Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT DE HAUT NIVEAU SUR LES DROITS DE L'HOMME DES MIGRANTS
Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin une réunion-débat sur l'intégration des droits de l'homme dans le système des Nations Unies en portant son attention sur la promotion et de la protection des droits de l'homme des migrants.
Des déclarations liminaires ont été présentées par M. Jan Eliasson, Vice-Secrétaire général des Nations Unies; Mme Navi Pillay, Haut-Commissaire aux droits de l'homme; M. Jean-Marie Ehouzu, Observateur permanent de l'Union africaine à Genève; et M. Benedetto Della Vedova, Secrétaire d'État aux affaires étrangères de l'Italie; et M. François Crépeau, Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants.
M. Eliasson, qui intervenait par vidéoconférence, a souligné les bénéfices de la migration pour les pays d'accueil et rejeté la xénophobie, le racisme et l'intolérance. Il a réaffirmé la nécessité de promouvoir et de protéger les droits de l'homme ainsi que les libertés fondamentales de tous les migrants, quel que soit leur statut. Mme Pillay a estimé que le débat de ce matin se déroule à un moment où des appels à l'intolérance se propagent dans le monde et elle a appelé à la mise en œuvre de la Déclaration sur les migrations internationales et le développement adoptée à l'unanimité par l'Assemblée générale l'an dernier. M. Ehouzu, a pour sa part déclaré que pour l'Union africaine, les négociations sur le programme de développement de l'après-2015 constitue une occasion très importante qu'il convient de mettre à profit pour accorder la reconnaissance adéquate à la migration comme facteur de développement et l'intégrer dans le cadre global de développement. M. Della Vedova a quant à lui estimé que le moment est venu d'adopter une approche efficace centrée sur les migrants et a fait valoir l'opération humanitaire mare nostrum menée depuis l'an dernier par l'Italie, qui a permis de secourir de nombreux migrants. Enfin, M. Crépeau a souligné que la question migratoire était mal comprise et acceptée; les migrants sont parmi ceux qui souffrent le plus des violations des droits de l'homme et de la stigmatisation.
Des exposés ont ensuite été présentés par M. Guy Ryder, Directeur général de l'Organisation internationale du travail (OIT); Mme Laura Thompson, Directrice générale adjointe de l'Organisation internationale pour les migrations; M. Volker Türk, Directeur de la division de la protection internationale au Haut-Commissariat pour les réfugiés; M. John Sandage, Directeur de la Division des traités à l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et M. Christian Salazar, Directeur adjoint au Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF)
M. Ryder a estimé qu'il n'est pas normal que les pays qui se trouvent en première ligne supportent l'essentiel du fardeau qu'est l'afflux non organisé de migrants. Il faut œuvrer plus activement pour une gouvernance de la migration et mener des campagnes d'information face au sentiment de l'opinion publique selon laquelle les migrants représentent une concurrence déloyale sur le marché du travail, a déclaré le Directeur général de l'OIT. Mme Thompson a souligné que la migration est une question transversale, qui doit être abordée d'une manière coordonnée, en appelant à ne pas compartimenter la discussion. Il faut adopter une approche cohérente et basée sur les droits de l'homme, a conclu la représentante de l'OIM. M Türk a mis en garde contre une application généralisée et indiscriminée de législations antimigration, contraire au droit international et qui constitue une tendance qui préoccupe vivement le Haut Commissariat pour les réfugiés. M. Sandage a quant à lui indiqué que l'ONUDC se tient prête à soutenir les États membres dans la mise en œuvre de la récente résolution de l'Assemblée générale sur la promotion des efforts visant à éliminer la violence à l'encontre des migrants. Enfin, M. Salazar a attiré l'attention sur le sort des enfants migrants à travers le monde, soulignant que des normes internationales sont nécessaires pour coordonner les politiques en matière de traitement des enfants migrants.
Au cours du débat interactif qui a suivi, toutes les délégations ont insisté sur le devoir de protéger les droits des migrants. Pour l'une d'elle, il ne s'agit rien de moins que d'une obligation morale, au-delà de l'obligation juridique. Il a également été souligné que la cause de la migration reste avant toute la pauvreté, en particulier le déséquilibre entre pays du Nord et du Sud. Tant que ces déséquilibres ne seront pas résorbés, la question migratoire ne sera pas réglée, a-t-il été observé. Pour ce faire, la coopération internationale reste le meilleur moyen. Il faut que cette question puisse être abordée à un niveau international, y compris dans le cadre du programme de développement pour l'après 2015, ont plaidé de nombreuses délégations. Le Conseil des droits de l'homme devrait pour sa part créer un cadre permanent sur les migrants en son sein, a demandé un groupe d'États. Tandis que des délégations demandaient que la migration ne soit plus criminalisée, une délégation a estimé qu'un droit à ne pas migrer devrait être envisagé, compte tenu du déséquilibre crée dans les pays d'origine, qui se retrouve parfois dépourvus de ressources humaines pour assurer leur propre développement.
Les pays suivants ont participé à ce débat: Namibie, Portugal, Burkina Faso, Philippines, Sierra Leone, Maroc, Sénégal (au nom du Groupe francophone), Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Costa Rica (au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes), Éthiopie (au nom du Groupe africain), El Salvador, Suisse, États-Unis, Union européenne, Égypte, Indonésie, Chine, CICR, Australie, ainsi que les Commissions nationales des droits de l'homme de la Mauritanie et du Maroc et deux organisations non gouvernementales: Save the Children et Commission internationale catholique pour les migrations.
Le Conseil reprend à la mi-journée son débat ministériel de haut niveau avant de procéder, cet après-midi à 15 heures, à une réunion-débat de haut niveau sur la promotion d'approches préventives au sein du système des Nations Unies.
Réunion-débat de haut niveau sur l'intégration des droits de l'homme: protection et promotion des droits des personnes migrantes
Déclarations liminaires
M. JAN ELIASSON, Vice-Secrétaire général des Nations Unies, a souligné dans un message vidéo l'ampleur du défi de la protection des migrants illustré par les tragédies récentes en Méditerranée. Dans le même temps, il s'est dit encouragé par la prise de conscience croissante du problème de la migration et de la recherche de politiques adaptées pour les assister et pour aider les sociétés à s'adapter. Il a souligné que la Déclaration du Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée générale l'an dernier, constituait une étape importante à cet égard. La Déclaration souligne en effet les bénéfices de la migration, rejette la xénophobie, le racisme et l'intolérance et réaffirme la nécessité de promouvoir et de protéger les droits de l'homme ainsi que les libertés fondamentales de tous les migrants quel que soit leur statut, a rappelé M. Eliasson. Il faut faire en sorte que les droits des migrants ne deviennent pas simplement de la rhétorique lorsque l'on débat des implications économiques, politiques et financières de la migration, a-t-il averti.
MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, a estimé que le débat de ce matin ne pouvait se tenir à un moment plus opportun, c'est-à-dire au moment où des appels à l'intolérance se propagent dans le monde. Le Haut-Commissariat, qui est engagé de longue date sur la question des migrations, a pris des initiatives, dont l'élaboration de principes et directives relatives aux droits de l'homme aux frontières internationales. Ces principes et directives sont mis à disposition comme outils concrets pour la gestion des migrants, selon une approche respectueuse des droits de l'homme, a indiqué Mme Pillay.
Pour autant, cela n'est pas suffisant, a-t-elle poursuivi, estimant qu'il faut aller plus loin, notamment dans le cadre du programme de développement pour l'après 2015. Celui-ci pourrait développer des objectifs et des mécanismes de suivi. C'est dans cet objectif que le Haut-Commissariat a également développé des indicateurs adaptés, a encore indiqué Mme Pillay. Pour la Haut-Commissaire, les Nations Unies ont le devoir de veiller au respect des droits de l'homme des migrants. L'organisation a un rôle essentiel à jouer sur cette question, en organisant par exemple des réunions régulières sur le sujet. Il serait par exemple souhaitable que le Conseil établisse pour sa part un mécanisme de suivi de la réunion d'aujourd'hui, a-t-elle encore suggéré.
La Déclaration de l'Assemblée générale sur les migrations internationales et le développement est un premier pas, qu'il faut maintenant mettre en œuvre, afin d'en faire une réalité pour les 232 millions de migrants dans le monde. En ce qui le concerne, le Haut-Commissariat est prêt à apporter son aide à cet effet, a dit Mme Pillay.
M. JEAN-MARIE EHOUZU, Observateur permanent de l'Union africaine à Genève, a souligné la priorité donnée par l'Union africaine aux questions de migrations. Elle a adopté en 2006 une position commune sur la migration et le développement, ainsi qu'un cadre de politique de migration pour l'Afrique. «Les situations de conflits internes en Afrique restent une importante cause de la migration», a-t-il souligné. Pour l'Union africaine, «les négociations sur l'agenda post-2015 pour le développement constitue une occasion très importante qu'il convient de mettre à profit pour donner la reconnaissance adéquate à la migration comme facteur de développement et l'intégrer dans le cadre global de développement».
Les États ont une «obligation irréductible» d'assurer la pleine protection et jouissance des droits de l'homme des migrants, a souligné le représentant de l'Union africaine. Concrètement, ils doivent «identifier et mettre en place des mécanismes assurant l'accès des migrants aux services sociaux comme l'éducation et la santé». M. Ehouzu a appelé à la ratification universelle de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leur famille.
M. BENEDETTO DELLA VEDOVA, Secrétaire d'État aux affaires étrangères de l'Italie, a déclaré que la migration est un élément essentiel des politiques nationale et étrangère de l'Italie, qui joue un rôle important dans la gestion des flux migratoires en Méditerranée. Le moment est venu d'adopter une approche efficace centrée sur les migrants, a-t-il estimé, avant de relever que son pays est confronté à des défis inhabituels dans ce domaine. Aujourd'hui, les deux tiers des personnes qui arrivent en Italie ont potentiellement le droit au statut de réfugié et elles ont souvent souffert physiquement et psychologiquement. Plus de 3% des migrants décèdent au cours de leur périple, selon une étude de l'Université de Florence, a-t-il ajouté. L'Italie a intensifié ses efforts en déployant en octobre 2013 une opération humanitaire intitulée «mare nostrum», qui a permis de secourir près de 6 400 migrants au cours du premier mois.
La coopération avec les pays d'origine et de transit est la seule façon de gérer sérieusement les flux migratoire, a souligné le Secrétaire d'État italien, rappelant que la majorité des migrants proviennent de la corne de l'Afrique. Cette coopération permettrait notamment de protéger les droits de l'homme des migrants. M. Della Vedova a estimé que le Dialogue de haut-niveau sur la migration et le développement organisé à New York en octobre dernier a démontré la capacité de la communauté internationale à trouver des accords politiques sur ces questions. Le Secrétaire d'État a enfin évoqué la mission en Italie, en 2012, de M. François Crépeau, Rapporteur spécial sur les droits des migrants. Dans ce cadre, il a mentionné les efforts des autorités italiennes pour améliorer les capacités d'accueil de réfugiés. Pour conclure, il a appelé au renforcement de tous les acteurs internationaux pour lutter contre les violations des droits de l'homme inacceptables dont sont victimes les migrants.
M. FRANÇOIS CRÉPEAU Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, s'est félicité du choix du thème du débat de ce jour, d'autant que la question migratoire est mal comprise et acceptée par tous. Les migrants sont parmi ceux qui souffrent le plus des violations des droits de l'homme et de de la stigmatisation. Ce sont eux qui occupent des emplois dont ne veulent pas les nationaux et souvent dans des conditions humiliantes ou inhumaines, a-t-il ajouté. Dans ce contexte, le Rapporteur spécial a demandé aux pays d'accueil de reconnaître leurs besoins de main d'œuvre migrante et le rôle que ces populations jouent dans leur développement économique et social.
Pour le Rapporteur spécial, le Forum mondial sur la migration et le développement est un cadre pertinent qui doit continuer de jouer son rôle. Il est en outre nécessaire que les Nations Unies s'ouvrent à ces questions, a poursuivi M. Crépeau, invitant les États à tenir des dialogues de haut niveau tous les deux ou trois ans pour mieux aborder ces questions et les suivre. Avec le Forum mondial, ces débats de haut niveau pourraient créer une dynamique et une synergie, a-t-il encore estimé. En ce qui le concerne, le Conseil devrait intégrer davantage la question des droits de l'homme des migrants. Le programme de développement pour l'après 2015 devrait pour sa part également tenir compte des questions relatives aux migrants, y compris étudier les moyens de leur fournir des outils pour se défendre dans les situations de grande vulnérabilité, a-t-il conclu.
Exposés
M. GUY RYDER, Directeur général de l'Organisation internationale du travail (OIT), a souligné que le contexte international était propice au débat d'aujourd'hui. En outre, les contextes nationaux voient se développer des attitudes qui ne facilitent pas la recherche de solutions. Les sentiments de l'opinion publique se basent sur des impressions bien souvent erronées, a-t-il remarqué. Enfin, les atteintes aux droits des migrants sont aggravées lorsque ceux-ci sont en situation irrégulière. Pour la grande majorité des personnes concernées, la migration est motivée avant tout par la quête d'une vie meilleure, raison pour laquelle l'OIT considère que la migration doit être l'un des axes de son action.
M. Ryder a souligné l'importance des Conventions n°97 et n°143 à cet égard. Il n'est pas normal par ailleurs que les pays qui se trouvent en première ligne supportent l'essentiel du fardeau représenté par l'afflux non organisé de migrants. Nous devons œuvrer plus activement sur la gouvernance de la migration et mener des campagnes d'information face au sentiment de l'opinion publique selon laquelle les migrants représentent une concurrence déloyale sur le marché du travail. Il a cité de bons exemples de concertation sur la question, notamment des cas aux États-Unis où travailleurs et employeurs se sont assis à la même table pour examiner ces question.
MME LAURA THOMPSON, Directrice générale adjointe de l'Organisation internationale pour les migrations, a relevé que les droits des migrants sont inhérents à leur personne humaine, indépendamment de son statut juridique, en soulignant que les droits de l'homme doivent être respectés dans tous les cas. Les migrants rencontrent des difficultés importantes pour faire reconnaître et respecter leurs droits. En outre, en situation de crise, les migrants font face à des problèmes supplémentaires comme la discrimination et la xénophobie. Une approche fondée sur les droits est donc fondamentale pour assurer l'accès des migrants à leurs droits, a estimé Mme Thompson.
Il existe de nombreuses terminologies lorsqu'on parle des migrants, comme les termes «requérants d'asile» ou «migrants en situation irrégulière», a poursuivi la Directrice générale adjointe de l'OIT. Ces termes sont importants pour donner des statuts juridiques selon les cadres institutionnels de chaque pays. Cependant, il est difficile de catégoriser strictement les migrants. Il faut donc appliquer ces critères de façon souple, a plaidé Mme Thompson. Les migrants, qu'ils s'inscrivent dans une catégorie juridique ou non, ont droit au respect de leurs droits de l'homme. Mme Thompson a rappelé que beaucoup de voix s'élèvent aujourd'hui pour s'interroger sur le rôle des agences onusiennes dans la gestion des migrations et pour souligner l'importance du respect des droits fondamentaux des migrants. La migration est une question transversale, qui doit être abordée d'une manière coordonnée. Mme Thompson a appelé à ne pas compartimenter la discussion. Il faut adopter une approche cohérente et fondée sur les droits de l'homme.
M. VOLKER TÜRK Directeur de la division de la protection internationale au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a rappelé que les migrations font partie de la nature et de l'histoire humaine, individuelle ou collective, déplorant que l'on n'oublie souvent cet aspect. Tout le monde sait qu'il y a des contributions positives tant économiques que social des migrants dans les pays d'accueil.
Dans ce contexte, il est important d'examiner de près la question de la criminalisation de la migration, car une application généralisée et indiscriminée de législations antimigration est contraire au droit international, a insisté M. Türk, tout en reconnaissant le devoir légitime des États à lutter contre l'immigration clandestine. Mais, le durcissement de ces lois pousse les populations migrantes telles les demandeurs d'asile à prendre des risques inconsidérés dans le but d'éviter les contrôles. Le Haut Commissariat pour les réfugiés est très préoccupé par cette tendance, qui s'accroit et renforce le trafic des êtres humains, les violences ou encore l'exploitation. C'est pour cela que le HCR, avec ses partenaires dont l'Organisation internationale du travail, a développé des principes et pratiques pour aider les gouvernements à étudier des alternatives à la détention. Un plan d'action en dix points sur la protection des réfugiés a été publié, ainsi qu'un guide complémentaire; ces documents sont conçus comme des outils pratiques à l'usage des gouvernements. Le HCR a également lancé des plans et stratégies régionales pour combattre le trafic des personnes, en particulier dans la corne de l'Afrique, où le phénomène est très important, a indiqué M. Türk.
M. JOHN SANDAGE, Directeur de la Division des traités à l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a souligné que la promotion et la protection des droits de l'homme des migrants entretenaient un rapport étroit avec l'action de son institution. Malgré les efforts entrepris, on constate que, trop souvent, ces droits sont ignorés quand ils ne sont pas violés purement et simplement. L'ONUDC se tient prête à soutenir les États membres dans la mise en œuvre de la récente résolution de l'Assemblée générale sur la promotion des efforts visant à éliminer la violence à l'encontre des migrants. La Convention existante et ses Protocoles exigent une démarche se développant dans quatre directions, souvent résumée sous l'appellation des «4 P» : prévention, poursuite des contrevenants, partenariat aux niveaux national et international, et enfin protection des victimes de la traite, ce dernier point étant au cœur de la discussion d'aujourd'hui.
À cette fin, l'ONUDC fournit toute une gamme de services d'assistance technique - compris sur le plan juridique - et de renforcement des capacités des systèmes de justice pénale. Elle promeut aussi le renforcement de la coopération entre États membres et toutes les parties prenantes concernées, y compris la société civile et le secteur privé. Elle évalue l'impact des initiatives visant à lutter contre la traite. L'ONUDC milite pour que soit reconnu le rôle positif de la migration sur le développement, notamment dans le cadre du programme mondial pour l'après-2015, une migration qui soit sûre, organisée et humaine.
M. CHRISTIAN SALAZAR, Directeur adjoint au Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a déclaré qu'il existe près de 35 millions d'enfants migrants à travers le monde, soulignant que des normes internationales sont nécessaires pour coordonner les politiques en matière de traitement des enfants migrants dans les pays d'origine, de transit et de destination, indépendamment de leur statut juridique ou celui de leurs parents.
Par ailleurs, les États doivent cesser complètement les détentions d'enfants migrants, car cela est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant et aux dispositions de la Convention sur les droits de l'enfant, a dit M. Salazar, ajoutant que le principe de non-détention des enfants doit constituer un principe fondamental en matière de gestion des migrations. En outre, les enfants ne doivent pas être séparés de leurs parents en raison de l'action ou de l'inaction de l'État et ils doivent bénéficier d'une procédure qui en prenne en compte leur spécificité. M. Salazar s'est félicité du fait qu'un grand nombre d'États Membres ont pris des mesures pour protéger les enfants migrants. Il s'agit d'une question de politique sociale et d'équité, a-t-il ajouté, en appelant les États à envisager l'intégration de cette question aux objectifs du développement pour l'après-2015.
Débat interactif
La Namibie a chiffré à 40% la part de population des pays du sud qui a migré vers les pays du nord, en particulier en recherche d'une vie meilleure. Pour elle, cette situation est liée au déséquilibre entre nord et sud, héritée de la création des institutions de Bretton Woods. En réduisant ces inégalités, on réduirait les mouvements migratoires tout en favorisant un système économique injuste, a-t-elle plaidé. C'est en effet la pauvreté qui est à l'origine des mouvements migratoires, a renchérit la représentante de la Sierra Leone.
Le Sénégal au nom du Groupe francophone a pour sa part souligné que l'immigration clandestine persiste en raison du déséquilibre entre pays riches et pauvres et que, par conséquent, la question du développement doit être abordée dans tous ses aspects: Il a également souligné, avec le Pakistan qui s'exprimait au nom de l'Organisation de la coopération islamique, la contribution positive des migrants dans les pays d'origine, de transit et d'accueil.
El Salvador a ajouté que le transfert d'argent provenant des migrants était un pilier fondamental de l'économie de nombreux pays; mais on arrive à des situations où des pays se retrouvent sans ressources humaines suffisantes pour assurer leur propre développement. Il faut donc trouver d'autres solutions, y compris envisager un droit à ne pas migrer. La Commission internationale catholique pour les migrations a appuyé cette proposition, demandant comment les Nations Unies pourraient y contribuer.
Dans ce contexte, la question migratoire doit se régler par une coopération internationale, a plaidé le Costa Rica au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC). Il faudrait en effet que la communauté internationale se saisisse de la question et trouve une formule sans porter atteinte aux droits individuels, surtout dans le contexte de la violence contre les migrants dans le monde. Il faudrait, dans ces circonstances, créer un cadre permanent au sein du Conseil des droits de l'homme pour aborder la question des droits de l'homme des migrants, a plaidé l'Éthiopie au nom du Groupe africain.
Protéger les migrants est une obligation juridique et morale, qui doit se traduire par l'adhésion à tous les instruments internationaux relatifs à la protection des migrants. Avec plus de 400 millions de migrants dans le monde, il est primordial de les intégrer dans le programme de développement pour l'après 2015, ont ajouté les Philippines. Partageant cet avis, le Burkina Faso, pays d'origine, d'accueil et de transit, a appelé les États qui ne l'ont pas encore fait à ratifier la Convention internationale sur les droits de migrants des membres de leur famille. Autre pays d'origine, d'accueil, de transit et de résidence, le Maroc, s'est doté d'outil, dont une alliance africaine pour les migrations et le développement, qui met l'accent sur le lien étroit entre migration et développement et sur les responsabilités et droits des pays d'accueil et d'origine.
Le Portugal, pays d'émigration et d'immigration, s'est investi dans la protection des migrants. Des lois spécifiques leur assurent secours, assistance et protection, a insisté le représentant.
Au cours d'une seconde série d'interventions, l'Union européenne s'est dite fermement attachée à la promotion et à la protection des droits de l'homme des migrants, ainsi qu'au principe de non-refoulement. Des efforts doivent être faits pour aider les personnes en détresse en mer, indépendamment de leur statut, a-t-elle ajouté. Pour les États-Unis, tous les pays, qu'ils soient d'origine, de transit ou de destination, doivent respecter les droits des migrants. Les États doivent appliquer leurs lois relatives aux migrations tout en respectant la dignité et les droits de l'homme des migrants.
Pour sa part, la Suisse a appelé à intégrer la promotion et la protection des droits des migrants au programme de développement pour l'après-2015, tandis que l'Égypte a souligné le rôle incontournable du Conseil pour intégrer les droits de l'homme au sein de l'ensemble du système des Nations Unies. L'Australie a appelé à renforcer la coopération entre les agences onusiennes sur ce sujet important.
La Chine a appelé la communauté internationale à reconnaître le rôle important des migrants pour un développement durable et a souligné que les migrants contribuent à la fois au développement de leur pays d'origine et à celui de leur pays d'accueil. L'Indonésie a ajouté qu'il fallait des mesures coordonnées en vue gérer les migrations et la protection des droits des migrants de façon cohérente.
La Commission nationale des droits de l'homme de Mauritanie a invité les pays d'accueil à ne pas criminaliser les migrations, en particulier pour les femmes et les enfants, rejointe en cela par l'organisation non gouvernementale Save the Children International, qui a mis l'accent sur la fragilité des enfants migrants et demandé qu'un mécanisme de protection spécifique soit mis en place, y compris dans le cadre du programme de développement pour l'après 2015.
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a souligné l'importance d'une coopération efficace pour venir en aide aux migrants vulnérables, qui font souvent face à des problèmes graves.
Enfin, le Conseil national des droits de l'homme du Maroc a évoqué les mesures prises dans son pays pour faciliter l'accès à l'éducation des enfants migrants, tout en notant que les autorités doivent accélérer la révision des textes législatifs pertinents.
Observations et conclusions des panélistes
M. RYDER a déclaré qu'il fallait promouvoir des solutions de rechange telles que le droit de ne pas émigrer, comme cela a été évoqué par certains orateurs. Pour le Directeur général de l'Organisation internationale du travail, la réponse tient à la création de travail décent dans les pays d'origine de la migration. Il est important que la promotion du travail décent et la protection sociale trouvent toute leur place dans le programme mondial de développement pour l'après-2015, a-t-il souligné. Cela donnerait une chance de gérer la migration dans de meilleures conditions qu'aujourd'hui.
M. Rider a par la suite estimé que la seule question qui se pose est de savoir s'il est possible de mettre en pratique le consensus sur la nécessité de protéger les droits des migrants, vu la complexité de cette question. Il sera également difficile de déterminer les priorités dans le cadre du programme de développement pour l'après 2015, a-t-il aussi estimé.
MME THOMSON a souligné le défi représenté par l'adaptation aux cultures d'accueil. Il s'agit aussi pour l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) de donner les moyens aux autorités locales et nationales de pouvoir gérer les migrations de manière qui soit conforme aux droits de l'homme. L'utilisation plus productive des fonds doit effectivement conduire à faire en sorte que la migration ou la non-migration résultent d'un libre choix de l'individu. Elle a conclu sur l'importance d'intégrer la migration dans le programme post-2015.
Directrice générale adjointe de l'OIM a ensuite insisté sur la nécessité de protéger les droits des migrants, d'autant que des cadres juridiques existent. Le défi est en effet de passer de ces cadres à leur pleine application. Le meilleur moyen de prévenir la migration irrégulière est de faciliter la migration régulière. Il faudra également intégrer la question des femmes et des enfants dans cette problématique.
M. TÜRK, qui a souligné l'importance de faire figurer la migration parmi les toutes premières priorités, a estimé nécessaire d'avoir une approche de principe axé sur les droits. Le représentant du HCR a aussi insisté sur la nécessité de partenariats, en particulier avec la société civile, pour faire avancer les droits des migrants ainsi que ceux des réfugiés.
M. Türk a par la suite observé que les politiques migratoires sont souvent affectées ou influencées par des débats nationaux, en particulier pendant les élections.
M. SANDAGE a constaté que chacun convenait que la migration jouait un rôle central dans la quête de développement. Il est essentiel de protéger les droits des migrants quelle que soit leur situation juridique. Le représentant de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime a aussi averti que la lutte contre la traite était essentielle, les trafiquants de main d'œuvre portant gravement atteinte aux droits des migrants.
M. SALAZAR a souligné l'importance que les États cessent de placer en détention des mineurs migrants. Le représentant de l'UNICEF a attiré l'attention des participants sur le manque d'informations et de données au sujet des enfants de parents émigrés restés au pays.
M. Salazar a aussi estimé que la protection de enfants ou mineurs non-accompagnés doit être garantie. La dignité humaine doit être protégée dans tous les cas, dès qu'une personne décide de se rendre dans un autre pays, a-t-il insisté.
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HRC14/009F