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COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES SOCIAUX ET CULTURELS : AUDITION DE REPRÉSENTANTS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE S'AGISSANT DE LA LITUANIE ET DE LA CHINE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques sociaux et culturels a entendu, ce matin, des représentants de la société civile qui ont témoigné de l'application des dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels en Lituanie et en Chine, deux des quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine.

Un grand nombre d'organisations non gouvernementales ont pris la parole sur la situation en Chine et des limites, dénonçant pour la plupart les entraves à l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels dans le pays. Elles souhaitent en particulier que le Comité se penche sur l'absence de liberté syndicale dans le pays et ont appelé son attention sur les atteintes aux droits à la santé et à une éducation primaire gratuite, sur les évictions et expropriations forcées sans possibilité de recours en justice. Plusieurs intervenants de la société civile se sont alarmés des atteintes aux langues et cultures minoritaires – tibétaines, ouïghoures et mongoles plus particulièrement. Elles ont aussi mentionné les déplacements forcés de nomades.

Des déclarations ont été faites par Civil and Political Rights Monitor, Justice Policy Institute, Smiley Gongyi, Centre de documentation des droits de l'homme, Groupe de soutien des défenseurs des droits de l'homme, Civil Rights and Livelihood Watch, Human Rights in China, Labor Action China, Fédération des personnes handicapées de Chine, Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights, Service international pour les droits de l'homme, Tibet Monitor, Tibet Coalition, Organisation des peuples et des nations non représentés, International Campaign for Tibet, Congrès mondial des Ouïghours, l'Association du peuple chinois pour la paix et le désarmement.

Au sujet de la situation à Hong Kong, le Comité a entendu des représentants de la Commission de l'égalité des chances, de la Commission des droits de l'homme, de Rainbow Action, de la Faculté de droit de l'Université de Hong Kong, de Human Rights Monitor, et de Hong Kong Unison. Le Comité a également entendu la Coalition de lutte contre la violence domestique de Macao.

S'agissant de la Lituanie, la Coalition Galiu gyventi (Je peux vivre) et le Réseau eurasien de réduction des risques deux organisations non gouvernementales se sont alarmés du manque de moyens consacrés aux traitements de substitution à l'usage de stupéfiants en prison, avec pour conséquence la propagation du VIH/sida.


Le rapport de la Lituanie (E/C.12/LTU/2) sera examiné demain, à partir de 10 heures.


Aperçu des débats

Lituanie

La Coalition Galiu gyventi (Je peux vivre) et le Réseau eurasien de réduction des risques se sont alarmés du manque de moyens accordés aux traitements de substitution aux stupéfiants dans les prisons. Le VIH/sida se propage du fait de l'usage répété de seringues. Cette situation dans les prisons constitue une atteinte au respect des droits de l'homme. Les organisations déplorent par ailleurs l'absence de gratuité des tests de dépistage, en particulier pour les groupes les plus vulnérables.

Un membre de Comité ayant demandé quelles propositions les organisations pouvaient faire pour remédier à la situation, l'orateur a répondu que les sommes nécessaires étaient modestes et que les restrictions budgétaires ne sauraient entraver l'adoption des mesures adéquates.

Chine

L'organisation Civil and Political Rights Monitor a déploré l'absence de liberté syndicale et la mainmise gouvernementale sur les syndicats. La loi ne prévoit pas le droit de grève et des grévistes sont régulièrement emprisonnés, les meneurs étant persécutés. L'ONG demande l'abrogation des restrictions juridiques sur le droit syndical, en particulier le droit de grève. Elle demande la libération de tous les individus détenus pour s'être organisés ou ayant exercé le droit de rassemblement pacifique.

L'organisation Justice Policy Institute s'est exprimée sur la discrimination dans l'emploi mettant en cause l'institution du «hukou» (certificat de résidence) sans lequel de nombreuses démarches ne peuvent être effectuées, y compris l'inscription des enfants à l'école, l'accès aux soins ou la candidature à un emploi. Or, de nombreux citoyens en sont privés ou ne disposent pas de celui correspondant à leur lieu de résidence de fait. Elle demande son abrogation. Un expert ayant demandé combien de personnes étaient affectées par l'institution du hukou, l'organisation a précisé que si la quasi-totalité de la population était concernée, les plus affectés étaient les travailleurs migrants, dont le nombre est estimé à 250 millions, qui ne peuvent, en particulier, bénéficier de la sécurité sociale. Répondant à une question sur la politique de l'enfant unique, l'organisation a expliqué que cette politique avait été allégée mais qu'elle continuait d'être pratiquée, même si c'est de manière moins radicale qu'auparavant. Les familles ayant un enfant supplémentaire doivent payer une amende considérable, ou peuvent perdre leur emploi.

Smiley Gongyi a dénoncé la pratique fréquente des expulsions forcées en Chine et l'absence d'indemnisation. Les autorités locales exproprient souvent sans avoir même déposé de permis de démolir, en collusion avec les promoteurs immobiliers. L'absence d'institutions judiciaires indépendantes ne permet pas aux personnes lésées de faire valoir leurs droits.

Le Centre de documentation des droits de l'homme s'est alarmé de la violation du droit à la santé des détenus maladies ou victimes de torture, citant le cas de la militante des droits de l'homme Cao Shunli, morte en détention. Il demande l'ouverture formelle d'une enquête par la justice à ce sujet. L'ONG s'est aussi inquiétée de l'état de santé de l'avocat des droits de l'homme Gao Zhisheng. De nombreuses personnes malades ont été placées en détention et privés de soins médicaux appropriés. En réponse à une question, elle a souligné que l'absence de soins concerne plus particulièrement les prisonniers politiques.

Le Groupe de soutien des défenseurs des droits de l'homme a affirmé que le Gouvernement chinois avait très peu progressé dans l'application des conventions de l'Organisation internationale du travail s'agissant du travail des enfants. En outre, la violence contre les femmes demeure un fléau, celles-ci ayant guère la possibilité de se plaindre en justice. L'adoption de textes de loi réprimant spécifiquement la violence domestique est indispensable. En réponse à une question, l'organisation a expliqué que des lois réglementent les expulsions et expropriations, mais qu'elles sont peu ou mal appliquées.

Civil Rights and Livelihood Watch a estimé que le Gouvernement chinois n'avait pas fait de progrès en matière de scolarisation gratuite et obligatoire, en particulier dans les zones rurales. En outre, il existe des différences considérables dans le financement des établissements scolaires entre villes et campagnes. Les enfants de paysans et de travailleurs migrants dans les villes sont les plus touchés par le décrochage scolaire, a relevé cette organisation, ce qui porte atteinte à l'égalité d'accès à l'éducation publique. Un membre du Comité ayant souhaité savoir si l'éducation primaire était gratuite, l'ONG a répondu que celle-ci était censée être gratuite mais que les chefs d'établissement trouvent toutes sortes de subterfuges pour soutirer de l'argent aux parents, sous couvert de frais de dossiers par exemple, y compris dans la capitale.

Human Rights in China a dénoncé l'étendue de la corruption en Chine, le fléau ayant pris une telle ampleur que les autorités affirment qu'elles prennent des mesures pour y mettre fin. Celles-ci affirment aussi la nécessité d'une prise de conscience de la population pour qu'elle défende ses droits et ses intérêts. Toutefois, des procès récents et des inculpations de citoyens réclamant une plus grande transparence dans la richesse des fonctionnaires soulèvent des doutes quant à la sincérité des autorités à cet égard.

Labor Action China a dénoncé l'arrestation d'un membre d'une ONG alors qu'il s'apprêtait à quitter le pays pour témoigner au sujet des maladies professionnelles et le non-respect des normes de santé et de sécurité au travail. L'organisation a ajouté que ces normes sont bien inférieures à celles qui sont imposées aux États-Unis et en Europe, ce qui incite les sociétés étrangères à délocaliser leur production dangereuse dans le tiers-monde, et notamment en Chine.

La Fédération des personnes handicapées de Chine a estimé que le pays avait progressé de manière considérable dans la protection de ces personnes, dont les conditions de vie ont connu une amélioration spectaculaire. Elle a souligné toutefois une insuffisance des services publics de base, et disparités entre villes et campagnes. Elle a appelé à davantage d'investissements en faveur des personnes handicapées.

Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights, qui s'est exprimée sur les obligations extraterritoriales de la Chine, a déploré l'absence de réglementation chinoise s'agissant des activités de sociétés chinoises à l'étranger, généralement des entreprises publiques. Elle a mentionné des cas de violations des droits des communautés autochtones des pays concernés par des investissements chinois, notamment en matière d'exploration pétrolière. L'ONG appelle le Comité à enjoindre la Chine à appliquer le Pacte relatif aux droits économiques sociaux et culturels sur ces questions.

Le Service international pour les droits de l'homme a évoqué le cas de Mme Cao Shunli qui souhaitait se rendre à un stage de formation sur les droits de l'homme à Genève. Arrêtée et emprisonnée alors qu'elle s'apprêtait à embarquer, elle est finalement décédée en prison. Il ne s'agit malheureusement pas d'un cas isolé, comme cela a été indiqué précédemment. L'organisation demande au Comité d'appeler le Gouvernement chinois à respecter pleinement le droit de ses citoyens de communiquer avec les organismes internationaux. Il a aussi demandé au Comité d'organiser ses réunions avec les organisations non gouvernementales à huis clos dans l'avenir, de manière à éviter les représailles contre les participants.

Tibet Monitor a indiqué que les autorités incitaient les Hans à s'installer au Tibet afin de promouvoir le développement économique de la région, une croissance qui ne profite guère à la population de souche. Les Tibétains sont privés à leur mode de vie traditionnel et l'accès à l'enseignement dans leur langue est limité. Il est impossible par exemple de devenir fonctionnaire lorsque l'on est de langue maternelle tibétaine car les concours ne sont accessibles qu'aux citoyens parlant couramment chinois. Il n'y a pas d'éducation dans les langues minoritaires à l'université et tout est fait pour marginaliser le tibétain. L'ONG demande l'accès du territoire au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, ainsi qu'aux organisations de défense des droits de l'homme. Elle souligne que les auteurs de violence doivent être poursuivis en justice.

Tibet Coalition a indiqué que 130 Tibétains s'étaient immolés par le feu depuis 2009 afin de protester contre la violation des droits de la population. Elle a dénoncé les confiscations des terres des nomades, ainsi que les expulsions forcées sous prétexte de détruire les logements insalubres. Les autorités doivent respecter le consentement des populations concernées. Elle a dénoncé par ailleurs la «rééducation patriotique» à laquelle sont soumis les moines.

L'Organisation des peuples et des nations non représentés a évoqué le sort des Mongols, des Ouïghours et des Tibétains, dont le niveau de vie est bien inférieur à celui de leurs compatriotes chinois. Les emplois sont en effet généralement réservés aux colons, les populations locales devenant de manière croissante des minorités sur leur propre territoire. Les transferts de population constituent une menace grave à l'intégrité culturelle des populations concernés. Ainsi, 50% des nomades tibétains sont chassés de leurs terres ancestrales pour l'exploitation des ressources naturelles. L'ONG a appelé à ce que tout programme de développement économique se fasse avec l'assentiment des populations concernées.

International Campaign for Tibet est fortement préoccupée par la détérioration des droits de la population tibétaine. Elle a dénoncé les évictions forcées et la sédentarisation des nomades, qui portent atteinte à la culture des populations locales. Celles-ci n'ont, en outre, guère de recours en justice. Si le nombre d'établissement scolaires a augmenté, l'enseignement se fait généralement en mandarin, langue totalement étrangère aux Tibétains. En outre, il est porté atteinte à la liberté religieuse, les moines et les nonnes étant soumis à une étroite surveillance.

Le Congrès mondial des Ouïghours a fait part de sa préoccupation s'agissant de la poursuite des violations des droits des Ouïghours, qui sont pratiquement exclus des rouages de la fonction publique. Ils sont sous-représentés au profit des Hans. Alors que la région est très riche en ressources naturelles, 90% de la population de souche vit sous le seuil de pauvreté. Les services de santé sont insuffisants et les Ouïghours sont en butte aux discriminations. Les taux de cancer sont 30 fois supérieurs au reste de la Chine, une situation due aux retombées des essais nucléaires passés. L'ONG a aussi dénoncé la destruction de livres dans le cadre de la lutte contre le séparatisme, dans le cadre de véritables autodafés publics. Elle a enfin demandé à ce qu'il soit mis un terme aux déplacements forcés de nomades.

En revanche, l'Association du peuple chinois pour la paix et le désarmement a affirmé que les autorités avaient agi en faveur de la protection des droits des minorités ethniques. Elles ont impulsé des politiques préférentielles afin de promouvoir le développement des régions concernées tout en protégeant les cultures locales, ainsi que les religions. Le PIB des provinces et des régions autonomes a fortement progressé. Les 55 minorités ethniques de la Chine bénéficient de cette politique de protection de leur patrimoine immatériel, selon l'ONG qui a souligné que le Tibet avait particulièrement bénéficié de cette politique, notamment en matière d'éducation. Les cours sont dispensés en tibétain, en chinois, ainsi qu'en anglais.

Chine (Hong Kong)

Hong Kong ne dispose pas d'une institution officielle des droits de l'homme, a déploré Equal Opportunities Commission de Hong Kong. Elle a souligné la discrimination raciale ou en fonction de la nationalité dans l'emploi. L'ONG a déploré l'absence de politique de long terme en matière de santé mentale. Elle estime par ailleurs que l'enseignement du chinois n'est pas adapté aux populations étrangères de par l'absence de formation adéquate des enseignants confrontés à un public d'origine étrangère.

La Society for Community Organization - Hong Kong Human Rights Commission a dénoncé les discriminations affectant les personnes originaires de Chine continentale, citant le cas des couples mixtes. Lorsque l'un des membres est originaire de Chine continentale, il est très difficile d'obtenir un permis de résidence. En outre, les enfants de ces couples rencontrent des difficultés pour établir leur statut.

Rainbow Action, qui a dénoncé les discriminations envers les minorités sexuelles, a cité plusieurs cas à cet égard. Hong Kong doit promulguer des lois luttant contre celles-ci, a estimé cette organisation.
Une représentante de la Faculté de droit de l'Université de Hong Kong a énoncé les lacunes juridiques de la législation du territoire, appelant le Comité à demander au territoire d'y porter remède.

Human Rights Monitor a dénoncé le sort fait aux personnes handicapées, celles-ci vivant une véritable situation d'exclusion. Les travailleurs domestiques subissent de véritables conditions de servitude, a affirmé sa représentante. Elle a dénoncé aussi la violation de la liberté de la presse et le caractère non démocratique des élections.

Hong Kong Unison a attiré l'attention sur la minorité indienne, présente depuis plusieurs générations dans le territoire mais qui est victime néanmoins de ségrégation raciale de fait, notamment dans le droit à l'éducation. En réponse à une question d'une experte du Comité sur le système éducatif en vigueur dans le territoire, son représentant a expliqué que les membres des minorités ethniques n'avaient d'autre choix que de fréquenter les établissements qui leur sont destinés, ce qui se fait au détriment de l'apprentissage du cantonais alors que cette langue est indispensable.

La Commission des droits de l'homme a estimé que le Comité devrait examiner le cas de Hong Kong de manière séparée, la situation y étant totalement différente de celle dans le reste du pays. Elle a dénoncé les politiques discriminatoires envers les immigrants en provenance de Chine continentale. Les défenseurs des droits de l'homme sont harcelés, en particulier ceux qui militent en faveur des droits des migrants. Son représentant a dénoncé l'augmentation de la pauvreté, le nombre de personnes vivant sous le seuil minimum dépassant le million. Les pouvoirs publics doivent consacrer plus de moyens pour lutter contre les disparités sociales en accordant la priorité à la lutte contre la pauvreté, en s'inspirant des politiques d'autres pays, européens en particulier.

Chine (Macao)

La Coalition de lutte contre la violence domestique de Macao a évoqué le problème de la violence domestique qui n'est pas considérée comme relevant du maintien de l'ordre public à Macao. La plupart des victimes répugnent à porte plainte et les autorités ne font rien pour enquêter sur les cas de violence patente. Cette organisation demande au Comité d'inciter le gouvernement de Macao à protéger les victimes et à mettre les auteurs de violence face à leurs responsabilités.

Conclusion

Le Président du Comité a assuré qu'il accordait une grande importance à la protection des défenseurs des droits de l'homme mais a réaffirmé la nécessité de préserver le caractère public des échanges avec les organisations non gouvernementales: il s'agit d'un principe bien établi de ses règles de procédure. Il a ajouté que cette pratique est essentielle, y compris pour les ONG. Le Comité est toutefois disposé à tenir compte de cas particuliers.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

ESC14/007F