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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTEND DES DIGNITAIRES DU SÉNÉGAL ET DES ÉTATS-UNIS AINSI QUE SON SECRÉTAIRE GÉNÉRAL PAR INTÉRIM

Compte rendu de séance
La Fédération de Russie et la Chine interviennent au sujet d'un projet révisé de traité sur la prévention du déploiement d'armes dans l'espace

La Conférence du désarmement a entendu, ce matin, des déclarations du Ministre des affaires étrangères du Sénégal, M. Mankeur Ndiaye, et du Sous-Secrétaire adjoint à la politique spatiale et de défense au Bureau de contrôle, de vérification et de respect des armements des Etats-Unis, M. Frank A. Rose, ainsi que les interventions de son Secrétaire général par intérim, M. Michael Møller, de la Fédération de Russie et de la Chine.

Le Ministre sénégalais des affaires étrangères a constaté avec regret le blocage persistant de la Conférence, affirmant que sa «cause première est à rechercher dans le déficit de confiance entre les membres et le manque de souplesse dans leurs positions respectives». Il a exhorté les Etats membres de la Conférence à redoubler d'efforts, aux côtés de la présidence de cette instance, afin de tirer profit de la situation actuelle plutôt propice à des progrès significatifs sur l'adoption d'un programme de travail consensuel, mais aussi sur les quatre thématiques majeures de la Conférence. M. Ndiaye exhorté les Etats qui ne l'ont pas encore fait à amplifier l'élan fondateur du vaste mouvement qui est en train de se constituer pour qu'à terme, au moyen d'un instrument international juridiquement contraignant, les armes nucléaires soient totalement interdites. Il a par ailleurs indiqué que l'Assemblée nationale de son pays venait, le 3 juin dernier, d'autoriser le chef de l'Etat à ratifier le Traité sur le commerce des armes.

Le Sous-Secrétaire adjoint américain a pour sa part indiqué que son pays était favorable à l'examen de propositions et de concepts de contrôle des armements dans l'espace qui soient équitables et effectivement vérifiables et qui favorisent la sécurité nationale des participants internationaux. Après avoir rappelé les recommandations figurant dans le rapport final présenté en juillet 2013 par le Groupe d'experts gouvernementaux sur les mesures de confiance et de transparence dans l'espace, M. Rose a apporté le soutien des États-Unis aux efforts déployés par l'Union européenne en vue de l'élaboration d'un code de conduite international sur les activités dans l'espace. Il a par ailleurs indiqué que les États-Unis allaient analyser en profondeur le projet révisé de traité sur la prévention du déploiement d'armes dans l'espace soumis par la Fédération de Russie hier après-midi.

La Fédération de Russie et la Chine sont ensuite intervenues au sujet de ce nouveau projet de traité sur la prévention du déploiement d'armes dans l'espace, que les deux pays soumettent à la Conférence.

Revenant dans le détail sur ses précédentes suggestions visant à sortir la Conférence de l'impasse, M. Møller a précisé – s'agissant de la recherche d'une base commune sur laquelle s'appuyer pour produire une convention-cadre à laquelle des protocoles seraient ensuite ajoutés – qu'une approche dite modulaire par ajout progressif d'éléments constitutifs (building-blocks) pourrait assurer l'équilibre entre, d'une part, la fixation d'un objectif clair et commun de désarmement nucléaire et, d'autre part, la flexibilité dans la réalisation graduelle de cet objectif. Il a par ailleurs expliqué qu'en proposant d'explorer des questions sur lesquelles des régimes volontaires et politiquement contraignants pourraient être négociés, il ne suggère nullement d'abandonner le mandat de négociation qui constitue le cœur de la Conférence; des exemples existent de régimes politiquement contraignants qui fonctionnent assez efficacement, a-t-il fait observer. Pour ce qui est de la proposition visant à établir un organe subsidiaire chargé d'examiner les méthodes de travail de la Conférence, M. Møller a estimé qu'il serait plus judicieux de commencer par un échange informel avant d'évoluer vers le cadre plus formel d'un organe subsidiaire lorsqu'il apparaîtrait qu'il existe une possibilité d'accord sur certaines questions. Quant à sa suggestion de convoquer un forum informel entre la Conférence et la société civile, le Secrétaire général par intérim de la Conférence a précisé qu'il est peu probable qu'un tel événement puisse être organisé avant la fin de l'année et a indiqué qu'un processus de planification, avec l'aide du Secrétariat, allait commencer dès maintenant.


La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra mardi prochain, 17 juin, à 10 heures.


Aperçu des déclarations

M. MANKEUR NDIAYE, Ministre des affaires étrangères du Sénégal, a souligné combien la Conférence est un organe clef dans le dispositif de pacification des relations internationales. «En tant que principale instance multilatérale autorisée à négocier les questions de désarmement, son fonctionnement efficient est crucial à la coopération pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales», a-t-il déclaré, ajoutant que «le processus de désarmement doit obéir à une volonté politique forte d'enrayer les risques de conflits et de catastrophes liés à l'armement et aux installations connexes à vocation militaire». Le ministre a constaté avec regret le blocage persistant de la Conférence, affirmant que sa «cause première est à rechercher dans le déficit de confiance entre les membres et le manque de souplesse dans leurs positions respectives». «Il est clair que des obstacles ou certaines oppositions, parfois farouches, tant au sein des États eux-mêmes qu'au niveau internationale, existent», a poursuivi M. Mankeur Ndiaye. Il a toutefois invité chacun à ne point se laisser gagner par le pessimisme ambiant et à ne point céder au scepticisme, pour «au moins trois bonnes raisons»: d'une part, chacun sait combien la gestion d'un dossier aussi délicat que celui du désarmement requiert patience et clairvoyance; d'autre part, il y a eu de récents développements positifs, marqués par le rétablissement du Groupe de travail informel chargé de présenter un projet de programme de travail et par l'adoption d'un calendrier d'activités pour la session courante; et enfin, la communauté internationale ne peut se complaire dans l'inaction, tant que continuent de peser sur l'humanité la menace réelle du recours aux armements, le risque quasi-permanent de conflits ou de catastrophes pouvant avoir des conséquences fâcheuses sur le monde entier. Aussi, le ministre sénégalais a-t-il exhorté les États membres de la Conférence à redoubler d'efforts, aux côtés de la présidence, afin de tirer profit de la situation actuelle plutôt propice à des progrès significatifs sur l'adoption d'un programme de travail consensuel, mais aussi sur les quatre thématiques majeures de la Conférence en général, sans omettre le désarmement nucléaire en particulier.

Le Sénégal est plus que jamais favorable à l'éradication totale des activités nucléaires à vocation militaire, a poursuivi le ministre. De même, il accueille avec beaucoup d'espoir la proposition formulée par l'Assemblée générale relative à la convocation en 2018 d'une Conférence internationale de haut niveau des Nations Unies sur le désarmement. Les deux premières conférences sur l'impact humanitaire des armes nucléaires, tenues respectivement à Oslo en 2013 et Nayarit en février 2014, ainsi que celle prévue à Vienne avant la fin de cette année, traduisent la volonté des États et acteurs participants de trouver d'autres voies et moyens efficaces permettant d'éradiquer ces types d'armes qui constituent une menace lancinante pour la vie humaine. Le risque lié à l'utilisation des armes nucléaires demeure réel au vu de leur prolifération et de leur accessibilité à des acteurs non étatiques; voilà pourquoi nous exhortons les États qui ne l'ont pas encore fait à amplifier l'élan fondateur du vaste mouvement qui est en train de se constituer pour qu'à terme, au moyen d'un instrument international juridiquement contraignant, les armes nucléaires soient totalement interdites, a indiqué M. Mankeur Ndiaye. Il a en outre demandé aux membres de la Conférence, notamment aux pays producteurs, de faire preuve de davantage de transparence dans la production, la traçabilité et la vente des armes et a lancé un appel en faveur d'une adhésion massive au Traité sur le commerce des armes. À cet égard, le Ministre sénégalais des affaires étrangères a souligné que l'Assemblée nationale de son pays venait, le 3 juin dernier, d'autoriser le chef de l'État à ratifier ce Traité, après son adoption le 13 février 2014 par le Conseil des Ministres. Le Sénégal restera mobilisé dans l'atteinte d'autres objectifs tels que la conclusion d'un instrument juridique international sur le désarmement nucléaire, le plein déploiement des garanties négatives de sécurité, la prévention de la course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique, sans oublier l'instauration, dans le cadre du TNP, de zones exemptes d'armes nucléaires, notamment au Moyen-Orient, et l'universalisation des conventions sur les armes à sous-munitions et sur les armes classiques.

Le ministre sénégalais a appuyé l'idée, soutenue par le Mouvement des Non-Alignés, de la tenue d'une Quatrième session spéciale de l'Assemblée générale consacrée au désarmement. En raison du tableau peu reluisant que projette aujourd'hui le dossier du désarmement, peut-être le moment serait-il venu pour la communauté internationale de s'accorder sur l'idée d'intégrer ce volet important dans le cadre de la réforme globale de l'ONU visant à apporter davantage de cohérence dans le fonctionnement du système, a-t-il déclaré. Les exigences de réforme en profondeur qui s'imposent dans tout le système onusien doivent justifier, comme c'est le cas pour d'autres questions telles que celles liées aux droits de l'homme et au développement durable, que soit accordée davantage de voix aux organisations non gouvernementales et à la société civile en général intervenant dans le domaine du désarmement, a insisté M. Mankeur Ndiaye. Il a précisé que c'est cet attachement au «viatique de paix globale, juste et durable» qui a conduit le Sénégal à présenter sa candidature à un siège de membre non permanent du Conseil de sécurité pour la période 2016-2017.

M. FRANK A. ROSE, Sous-Secrétaire adjoint à la politique spatiale et de défense au Bureau de contrôle, de vérification et de respect des armements des États-Unis, a déclaré que l'utilisation et l'exploration de l'espace ainsi que l'information découlant de ces activités ont irrigué de nombreux aspects de la vie quotidienne des gens. Pour autant, l'espace reste un domaine qui n'appartient à aucune nation et qui devient de plus en plus encombré de débris orbitaux et attaqué par des menaces dues à l'homme. Aussi, les États-Unis sont-ils favorables à l'examen de propositions et de concepts de contrôle des armements dans l'espace qui soient équitables et effectivement vérifiables et qui favorisent la sécurité nationale des participants internationaux, a indiqué M. Rose. Les États-Unis souhaitent assurer un avenir dans lequel l'humanité pourra continuer de bénéficier des activités spatiales; aussi, des solutions pratiques telles qu'une transparence non juridiquement contraignante et des mesures d'établissement de la confiance visant à encourager des actions responsables sont-elles nécessaires, a affirmé le Sous-Secrétaire adjoint. Après avoir rappelé les recommandations figurant dans le rapport final présenté en juillet 2013 par le Groupe d'experts gouvernementaux sur les mesures de confiance et de transparence dans l'espace, M. Rose a apporté le soutien de son pays aux efforts déployés par l'Union européenne en vue de l'élaboration d'un code de conduite international sur les activités dans l'espace, affirmant qu'un tel code pourrait, à court terme, constituer le meilleur mécanisme susceptible de permettre aux États d'appliquer nombre de recommandations du Groupe. Aussi, les États-Unis soutiennent-ils pleinement l'objectif de l'Union européenne de finaliser ce code non juridiquement contraignant en 2014. M. Rose a par ailleurs indiqué que les États-Unis allaient analyser en profondeur le projet révisé de traité sur la prévention du déploiement d'armes dans l'espace soumis par la Fédération de Russie hier après-midi, alors que, du point de vue des États-Unis, le projet précédent, présenté en 2008, ne répondait pas aux critères d'équité, de vérification effective et de renforcement de la sécurité nationale de tous.

M. MICHAEL MØLLER, Secrétaire général par intérim de la Conférence du désarmement et Directeur général par intérim de l'Office des Nations Unies à Genève, est revenu dans le détail sur ses précédentes suggestions visant à débloquer la Conférence afin de la sortir de l'impasse dans laquelle elle se trouve. S'agissant de la recherche d'une base commune sur laquelle s'appuyer pour produire une convention-cadre à laquelle des protocoles seraient ensuite ajoutés, M. Møller a indiqué qu'une approche dite modulaire par ajout progressif d'éléments constitutifs (building-blocks) pourrait assurer l'équilibre entre, d'une part, la fixation d'un objectif clair et commun de désarmement nucléaire et, d'autre part, la flexibilité dans la réalisation graduelle de cet objectif. Il existe potentiellement dans le cadre de chacun des points à l'ordre du jour du désarmement un certain nombre d'éléments susceptibles de recueillir le consensus, a déclaré le Secrétaire général par intérim de la Conférence. Il a par ailleurs expliqué qu'en proposant d'explorer des questions sur lesquelles des régimes volontaires et politiquement contraignants pourraient être négociés, il ne suggère nullement d'abandonner le mandat de négociation qui constitue le cœur de la Conférence. Il n'y a cependant rien à la Conférence qui empêche les parties de négocier d'autres types d'instruments et des exemples existent de régimes politiquement contraignants qui fonctionnent assez efficacement, a fait observer M. Møller. Le fait est que des accords politiquement contraignants ont souvent, par le passé, constitué la première étape vers un accord négocié juridiquement contraignant, a-t-il insisté.

Pour ce qui est de la proposition visant à établir un organe subsidiaire chargé d'examiner les méthodes de travail de la Conférence, M. Møller a estimé qu'il serait plus judicieux de commencer, d'abord, par un échange informel avant d'évoluer vers le cadre plus formel d'un organe subsidiaire lorsqu'il apparaîtrait qu'il existe une possibilité d'accord sur certaines questions. Il ne s'agit pas de suggérer que le principe de consensus devrait être remis en cause, a assuré M. Møller, avant de faire observer que le consensus au sein de la Conférence s'est transformé pour signifier l'unanimité.

Quant à sa suggestion de convoquer un forum informel entre la Conférence et la société civile, M. Møller a indiqué qu'il est peu probable qu'un tel événement puisse être organisé avant la fin de l'automne voire l'hiver 2014. Il a ajouté qu'un processus de planification, avec l'aide du Secrétariat, allait commencer dès maintenant et a précisé que si ce forum s'avérait être un succès, la Conférence pourrait en tirer les leçons quant à l'avenir de ses relations avec la société civile.

La Fédération de Russie a souligné que le risque de placement de différents types d'armements dans l'espace augmente chaque jour, étant donné la rapidité avec laquelle progressent les progrès techniques et scientifiques dans le domaine militaire. Les conséquences de l'utilisation de telles armes pourraient être dévastatrices pour la biosphère et pour l'humanité entière. Aussi, les membres de la Conférence ont-ils une opportunité unique d'agir de manière préventive en tirant profit du fait qu'il n'y a pas, pour l'heure, d'armes dans l'espace, a souligné la Fédération de Russie, plaidant pour le lancement sérieux de négociations sur le projet de traité sur la prévention du déploiement d'armes dans l'espace soumis par la Fédération de Russie et la Chine. Les coauteurs de ce projet sont à l'écoute de toute idée nouvelle ou proposition susceptible de permettre à ce texte d'être accepté par consensus, a indiqué la Fédération de Russie, exprimant l'espoir qu'à l'avenir, les États-Unis présenteraient des idées constructives. Les dispositions clefs du projet sont restées inaltérées par rapport à la version précédente et ce traité est censé devenir un instrument international juridiquement contraignant empêchant de transformer l'espace en un environnement contenant la moindre arme, de quelque sorte que ce soit.

La Chine a salué les propositions constructives avancées par le Secrétaire général par intérim de la Conférence. Elle a affirmé que le règlement intérieur de la Conférence, avec la règle du consensus, devait être préservé, tout en admettant que des moyens devaient être trouvés de revitaliser cette instance. Indiquant avoir soumis, avec la Fédération de Russie, un projet de texte mis à jour pour un traité sur la prévention du déploiement d'armes dans l'espace, la Chine a souligné que le risque de voir les armes se propager dans l'espace s'accroît du fait des progrès réalisés à travers le monde dans le domaine des armements. Les instruments juridiques existants ne sauraient empêcher la militarisation de l'espace et c'est bien pourquoi des mesures préventives devraient être adoptées rapidement, a insisté la Chine. Elle a indiqué croire en l'idée de sécurité commune et en un système international fondé sur des avantages mutuels; il convient que chacun abandonne les concepts de la Guerre froide et du jeu à somme nulle et s'efforce de créer les conditions propices au désarmement. De l'avis de la Chine, les pays ayant les plus gros arsenaux nucléaires devraient continuer de se placer au premier rang en réduisant drastiquement leurs stocks d'armes nucléaires. En outre, tous les États devraient appliquer strictement les dispositions de non-prolifération et consolider la non-prolifération internationale. Chacun, en particulier les pays en développement, doit avoir droit à l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire, a conclu la Chine.


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DC14/021F