme Ould Moma a fait état de l'élaboration d'un projet de loi sur ces violences en vue de son adoption fin 2014, ainsi que de la promulgation de deux fatwas interdisant les mutilations génitales féminines et de l'élaboration d'un plan d'action national sur les violences basées sur le genre (2014-2018). Elle a également attiré l'attention sur la généralisation des cellules régionales pour le traitement et la résolution des litiges familiaux en 2013. La participation des femmes au développement est prise en considération par le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté, a insisté la ministre.

Dotée d'une législation nationale interdisant l'exploitation des femmes, la République islamique de Mauritanie observe des normes de droit musulman qui protègent la dignité de la femme et sanctionnent sévèrement le tourisme sexuel, le proxénétisme, la pédophilie et la pornographie, notamment, a par ailleurs indiqué la ministre. Le code pénal, la loi sur la traite des personnes et la loi sur le trafic illicite des migrants concourent à renforcer une législation déjà sévère en matière d'exploitation des personnes. Plusieurs centres de prise en charge des survivantes de l'exploitation sexuelle encadrent psychologiquement et socialement les femmes concernées afin d'assurer leur pleine réinsertion dans la société et leurs familles d'origine; ces centres sont gérés par des organisations non gouvernementales appuyées par l'État et les partenaires techniques et financiers.

Mme Ould Moma a fait valoir que d'importants efforts ont été déployés pour favoriser l'autonomisation des femmes, au nombre desquels figurent la redynamisation des institutions de microfinance; la création de la Caisse de dépôts et de développement, qui accorde une priorité aux femmes dans l'octroi des crédits; ou encore les programmes d'activités génératrices de revenus au bénéfice, notamment, des femmes chefs de ménages et des femmes vivant en milieu rural. Tous ces programmes sont financés par l'État, a-t-elle précisé.

Dans le domaine de l'éducation, le taux brut de scolarisation en 2012-2013 était de 99,3%, soit 102,5% pour les filles contre 95,9% pour les garçons; quant au secondaire, ce taux est passé de 24,9% en 2009-2010 à 29,5% en 2012-2013. Dans le domaine de la santé, les efforts consentis par le Gouvernement ont permis d'améliorer en quantité et en qualité l'accès à la santé des citoyens en général et des femmes en particulier. La couverture sanitaire est de 74% dans un rayon de 5 km; le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans est de 114 pour 1000; et le taux de mortalité maternelle est de 626 pour 100 000 naissances vivantes. Quant à la prévalence du VIH/sida, elle est de 0,7% chez les 15-24 ans et de 0,4% chez les femmes enceintes. S'agissant de l'accès à l'eau potable, les infrastructures réalisées en 2013 et en cours d'exécution permettent à 58% de la population un accès à une source d'eau potable améliorée.

La ministre a déclaré que «la mise en œuvre des dispositions de la Convention révèle que la Mauritanie a enregistré des avancées considérables et qu'elle ne pourra gagner le pari de la promotion et la protection des droits de la femme que si elle parvient à relever certains défis» d'ordre économique (notamment la pauvreté, le développement du secteur privé, des infrastructures et des sources de la croissance), social (par le renforcement de l'accès des femmes et des jeunes filles à l'éducation, à la santé, à l'emploi, à l'eau potable et à l'assainissement) et sécuritaire. Conscient de cet enjeu, a-t-elle assuré, le Gouvernement a déjà élaboré et met en œuvre les stratégies nécessaires pour relever ces défis qui sont pris en considération par le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté et intégrés comme priorités dans les discussions de l'agenda post-2015.

En conclusion, la Ministre des affaires sociales, de l'enfance et de la famille a fait part de la décision prise par la Mauritanie de lever la réserve générale sur la Convention et de la remplacer par une réserve spécifique relative à l'alinéa a) de l'article 13 (droit aux prestations familiales) et à l'article 16 (mariage) de la Convention.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un membre du Comité a souligné qu'il convient de mettre fin à un certain nombre de pratiques telles que les mutilations génitales féminines, la polygamie, l'alimentation forcée et autres pratiques telles que les violences basées sur le genre, et a souhaité savoir quelles mesures ont été prises à cet égard. Le pays envisage-t-il d'introduire dans sa législation une définition de la discrimination contre les femmes qui soit conforme à l'article premier de la Convention?

Une autre experte a souhaité savoir si la Mauritanie avait envisagé la création d'un ministère chargé de l'égalité entre hommes et femmes ou de l'autonomisation de la femme, et si des dispositions ont été prises pour répondre aux besoins particuliers des femmes marginalisées telles que celles qui travaillaient comme esclaves par le passé ou encore les femmes âgées.

Un membre du Comité a demandé si la Mauritanie avait prévu d'accéder au Protocole facultatif se rapportant à la Convention. L'experte a également voulu savoir si la disposition prévoyant que les témoignages et preuves apportés par deux femmes valent ceux d'un homme est toujours en vigueur.

Tout en félicitant la Mauritanie pour les progrès que le pays a enregistrés, une experte a soulevé la question de l'accès des femmes à la justice. Elle a demandé quelles mesures ont été prises par les autorités mauritaniennes pour que l'ensemble des femmes du pays aient accès à la justice, quelle que soit leur appartenance ethnique.

Une experte a estimé que la Mauritanie disposait désormais d'une «masse critique» de femmes intégrées au niveau politique, au niveau des municipalités et du parlement, qui peuvent aider à mener une grande campagne culturelle en faveur de la promotion des droits des femmes. Au-delà des mesures spéciales, les autorités mauritaniennes doivent désormais promouvoir une politique qui soit bien comprise par tous les hommes et toutes les femmes, par l'ensemble de la société et qui soit efficace pour transformer la vision mauritanienne concernant les droits de la femme, a insisté cette experte.

Comment certains projets de loi en cours d'élaboration envisagent-ils de définir le viol, a demandé une experte? Elle s'est également enquise de l'action menée par les autorités mauritaniennes pour contrer le phénomène de l'alimentation forcée - gavage - qui touche les jeunes filles.

Déplorant que peu d'affaires d'esclavage aient été portées devant la justice, une experte a rappelé que la lutte contre l'impunité est essentielle pour mettre un terme à ces pratiques. Attirant notamment l'attention sur les réfugiés de l'Ouest de l'Afrique qui sont des victimes de trafic, elle a souhaité savoir si la Mauritanie a réalisé ou envisage de réaliser une étude portant sur la traite de personnes.

Une autre experte s'est inquiétée de la pénalisation de la prostitution en Mauritanie, rappelant qu'une telle pénalisation est inefficace, quel que soit le pays concerné. Les femmes qui se livrent à la prostitution en Mauritanie sont arrêtées et peuvent même être expulsées du pays; si une Mauritanienne est prise en flagrant délit de prostitution à plusieurs reprises, elle peut être jetée en prison, a rappelé l'experte. Les autorités mauritaniennes sont-elles susceptibles d'envisager une dépénalisation de la prostitution?

Une experte a souhaité savoir si un enfant né d'une femme mauritanienne hors du territoire mauritanien pouvait obtenir la nationalité mauritanienne. Elle a par ailleurs constaté qu'une femme étrangère épousant un Mauritanien pouvait être naturalisée après cinq ans de mariage et de résidence continue en Mauritanie alors que l'étranger épousant une Mauritanienne n'acquiert la nationalité mauritanienne qu'après dix années de mariage et de séjour dans le pays.

S'inquiétant d'un taux d'analphabétisme important chez les jeunes filles mauritaniennes, une experte a insisté sur la nécessité de garantir aux filles un accès équitable à l'enseignement, notamment secondaire. Plusieurs expertes se sont en outre inquiétées du faible taux de participation des femmes à la vie active, c'est-à-dire à l'emploi, dans le pays.

Une experte a fait observer que le taux de mortalité maternelle en Mauritanie est l'un des plus élevés du monde, de sorte que l'objectif du Millénaire pour le développement numéro 5 est loin d'avoir été atteint dans le pays. En Mauritanie, l'avortement est illégal et peut être sanctionné d'une forte amende voire d'une peine allant d'un à cinq ans d'emprisonnement. Elle a demandé si l'avortement est possible si la vie de la mère est en danger, ainsi qu'en cas d'inceste ou de viol.

Les autorités mauritaniennes ont-elles l'intention de mettre en place un système de microcrédit durable permettant aux femmes de pouvoir espérer avoir accès aux services dont elles ont besoin en la matière et d'améliorer ainsi leur niveau de vie?

Une experte s'est inquiétée de la grande proportion de femmes se mariant en Mauritanie avant l'âge de 18 ans, voire de 15 ans. Les pratiques de mariage forcé dans ce pays ressemblent beaucoup à la traite de personnes, a-t-elle soupçonné.

Réponses de la délégation

S'agissant de savoir si la Mauritanie a l'intention d'accéder au Protocole facultatif se rapportant à la Convention, la délégation a souligné que le Gouvernement est engagé dans une politique de promotion des droits des femmes qui s'est notamment manifestée par la ratification de nombre d'instruments intéressant ces droits. Pour ce qui est plus précisément du Protocole, le Gouvernement compte examiner cette demande du Comité.

En ce qui concerne la question de l'alignement de la législation nationale sur les dispositions de la Convention, la délégation a rappelé que la Mauritanie était un pays de tradition moniste et que les conventions internationales dûment ratifiées prévalent sur la loi nationale; ainsi, la Convention fait-elle partie du droit national.

Jusqu'en 2004, la question des violences était taboue en Mauritanie; on ne pouvait pas parler des mutilations génitales féminines. Mais depuis 2007, on constate que beaucoup de progrès ont été faits, a assuré la délégation. Un programme national d'abandon des mutilations génitales féminines a été adopté qui favorise l'abandon volontaire par les communautés, a-t-elle précisé. Elle a aussi attiré l'attention sur l'adoption du Plan national d'action contre toutes les formes de violence basées sur le genre pour les années 2014-2018. La délégation a en outre attiré l'attention sur le projet de loi-cadre regroupant la prévention de toutes les formes de violences - physique, sexuelle ou psychologique - faites aux femmes et, si la prévention échoue, la sanction des coupables ainsi que la prise en charge des victimes.

C'est le Ministère des affaires sociales, de l'enfance et de la famille qui est chargé de la coordination de l'ensemble des actions relatives à la promotion des droits des femmes; son budget a été multiplié par cinq depuis 2007. La délégation a attiré l'attention sur la «stratégie nationale du genre» de la Mauritanie, qui s'appuie sur une cartographie du pays permettant de connaître les disparités entre les sexes dans tous les secteurs.

Les actions en faveur de l'autonomisation économique des femmes prennent notamment la forme de l'octroi de microcrédits soit aux femmes chefs de famille elles-mêmes, soit en appui direct aux coopératives de femmes, a par ailleurs indiqué la délégation.

S'agissant de la situation des femmes appartenant à des minorités ou à des groupes défavorisés, la délégation a assuré que la législation nationale mauritanienne ne contient aucune disposition discriminatoire contre les femmes, quelles qu'elles soient, y compris handicapées ou membres de minorités.

La législation mauritanienne, il est vrai, sanctionne le viol sans le définir, ce à quoi entend remédier un projet de loi actuellement à l'étude. Il n'en demeure pas moins qu'en Mauritanie, pour tout ce qui n'a pas été défini, il faut revenir à la charia, laquelle considère comme viol toute relation sexuelle non consentie, a fait valoir la délégation. C'est au juge qu'il appartient de déduire des moyens de preuves qui lui sont apportés et des éléments de preuves qu'il parvient lui-même à réunir s'il y a eu viol ou non. Le viol est un crime – et non un délit; il y a obligatoirement ouverture d'une instruction pour ce crime, a insisté la délégation.

En droit musulman, la prostitution est une exploitation, une forme de traite, une atteinte à la personne, a par ailleurs rappelé la délégation. Mais ce sont les organisateurs de ce métier, les proxénètes, qui sont les premiers visés par la répression de cette atteinte à la personne, a-t-elle souligné. La prostitution constitue un délit et n'est donc passible que de sanctions inférieures à cinq années d'emprisonnement; en revanche, le proxénétisme est un crime et passible en tant que tel de peines allant de cinq à vingt ans d'emprisonnement. La délégation a ensuite fait part de l'intention du pays de mettre en place, en collaboration avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, un plan d'action contre la traite de personnes. La Mauritanie étant devenue une «route pour l'Europe», nombre de femmes séjournent provisoirement dans ce pays, a poursuivi la délégation. Mais avec la militarisation du contrôle des frontières, ce séjour provisoire a tendance à durer et nombre de femmes s'adonnent alors à la prostitution; elles peuvent être expulsées lorsqu'elles ne peuvent produire des papiers en règle.

S'agissant de la pratique du «gavage», ou d'alimentation forcée, la délégation a expliqué qu'il s'agissait d'une tradition héritée du passé qui n'existe plus dans le pays, pas même en zone rurale, car «aujourd'hui toutes les femmes veulent être fines et élégantes». Il s'agit donc d'une pratique ancestrale qui est en train d'être éradiquée, a par la suite ajouté la délégation.

La délégation a ensuite souligné que l'esclavage en Mauritanie a été aboli et qu'il est interdit et sévèrement réprimé par la loi. L'esclavage a toutefois laissé des séquelles importantes auxquelles le Gouvernement s'attaque afin de les éradiquer totalement, en particulier par le biais de l'Agence TADAMOUN. La justice a été saisie d'une trentaine de cas d'esclavage dont six ont abouti à une sanction, a précisé la délégation. La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur un arrêté en date de 2012 qui vise à réglementer le travail des femmes et jeunes filles domestiques en Mauritanie.

S'agissant des questions de nationalité, la délégation a notamment indiqué que la législation en vigueur depuis l'indépendance énonce le principe de l'interdiction de la double nationalité, même si quelques ajustements ont pu être apportés par la suite en la matière. Ainsi, la femme étrangère mariée à un Mauritanien doit justifier d'un séjour de cinq années dans le pays pour pouvoir être naturalisée, tout en jouissant aussi, depuis 2010, de la possibilité de garder sa nationalité d'origine.

La délégation a indiqué que la Mauritanie compte actuellement 74 000 réfugiés en provenance du Mali; à ce jour, aucun réfugié arrivé en Mauritanie n'a été refoulé, ni n'a fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière. Ces réfugiés bénéficient des services de base, notamment en termes sanitaires, a fait valoir la délégation.

Pour garantir à tous les enfants une éducation primaire, le Gouvernement mauritanien a pris un certain nombre de mesures. Il convient de rappeler au préalable qu'en vertu de la loi en vigueur, l'éducation est obligatoire entre les âges de six ans à quatorze ans pour les enfants des deux sexes. D'autre part, une stratégie nationale de développement de l'éducation s'articule autour de trois axes: amélioration de la qualité de l'enseignement; renforcement de l'accès à l'éducation; et amélioration de la gestion et de la gouvernance du secteur éducatif en privilégiant une gestion axée sur les résultats. La délégation a par ailleurs indiqué que, dans l'enseignement supérieur, le nombre d'étudiants dépasse actuellement les 20 000.

Il est vrai que les femmes restent «le parent-pauvre en ce qui concerne l'emploi», a reconnu la délégation. Mais des mesures ont été prévues pour «rattraper le terrain» perdu et permettre aux femmes d'occuper une place sur le marché de l'emploi, a-t-elle aussitôt ajouté, avant de rappeler la place importante qu'occupe le secteur informel dans l'économie du pays. Par ailleurs, les femmes créent elles-mêmes de très nombreuses entreprises, comme des salons de coiffure et autres boutiques en tous genres, a précisé la délégation. Dans toutes les capitales régionales du pays, des centres de formation professionnelle accueillent aussi bien des filles que des garçons, a-t-elle en outre indiqué.

Les femmes ont accès aux microcrédits sur un pied d'égalité avec les hommes et, selon les instructions qui ont été données aux banques, elles ont même la priorité sur les hommes dans ce domaine, a fait valoir la délégation.

S'agissant des questions de santé, la délégation a fait observer que si les taux de mortalité maternelle en Mauritanie sont certes élevés, ils ont sensiblement baissé ces dernières années. Les allocations budgétaires du Ministère de la santé atteignent désormais 4,4% du budget national, soit une hausse sensible par rapport aux années précédentes, a en outre fait valoir la délégation. Elle a par ailleurs attiré l'attention sur la politique de santé génésique mise en place par les autorités mauritaniennes. Elle a également rappelé la mise en place d'une Commission nationale de lutte contre le sida.

La délégation a enfin indiqué que les derniers chiffres disponibles concernant les mariages de mineurs font état d'un taux de 5% des mariages contractés avant l'âge de 15 ans et de 16% avant l'âge de 18 ans.

La Mauritanie est un pays islamique modéré, a affirmé la délégation en conclusion, ajoutant ne pas croire que la religion du pays limite les libertés; ce sont seulement les extrémistes religieux qui limitent les libertés.


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CEDAW14/009F