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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DE L'INDONÉSIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné aujourd'hui le rapport présenté par l'Indonésie sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le rapport de l'Indonésie a été présenté par la Vice-Ministre chargée des droits de l'homme au Ministère de la justice et des droits de l'homme, Mme Harkristuri Harkrisnowo, qui a souligné que depuis qu'elle a engagé sa transition démocratique, il y a seize ans, l'Indonésie a connu des changements considérables dans presque tous les aspects de la vie du pays. Dans le cadre de la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, la décentralisation du système de gouvernance a été introduite en 2000 en accordant une plus grande autonomie aux gouvernements sous-nationaux dans plusieurs domaines. Mais certains défis persistent comme les contraintes géographiques ainsi que la nécessité d'améliorer la capacité à appliquer les politiques et d'utiliser efficacement les ressources. Beaucoup a été fait, mais il reste aussi beaucoup à faire sur la voie de la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels en Indonésie. La vice-ministre a aussi présenté les faits nouveaux intervenus depuis la soumission de ce rapport initial, en particulier l'adoption d'une série de lois sur la santé, l'assistance aux pauvres, le logement, les communautés villageoises, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

L'imposante délégation indonésienne était également composée de M. Triyono Wibowo, Représentant permanent de l'Indonésie auprès des Nations Unies à Genève, et de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l'éducation et de la culture, du Ministère du développement des régions défavorisées, du Ministère de la justice et des droits de l'homme, du Ministère de l' intérieur, du Ministère des affaires sociales, du Ministère de la santé, du Ministère de la main-d'œuvre et des migrations, du Ministère de la planification du développement national, de l'Agence nationale de gestion des frontières, ainsi que de représentants des provinces de Papouasie et de Papouasie occidentale. La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées s'agissant notamment du respect du principe de non-discrimination; de l'harmonisation des lois nationales et régionales; des communautés coutumières (Masyarakat Adat); des questions foncières et de cas d'expulsions de communautés; de la situation dans les deux provinces de Papouasie et de Papouasie occidentale; de la législation du travail; du système de sécurité sociale; des questions d'éducation; de l'accès à l'eau et à l'assainissement; de la lutte contre la pauvreté; des travailleurs migrants et des travailleurs domestiques.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Indonésie, M. Aslan Khuseinovich Abashidze, a notamment constaté la complexité des structures du pays, notamment sa structure juridique. Il a reconnu que les autorités indonésiennes doivent gérer un pays extrêmement complexe du point de vue démographique et géographique. Plusieurs membres du Comité ont relevé que la loi n°39 de 1999 sur les droits de l'homme ne couvrait pas tous les motifs de discrimination énoncés au paragraphe 2 de l'article 2 du Pacte. Il a été suggéré à l'Indonésie de revoir ses lois nationales afin de vérifier qu'elles ne comportent pas de normes discriminatoires, s'agissant en particulier des personnes handicapées, des personnes appartenant à des groupes de minorités sexuelles ou encore les femmes. Des préoccupations ont également été émises s'agissant des conditions prévues dans les contrats de travail. Les conditions de travail des travailleurs domestiques ont également attiré l'attention des membres du Comité.

Les observations finales du Comité sur tous les rapports examinés au cours de la session seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 23 mai prochain.


Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels examinera demain le rapport de Monaco (E/C.12/MCO/2-3).




Présentation du rapport

Présentant le rapport initial de l'Indonésie (E/C.12/IDN/1), Mme HARKRISTURI HARKRISNOWO, Vice-Ministre et Directrice pour les droits de l'homme au Ministère de la justice et des droits de l'homme de l'Indonésie, a indiqué que dans le cadre de la préparation de ce rapport, une série de discussions et de consultations approfondies impliquant plusieurs parties prenantes, dont les représentants des gouvernements provinciaux et des organisations de la société civile, a été conduite à Jakarta et dans de nombreuses capitales provinciales du pays. Plus grand archipel du monde et dotée d'une population hétérogène de plus de 240 millions d'habitants répartie sur 17 508 îles, l'Indonésie a toujours aspiré à être une nation forte fondée sur les principes de démocratie, de respect des droits de l'homme et de primauté du droit, a souligné la vice-ministre. Depuis qu'elle a engagé sa transition démocratique, il y a seize ans, l'Indonésie a connu des changements considérables dans presque tous les aspects de la vie du pays, a poursuivi Mme Harkrisnowo. Dans le cadre des efforts de promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, la décentralisation du système de gouvernance a été introduite en 2000 en accordant une plus grande autonomie aux gouvernements sous-nationaux dans la gestion de plusieurs domaines de développement, a-t-elle précisé.

Pour autant, les progrès ne se concrétisent pas toujours facilement et les défis persistent, a reconnu Mme Harkrisnowo. Parmi ces défis figurent les contraintes géographiques ainsi que la nécessité d'améliorer la capacité à appliquer les politiques décidées et d'utiliser efficacement les ressources. Beaucoup a été fait, a-t-elle assuré, mais il reste aussi beaucoup à faire sur la voie de la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels en Indonésie.

L'Indonésie a ratifié le Pacte en 2005 et ses ont complètent la législation nationale existante et servi de fondement pour les lois et règlements ayant été par la suite adoptés aux fins d'un meilleur respect, d'une meilleure protection et de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, a fait valoir la vice-ministre.

Présentant les faits nouveaux intervenus en Indonésie qui n'ont pas été pris en compte dans ce rapport initial, soumis au premier trimestre 2012, Mme Harkrisnowo a attiré l'attention sur l'adoption, entre autres, d'une loi sur le système national de santé (2011); d'une loi sur l'assistance aux pauvres (2011); d'une loi sur le logement (2011); d'une loi sur les villages (2014); d'une loi portant réglementation de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (2012); d'une réglementation gouvernementale sur les bénéficiaires de subventions publiques d'assurance santé (2012); et d'une réglementation présidentielle sur l'assurance santé (2013). L'Indonésie a accueilli la visite du Rapporteur spécial sur le logement convenable en mai 2013, et a adressé, en 2012, une invitation au Rapporteur spécial sur le droit à la santé.

Le pays continue d'appliquer son Plan d'action national pour les droits de l'homme pour assurer une amélioration systématique en termes de promotion et de protection des droits de l'homme, a indiqué Mme Harkrisnowo. L'application des normes énoncées par le Pacte a été intégrée dans le troisième Plan national d'action pour les droits de l'homme, qui couvre la période 2011-2014, a-t-elle fait valoir. Quelque 432 comités sous-nationaux chargés d'appliquer le Plan d'action ont été établis à travers tout le pays, a-t-elle précisé, avant d'indiquer que l'Indonésie est en train de préparer son prochain plan d'action, qui couvrira la période 2015-2019.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. ASLAN KHUSEINOVICH ABASHIDZE, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Indonésie, a souligné que l'Indonésie était un pays complexe par sa structure, juridique notamment. Compte tenu du fait que la Constitution a été adoptée en 1945 et que de nombreuses lois ont été adoptées depuis, et compte tenu aussi du fait que le pays traverse une période active et intense dans divers domaines, y compris juridique, la question se pose de savoir s'il est possible d'invoquer directement le Pacte devant les juridictions du pays, tant au niveau national qu'aux niveaux décentralisés, a poursuivi le rapporteur. Il a souhaité savoir si l'ensemble de la législation en vigueur en Indonésie respectait bien les dispositions du Pacte.

La loi n°39 de 1999 sur les droits de l'homme garantit-elle la prise en compte de tous les motifs pour lesquels une discrimination est interdite en vertu de l'article 2 du Pacte, a par ailleurs demandé M. Abashidze.

À cet égard, un autre membre du Comité a ajouté qu'il semble que la loi de 1999 sur les droits de l'homme ne couvre pas tous les motifs de discrimination couverts par l'article 2 du Pacte. Faute d'une interdiction claire de la discrimination sous toutes ses formes, il n'y a pas non plus de sanctions prévues en cas de violation de la loi en la matière, a fait observer cette experte. Dans ce contexte, l'Indonésie envisage-t-il l'adoption d'une loi-cadre sur la discrimination qui couvrirait tous les motifs énoncés à l'article 2 du Pacte?

Attirant l'attention sur les questions relatives à l'accaparement des terres et aux activités foncières et extractives, l'experte a déclaré qu'en Indonésie, le développement s'est accompagné de violations de droits de l'homme dans de nombreux domaines. Elle a déploré l'absence de législation sur les droits fonciers et a fait observer que la loi agraire n'était pas complétement appliquée. Quant au principe du consentement préalable libre et éclairé, il n'est pas toujours respecté, a-t-elle insisté.

Une autre experte a invité l'Indonésie à revoir ses lois nationales afin de vérifier qu'elles ne comportent pas de normes discriminatoires; à cet égard, elle a indiqué déceler des problèmes concernant les personnes handicapées, les personnes appartenant à des groupes de minorités sexuelles ou encore les femmes.

Un autre membre du Comité s'est enquis de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne de l'Indonésie et de la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels dans le pays. Selon les renseignements disponibles, il semble que le système judiciaire indonésien soit «assez défaillant»: il n'est pas indépendant et subit beaucoup d'ingérence de la part d'autres institutions - militaires, gouvernementales, notamment. En outre, selon ces renseignements, la corruption est endémique dans le pays. Des poursuites ont-elles été engagées ou sont-elles en cours concernant des hauts fonctionnaires de l'État, a-t-il demandé?

Un expert a demandé quel était le montant de la dette indonésienne et a voulu savoir si la dépendance financière du pays, décrite comme un «fardeau» dans le rapport, constitue un handicap pour son développement.

Un membre du Comité a fait observer que l'Indonésie n'adhère pas aux mécanismes de plaintes individuelles (communications) créés en vertu de protocoles facultatifs se rapportant aux instruments internationaux de droits de l'homme, parmi lesquels le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le pays a-t-il l'intention d'adhérer au Protocole? L'expert a aussi voulu savoir si l'Indonésie avait ratifié la Convention contre la corruption.

Une experte a fait part de sa préoccupation face au grand nombre de personnes qui travaillent dans le secteur formel en contrat à durée déterminée voire sans contrat du tout. Elle s'est également inquiétée de la possibilité de passer des contrats de travail oraux, soulignant que de tels contrats laissent la porte ouverte à toutes sortes d'abus. Les travailleurs domestiques sont une autre catégorie de travailleurs dont la situation est préoccupante, a poursuivi l'experte, avant de s'enquérir de l'intention de l'Indonésie d'adhérer à la Convention n°189 de l'OIT sur le travail décent pour les travailleurs domestiques.

Il y aurait dix millions de travailleurs domestiques en Indonésie, sur une centaine de millions à travers le monde; aussi, serait-il judicieux que le pays se dote d'une loi réglementant ce secteur, sans compter que de nombreux Indonésiens travaillent également eux-mêmes comme travailleurs domestiques à l'étranger, a fait observer un autre expert.

D'après les statistiques disponibles, le taux de pauvreté atteindrait 36% dans la province de Papouasie occidentale et serait également important dans la province de Papouasie, alors que la moyenne nationale n'est que de 14%. Dans ce contexte, il a été demandé quelles mesures le Gouvernement indonésien avait prises pour lutter contre la pauvreté dans ces deux provinces.

Tout en saluant les progrès réalisés par le pays en matière d'accès à l'eau potable et à l'assainissement, un membre du Comité a fait observer que l'Indonésie est encore loin d'avoir atteint l'objectif du Millénaire pour le développement dans ce domaine. En effet, a-t-il notamment précisé, seulement 44,19% de la population indonésienne a accès à une eau potable saine, alors que selon l'objectif du Millénaire pour le développement, il faudrait que le pays parvienne d'ici l'an prochain à un taux de 68%.

Le pays dispose-t-il d'une stratégie nationale en matière de logement, axée sur les personnes ayant le plus de mal à accéder à un logement convenable, a demandé un autre expert? Environ 15% des populations des villes vivent dans des bidonvilles, a-t-il relevé, avant de s'inquiéter des expulsions forcées pratiquées dans le pays, notamment à l'encontre des populations autochtones, dont les terres sont confisquées et qui se voient déplacées de force. L'expert s'est en outre inquiété des expulsions forcées pratiquées à l'encontre des personnes transgenres, dont les logements ont parfois été incendiés.

Il semble que pour qu'un auteur de viol puisse être condamné, il faille que plusieurs témoins témoignent contre lui, s'est inquiété un membre du Comité.

La propriété privée s'applique-t-elle aux ressources telles que l'eau ou s'agit-il d'une ressource appartenant à l'État, a demandé un expert? En Indonésie, la gestion de l'eau peut-elle être confiée à une entreprise privée?

Un membre du Comité a fait état d'informations selon lesquelles les programmes d'aide en faveur des pauvres, y compris pour ce qui est de l'aide aux étudiants pauvres, bénéficieraient davantage à des personnes ayant des revenus intermédiaires qu'à celles ayant de faibles revenus.

Un autre expert a demandé des précisions sur le passage du rapport qui affirme que «le Gouvernement développe la science et la technologie dans le respect des valeurs religieuses et de l'unité nationale…» (paragraphe 232).

Un membre du Comité a demandé si la reconnaissance collective des droits des peuples autochtones était consacrée dans la Constitution. Par ailleurs, l'Indonésie ayant indiqué qu'une dizaine de langues locales auraient disparu et que 32 autres seraient en voie de disparition, il a voulu savoir quelles étaient les principales raisons de ce phénomène et quelles mesures les autorités prenaient ou envisageaient de prendre pour inverser cette tendance.

Réponses de la délégation

S'agissant de la possibilité d'invoquer le Pacte devant les tribunaux indonésiens, la délégation a rappelé que selon la loi sur les droits de l'homme, tous les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme adoptés par le pays deviennent automatiquement partie de l'ordre juridique interne. Il n'en reste pas moins qu'il est encore difficile pour les tribunaux de se référer directement au Pacte; cela étant, le tribunal constitutionnel a récemment rendu des décisions sur la base du Pacte. Le pouvoir judiciaire n'est pas encore entièrement informé de toutes les dispositions du Pacte; c'est un mouvement qui se poursuit, a assuré la délégation.

D'après la loi n°12 de 2011 sur la formulation des lois, toutes les lois adoptées par le Parlement doivent être conformes aux principes et aux normes des droits de l'homme. Ce principe figure également dans la Constitution.

La loi sur les droits de l'homme de 1999 couvre bien tous motifs de discrimination énoncés au paragraphe 2 de l'article 2 du Pacte, a par ailleurs assuré la délégation. Néanmoins, l'Indonésie n'a pas encore rendu sa loi conforme aux dispositions de la recommandation générale n°20 du Comité sur la non-discrimination dans l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels, a-t-elle reconnu. La seule loi particulière contre la discrimination dont est à ce stade doté le pays est celle qui est intitulée «Loi sur la discrimination raciale et ethnique», a-t-elle précisé.

L'Indonésie ne dispose pas d'une loi spécifiquement consacrée à la question de la parité hommes-femmes, a poursuivi la délégation. La loi sur le mariage est en cours de révision, a d'autre part indiqué la délégation. L'Indonésie a ratifié la Convention n°100 de l'OIT sur l'égalité de rémunération et le pays dispose d'une loi sur l'égalité de rémunération entre hommes et femmes: à responsabilité égale, le salaire est égal entre hommes et femmes, a par la suite indiqué la délégation, assurant ne pas disposer d'informations permettant d'affirmer qu'il existerait dans le pays des écarts de salaires entre les deux sexes. La délégation a affirmé que de son point de vue, il n'existe pas en Indonésie de discrimination au travail entre les hommes et les femmes. Il est par exemple interdit de mettre un terme au contrat de travail d'une femme enceinte ou qui aurait accouché, a fait valoir la délégation.

Répondant à une question sur la poursuite des auteurs présumés de viols, la délégation a expliqué que dans les affaires de viol, deux preuves sont demandées: celle émanant d'un témoin et une seconde preuve, qui peut être celle fournie par un autre témoin ou encore par le médecin ayant examiné la victime présumée. La législation en vigueur reconnaît que le viol marital est un viol et donc passible de sanctions, a ajouté la délégation.

La délégation a par ailleurs fait état du nouveau plan national d'action en faveur des personnes handicapées dont s'est dotée l'Indonésie cette année et qui fait suite au plan d'action 2004-2014 en faveur des personnes handicapées. Le nouveau plan ne couvrira pas une période aussi longue que le précédent car les besoins les plus pressants ne sont pas suffisamment actualisés sur une période de 10 ans.

En ce qui concerne la lutte contre la corruption, la délégation a fait valoir que la justice travaille et que d'anciens ministres ont été condamnés à des peines de prison, tout comme le président du tribunal constitutionnel ou des membres du Parlement et de partis politiques.

Interrogée sur les liens entre la Commission de lutte contre la corruption et la Commission nationale des droits de l'homme, la délégation a indiqué que l'on ne peut pas parler de coopération systématique mais plutôt de synergie et d'entente entre ces deux institutions. L'Indonésie est tout à fait favorable à la création d'un lien entre lutte contre la corruption et lutte pour la promotion des droits de l'homme, a assuré la délégation, avant d'ajouter que l'élimination de la corruption est et restera toujours une priorité pour l'Indonésie.

À l'heure actuelle, la dette totale de l'Indonésie s'élève à un peu plus de 260 milliards de dollars, dont environ 120 milliards de dette publique et 140 milliards de dette privée. La dette représentait l'an dernier 34,2% du PNB. L'objectif est de la réduire à 21,8% du PNB cette année et à 18,7% du PNB en 2016.

Évoquant la problématique de l'harmonisation ou tout au moins de la compatibilité des lois nationales et régionales, la délégation a rappelé que l'Indonésie est un vaste pays composé de quelque 505 régions et 34 provinces qui chacune élabore ses propres lois. Cette année, le Gouvernement a lancé un programme d'examen de quelque 1200 lois: une cinquantaine de lois régionales ont à ce stade été détectées comme étant contradictoires avec la législation nationale et devant donc faire l'objet de modifications. Dans ce contexte, des représentants de la société civile émettent des objections sur ces lois auprès de la Cour suprême, laquelle entreprend alors de vérifier la conformité des lois visées avec la loi centrale nationale.

Les Masyarakat Adat représentent un concept différent de celui que l'on applique généralement aux communautés et peuples autochtones, a ensuite expliqué la délégation; ce concept renvoie à des groupes et communautés ayant un système coutumier particulier non écrit qui est régi par la communauté elle-même. Masyarakat Adat ne renvoie pas forcément à une communauté en particulier qui serait minoritaire, ni à des groupes de population qui seraient marginalisés. Ce terme n'a pas de traduction dans d'autres langues car il recouvre un système tout à fait particulier qui est propre à l'Indonésie, a insisté la délégation. D'après les experts, a-t-elle précisé, il existe 19 régions de présence de Masyarakat Adat impliquant divers groupes ethniques et culturels, y compris parmi les grands groupes ethniques et culturels du pays. S'agissant de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la délégation a expliqué que le Gouvernement indonésien appuie certes l'adoption d'un instrument qui a pour but de protéger les droits de l'homme des peuples autochtones dans le monde entier, mais a souligné qu'en Indonésie, on considère que «nous sommes tous des autochtones». Si cette Déclaration ne correspond donc pas en tant que telle au contexte indonésien, il n'en demeure pas moins que ses dispositions sont pertinentes et que des principes comme celui du consentement libre et éclairé des populations concernées sont particulièrement pertinents, a insisté la délégation.

Évoquant les questions foncières et liées à l'exploitation des terres, la délégation a fait état de la situation en Papouasie en soulignant que l'usage foncier d'une terre à des fins d'exploitation (en vertu de permis délivrés à une entreprise d'exploitation) ne peut porter que sur une période de 35 ans maximum; en outre, les investisseurs doivent verser des dédommagements financiers à la population. Le montant du dédommagement versé aux Masyarakat Adat est déterminé avec l'accord de la communauté concernée, a précisé la délégation. La loi sur l'autonomie spéciale de la Papouasie garantit le respect de l'ensemble de ces principes, a-t-elle insisté.

En ce qui concerne la question des expulsions, la délégation a rappelé que, selon la loi agraire en vigueur en Indonésie, il existe trois catégories de terres: les terres boisées; les terres qui sont constructibles; et enfin les terres libres, c'est-à-dire les terres de l'État. Les réservoirs sont censés relever de l'environnement libre, a souligné la délégation.

Attirant l'attention sur les mesures prises afin de surmonter la pauvreté en Papouasie, où la population approche désormais les 3,5 millions de personnes, et en Papouasie occidentale, où elle atteint les cinq millions d'habitants, la délégation a souligné que les autorités ont mis en place des programmes d'accélération du développement dans ces deux provinces. Ces programmes s'appuient sur une double stratégie, politique et culturelle, qui tient également compte de la dimension sociale et de la question des revenus. Ces dernières années, la pauvreté a considérablement diminué dans ces deux provinces pour se situer, en 2013, à 31,2% de la population en Papouasie et 27,14% de la population en Papouasie occidentale, a précisé la délégation.

La Papouasie compte quelque 288 groupes ethniques et autant de langues, a poursuivi la délégation: les communautés les plus petites comptent moins de mille membres alors que les plus grandes dépassent les 10 000 membres. Depuis qu'un statut spécial d'autonomie a été reconnu aux deux provinces, la culture papoue est représentée dans les instances gouvernementales locales, a-t-elle ajouté. Aujourd'hui, la Papouasie compte 42 régions et autant de villes; les 42 régions sont dirigées par des Papous qui sont directement élus par les Papous eux-mêmes, a fait valoir la délégation. Les Papous participent tant à la phase de planification qu'à la phase de mise en œuvre de la stratégie de développement dans ces provinces, a-t-elle indiqué.

Il est vrai que l'Indonésie n'a pas encore ratifié d'instrument international permettant l'examen de plaintes individuelles, a par reconnu la délégation. Néanmoins, au niveau national, plusieurs mécanismes, tels que la Commission nationale des droits de l'homme ou encore l'Ombudsman, peuvent être saisis de plaintes individuelles pour violation des droits de l'homme, a-t-elle fait valoir. Cela ne signifie pas que l'Indonésie ferme la porte aux mécanismes internationaux susceptibles d'être saisis de plaintes individuelles, a-t-elle ajouté.

La législation relative au travail et à la main-d'œuvre porte sur le secteur formel, le secteur informel échappant à toute réglementation, a poursuivi la délégation. La loi n°13 de 2003 stipule que toute entreprise d'au moins dix employés est tenue d'avoir un règlement exposant les droits des travailleurs, a-t-elle notamment précisé, avant de souligner que celles de moins de dix salariés sont tout au moins tenues de respecter un certain nombre de normes, notamment en termes d'établissement de contrat de travail. Le secteur informel est, en revanche, un secteur qui échappe à la réglementation et n'est pas couvert par la sécurité sociale. Pour faire face à la situation particulière qui existe de facto dans ce secteur, il est convenu qu'un accord de travail peut être écrit ou oral; en effet, s'il est préférable que l'accord soit écrit, il y a beaucoup de situations où, à défaut d'accord écrit, un accord oral est possible, notamment entre un pêcheur et le propriétaire du bateau utilisé.

En Indonésie, le règlement des conflits de travail se fait sur une base tripartite, a par ailleurs fait valoir la délégation. S'il n'existe pas de loi spécifique sur les salaires, il existe des accords sur les salaires minima, a-t-elle en outre indiqué.

Depuis janvier 2014, a poursuivi la délégation, a été mis en place en Indonésie un régime de santé qui s'applique à tous, tant au secteur formel qu'au secteur informel. Selon la Constitution, a-t-elle ajouté, tous les citoyens indonésiens doivent bénéficier du système de sécurité sociale.

La délégation a par ailleurs souligné que le recrutement de travailleurs migrants en Indonésie doit répondre à certaines conditions: il est par exemple interdit de recruter des travailleurs migrants en mauvaise santé, sans papiers ou encore de ne pas leur permettre d'être couverts par l'assurance sociale ou de les loger dans des conditions inconvenables. En 2013, des mesures ont été prises à l'encontre de 28 entreprises qui ne respectaient pas ces conditions minimales et dont l'agrément pour l'emploi de travailleurs migrants a donc été révoqué, a précisé la délégation.

Le projet de loi sur les travailleurs domestiques est en cours d'examen depuis plusieurs années: ce processus n'a pas encore abouti, a d'autre part indiqué la délégation.

Les programmes gouvernementaux permettant aux plus pauvres de suivre des études bénéficient effectivement aux enfants des familles les plus pauvres, a assuré la délégation. Les recteurs d'universités sont invités à se montrer généreux et souples à l'égard des étudiants issus des milieux défavorisés; la pauvreté des élèves ne doit pas être un obstacle à leur éducation, a ajouté la délégation.

S'agissant de l'admission à l'examen d'entrée à l'université, la délégation a assuré que s'il a pu arriver que des étudiants handicapés ne puissent participer à des examens universitaires, il s'agissait de cas isolés et non d'une politique voulue par le Gouvernement. Il n'y a pas de politique nationale interdisant ou empêchant les jeunes handicapés de suivre un enseignement, a insisté la délégation.

En Indonésie, l'enseignement public primaire et secondaire est gratuit, tout comme le sont les manuels scolaires, a souligné la délégation. Telle est la norme générale, mais le gouvernement local reste ensuite libre d'appliquer la politique scolaire qu'il souhaite et les autorités centrales ne peuvent l'en empêcher, a-t-elle précisé. Le taux d'analphabétisme est plus élevé dans les provinces de Papouasie que dans le reste du pays, a par la suite reconnu la délégation.

L'Indonésie suit les objectifs du Millénaire pour le développement en matière d'eau et d'assainissement, a par ailleurs indiqué la délégation. Le pays n'est pas en mesure de fournir d'indications précises concernant ces questions, mais il s'efforce de garantir à la population un accès à l'eau et à l'assainissement.

Les pauvres font face à des difficultés sans cesse croissantes pour accéder aux denrées de base, compte tenu de la hausse brutale des tarifs de l'énergie récemment. Aussi, le Gouvernement s'attache-t-il ces derniers temps à juguler l'inflation et à maîtriser les prix de l'énergie afin de conserver le pouvoir d'achat des pauvres, de manière à ce que ceux-ci puissent satisfaire leurs besoins de base. Des progrès ont été réalisés pour réduire les écarts de développement, de croissance et de pauvreté entre les différentes régions du pays, a d'autre part assuré la délégation.

La délégation indonésienne a par ailleurs reconnu des lacunes dans l'accès aux soins appropriés pour les personnes souffrant de problèmes de santé mentale, qui non seulement ne peuvent pas toujours accéder aux hôpitaux dispensant les soins adéquats mais préfèrent en outre le plus souvent se tourner vers des guérisseurs traditionnels voire des chefs religieux. En Indonésie, quelque 170 000 personnes souffrent de problèmes mentaux graves, a précisé la délégation, ajoutant craindre une hausse du nombre de ces personnes eu égard à l'importante croissance démographique, ainsi que le manque de personnels qualifiés pour les prendre en charge. Seuls 30% des centres de soins de santé primaire sont en mesure de dispenser des soins de santé mentale et moins de la moitié des hôpitaux du pays ont des services spécialisés de santé mentale.

Observations préliminaires

Le rapporteur pour l'examen du rapport de l'Indonésie a rappelé que le dialogue entre le Comité et les membres de la délégation indonésienne avait pour objet de permettre aux experts de se faire une idée globale de la situation dans le pays afin de lui faire des recommandations sur la façon d'améliorer ladite situation. Les autorités indonésiennes doivent gérer un pays extrêmement complexe du point de vue démographique et géographique, a souligné le M. Khuseinovich Abashidze, avant de souhaiter un plein succès au pays.


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ESC14/005F