Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DE LA SERBIE
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné aujourd'hui le rapport présenté par la Serbie sur les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Le rapport de la Serbie a été présenté par Mme Suzana Paunović, Directrice du Bureau des droits de l'homme et des minorités, qui a notamment souligné que le Gouvernement serbe n'était pas en mesure d'appliquer le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans la province de Kosovo-Metohija, bien que celle-ci fasse partie intégrante du territoire de la République de Serbie. Elle a rappelé que l'administration de cette région dépendait de la Mission d'administration intérimaire de l'ONU au Kosovo (MINUK), à laquelle il revient de faire rapport sur l'application du Pacte. Le chef de délégation a attiré l'attention sur les mesures prises pour assurer le respect de l'égalité de tous les citoyens, notamment l'adoption de la loi prohibant toute forme de discrimination. En outre, un cadre institutionnel et stratégique pour l'amélioration de la condition de la population rom est en place depuis 2009. Mme Paunović a souligné que la Serbie demeurait le pays comptant le plus grand nombre de réfugiés et de déplacés internes en Europe et assuré que des mesures ont été prises en faveur de cette population, notamment en matière de naturalisation et de relogement.
La délégation serbe était également composée de M. Vladislav Mladenović, Représentant permanent de la Serbie auprès de l'ONU à Genève, de représentants du Ministère du travail, de l'emploi, des anciens combattants et des affaires sociales, du Ministère de la santé, ainsi que du Ministère de la culture et de l'information. Elle a répondu aux questions des membres du Comité, indiquant notamment que les réfugiés et personnes déplacées étaient en voie de réinstallation pour la grande majorité d'entre eux, seul un petit nombre ayant regagné leur région d'origine dans d'autres pays de l'ex-Yougoslavie. Les minorités nationales jouissent de l'autonomie culturelle, notamment sur le plan scolaire. Des efforts sont en outre menés en faveur de la communauté rom, notamment en matière d'emploi et de logements. Pour ce qui concerne le Kosovo, la délégation a indiqué qu'un dialogue avait été ouvert, l'objectif étant la recherche d'une solution globale et durable - excluant l'indépendance de la province. Par ailleurs, la délégation a indiqué qu'une politique de tolérance zéro était menée pour lutter contre la corruption, reconnaissant qu'il s'agissait d'un fléau de grande ampleur. Enfin, la lutte contre les discriminations de toute nature est l'une des autres priorités gouvernementales, avec la lutte contre le chômage.
L'expert chargé de l'examen du rapport de la Serbie, M. Waleed Sadi, s'est félicité de l'honnêteté du constat et de la franchise des réponses fournies par l'État partie. Il a toutefois noté que si le Pacte était théoriquement directement applicable, on disposait de peu d'exemples de la jurisprudence à cet égard. Il a souligné l'importance du défi que représente la question des minorités dans le pays et s'est intéressé aux mesures visant à protéger les groupes vulnérables. Il a aussi constaté que le pays ne cachait pas que la stratégie d'intégration des Roms avait échoué, ce qui constitue un aveu rare. Il s'est félicité enfin de la loi sur l'asile et sur les réfugiés, tout en relevant l'immensité du problème.
Le rapport de la Serbie était le dernier devant être examiné au cours de la présente session. Les observations finales du Comité sur les dix rapports présentés depuis le 28 avril dernier seront rendues publiques à la clôture des travaux, le vendredi 23 mai prochain.
La prochaine séance publique du Comité se tiendra le 23 mai à midi, dans le cadre d'un échange avec les États membres, suivie de la séance de clôture de la session, dans l'après-midi.
Présentation du rapport
Présentant le rapport de la Serbie (E/C.12/SRB/2), MME SUZANA PAUNOVIĆ, Directrice du Bureau des droits de l'homme et des minorités, a rappelé que son pays avait adhéré aux grands instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Il a également signé la Convention internationale relative à la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Mme Paunović a attiré l'attention sur le fait que bien que le Kosovo-Metohija fasse partie intégrante du territoire de la République de Serbie en vertu de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations Unies, son pays n'était pas en mesure d'y assurer l'application du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, l'administration de la province dépendant entièrement de la Mission d'administration intérimaire de l'ONU au Kosovo (MINUK). C'est pourquoi la Serbie se félicite que le Comité ait demandé à la MINUK de faire rapport sur la situation dans la province, qui a été soumis en 2008. Six années s'étant écoulées depuis, la Serbie suggère au Comité d'inviter la Mission à soumettre une actualisation de ces informations afin de compléter le rapport de la Serbie en tant qu'État-partie.
Le système constitutionnel de la Serbie garantit l'égalité de tous: tout citoyen a un droit égal à une protection juridique sans discrimination aucune. Une loi interdisant toute forme de discrimination a été adoptée en 2009. Il s'agit d'un texte global interdisant toute discrimination fondée sur la race, les origines, la nationalité ou l'origine ethnique, la langue, les convictions religieuses ou politiques, le sexe, l'identité de genre ou l'orientation sexuelle, cette liste n'étant pas limitative. Un Commissaire pour la protection de l'égalité a été nommé par l'Assemblée nationale en 2010 et le code pénal considère la discrimination comme un crime. En 2013, une Stratégie pour la prévention et la protection de la discrimination a été adoptée, à la suite d'une concertation avec la société civile en vue de prévenir la discrimination et promouvoir le statut de groupes vulnérables tels que les femmes, les enfants, les personnes handicapées et âgées, les minorités nationales, les réfugiés et déplacés, les migrants, les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres. Un plan d'action de cette stratégie est en bonne voie d'être adopté cette année.
La Serbie est peuplée de 7 186 862 habitants (2011), l'âge moyen de la population étant de 42 ans. La population rom, qui compte 147 604 personnes, représente 2,05% du total, un chiffre qui est toutefois considéré comme sous-évalué, les estimations faisant état de plus de 250 000 personnes d'ethnie rom, a-t-elle précisé. Un cadre institutionnel et stratégique pour l'amélioration de la condition de cette population a été mis en place en 2009, assorti de plans d'action, avec le soutien de l'Union européenne et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Le Bureau des droits de l'homme et des minorités, mis en place en 2012, a juridiction sur la mise en œuvre des politiques et projets liés à l'inclusion sociale des Roms. Un Conseil pour l'avancement des Roms dans le cadre de la décennie de l'inclusion rom a été créé en 2013.
La Serbie demeure le pays comptant le plus grand nombre de réfugiés et de déplacés internes en Europe, Mme Paunović indiquant qu'il y avait plus de 57 000 réfugiés et près de 210 000 personnes déplacées en territoire serbe. En 2009, a été adoptée une stratégie pour le retour durable au Kosovo-Metohija et, en 2011, une stratégie nationale visant à résoudre les problèmes des réfugiés et personnes déplacées. Un Commissaire aux réfugiés a été chargé de veiller à l'amélioration de leurs conditions de vie.
Mme Paunović a indiqué que la lutte contre la discrimination envers les personnes handicapées avait fait l'objet d'une loi spécifique en 2006 et s'inscrit dans une stratégie spécifique pour la période 2007-2015. Une loi sur l'égalité de genre adoptée en 2009 vise à créer les conditions de politiques pour l'égalité des sexes et à faciliter l'éradication de la discrimination basée sur le genre. Ces dispositions vont de pair avec une stratégie de promotion du statut de la femme.
La représentante serbe a décrit la législation du travail en vigueur, indiquant que la Serbie avait ratifié plusieurs conventions de l'Organisation internationale du travail. Une stratégie pour l'emploi a été adoptée en 2011, le taux de chômage approchant les 21% à l'heure actuelle. Le taux d'emploi total atteint 38% - 45% pour les hommes et 31% pour les femmes. La liberté de se syndiquer et le droit de grève sont garantis par la Constitution, Mme Paunović indiquant que pas moins de 20 000 organisations syndicales étaient enregistrées. Le droit des salariés et de leur famille à la protection et à la sécurité sociale est également garanti, et de nombreuses lois régissant les questions d'assurances sociales. Le régime des retraites, qui a été réformé en 2010, prévoit des conditions plus strictes mises en œuvre progressivement d'ici 2023. Le recensement fait état de 4,2 millions d'inactifs, dont 1,6 million de retraités. Par ailleurs, le nombre de bénéficiaires d'une allocation pour handicapés concerne 1,7 million de personnes.
Une stratégie nationale contre la violence domestique a par ailleurs été adoptée en 2011. Mme Paunović a aussi précisé que son pays prévoyait d'instaurer une couverture universelle de la population en matière de soins de santé. Enfin, l'éducation primaire est obligatoire, le droit à une éducation secondaire étant reconnu constitutionnellement.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. WALEED SADI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Serbie, a noté la richesse en informations du rapport, mais relevé quelques lacunes pouvant s'expliquer par un manque de temps. Il s'est félicité de l'honnêteté du constat et de la franchise des réponses données par l'État partie. Il a noté que si le Pacte était théoriquement directement applicable, on disposait de peu d'exemples de la jurisprudence à cet égard. Le Comité souhaite savoir si la conception serbe des droits économiques, sociaux et culturels correspond aux dispositions du Pacte. Un autre point concerne la question de savoir si l'institution nationale des droits de l'homme respecte les Principes de Paris. Il a relevé que le statut des minorités dans le pays représente un défi. Le rapporteur a demandé des précisions sur la loi visant à protéger les groupes vulnérables. L'adoption d'un tel texte est certes positive mais il serait intéressant de savoir concrètement de quelle manière sont appliquées ses dispositions.
La Serbie reconnaît honnêtement dans ses réponses à la liste de questions que lui avait envoyé le Comité que la stratégie d'intégration des Roms a échoué, un aveu rare de la part des pays examinés, une sincérité que l'on souhaiterait voir plus souvent, a souligné le rapporteur. Il en va de même au sujet des privatisations et de leurs retombées négatives sur les droits économiques, sociaux et culturels, M. Sadi suggérant à la Serbie de faire remonter ces difficultés au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale qui continuent de vanter le bien fondé des politiques de cette nature. Par ailleurs, il s'est félicité des subventions offertes aux entreprises employant des Roms. Cela apparaît comme une excellente mesure et le rapporteur a demandé à la délégation de l'illustrer par des exemples.
Il s'est félicité de la loi sur l'asile et sur les réfugiés, tout en relevant l'immensité du problème et les difficultés d'intégration. Concrètement, les discriminations à l'égard des réfugiés subsistent malgré les efforts accomplis. Il a aussi noté que les entreprises de plus de cinquante personnes étaient incitées à prendre des mesures d'égalité hommes-femmes.
Le rapporteur a demandé si des mesures de discrimination positive ont été prises en faveur des minorités?
Parmi les autres membres du Comité, un expert a noté que la Serbie semblait avoir conscience de la gravité du problème de la corruption et s'est félicité du large éventail de mesures qui ont été prises pour le régler. Il a demandé à la délégation quelle était l'ampleur de la corruption et si elle entravait la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels; le phénomène s'est-il répandu dans tous les secteurs d'activité ou est-il circonscrit à certains seulement? Il a aussi voulu savoir quelles sanctions sont prévues dans le code pénal pour punir la corruption. Il a également souhaité savoir si des affaires de corruption avaient défrayé la chronique dans le pays.
Une experte a demandé comment la Serbie envisageait de lutter contre les excès, écologiques notamment, de l'industrialisation et des privatisations.
S'agissant de la lutte contre la discrimination, l'experte a souligné l'importance pour les citoyens de connaître leurs droits. Quels efforts la Serbie compte-t-elle faire pour que la population ait connaissance des possibilités d'agir contre ce phénomène?
Un autre membre a abordé le statut du Kosovo, relevant un processus de désintégration territoriale. Il a demandé si l'on était face à un statu quo, à un gel du conflit, et si la Serbie espérait une évolution des choses.
S'agissant des réfugiés, la Serbie est-elle un pays de transit ou bien ceux-ci souhaitent-ils demeurer dans le pays? Le destin des enfants de demandeurs d'asile apparaît préoccupant au Comité, notamment en matière d'éducation.
Un expert, qui a dit apprécier lui aussi l'état d'esprit de la délégation serbe, a demandé qui présidait le Haut-Conseil judiciaire qui veille à l'indépendance de la justice.
Une autre experte a demandé pour quelle raison l'institution nationale des droits de l'homme, qui jouit a priori d'un statut A, ne pouvait pas interagir avec les organes internationaux chargés des droits de l'homme. Elle a aussi souhaité savoir quelle avait été l'implication concrète des organisations non gouvernementales dans l'élaboration du rapport. L'experte a enfin demandé pour quelles raisons le Conseil de l'égalité hommes-femmes ne s'était réuni que trois fois en dix ans, se demandant si son rôle était uniquement symbolique.
Un membre du Comité a tenu à rappeler le rôle historique important joué par la Yougoslavie dans l'élaboration du Pacte. Il a en outre relevé l'attention portée par la Serbie aux droits des minorités, une priorité héritée de la Yougoslavie.
L'expert a noté que les hommes pouvaient prendre leur retraite à 65 ans et les femmes à 60, alors que l'espérance de vie en Serbie est moindre pour les hommes – 69 ans - que pour les femmes – 75 ans. Il semblerait logique que les hommes puissent arrêter de travailler à 60 ans, a-t-il estimé. Il s'est demandé pour quelle raison la question de l'égalité hommes-femmes était toujours à appréhendée l'avantage des secondes. Une autre experte a constaté des disparités hommes-femmes considérables dans l'emploi. Quelles mesures ont été prises pour y remédier? Une experte a demandé si des mesures avaient été prises face au manque de mobilité des femmes et contre leur fort taux de chômage.
Un membre du Comité a pour sa part demandé quelles mesures avaient été prises contre le travail au noir. Il a en outre demandé quelles mesures sont prises pour promouvoir l'emploi des Roms et des personnes handicapées. Comment le salaire minimum est-il calculé? Un autre expert a demandé à avoir des indications sur le chômage des jeunes.
Des renseignements ont été demandés sur le respect du droit syndical dans le secteur privé et un expert a souhaité savoir s'il existait des restrictions au droit de grève dans le secteur public, notamment dans les activités considérées comme essentielles. Un expert s'est dit impressionné par le nombre de syndicats mentionné par Mme Paunović (20 000), se demandant ce qui expliquait un tel chiffre.
L'expert a aussi demandé des précisions sur le fonctionnement de la sécurité sociale. Une experte a pour sa part noté des difficultés d'accès à la sécurité sociale pour les déplacés.
Un autre expert s'est étonné du manque de données sur le nombre de personnes handicapées, rappelant que la Serbie a adhéré à la Convention sur les droits des personnes handicapées, ce qui ne semble pas, par ailleurs, faciliter l'instauration de politiques en leur faveur. Leur taux de chômage ne serait que de 14%, ce que le rapport explique par un fort taux d'inactivité de cette catégorie de la population. On a plutôt le sentiment qu'une absence de politiques d'inclusion sociale en faveur des personnes handicapées explique cet état de fait.
L'expert a enfin demandé ce qu'il en était du nouveau régime de retraite dont les conditions apparaissent plus strictes qu'auparavant.
Un expert a demandé si la Serbie avait adopté une stratégie de lutte contre la pauvreté. Si oui, quelles sont ses grandes lignes, sinon la Serbie envisage-t-elle de s'y atteler? Un autre expert a demandé quelle politique était menée en faveur des populations rurales. Un autre encore a souligné que l'enregistrement des naissances était défaillant dans les zones rurales, particulièrement chez les Roms et les personnes déplacées.
Cet expert a aussi souhaité que la délégation fasse un point sur relogement des Roms qui ont été un temps hébergé dans des conteneurs métalliques et sur ceux qui ont été expulsés suite à des projets immobiliers.
Une experte, qui a relevé l'augmentation des cas d'infection par le VIH/sida, a demandé à la délégation si elle avait connaissance du nombre d'enfants concernés et si des mesures de suivi médical avaient été prises en leur faveur.
Un expert s'est intéressé au droit à l'eau potable en tant que droit de l'homme, rappelant que le Comité avait fait une observation générale à ce sujet. Il a souhaité savoir comment les autorités envisageaient la question de l'usage et de la protection des ressources en eau.
Un expert s'est inquiété de la rareté des poursuites pour les cas de violence domestique. Un autre membre du Comité s'est interrogé sur la prévalence élevée de la violence envers les enfants. Une experte a demandé quel avis avait le ministère de l'éducation sur la non-fréquentation des écoles et le fort taux d'abandon scolaire des groupes minoritaires dont les Roms et les déplacés. L'impact des mesures prises a-t-il été mesuré?
Un autre expert a demandé des précisions sur le fonctionnement des conseils des minorités. Un membre du Comité a demandé s'il existait un organe intégrant tous les efforts concernant les minorités, la culture devant être en toute hypothèse le dénominateur commun. Il a cité en particulier l'apport de la culture rom. D'une manière générale, il a souhaité que la délégation fournisse des indications sur la politique culturelle du pays. Un expert a demandé ce qu'il en était de l'enseignement dans les langues minoritaires. Il a par ailleurs demandé quelles initiatives avaient été entreprises afin de favoriser les échanges avec les Serbes vivant à l'étranger, dont le nombre est important.
Réponses de la délégation
Mme Paunović, chef de la délégation serbe, a assuré que les autorités veillaient à l'application concrète des traités internationaux signés par le pays. Elle a souligné que lors de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme, la Serbie avait accepté une recommandation quant à l'établissement d'un mécanisme veillant à l'application des instruments ratifiés par le pays. Une instance sera chargée de surveiller la mise en œuvre de toutes les recommandations émises par les organes conventionnels de l'ONU.
La délégation a indiqué que le Pacte était partie intégrante de la législation serbe. Les tribunaux appliquent ses dispositions, sans que la délégation soit en mesure de donner d'exemples précis. Un deuxième cycle de réformes judiciaires est en cours afin de mieux garantir les droits des citoyens et l'indépendance de la justice. Le Conseil judiciaire suprême, fort de 11 membres dont des ministres, a vu ses pouvoirs renforcés. Il est présidé par le Président de la Cour de cassation. Par ailleurs, un bureau du Médiateur existe depuis 2006. Ses activités sont très intenses si l'on en juge par le nombre de plaintes reçues, au nombre de plusieurs milliers. Le Commissaire pour l'égalité a également été très actif, 763 cas ayant été enregistrés en 2013.
Un bureau spécial est chargé de la coopération entre l'État et les organisations de la société civile, a aussi indiqué la délégation.
En ce qui concerne les réfugiés, on est passé de 600 centres d'accueil à 23 seulement, ces derniers devant être fermés dans les prochaines années. Les droits à l'éducation et à la sécurité sociale sont assurés dans ces centres. Ces réfugiés sont originaires d'autres Républiques de l'ex-Yougoslavie, la majorité d'entre eux ayant été naturalisés. Un programme de relogement de quelque 25 000 familles est planifié. Un processus de coopération régionale a été engagé sous les auspices du Haut-Commissariat pour les réfugiés, a souligné la délégation.
Selon le Haut-Commissariat pour les réfugiés, la Serbie compte 57 000 réfugiés, dont la majorité est originaire de Croatie. La Serbie est déterminée à résoudre le problème, la délégation indiquant que 400 000 réfugiés avaient été relogés depuis la guerre. En revanche, le retour dans les pays d'origine s'avère très difficile, ce qui explique que la majorité d'entre eux optent pour une installation définitive en Serbie. Si un programme de logement régional a été décidé, en concertation avec les États voisins concernés, celui-ci n'a encore donné lieu à aucun début de mise en œuvre, à cause du problème posé par l'affectation des fonds notamment.
Le Conseil de l'égalité de genre, créé en 2004, veille à ce que l'ensemble des dispositions de la Convention pour l'élimination de toutes les discriminations à l'égard des femmes soient appliquées.
S'agissant des minorités, la Serbie a ratifié la plupart des instruments internationaux dans ce domaine. Les droits individuels et collectifs sont par conséquent protégés pour toutes les personnes appartenant à des minorités en nombre suffisant – langue, culture et religion étant les trois principales caractéristiques susceptibles de les différencier du reste de la majorité serbe (82% du total). La Constitution garantit leur égalité devant la loi. L'incitation à la haine raciale est passible de poursuites. Les minorités sont représentées au sein d'un Conseil national élu composé de 19 nationalités. Les incidents de nature ethnique ont tendance à diminuer (-35% l'an dernier par rapport à 2012).
S'agissant du Kosovo, la délégation a indiqué qu'un dialogue était ouvert sous les auspices de l'Union européenne. La vie au Kosovo est très dure pour tous, à commencer par les Serbes, a-t-elle observé. Elle a cité parmi les obstacles l'accès restreint aux services publics ou encore l'impossibilité d'utiliser sa langue, ce qui explique que les déplacés sont réticents à revenir dans la province – 4000 d'entre eux l'ont fait, soit moins de 2% des personnes concernées. L'objectif est de trouver une solution globale et durable excluant l'indépendance, une option que la Serbie écarte.
La délégation a aussi évoqué la question de la lutte contre la discrimination, soulignant que la stratégie à cet égard visait neuf groupes vulnérables. Il s'agit de ceux le plus couramment victimes de violences, la haine raciale étant considérée comme une circonstance aggravante sur le plan pénal. Un rapport annuel fait état de bonnes pratiques que les autorités entendent diffuser le plus largement possible. Des actions de formation et de prévention ont été entreprises notamment en direction de la police. Les tribunaux font référence à la législation sur l'interdiction de la discrimination, notamment dans des cas concernant des personnes handicapées. Huit procédures sont en cours à l'heure actuelle.
Les autorités ont annoncé une politique de tolérance zéro à l'égard de la corruption, l'obstacle principal étant la difficulté de réunir les éléments de preuve. Des fonctionnaires qui omettent de donner des informations dans les temps sur leurs biens et leurs revenus sont passibles de sanctions. Un expert ayant jugé très vagues les réponses au sujet de la corruption et souhaité connaître son ampleur, ainsi que les secteurs concernés, la délégation a reconnu qu'elle était très largement répandue, à tous les niveaux. C'est la raison pour laquelle des stratégies et plans d'action ont été lancés. Des études ont permis de constater une forte prévalence du phénomène dans la justice et dans le domaine du bâtiment.
Au sujet des restructurations d'entreprises, la délégation a indiqué qu'un programme gouvernemental avait été mis en place afin de garantir les droits des employés à l'emploi, par des programmes de formation notamment.
En ce qui concerne la lutte contre le chômage, un plan de création d'emplois a été lancé en 2014 par le biais de la facilitation de l'embauche. Investir dans les ressources humaines, dans le capital humain, autrement dit dans la formation est la clé du problème, a-t-il été expliqué. Quatre milliards de dinars ont été dépensés l'an dernier mais il est clair que les mesures en faveur de l'emploi n'ont pas été aussi fructueuses qu'on aurait pu l'espérer si l'on considère la persistance d'un taux de chômage élevé. Des allègements de charges en faveur des entreprises ont été instaurés et les procédures de création d'entreprises ont été simplifiées. Parmi les mesures actives d'encouragement à l'emploi, figure l'aide aux auto-entrepreneurs. Les femmes figurent dans la première grande catégorie vulnérable en matière d'emploi. Les femmes représentent un groupe nombreux mais hétérogène, ce qui rend difficile le ciblage des mesures en leur faveur. La délégation a cité à cet égard la faible mobilité professionnelle géographique des femmes au chômage.
Le Gouvernement prévoit de prendre des mesures en faveur de l'agriculture en facilitant notamment des prêts bancaires à des taux préférentiels. La lutte contre le travail au noir figure parmi les priorités des autorités, notamment en incitant les entreprises à embaucher en échange d'allègements de charges. Le Gouvernement prévoit aussi des mesures visant à favoriser le secteur du bâtiment, un secteur prioritaire compte tenu de la question du relogement des réfugiés et déplacés.
Certaines autres catégories de personnes comme les Roms sont surreprésentées parmi les chômeurs, représentant environ 3% des demandeurs d'emploi. L'un des problèmes additionnels les concernant provient du fait que nombre de Roms ne s'inscrivent pas dans les agences pour l'emploi. S'agissant des handicapés, la loi fait obligation aux entreprises d'en recruter un certain nombre. La loi prévoit également la création d'un fonds d'insertion professionnelle. Dans le contexte actuel, les jeunes optent de poursuivre leurs études plutôt que de risquer de se retrouver au chômage, même si les entreprises recrutant des moins de 30 ans bénéficient d'exonérations; ils doivent s'engager à ne pas le licencier dans les trois ans suivant la fin des exonérations.
Le salaire minimum est décidé par un organisme paritaire au sein duquel siègent les partenaires sociaux. En cas d'absence de consensus sur son niveau, c'est l'État qui en décrète le montant. Pour le premier semestre de cette année, il a été fixé à 115 dinars de l'heure net, indexé sur le coût moyen de la vie.
Le droit de grève est garanti par la Constitution et il ne peut être restreint que par la loi. Les policiers ont le droit de cesser le travail, sous réserve que cela ne porte pas atteinte à la sécurité publique. En revanche, les membres des forces armées n'ont pas le droit de faire grève. Quant aux syndicats, malgré leur faible représentation dans le secteur public, phénomène dont le Gouvernement n'est pas responsable, ils sont effectivement nombreux et jouissent d'une totale liberté d'organisation. Les représentants syndicaux sont des salariés protégés, ne pouvant être mis à pied ou licenciés - sous réserve qu'ils respectent la loi.
Les personnes handicapées représentent un peu plus de 7,6% de la population, l'âge moyen étant de 67 ans, si l'on en croit les données du recensement. Les discriminations demeurent une réalité, a reconnu la délégation qui a rappelé que les personnes s'estimant victimes avaient toute latitude pour signaler leur cas au Médiateur. Toutefois, peu de plaintes ont été reçues.
La délégation a précisé qu'une première stratégie de réduction de la pauvreté avait été lancée en 2003, politique qui n'est plus en vigueur. Il s'agit d'une problématique complexe, à laquelle Gouvernement et Parlement prévoient de s'atteler à nouveau. Le bureau des statistiques a mené une étude sur les revenus et les conditions de vie selon laquelle les enfants ont 30% plus de risques que les autres groupes d'âge d'être confrontés à une situation de pauvreté, les familles monoparentales et les familles nombreuses étant les plus à risques.
Les politiques de logements sociaux concernent les milieux vulnérables, à commencer par les Roms. Un plan national court jusqu'en 2015 pour cela. Citant le cas de la capitale, Belgrade, la délégation a observé que les Roms ne s'intégraient pas facilement aux logements qui leur étaient proposés dans le cadre de l'élimination des campements insalubres. L'une des difficultés qui se posent est l'insuffisance de concertation des institutions concernées pour résoudre ce problème d'intégration.
À la question concernant les enfants contaminés par le VIH/sida, la délégation a indiqué que les autorités ont connaissance de 33 cas. Les travailleurs de la santé sont tout à fait qualifiés pour prendre en charge les nouveau-nés dont les mères sont séropositives, a-t-elle ajouté.
En matière environnementale et de l'accès à l'eau potable, la Serbie, en tant que candidate à l'Union européenne, a entrepris d'harmoniser sa réglementation avec le reste du continent.
Une réforme de la psychiatrie est prévue alors que plus de 300 000 citoyens souffrent de troubles mentaux. Des maisons spécialisées devront prendre le relais des grands établissements psychiatriques.
Les écoles dispensent les cours soit en serbe, soit dans les langues minoritaires, soit selon un format bilingue, a expliqué la délégation. Des mesures ont été prises pour repérer les enfants non-inscrits et pour lutter contre l'abandon scolaire, la délégation reconnaissant un financement insuffisant à cet égard. L'impression des manuels est financée par le ministère de l'éducation.
Le bureau des minorités nationales dépend du ministère de la culture et de l'information. Les minorités jouissent de leur autonomie culturelle, notamment dans le cadre de la décentralisation de la culture. L'État finance l'achat de livres pour les bibliothèques du pays, y compris dans les langues minoritaires.
La société serbe entend proposer une égalité des chances à tous afin de permettre la pleine intégration des minorités, a assuré la délégation. Le rapporteur ayant demandé s'il ne fallait pas craindre une remise en cause de l'unité nationale si chacune des minorités a droit à un enseignement dans sa langue, Mme Paunović a reconnu qu'il n'était pas possible de garantir un enseignement à la moindre des minorités, étant donné leur grand nombre et leurs effectifs modestes pour certaines d'entre elles. Concrètement, il faut au moins une quinzaine d'élèves d'une minorité donnée dans une classe pour que soit offert un enseignement dans leur langue. Pour ne pas être en butte à des accusations de discrimination, la Serbie s'est efforcée de définir des critères clairs à cet égard.
Conclusions
MME PAUNOVIĆ a déclaré que la délégation de Serbie s'était efforcée de répondre au mieux aux questions posées. Elle a mis l'accent sur les changements en cours dans le pays, malgré des ressources relativement limitées. Elle a rappelé que la Serbie s'efforçait d'harmoniser ses politiques avec le reste de l'Europe.
M. SADI a regretté un manque de temps pour examiner toutes les questions. Le rapporteur a émis l'espoir que les observations du Comité inspireraient la Serbie dans son processus de réforme actuelle.
Le Président du Comité, M. ZDZISŁAW KĘDZIA, a félicité la délégation pour son professionnalisme et son excellent coopération. S'agissant de l'alignement des pratiques de la Serbie sur celles de l'Union européenne, il a dit qu'il souhaiterait aussi qu'elle les harmonise avec les dispositions du Pacte.
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ESC14/015F