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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME SE PENCHE SUR LA LIBERTÉ D'OPINION ET D'EXPRESSION ET SUR LE DROIT DE RÉUNION ET LA LIBERTÉ D'ASSOCIATION

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a examiné cet après-midi les rapports du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, M. Frank La Rue, et du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association, M. Maina Kiai.

M. La Rue a indiqué que son rapport annuel portait notamment l'attention du Conseil sur la question de savoir comment les acteurs politiques peuvent communiquer leurs messages face aux restrictions ou censures, et dans quelle mesure la participation à la vie politique est possible si l'accès à l'information est compromis. Le Rapporteur spécial a souligné que la communication politique doit être réglementée afin d'éviter que certains groupes influents n'en excluent d'autres. Mais il faut aussi veiller à ce que la réglementation ne compromette pas le droit à la liberté d'expression. Le rapport constate que le droit international offre un cadre contenant des dispositions très claires pour la conception et l'application de réglementations respectueuses des principes du pluralisme et de la transparence et garantissant la redevabilité. M. La Rue a par ailleurs rendu compte des missions qu'il a effectuées au Monténégro, dans l'ex-République yougoslave de Macédoine et en Italie. Ces trois pays ont ensuite réagi aux rapports les concernant.

Au cours du débat, les États ont généralement souligné que le droit à la liberté d'expression est un des garants fondamentaux de la vie démocratique. Certains États ont estimé qu'une trop grande liberté risquant d'entraîner des violences et des discriminations, les lois contre les discours de haine raciale jouent un rôle essentiel pour le bon déroulement des processus électoraux. Plusieurs délégations ont demandé au Rapporteur spécial des précisions sur les paramètres qui doivent régir la réglementation du discours politique dans le cadre des élections. Une délégation a souligné que les droits dont les personnes jouissent dans la vie réelle doivent s'appliquer aussi sur Internet.

Le droit de réunion pacifique et la liberté d'association n'ont guère évolué depuis son dernier rapport au Conseil, a déploré M. Kiai. Il est au contraire alarmant de constater que de nombreux États persistent dans le harcèlement, les intimidations, la criminalisation et les attaques physiques contre des membres de la société civile. Plusieurs gouvernements continuent d'élever des obstacles et de restreindre l'activité et le financement d'organisations qui expriment des opinions considérées comme dissidentes. Le Rapporteur spécial s'est réjoui par contre de l'adoption, par la Commission de l'Union africaine des droits de l'homme et des peuples, d'une résolution portant sur les personnes LGBT, espérant que cette initiative inspirerait le Conseil des droits de l'homme. La Rapporteur spécial a également rendu compte de sa mission au Rwanda, dont la délégation a fait une déclaration à titre de pays concerné.

De nombreux intervenants ont souligné que, s'il revient à l'État d'encourager et de protéger la liberté d'expression, les citoyens doivent, eux, respecter la loi. Ils ont aussi relevé que tous les acteurs de la démocratie sont tenus d'exercer leurs droits dans le respect des législations nationales pertinentes, des exigences de la sécurité nationale voire des valeurs de la morale publique. Les délégations se sont par ailleurs dites d'accord sur la nécessité de créer des espaces de pluralisme dans le débat public et ont demandé au Conseil de se pencher sur les difficultés rencontrées par certaines personnes pour participer aux processus électoraux, notamment les migrants en situation irrégulière.

Les délégations suivantes ont participé au débat avec les deux experts : Éthiopie (au nom du Groupe africain), Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Sierra Leone, Autriche, Maroc, République tchèque, Brésil, République de Corée, Estonie, Pologne, Égypte, France, Indonésie, Australie, Viet Nam, Angola, Guatemala, Canada, Cuba, Pays-Bas, Suisse, Royaume-Uni, Norvège, Irlande, Malaisie, Venezuela, Belgique, Mexique, États-Unis, Union européenne.

Plusieurs délégations ont exercé le droit de réponse en fin de séance: Bahreïn, République de Corée, Syrie, Maroc, Fédération de Russie, Égypte, Algérie, Ukraine et Arabie saoudite.


La matinée de demain sera consacrée, à partir de 9 heures, à une réunion-débat portant sur la sécurité des journalistes. Le Conseil devrait ensuite achever le débat ouvert cet après-midi avec M. La Rue et M. Kiai, avant d'entamer l'examen de rapports sur le droit à la santé, sur les droits de l'homme et les sociétés transnationales, sur la violence à l'égard des femmes et sur l'extrême pauvreté.


Droit à la liberté d'opinion et d'expression, droit de réunion pacifique et liberté d’association

Présentation de rapports

M. FRANK LA RUE, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, a indiqué que son rapport thématique porte, cette année, sur les instruments juridiques à même de réguler la communication politique et la liberté d'opinion et d'expression dans les processus électoraux. La question est notamment de savoir comment les acteurs politiques peuvent communiquer dès lors que leurs messages sont censurés ou contrôlés, et dans quelle mesure la participation à la vie politique est possible si l'accès à l'information est compromis. Le Rapporteur spécial relève que la communication politique doit être réglementée afin d'éviter que les groupes les plus influents n'excluent les autres. Mais il faut, simultanément, veiller à ce que la réglementation ne compromette pas le droit à la liberté d'expression, a mis en garde de Rapporteur spécial. Le rapport de M. La Rue décrit un certain nombre de facteurs structurels, juridiques et pratiques qui entravent la liberté d'expression pendant les processus électoraux. Le Rapporteur spécial observe que des préoccupations existent dans toutes les régions: violence contre les personnes chargées de l'information du public, imposition de restrictions excessives au discours politique et à l'indépendance de la presse, manque de diversité dans la vie politique et dans les médias.

Le Rapporteur spécial constate que les États répondent de manière très diverse à ces problèmes, s'agissant notamment de la réglementation du financement des campagnes électorales. Le rapport insiste sur le fait que le cadre international des droits de l'homme n'est pas prescriptif en matière d'élaboration des législations nationales. Par contre, le cadre donne des indications très claires pour la conception et l'application des réglementations concernant le pluralisme, la transparence et la responsabilité. Le rapport souligne que la réglementation de la communication politique et électorale peut tout aussi bien faciliter qu'entraver la jouissance du droit à la liberté d'expression. C'est pourquoi les États doivent évaluer soigneusement l'incidence de chaque norme et veiller à trouver un équilibre entre l'aménagement de la liberté d'expression au profit de la liberté de parole de chaque intervenant, d'une part, et la liberté des médias en tant qu'intervenants indépendants.

M. La Rue a ensuite rendu compte des visites qu'il a effectuées au Monténégro, dans l'ex-République yougoslave de Macédoine et en Italie.

Le Rapporteur spécial a ainsi constaté que le Monténégro a mené des réformes juridiques visant à améliorer la protection du droit à la liberté d'expression. M. La Rue note que l'application des nouvelles normes n'est pas complètement satisfaisante et que la sécurité des journalistes dans le pays reste un motif de préoccupation. Il constate également que les autorités utilisent la loi sur la diffamation pour cibler des médias perçus comme critiques de l'action du Gouvernement. Le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement de dégager les ressources nécessaires aux activités de la nouvelle commission chargée de vérifier le bon déroulement des enquêtes au sujet des agressions contre des journalistes.

Dans l'ex-République yougoslave de Macédoine, le Rapporteur spécial a constaté avec inquiétude le rétrécissement de l'espace dévolu aux médias indépendants dans ce pays. Il semble ainsi que certains médias fassent l'objet, depuis trois ans, de restrictions excessives, comme en témoignent la condamnation à la prison d'un journaliste ayant lu une déclaration et l'interruption des activités d'un émetteur et de trois journaux en 2011. Le Rapporteur spécial recommande aux autorités d'examiner avec soin toutes les allégations concernant l'application arbitraire de sanctions contre les médias, et de prendre les mesures nécessaires pour garantir l'indépendance politique des institutions chargées d'appliquer la réglementation relative aux médias.

Concernant sa visite en Italie, le Rapporteur spécial recommande aux autorités de ce pays de procéder à la dépénalisation complète de la diffamation, qui ne serait alors plus poursuivie qu'au civil, afin de ne pas entraver la liberté d'expression; et de veiller à ce que le délit d'insulte à un fonctionnaire soit supprimé du code pénal. Le Rapporteur spécial recommande également que le Parlement crée un mécanisme qui garantirait la transparence totale dans l'élection des membres du Conseil d'administration de la RAI (télévision nationale). M. La Rue relève avec préoccupation des manifestations de haine dans le discours public en Italie. Simultanément, il réitère son plein appui aux efforts du Ministère de l'intégration pour sensibiliser la population italienne aux exigences de la lutte contre la discrimination. L'expert estime, à cet égard, que l'action juridique doit être complétée par un ensemble de mesures d'autre nature propices à un authentique changement dans les mentalités.

Le Conseil est saisi du rapport sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression (A/HRC/26/30 à paraître , une version anticipée en anglais est disponible) ainsi que des rapports sur les missions menées par le Rapporteur spécial au Monténégro (A/HRC/26/30/Add.1 - en anglais avec un résumé en français), en ex-République yougoslave de Macédoine (A/HRC/26/30/Add.2 - en anglais avec un résumé en français) et en Italie (A/HRC/26/30/Add.3 - en anglais avec un résumé en français).

M. MAINA KIAI, Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association, a déclaré que le droit de réunion pacifique et la liberté d'association n'ont guère significativement évolué depuis son dernier rapport au Conseil. Il est au contraire alarmant de constater que de nombreux États persistent dans le harcèlement, les intimidations, la criminalisation et les attaques physiques contre les personnes de la société civile. Des gouvernements continuent de mettre des barrières et de restreindre l'activité et le financement des organisations qui n'expriment pas des opinions considérées comme favorables, a-t-elle dit. Le Rapporteur spécial s'est ensuite réjoui de l'adoption par la Commission de l'Union africaine sur les droits de l'homme et des peuples portant sur les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT), tout en émettant le vœu de voir cette résolution inspirer le Conseil. Cela est d'autant plus souhaitable que ce groupe de personnes, comme d'autres groupes vulnérables et marginalisés comme les personnes handicapées, les minorités ethniques ou linguistiques, les syndicalistes ou les défenseurs des droits de l'homme sont toujours victimes de discrimination et de violence de la part d'acteurs étatiques et non étatiques.

M. Kiai a également souligné que de nombreuses lois dans le monde ont clairement été adoptées pour restreindre la liberté d'association et le droit de réunion pacifique, notamment en Malaisie, au Myanmar ou encore au Nigéria et en Fédération de Russie. Ces lois visent par exemple explicitement les personnes LGBT en leur déniant le droit de réunion et d'association. Il y a également des lois, à l'apparence neutres, mais qui en réalité visent les mêmes fins, comme en Égypte où les femmes portant un voile sont interdites de participer à des assemblées publiques, ou encore au Myanmar où sont interdites les réunion de plus de cinq personnes dans l'État de Rakhine où vit la minorité Rohingya, musulmane.

La liberté d'association n'est pas en meilleure situation, a poursuivi M. Kiai, car elle aussi connaît des restrictions. Ainsi, à Singapour ou en Bolivie, les travailleurs migrants n'ont pas le droit de former des associations ou des syndicats. En Turquie et au Costa Rica, ce sont les enfants qui ne sont pas autorisés à rejoindre certaines associations. Ces lois affectent de manière disproportionnée les groupes vulnérables, a souligné le Rapporteur spécial, ajoutant que cela devenait un problème croissant. Si les États ont le droit légitime de combattre le terrorisme, ils ne doivent pas utiliser les lois sécuritaires pour réprimer les activités des groupes marginaux et des minorités.

S'agissant de la mission qu'il a effectuée au Rwanda, le Rapporteur spécial a souligné les efforts du Gouvernement pour reconstruire des institutions et leur fournir des moyens tant financiers qu'humains. Il a également mis en place des institutions pour le maintien de la paix, de la sécurité et la stabilité dans le pays. Cependant le Rapporteur spécial reste préoccupé par l'espace limité accordé aux voix critiques et discordantes dans la société. Le «consensus» qui prévaut au Rwanda reste conduit par le parti au pouvoir et de fait, décourage les critiques ou la dissension, y compris la plus modérée a-t-il observé. En dépit de la reconnaissance du droit d'assemblée et de réunion pacifique par la Constitution, dans la pratique, les réunions sont soumises à l'autorisation préalable du Gouvernement et les manifestations dissidentes ne sont pas autorisées et tout contrevenant risque une peine de prison, a encore dit M. Kiai, appelant le Rwanda à réviser ces lois.

Le Conseil est saisi du rapport sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association (A/HRC/26/29 à paraître en français) ainsi que d'un rapport sur sa mission au Rwanda (A/HRC/26/29/Add.2 à paraître).

Pays concernés

Répondant au rapport sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression, l'Italie s'est dite attachée à la défense de la liberté d'opinion au plan national et international, consacrée dans la Constitution italienne. L'Italie avait intensifié ses efforts en matière de diffamation pour équilibrer la protection de l'honneur de la personne et la liberté d'expression. Elle considère comme fondamentale la protection de la diversité des médias et le pluralisme. Ainsi, des seuils nationaux antitrust viennent compléter les dispositions européennes en la matière. De fait, l'Italie est l'un des pays qui possèdent le plus grand nombre de chaînes de télévision. En outre, une réforme de 2013 a renforcé la transparence des administrations publiques. Enfin, l'Italie renforce sa lutte contre les discours haineux.

Le Monténégro a déclaré avoir déjà apporté des commentaires au rapport présenté par M. La Rue. Il a rappelé qu'il avait pris depuis son indépendance en 2006 un certain nombre de mesures pour assurer la liberté d'expression, tout en reconnaissant la persistance de nombreux problèmes qu'il juge inhérents à tous les pays en transition. Le Monténégro a en outre dû mener de nombreuses réformes dans la perspective de son intégration européenne. Estimant que certaines n'avaient pas été prises en compte par le Rapporteur spécial, le représentant a rappelé que le pays avait dépénalisé la diffamation. Le gouvernement a tenté à trois reprises de privatiser le journal «Pableva», mais sans succès. Le fait que les investisseurs privés n'aient pas manifesté d'intérêt ne saurait être reproché au gouvernement. Un groupe de travail a été mis en place pour enquêter sur les crimes et délits commis à l'encontre des journalistes, dont la protection demeure une priorité. Le Monténégro appuie les normes internationales en matière de journalisme et a l'intention de promouvoir les droits et valeurs liés à la liberté d'expression.

L'ex-République yougoslave de Macédoine a rappelé son attention en faveur de la promotion et la protection de tous les droits de l'homme. C'est pourquoi elle a entrepris ces dernières années de nombreuses réformes dans le domaine de la liberté d'opinion et d'expression. La liberté d'opinion offre en outre une dynamique qui permet d'autres progrès, notamment économiques. Le Gouvernement de l'ex-République yougoslave de Macédoine a présenté des commentaires aux conclusions du rapport de M. La Rue. Après un vaste processus de consultations en 2013 avec les medias, ainsi qu'avec l'Union européenne et le Conseil de l'Europe, de nouveaux amendements à la loi sur les medias ont été adoptées au début de cette année, qui sont favorables à la liberté d'expression, y compris pour promouvoir le respect des minorités culturelles et garantir un service de qualité. Les restrictions à la liberté des médias doivent être conformes à la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme.

S'agissant du rapport sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association, le Rwanda a déclaré avoir présenté ses observations après examen du rapport. Il apprécie que le Rapporteur spécial ait reconnu de nombreux progrès et prend note de ses recommandations. Le génocide de 1994 a laissé une trace indélébile et, depuis 20 ans, le Gouvernement s'efforce de promouvoir l'unité et la réconciliation de tous les Rwandais et d'éradiquer l'esprit du génocide. La liberté d'association est garantie par la Constitution, ainsi que la liberté de réunion pacifique et non armée dans le cadre de la loi. Le Rwanda est en outre partie à plusieurs instruments internationaux des droits de l'homme. Le Rwanda est convaincu que les Rwandais sont mieux munis aujourd'hui pour faire face à l'héritage du génocide et est tout disposé à poursuivre les discussions avec le Rapporteur spécial.

Débat interactif sur la liberté d'opinion et d'expression

L'Autriche a salué le travail et l'attention considérables que le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression a consacrés à la situation des journalistes et des médias dans le monde. L'Autriche rejoint l'expert dans ses conclusions à ce propos et estime important d'éviter aussi bien les pressions politiques sur les médias que leur concentration excessive dans les mêmes mains. Le Brésil a estimé que le droit à la liberté d'expression est un des garants fondamentaux de la vie démocratique, ajoutant que les droits dont les personnes jouissent dans la vie réelle doivent s'appliquer, de même, en ligne sur Internet.

La République tchèque a souligné la qualité nécessaire de l'information diffusée pendant les périodes électorales. La République de Corée a demandé aux États de réprimer activement les discours qui incitent à la haine raciale ou contre certains groupes de citoyens. L'Estonie a voulu savoir si la réglementation des communications politiques préconisée par le Rapporteur spécial concerne aussi l'activité de presse sur Internet.

L'Union européenne a demandé aux États de répondre de manière positive à toutes les demandes de visite du Rapporteur spécial. L'Union européenne estime que la liberté d'expression porte également sur les publicités et les discours politiques pendant les campagnes électorales.

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, estime que la liberté d'expression joue un rôle essentiel dans la vie politique. Mais une trop grande liberté risque d'entraîner des violences et des discriminations. C'est pourquoi les lois contre les discours de haine raciale jouent un rôle essentiel pour le bon déroulement des processus électoraux. Le Rapporteur spécial a été prié de préciser s'il faudrait compléter les systèmes de contrôle autorégulés par des mécanismes internationaux. L'Égypte s'est interrogée sur les paramètres qui doivent régir cette forme de réglementation.

La Sierra Leone a rappelé qu'il n'est pas facile de faire appliquer équitablement le principe de liberté d'expression dans le contexte d'élections, surtout quand certains se livrent sous ce prétexte à la diffamation pour nuire à des adversaires politiques. Le Maroc a insisté sur la nécessité d'adopter des instruments de réglementation de la vie politique, afin notamment de protéger la qualité et l'ouverture de la communication dans les processus électoraux, qu'il s'agisse du financement des dépenses ou encore du contrôle du temps de parole dans les médias.

La violation du droit à la liberté d'expression, en particulier dans le cadre d'une élection n'est rien de moins qu'une violation des valeurs démocratiques a estimé le représentant de la France, soulignant que l'absence de liberté d'expression est de nature à entacher la sincérité d'une élection. Partageant le même avis, l'Indonésie, qui vient de tenir des élections législatives a souhaité savoir comment faire en sorte d'éviter la concentration des médias, lorsque par exemple les propriétaires de journaux et autre organes de presse sont également candidats à des élections.

Le rôle de la presse est important, a pour sa part reconnu Cuba, tout en insistant sur le fait que la presse doit respecter une éthique, en particulier en période électorale. Il faut en effet que l'exercice de la liberté d'expression respecte le droit national, y compris dans le contexte des élections, a insisté le représentant du Viet Nam, avant de demander comment prévenir les abus du droit à la liberté d'expression.

S'il faut les prévenir les abus du droit à la liberté d'expression, il faut aussi des mécanismes pour assurer que les droits des dissidents sont respectés, a poursuivi l'Australie. Dans ce contexte, comment mieux protéger les journalistes dans les contextes électoraux, s'est demandé la délégation. Il reste que chaque État a le droit d'adopter des législations pour se prémunir des abus, a dit la délégation du Guatemala.

Le Venezuela a affirmé que la liberté d'expression n'y connaissait d'autres limitations que celles imposées par la Constitution et la loi, ajoutant qu'aucun journaliste n'avait été arrêté dans le pays pour avoir exercé son métier.

La Norvège a demandé au Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression ce qui pourrait être fait de plus pour que chacun puisse faire entendre sa voix lors des élections. La Belgique lui a demandé de détailler les mesures qui pourraient être prises pour éviter que des groupes criminels n'utilisent les fonds publics des campagnes électorales pour acquérir une influence politique.

Le Mexique s'est dit d'accord sur la nécessité de créer des espaces de pluralisme dans le débat public et a mis l'accent sur les avancées de ses récentes réformes électorales dans le pays. Il a souhaité que le Conseil des droits de l'homme se penche sur les difficultés rencontrées par certaines personnes pour participer aux scrutins électoraux, par exemple les migrants, notamment ceux en situation irrégulière. Ceci vaut aussi pour le droit d'association des migrants sans papier.

Débat interactif sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association

L'Union européenne constate avec le Rapporteur spécial que les personnes handicapées, les femmes, les jeunes et les migrants comptent parmi les groupes les plus fragiles quant au respect du droit de réunion pacifique et de la liberté d'association. L'Union européenne a demandé au Rapporteur spécial de conseiller les États sur la proportionnalité des mesures de restrictions qu'ils prennent. Le Brésil a observé que la démocratie ne consiste pas uniquement dans le droit de vote: le droit de réunion pacifique et la liberté d'association en sont une autre composante fondamentale.

La Sierra Leone a rappelé que le droit d'assemblée pacifique est garanti par la Déclaration universelle des droits de l'homme. L'État doit encourager la liberté d'expression mais les citoyens doivent, eux, respecter la loi. L'Éthiopie, au nom du Groupe africain, a elle aussi observé que la démocratie ne consiste pas seulement dans le droit de vote: il importe que tous les acteurs de la démocratie exercent leurs droits dans le respect des droits de tous les autres membres de la société, ainsi que conformément aux législations nationales pertinentes et aux valeurs de la morale publique.

Le Maroc et le Pakistan au nom de l'Organisation de la coopération islamique ont insisté sur le respect indispensable de certains principes relatifs à la sécurité de l'État. L'OCI estime d'autre part qu'il ne convient de protéger que les droits véritablement universels, ce que ne sont pas les droits des LGBTI. L'Égypte n'accepte pas les arguments qui tendraient à créer de nouveaux droits humains en l'absence de consensus.

La Pologne et l'Autriche ont demandé au Rapporteur spécial quelles pratiques optimales il serait en mesure de recommander concernant l'organisation du débat public et politique en ligne.

La République tchèque a souscrit aux déclarations du Rapporteur spécial selon lesquelles toute discrimination fondée sur des motifs interdits doit être interdite quel qu'en soit l'auteur. L'Estonie a fait savoir que son gouvernement avait élaboré des mécanismes perfectionnés, sur Internet, simplifiant considérablement les demandes et l'octroi d'autorisation de rassemblements à caractères politiques.

L'exercice du droit de réunion pacifique et la liberté d'association ne doit pas empiéter sur les autres droits, tant ceux des États que d'autres droit individuels, a souligné le Viet Nam. Partageant de son côté l'avis du Rapporteur spécial, l'Angola a estimé que toute restriction des libertés publiques doit être motivée et conforme au droit national et international.

En tant que pays protecteur de toutes les libertés, le Canada a dénoncé les pays, membres des Nations Unies, qui violent le droit de réunion pacifique et la liberté d'association. La voix des dissidents doit être respectée, sans présager du caractère non pacifique de leurs réunions et manifestations publiques ont plaidé les Pays-Bas. Dans tous les cas, la liberté doit être la règle et les restrictions une exception, a déclaré Suisse, rejointe en cela par le Royaume-Uni.

La Malaisie a affirmé que sa loi de 2012 sur la réunion pacifique étaient inspirée des législations de plusieurs pays développées et a justifié l'interdiction faite aux enfants de moins de 15 ans de participer à de telles réunion par la nécessité de les protéger contre d'éventuelles violences. De même, l'interdiction faite aux mineurs de 21 ans d'organiser des réunions tient aux responsabilités assumées par les organisateurs.

Le Venezuela a ratifié les pactes relatifs au droit de réunion pacifique et la liberté d'association, qui s'exercent librement dans le cadre de la loi. Le Venezuela a ensuite présenté comme des activités de déstabilisation inspirées par les États-Unis les «actions terroristes» commises dans le pays depuis le début de l'année par des groupes violents qu'il a accusé de chercher à saper le gouvernement légitime. L'État vénézuélien ne renoncera pas à traduire en justice punir les auteurs de ces violences.

La Norvège estime que les personnes en situation à risque doivent voir leurs droits non seulement protégés mais facilités et demande aux États comment accorder une telle protection à ces groupes particuliers. L'Irlande a dit partager les constats du Rapporteur spécial sur droit de réunion pacifique et la liberté d'association sur la limitation de l'espace laissé à la société civile et a insisté sur la nécessité de mettre fin aux mesures, notamment financières, qui limitent cette espace. L'Irlande a souhaité connaître les bonnes pratiques en la matière. La Belgique a demandé au Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association d'expliquer en détail les mesures positives que les États pourraient prendre.

Sans nécessairement partager toutes les conclusions du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association, les États-Unis partagent un certain nombre de préoccupations. En particulier, la liberté de réunion et d'association ne doit pas être limitée par des considérations de nationalité. Les États-Unis ont demandé quels étaient les instruments dont disposait la communauté internationale pour promouvoir la liberté d'association et de réunion pacifique. Les États-Unis ont par ailleurs opposé la plus grande élection démocratique de l'histoire qui vient d'avoir lieu en Inde à l'élection fallacieuse organisée en Syrie.

Droit de réponse

Bahreïn a répondu à une déclaration faite par la Suisse, au nom de 46 pays, dans laquelle il était fait mention de plusieurs mesures, dont la création d'une institution nationale de droits de l'homme. Il a toutefois regretté que la déclaration ait été faite dans le cadre de la présentation du rapport de la Haut-Commissaire, au titre d'un point de l'ordre du jour qui ne concerne pas du tout Bahreïn. Le Gouvernement de Bahreïn s'est engagé à présenter un rapport intermédiaire sur l'application des recommandations issues de l'Examen périodique. Bahreïn a demandé au Conseil de ne pas préjuger de l'action de son gouvernement.

La République de Corée a regretté les propos de la délégation de la République populaire démocratique de Corée et déploré que ce pays ne dispose pas d'une infrastructure de droits de l'homme.

La République arabe syrienne s'est dite «surprise» par les déclarations de certaines délégations, qui visiblement veulent détruire la cohésion de la société syrienne. Ni la France, ancienne puissance coloniale, ni l'Arabie saoudite ne peuvent remettre en cause la légitimité des dirigeants syriens, qui la tient d'élections. La Syrie émet le vœu de voir l'Arabie saoudite organiser des élections un jour. L'Arabie saoudite, la France ou encore les États-Unis financent des terroristes qui agissent sur le territoire syrien. La Syrie ne veut pas de larmes de crocodiles, elle veut que cessent ces actes et le soutien à ces actes.

Le Maroc a déclaré que l'Algérie n'a aucune légitimité à parler du Sahara occidental en raison de son rôle dans cette situation. L'Algérie ne peut être juge et partie, ni parler de droits de l'homme au Sahara occidental, alors qu'elle connaît un déficit de droits de l'homme dans son pays, en particulier en Kabylie et dans les camps de Tindouf où elle est directement responsable des violation des droits de l'homme qui y ont cours.

La Fédération de Russie a déclaré que l'Union européenne est à la source de la crise en Ukraine, pas la Russie. La Fédération de Russie, qui est à l'origine de la déclaration de Genève l'a pour sa part mise en œuvre et déplore que cela ne soit pas le cas de la partie ukrainienne, qui continue d'inciter à la violence et de la perpétrer, en particulier par des frappes et incursions dans les quartiers d'habitation. La Fédération de Russie n'est pas à l'origine de ce qui se passe en Ukraine, mais elle se tient prête à aider à la sortie de crise. Il faut respecter la décision du peuple de Crimée d'appartenir à la Fédération de Russie; retenir ce peuple en otage et comme moyen d'échange est honteux.

L'Égypte, en réponse aux délégations de l'Union européenne, des États-Unis et de l'Islande, a souligné que le pays suit une transition démocratique et que son président a été élu à la suite d'un processus libre et équitable malgré la difficulté que représente la menace du terrorisme. L'Égypte accepte ses obligations découlant de ses engagements internationaux mais elle entend ne pas entraver son pouvoir judiciaire, dont elle respecte l'indépendance.

L'Algérie, répondant au Maroc, a répété que la communauté internationale devait accorder une importance particulière à la situation des droits de l'homme au Sahara occidental, comme le Secrétaire général des Nations Unies l'a lui-même mentionné dans un rapport. En outre, c'est le Conseil de sécurité qui a accordé à l'Algérie un statut d'observateur sur la situation au Sahara occidental, statut qui ne saurait être remis en cause ici.

L'Ukraine a répondu à la Fédération de Russie que la première mesure prise par le nouveau président a été de proposer un plan visant la mise en place d'un dialogue national portant notamment sur la décentralisation, des élections locales dans le Donbass et des réformes économiques. La Russie soutient le terrorisme dans l'est de l'Ukraine par l'envoi d'armes et d'hommes. Le Gouvernement ukrainien considère comme une priorité les enquêtes sur les exactions commises dans l'est de l'Ukraine, y compris à propos de l'affaire d'Odessa.

L'Arabie saoudite a regretté que la délégation syrienne dilapide le temps du Conseil des droits de l'homme avec des accusations infondées et cherche à détourner l'attention de ses exactions. La première source du terrorisme en Syrie, c'est le régime syrien lui-même, estime l'Arabie saoudite, qui rappelle avoir contribué à hauteur de 100 millions de dollars à la création d'un centre de lutte contre le terrorisme.

Le Maroc a déclaré maintenir ses propos et a réaffirmé que l'Algérie, du fait de son statut de partie prenante dans le conflit au Sahara marocain et de ses propres performances internes en matière de droits de l'homme, était mal placée pour critiquer la situation des droits de l'homme au Sahara marocain. Le Maroc assure la promotion et la protection des droits de l'homme partout sur son territoire, au nord comme au sud.

L'Algérie a de nouveau répondu au Maroc en citant notamment le rapport de Mme Pillay sur la situation au Maroc suite à sa visite sur place, qui fait plusieurs recommandations témoignant de la nécessité de faire progresser encore les droits de l'homme dans le pays.

La République arabe syrienne a dit que le monde entier sait que la Syrie lutte contre un terrorisme financé par l'Arabie saoudite. Aujourd'hui l'Union européenne est également en lutte contre les effets de ce financement, avec notamment le phénomène des jeunes djihadistes de retour de Syrie et qui commettent des attentats sur le sol européen.

L'Arabie saoudite a pour sa part refusé d'aller dans le sens de la déclaration syrienne, soulignant simplement que le Conseil de sécurité a appelé au soutien d'une transition politique en Syrie.


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HRC14/062F