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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LES QUESTIONS RELATIVES À LA PRÉVENTION DU GÉNOCIDE

Compte rendu de séance
Il tient une réunion-débat sur la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et un débat interactif avec le Conseiller spécial pour la prévention du génocide

Le Conseil des droits de l'homme a consacré la séance de cet après-midi à question de la prévention du génocide à l'occasion du soixante-cinquième anniversaire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Il a d'abord tenu une réunion-débat sur la Convention avant de procéder à un débat interactif avec le Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide, M. Adama Dieng.

En préambule, Mme Navi Pillay, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a rappelé qu'en vertu de Convention, tout État a la responsabilité de faire en sorte qu'aucun génocide ne soit perpétré. Les organes conventionnels des droits de l'homme et les organismes des Nations Unies ont aussi un rôle à jouer dans la prévention des génocides, notamment grâce à leur présence sur le terrain. Pour Mme Pillay, le combat contre l'impunité est un aspect important de la prévention du génocide. Il est donc primordial que tous coopèrent avec la justice internationale et se gardent de protéger des personnes que la Cour pénale internationale souhaite entendre.

Le Ministre des affaires étrangères de l'Arménie, M. Edward Nalbandian, a également fait une déclaration liminaire dans laquelle il a souligné la responsabilité morale de son pays, qui a survécu au premier génocide du XXe siècle, d'apporter sa contribution aux débats relatifs aux crimes contre l'humanité. La prévention du génocide exige des mesures à la fois préventives et d'application, et leurs auteurs ne doivent avoir aucun doute sur le fait qu'ils devront rendre des comptes.

Des exposés ont ensuite été présentés par, Mme Esther Mujawayo-Keiner, sociologue, survivante du génocide rwandais, M. Adama Dieng, Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide, et M. Jonathan Sisson, Conseiller technique, membre de l'équipe chargée de traiter de la prévention des crimes atroces au Ministère des affaires étrangères de la Suisse.

Mme Mujawayo a livré un témoignage poignant de ce qu'elle avait vécu, voyant sa famille presque entièrement décimée dans des conditions atroces. «J'ai survécu, at-t-elle dit, mais comment survivre quand tout le monde autour de toi a été tué?». Pourra-t-il y avoir une justice, alors que les premiers procès de génocidaires - en France ou en Allemagne - se tenaient seulement maintenant, vingt ans après les faits.

M. Dieng a mis en garde contre les formes extrêmes d'intolérance rencontrées dans plusieurs pays, dont la République centrafricaine. Il a encouragé le Conseil à examiner la façon dont la mise en œuvre de la Convention pourrait être mieux surveillée. Il n'existe aucun organisme chargé de cette surveillance, ce qui peut encourager certains États à faire fi de leurs responsabilités, y compris la responsabilité préventive.

Enfin, M. Sisson a expliqué que la pratique et l'expérience concrète avait démontré combien il était difficile de confondre les présumés auteurs de génocide. Malgré des progrès considérables dans les systèmes d'alerte précoce, les connaissances acquises ne sont pas suivies en temps utile de décisions politiques conséquentes pour prévenir le génocide. Il faut mettre en place une réponse vigoureuse qui permette de transformer les dynamiques perverses des atrocités de masse. Il a aussi rappelé qu'aucune société n'était à l'abri de la menace d'atrocités.

La plupart des délégations ont salué l'étape historique qu'avait constitué la Convention de 1948. Elles ont souligné que la réflexion devait se poursuivre sur la nécessaire lutte contre l'impunité, mais également sur les moyens de prévenir les atrocités. Plusieurs délégations ont appelé à la ratification universelle de cet instrument. La Turquie a affirmé que certaines allégations de génocide mériteraient d'être étayées, ajoutant que le génocide était un concept juridique utilisé pour un crime défini précisément et estimant que des études historiques plus approfondies étaient nécessaires avant d'affirmer quoi que ce soit, la conviction ne pouvant tenir lieu d'établissement des faits. L'Azerbaïdjan a accusé l'Arménie d'avoir elle-même commis un génocide lors de la conquête du Haut-Karabakh.

Les délégations suivantes ont participé à la réunion-débat sur la Convention: Comité international de la Croix-Rouge, Espagne, Égypte, Liechtenstein, Maroc, Hongrie, Nouvelle-Zélande, Madagascar, Sierra Leone, Liechtenstein, Union européenne, Hongrie, Costa Rica, Slovénie, Portugal, Australie, Belgique, Pologne, Pays-Bas, Brésil, Argentine, Monténégro,, Éthiopie (Au nom du groupe africain), Algérie, États-Unis, Rwanda, Estonie, Chili, Monténégro, Azerbaïdjan, Venezuela, Soudan et Turquie.

Les organisations non gouvernementales suivantes ont également pris la parole : Conseil indien d'Amérique du Sud, Association internationale des avocats et juristes juifs, Conseil mondial de environnement et des ressources, European Union of Public Relations et l'Organisation internationale pour élimination de toute forme de discrimination raciale.

Dans le cadre de la réunion qui a suivi et consacrée au bilan du mandat de Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide, créé il y a dix ans, M. Dieng a dit que l'un des principaux succès enregistrés pendant cette période aura été l'accent croissant mis sur la prévention des génocides, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Toutefois, l'un des premiers défis de ce mandat réside dans son intitulé lui-même. Alors qu'aucun État membre ne peut affirmer qu'il n'est pas intéressé à prévenir le génocide, M. Dieng a dit avoir «parfois l'impression d'être porteur d'une maladie contagieuse, au point où des États font tout ce qu'ils peuvent pour éviter tout contact» avec lui, apparemment par peur qu'un quelconque lien soit établi entre certains événements et le mot «génocide».

Les délégations suivantes ont participé au débat interactif avec M. Dieng : Éthiopie (au nom du Groupe africain), Union européenne, Australie, États-Unis, Mexique, Maroc, Chine, Bangladesh, Arménie, Irlande, Équateur, Turquie. Sont également intervenues les organisations non gouvernementales suivantes: Pasumai Thaayagam Foundation, France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand et l' Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. L'Iraq a exercé le droit de réponse.


Lundi matin à 9 heures, le Conseil tiendra un débat interactif avec les Rapporteurs spéciaux sur la torture et sur la situation des défenseurs des droits de l'homme.

Réunion-débat sur le soixante-cinquième anniversaire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide

Déclarations liminaires

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire aux droits de l'homme a rappelé que la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide a été le premier instrument des droits de l'homme adoptée par les Nations Unies en 1948. L'interdiction du génocide n'était pas une règle ordinaire du droit international, il s'agissant de jus cogens, un principe fondamental. Elle insiste sur la responsabilité de tout État à faire en sorte qu'aucun génocide ne soit perpétré, en particulier par ses agents. Chaque État doit veiller à ce que ses organismes et les fonctionnaires ne commettent pas d'actes de génocide. Il a aussi une obligation légale de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir le génocide. En ce qui concerne les causes profondes, Mme Pillay a dit génocide et d'autres atrocités de masse ne se sont jamais produits sans avertissement, mais ont été l'aboutissement d'une longue période de violations des droits de l'homme, qu'ils soient civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels. La discrimination a préparé le terrain pour la violence et la persécution, la déshumanisation des communautés entières et finalement le génocide. Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a identifié les principaux facteurs qui peuvent conduire à un génocide et il devrait y être donné suite immédiatement.

Les organes conventionnels et les mécanismes des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme ont un rôle à jouer dans la prévention des génocides, comme les autres organismes des Nations Unies, a poursuivi Mme Pillay. Les équipes de pays des Nations Unies peuvent recueillir des signes qui indiquent que la discrimination et la violence sévissent dans une société et attirer l'attention de la communauté internationale. La Haut-Commissaire a estimé que l'initiative «Les droits avant tout» du Secrétaire général, si elle est pleinement mise en œuvre, pourrait aider la communauté internationale dans son devoir de prévenir le génocide et d'autres atrocités de masse. Pour Mme Pillay, le combat contre l'impunité est une autre facette de la prévention du génocide. L'obligation redditionnelle est primordiale en cette matière, a-t-elle insisté, observant que de nombreux tribunaux ad hoc ont été créées ces dernières années pour combattre l'impunité. Il est primordial également que tous coopèrent avec la Cour pénale internationale et se gardent de protéger des personnes que la CPI souhaite entendre. La justice internationale, cependant, devrait être le dernier recours et, en dépit de nombreux défis, il faut éviter la politisation; les États devraient prendre des mesures pour enquêter, poursuivre et punir les auteurs de génocide. Le génocide est le crime ultime et la communauté internationale doit protéger les droits de l'homme, la démocratie et la primauté du droit afin de l'empêcher.

M. EDWARD NALBANDIAN, Ministre des affaires étrangères de l'Arménie, a déclaré que son pays, qui a survécu au premier génocide du XXe siècle, a une responsabilité morale d'apporter sa contribution aux débats relatifs aux crimes contre l'humanité. De nombreux pays apportent leur soutien à mos initiatives en ce sens, a-t-il ajouté, en remerciant tous les pays co-auteurs de la résolution du Conseil des droits de l'homme sur la prévention du génocide adoptée l'an dernier. Les Nations Unies jouent un rôle central dans la prévention du génocide, a poursuivi le Ministre, qui a souligné la participation personnelle du Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, la contribution du Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide, M. Adama Dieng, ainsi que le travail du Conseil et des d'États membres.

Malgré la Convention de 1948, du Cambodge au Rwanda ou au Darfour, de nouveaux génocides ont été commis. Pour M. Nalbandian, cela signifie qu'au-delà des débats, des déclarations et des conventions, il faut des mécanismes et des actions efficaces pour éviter la répétition des génocides. Or, ces derniers ne se perpétuent pas de manière unique. Il faut donc les étudier tous, comprendre ce qui s'est passé dans chaque cas. La prévention du génocide requiert la prise de mesures à la fois préventives et d'application, et les auteurs ne doivent avoir aucun doute qu'ils devront rendre des comptes. Cela a été le cas dès 1915 dans une déclaration spéciale des Alliés du 24 mai face aux atrocités commises contre le peuple arménien, déclaration qui est à l'origine du concept moderne de crimes contre l'humanité. Le Ministre a ensuite rendu hommage à Raphael Lemkin, l'auteur du terme «génocide».

Pour que la communauté internationale puisse réagir rapidement, il faut d'abord être conscient au plus tôt du risque de génocide pour prendre des mesures préventives, a souligné le Ministre. Or, généralement, les génocidaires cherchent à cacher le plus longtemps possible leurs intentions. À cet égard, les Nations Unies et les organes régionaux ont fait des progrès dans les mécanismes d'alerte précoce, au cours de la dernière décennie. Il faut aussi renforcer les valeurs morales par l'éducation et le travail de mémoire, a poursuivi M. Nalbandian, car le génocide est un crime impensable pour une société fondée sur la protection des droits de l'homme et les valeurs de respect mutuel, de tolérance et de non-violence. Les générations nouvelles doivent connaître l'histoire des tragédies passées. La reconnaissance et la condamnation de ces crimes constituent un des meilleures moyens de prévention pour l'avenir, alors que le négationnisme non seulement favorise l'impunité mais ouvre la voie à la commission de nouveaux crimes. La négation du génocide est une continuation du génocide, a estimé M. Nalbandian, pour qui la communauté internationale doit être unie pour refuser l'oubli et veiller à la sanction, conformément à la convention de 1986 sur la non-applicabilité de la prescription pour les crimes les plus graves. Les journées nationales de commémorations des génocides devraient être des journées de deuil non seulement pour les familles des victimes mais aussi pour celles des responsables, a encore déclaré M. Nalbandian, pour qui elles devraient permettre de favoriser la réconciliation.

Le présent débat est une occasion en or pour partager les bonnes pratiques dans la mise en œuvre de la Convention sur le génocide, a déclaré M. Nalbandian, qui a conclu en appelant les États qui ne l'ont pas encore fait à adhérer à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Exposés

MME ESTHER MUJAWAYO-KEINER, sociologue, survivante du génocide rwandais, a raconté comment elle avait vécu les premières heures des massacres qui ont commencé le 7 avril 1994 au matin à Kigali, quatre jours après Pâques. «Nous sentions la tension monter». La Radio des Mille Collines appelait à l'extermination des Tutsis dans des chansons légères et entraînantes, agréables à fredonner mais dont les paroles étaient épouvantables. Dans le même temps, a-t-elle remarqué, il était difficile d'y croire, alors que les casques bleus patrouillaient dans la capitale. Les massacres se sont arrêtés cent jours plus tard avec la victoire du Front patriotique rwandais et la défaite du régime génocidaire.

«J'ai survécu. Mais comment survivre quand tout le monde autour de toi a été tué?», a demandé Mme Mujawayo-Keiner. Montrant des photos de ses proches, elle a énuméré parents, oncles, tantes, neveux, nièces, mari, elle seule, le bébé qu'elle tient dans les bras et une nièce ont survécu. «Pour ceux qui ont eu la «chance» de garder ces photos, c'est terrible, terrible de continuer à vivre car tu es pratiquement la seule à avoir survécu. Tu as survécu mais tu ne vis pas. Vivre avec cette absence et la culpabilité, la culpabilité du survivant, une culpabilité d'autant plus grande que tu n'as pu les enterrer», car on ignore où sont les corps. De plus, tous les biens ont été pillés, toute trace du passé effacée.

«Pour que ce soit possible de tuer un million de personnes pendant cent jours, il a fallu pratiquement impliquer tout le monde», a-t-elle observé, notant que dans les massacres classiques, on se bornait à éliminer les gens importants, des hommes en majorité. Cette fois, même les havres qu'avaient auparavant été les églises ont été violés. Lors des massacres précédents au Rwanda dans les années 60 et 70, les gens se réfugiaient dans les églises mais cette fois celles-ci n'ont pas été respectées, a-t-elle expliqué. À la fin du génocide, la société était brisée où «même les salutations d'usage ne pouvaient plus avoir cours».

Pourra-t-il y avoir une justice, a demandé Mme Mujawayo-Keiner, constatant que les premiers procès de génocidaires dans des pays comme la France ou l'Allemagne se tenaient seulement maintenant, vingt ans après les faits. Elle a demandé ce qu'il en était de la justice «restaurative». Ainsi, par exemple, les génocidaires, de surcroît violeurs et sidéens, jugés à Arusha, bénéficiaient de trithérapies alors que les femmes violées venues témoigner devant le Tribunal pénal international n'y avaient pas droit : «Ce n'est pas prévu», se sont-elles entendu répondre. Elles ont pu finalement se faire soigner mais non pas grâce à la justice internationale d'Arusha.

En conclusion, Mme Mujawayo-Keiner a souligné que «Les gens que je vous ai montrés sur ces photos pourraient être toujours vivants si on avait agi à temps».

M. ADAMA DIENG, Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide, a mis en garde contre les formes extrêmes d'intolérance rencontrées dans plusieurs pays, dont la République centrafricaine, qui sont totalement inacceptables. Prévenir le génocide ne signifie pas réagir lorsque les crimes sont déjà commis, a-t-il encore averti, soulignant que la responsabilité de la prévention revient à tous et pas seulement à un acteur. Il faut au contraire tenir compte et tirer les conséquences des échecs et leçons passées, a encore prévenu le Conseiller spécial du Secrétaire général. La question de savoir comment faire mieux dans la prévention du génocide et autres atrocités criminelles est au cœur des enseignements tirés des exercices effectués après l'échec à prévenir ou arrêter les génocides au Rwanda et à Srebrenica. En 2004, le Secrétaire général a présenté un plan d'action pour la prévention du génocide et a nommé un conseiller spécial sur la prévention du génocide à agir en tant que mécanisme d'alerte précoce. En 2005, les États membres ont pris l'engagement historique en affirmant leur responsabilité de protéger les populations en empêchant les crimes de guerre, le génocide, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité.

Le Conseil des droits de l'homme a un rôle important à jouer dans la prévention a poursuivi le Conseiller spécial. Le Conseil devrait s'efforcer d'anticiper le risque d'atrocités et d'agir à un stade précoce pour anticiper l'escalade des tensions dans la violence potentiellement génocidaire. M. Dieng a invité le Conseil à adopter le cadre d'analyse développé par son bureau pour évaluer le risque d'atrocités criminelles. Le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité ne sont pas des événements isolés qui se sont produits durant la nuit, mais des processus qui exigeaient une planification, des ressources et qui sont passés par différentes étapes. Le cadre qui a été mis au point identifie les facteurs de risque pour évaluer le risque de génocide et d'autres crimes atroces, offrant la possibilité de mettre au point des stratégies de prévention efficaces. M. Dieng a également encouragé le Conseil à examiner la façon dont la mise en œuvre de la Convention sur le génocide pourrait être mieux surveillée. Il n'existe aucun organisme chargé de surveiller la mise en œuvre de la Convention sur le génocide, ce qui peut encourager certains États à ignorer les responsabilités qu'ils ont assumées en vertu de la Convention, notamment la responsabilité de prévenir.

M. JONATHAN SISSON, Conseiller technique, membre de la Task force sur «le traitement du passé et la prévention des atrocités» du Ministère suisse des affaires étrangères (DFAE), a déclaré que la Convention sur le génocide, a représenté une étape historique et a fixé un cadre pour punir les auteurs après un génocide. Or, l'expérience pratique a montré combien il est difficile de confondre les présumés auteurs de génocide. En outre, malgré des progrès considérables dans les systèmes d'alerte précoce, les connaissances acquises ne sont pas suivies en temps utile de décisions politiques conséquentes pour prévenir le génocide. M. Sisson a estimé que la notion «d'atrocités criminelles» utilisée par le Secrétaire général en relation avec les génocides, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et le nettoyage ethnique dans son rapport de 2013 sur la responsabilité de protéger représentait un important pas en avant car elle ouvre la voie à une approche de prévention et de punition utile et nécessaire car plus large et susceptible de devenir opérationnelle plus précocement que lorsque l'on se limite à la notion de génocide.

Chacun connaît l'expression «plus jamais ça», et pourtant, chacun sait que «cela se produira de nouveau» à moins que nous ne parvenions à mettre en place une réponse vigoureuse qui permette de transformer les dynamiques perverses des atrocités de masse. M. Sisson a notamment rappelé qu'aucune société n'est à l'abri de la menace d'atrocités, que la prévention doit être permanente, et qu'elle constitue une question transversale car les causes des atrocités peuvent être multiples. Enfin, la prévention pour l'avenir suppose que l'on traite du passé, en particulier dans les pays qui sortent d'une crise grave, à la fois pour répondre aux souffrances des victimes et reconstruire la confiance dans les institutions. M. Sisson a toutefois mentionné deux évolutions positives. La première est l'initiative du Secrétaire général «Les droits avant tout», qui placent la prévention et la protection au cœur des stratégies et opérations des Nations Unies. M. Sisson y a vu un effort sérieux de la part du système des Nations Unies de tirer les leçons des échecs passés. La seconde est une initiative lancée cette semaine en Amérique centrale par plusieurs pays sous le nom d'«Action mondiale contre les atrocités de masse» (GAAMAC). Dans tous les cas, a-t-il conclu, le dialogue entre les États est à la fois nécessaire et urgent.

Débat

De nombreuses délégations ont salué l'étape historique jouée par la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, tout en ajoutant qu'il fallait faire bien davantage que ce qui a été réalisé à ce jour. L'Espagne a ainsi noté que la présente commémoration offrait l'occasion de mener une réflexion sur la lutte contre l'impunité, mais également sur les moyens de prévenir les atrocités.

L'Égypte, qui a constaté que plus de 140 pays avaient adhéré à la Convention, a souligné l'importance de la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et de la garantie de non répétition pour la prévention du génocide. Plusieurs pays, comme le Liechtenstein et le Maroc, ont appelé les États ne l'ayant pas encore fait à adhérer à la Convention. Le Maroc leur a aussi demandé de «s'engager plus en avant et de manière plus résolue dans le combat pour la non résurgence des crimes de masse», affirmant qu'il était temps de donner à l'expression «plus jamais ça» sa pleine portée. Tous les États membres des Nations Unies, et pas seulement les parties à la Convention, doivent viser à l'acceptation universelle de ce document, a fait observer la Hongrie.

Pour sa part, la Nouvelle-Zélande a souligné la triste ironie de l'histoire qui voit la coïncidence en 2014 l'anniversaire de la Convention et celui du génocide rwandais. La prévention est un pilier essentiel de la réponse globale, a-t-elle observé, jugeant essentielle la mise en place de dispositifs d'alerte rapide. À cet égard, la Nouvelle-Zélande se félicite du programme «Les droits avant tout» du Secrétaire général. L'initiative a reçu aussi le soutien de Madagascar, qui a par ailleurs souligné que le pays avait évité la guerre civile et les atrocités tout au long des quatre ans de crise vécus récemment.

La Sierra Leone a souligné que la prévention et la punition du crime de génocide représentaient un objectif fondamental de la communauté internationale, et a appelé à la poursuite des efforts en ce sens. Elle a souligné l'importance de traiter les racines des génocides au niveau national. Le Liechtenstein a rappelé que tous les génocides devaient être analysés dans leur contexte spécifique.

L'Union européenne, qui a rendu hommage à Raphael Lemkin, l'avocat juif polonais ayant conçu le terme de génocide, a souligné que la prévention, la coopération, et une réponse opportune et décisive constituaient les meilleurs garants de ne pas voir se répéter de tels faits. L'Union européenne agit de manière concrète dans ces domaines, par la promotion et la protection des droits de l'homme en collaboration étroite avec les sociétés civiles. La Hongrie a déclaré que la protection des droits de l'homme est une condition préalable de la prévention des atrocités criminelles.

Le Costa Rica a souligné l'importance de la coopération internationale, notamment par l'échange de bonnes pratiques. Il convient de s'attaquer aux causes profondes des guerres et des conflits, a estimé elle aussi la délégation costaricienne.

Le Comité international de la Croix-Rouge a rappelé que les parties aux Conventions de Genève ont l'obligation de prévenir les génocides. Tous les porteurs d'armes doivent comprendre et respecter les règles minimales de conduites au cours des conflits armés. Les auteurs de violations graves du droit international humanitaire doivent être tenus responsables de leurs actes. Dans le même ordre d'idée, la Slovénie a indiqué que les Parties aux Conventions de Genève ont non seulement l'obligation de respecter les dispositions desdites Conventions, mais également de les faire respecter.

Le Portugal, qui a estimé que le génocide ne relevait malheureusement pas de l'histoire passée, a rappelé que chaque État a la responsabilité de protéger ses ressortissants. L'Espagne aussi a rappelé que la souveraineté de l'État ne signifie pas seulement des droits, car les États ont également l'obligation de protéger les personnes se trouvant sur leur territoire.

L'Australie, qui a mis l'accent sur la lutte contre l'impunité, s'est présentée comme une fervente partisante de la notion de responsabilité de protéger et a suggéré que les États nomment un point focal sur cette question, comme l'Australie l'a fait depuis 2011, tant pour coordonner les activités au plan national que pour agir collectivement pour prévenir les atrocités de masse comme le génocide. La Belgique a fait la même suggestion après avoir rappelé qu'elle avait traduit en justice des génocidaires et des personnes responsables d'atrocités.

Pour la Pologne, la communauté internationale ne doit épargner aucun effort pour prévenir les génocides par une coordination plus étroite et une répression efficace. Il est important de déceler les premiers signes d'un génocide pour lancer des alertes précoces et prévenir les crimes atroces. «Comment le Conseil peut-il contribuer à la lutte contre l'impunité au niveau national? », se sont interrogés les Pays-Bas.

Le Brésil a estimé qu'une distinction claire entre prévention et réaction permettait de renforcer la transition vers un modèle plus efficace de prévention. Il a souhaité une coopération internationale pour la promotion et la protection des droits de l'homme afin de développer la résilience de la société face aux atrocités de masse, ceci afin de lutter contre la déshumanisation croissante et le déni progressif des droits qui précèdent la commission de crimes ou contre l'humanité et les génocides. L'Argentine a rappelé qu'elle avait organisé un forum régional pour la prévention du génocide dont le succès a été unanimement salué. Il a inspiré des forums similaires – en Tanzanie, en Suisse, au Cambodge - en coopération avec d'autres pays dans diverses régions du monde.

Le Monténégro a dit appuyer les mécanismes d'alerte précoce et ceux qui identifient les causes profondes du génocide. Il faut prendre des mesures actives de prévention et être prêts à répondre aux premiers signes d'alerte. Mais ceci suppose que suppose aussi qu'on reconnaisse l'existence de ces signes, et qu'il existe une volonté politique d'y faire face, en s'engageant à la fois avec des acteurs internationaux et avec la société civile. Pour améliorer la riposte de la communauté internationale face aux crimes atroces, le Liechtenstein a souhaité une réforme des méthodes de travail du Conseil de sécurité.

Au nom du groupe africain, l'Éthiopie a souligné que l'Union africaine et les organisations sous-régionales du continent avaient fait des progrès significatifs pour développer des mécanismes de prévention du génocide, notamment avec l'architecture Paix et Sécurité de l'Union africaine. L'Algérie, qui a déploré que de nombreux conflits aient mené à des violations de la Convention depuis son entrée en vigueur, a elle aussi expliqué que le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine joue un rôle de mécanisme d'alerte précoce, ce qui démontre la volonté des pays africains de prévenir le crime de génocide.

Il faut être humble face au défi à relever mais il faut également reconnaître les avancées de la communauté internationale en la matière, ont déclaré les États-Unis, qui ont par ailleurs dénoncé les campagnes de harcèlement visant certaines communautés religieuses ou autres lancées dans certains pays, et déploré qu'au Soudan du Sud, un conflit politique se soit transformé en conflagration générale.

Cuba au nom d'un groupe de pays a souligné que la meilleure manière d'éviter les massacres de masse était de prévenir les guerres et les conflits en remédiant aux racines des conflits et des tensions sociales. On doit aussi veiller aux tensions culturelles et religieuses qui doivent être traitées et gérées avec tact afin qu'elles ne dégénèrent pas en conflit ouvert.

Il est essentiel de tirer les leçons du passé, ont affirmé plusieurs délégations. Face à l'indifférence passée du monde face à ce qui lui était arrivé, le Rwanda a pris l'engagement d'agir pour que de tels massacres ne se répètent pas où que ce soit dans le monde. Le Rwanda estime que le TPIR a échoué dans sa tâche de traduire en justice les responsables du génocide, mais que les tribunaux coutumiers gacaca ont permis de fourni un minimum de justice aux Rwandais tout en facilitant la réconciliation. Il estime que la Cour pénale internationale est confrontée à un certain nombre de défis et qu'il lui reste encore à parvenir à la légitimité internationale nécessaire pour être pleinement efficace.

Se disant convaincue que l'impunité pour les crimes graves encourage leur répétition, l'Estonie a rappelé les déportations massives de ses citoyens vers le Goulag – 20 000 personnes, soit 2% de la population - organisées par l'Union soviétique trois mois seulement après l'adoption par l'Assemblée générale de la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1948. Le Chili a indiqué qu'après l'expérience traumatisante des atrocités commises par le régime militaire, le pays s'était engagé fermement dans la prévention du génocide et des atrocités massives. Le pays considère que cet engagement s'inscrit dans les nombreux efforts accomplis par le Chili depuis 1990 pour garantir que de telles atrocités ne se répètent pas dans l'avenir. Pour le Monténégro, il est important d'aborder la question des séquelles des atrocités en mettant l'accent sur la responsabilité et sur la justice.

L'Azerbaïdjan a évoqué la conquête du Haut-Karabakh par l'Arménie qui a entraîné, selon lui, un massacre de masse dans la ville de Khojaly, qui a été rasée. Il s'agissait d'un acte prémédité visant à l'extermination partielle ou totale de la population sur une base ethnique, a affirmé l'Azerbaïdjan, qui a appelé à la reconnaissance de ce génocide et a demandé au représentant de l'Arménie d'expliquer précisément comment il pouvait se permettre de dénoncer un crime auquel son pays s'est livré lui-même. Le Venezuela a déploré que des atrocités continuent d'être commises au XXIe siècle, notamment dans les territoires palestiniens occupés. Pour lutter résolument et de manière efficace contre l'impunité, il a jugé nécessaire une réforme urgente du système des Nations Unies et particulièrement du Conseil de sécurité.

Le Soudan a souligné que la charia islamique impose le respect de tous les êtres humains et de leurs droits. Dieu a ainsi interdit de tuer quiconque, c'est pourquoi le génocide est le crime le plus odieux. Le Soudan, pays multiculturel dont les différentes composantes vivent côte-à-côte en paix, est engagé à respecter les droits de l'homme.

La Turquie a jugé que la référence faite aux événements de 1915, en alimentant une animosité inspirée de l'histoire, en s'efforçant d'incriminer autrui par une vision biaisée du passé, par l'appel à une compassion sélective, ne constituait pas le meilleur moyen de respecter la mémoire de tous ceux qui ont perdu la vie pendant la Première Guerre mondiale. Pour la Turquie, la politisation de l'histoire et du droit n'est pas le meilleur moyen de trancher les controverses. Le génocide est un concept juridique utilisé pour un crime défini précisément dans la Convention de 1948 et il ne peut être réduit à une question de conviction. La Turquie regrette l'utilisation à mauvais escient du terme de génocide, celui-ci exigeant d'être étudié de manière rigoureuse, historique et scientifique. Il exige un langage empreint de savoir et non pas de croyances. La mauvaise utilisation du terme «génocide» ne peut qu'atténuer ce concept et porter atteinte aux efforts futurs de prévention. C'est la raison pour laquelle il nécessite des études scientifiques impartiales.

Une organisation non gouvernementale, le Conseil indien d'Amérique du Sud a estimé que le Conseil des droits de l'homme devrait examiner comment les législations nationales des États permettent de mettre en œuvre la Convention de 1948, et recommander que ces derniers n'utilisent pas leur souveraineté nationale pour réduire leur redevabilité ou s'en affranchir.

L'Association internationale des avocats et juristes juifs a estimé que si l'on se penche sur les 65 dernières années, la Convention n'a pas eu beaucoup d'effet; des atrocités ont été commises dans de trop nombreux pays ces dernières années. La communauté internationale ne doit pas rester impassible; elle ne doit tolérer aucun acte allant contre l'esprit de la Convention. Pour le Conseil mondial de environnement et des ressources, si l'histoire du XXe siècle a démontré que la formule «plus jamais cela» à propos du génocide s'était traduire dans la réalité par «encore et encore», c'est parce que la volonté politique et les capacités militaires ont souvent été absentes, sans oublier les notions de souveraineté qui rendent difficiles pour les États ou organisations internationales d'agir. European Union of Public Relations a estimé que c'est une déformation volontaire de l'éducation et des institutions politiques qui corrompt les sociétés et permet la haine qui mène si facilement à la violence, voire au génocide.

L'Organisation internationale pour l'élimination de toute forme de discrimination raciale a déclaré que l'Iraq utilise le prétexte de la lutte contre le terrorisme pour exercer une discrimination contre certains groupes bien connus. L'ONG a regretté que les membres permanents du Conseil de sécurité continuent d'envoyer des armes en Iraq.

Observations et conclusions des panélistes

MME MUJAWAYO-KEINER a estimé que la société civile pouvait naturellement contribuer à la prévention du génocide, mais qu'il fallait toujours en revenir à la volonté politique de prévenir et d'empêcher le génocide. «Que se passe-t-il quand on nie l'existence d'un génocide? », a-t-elle demandé, avant de rappeler que rien n'avait été fait à l'encontre de ceux qui avaient refusé d'utiliser le terme de «génocide» pour qualifier la situation au Rwanda en 1994. Elle a aussi mis l'accent sur les effets à long terme des génocides sur les rescapés et les générations suivantes. Les personnes qui ont subi les pires tortures peuvent s'en sortir mais il faut y mettre les moyens, a-t-elle expliqué, en rappelant qu'elle était elle-même psychothérapeute dans une structure en Allemagne.

À la fin de la réunion, Mme Mujawayo-Keiner a déclaré aux délégations présentes qu'elles avaient un pouvoir sur la vie des hommes dont elles parlent dans les débats du Conseil. La communauté internationale a échoué il y a vingt ans au Rwanda, il ne faudrait pas aujourd'hui qu'elle fasse les mêmes erreurs en laissant d'autres se faire tuer. Elle a conclu en lisant quelques passages d'un livre de témoignage qu'elle a écrit, dans lequel elle parle de la vie. Souvenez-vous qu'il s'agit d'humains, a-t-elle lancé aux États Membres.

M. DIENG a estimé que le Conseil pourrait utiliser un outil développé par son bureau, à savoir le cadre d'analyse qui comprend huit catégories de facteurs permettant de déterminer s'il existe un risque de génocide dans une situation donnée. Un autre aspect important est l'établissement de commissions d'enquête. Toutefois, c'est sur la prévention que le Conseil devrait mettre l'accent, ainsi que sur la reddition des comptes. Il ne faut pas attendre, pour agir, que la situation dégénère, comme en République centrafricaine, a souligné M. Dieng, pour qui il faut faire en sorte que l'État de droit soit respecté, que des institutions crédibles et comptables soient établies. La lutte contre la corruption doit également être une priorité, car elle est un frein à la jouissance des droits économiques, sociaux et politiques. Quant à la responsabilité de protéger, elle reste un impératif lorsqu'apparaissent des situations de risques. M. Dieng a par ailleurs observé que la Convention sur la prévention du génocide est la seule à ne pas disposer d'un mécanisme d'application et a invité les États à réfléchir à cette question.

M. SISSON a relevé que les mécanismes du Conseil peuvent, dans le cadre de leurs mandats respectifs, travailler en faveur de la prévention. La présence sur le terrain du Haut-Commissariat joue également un rôle important. Il a plaidé pour une institutionnalisation du travail du Conseil avec la société civile. Des initiatives de justice de transition, comme en Bosnie-Herzégovine ou au Kosovo, participent avec la société civile à l'élaboration de stratégies nationales pour le traitement du passé et les associations de familles de victimes jouent un rôle important dans la recherche des disparus et dans les procès. Il a conclu en mettant l'accent sur la nécessité des lieux de mémoire, estimant qu'ils devaient être des lieux de recueillement forts.

M. NALBANDIAN, répondant à la délégation turque, lui a demandé de s'adresser aux États qui ont reconnu le génocide arménien. Il a également demandé à l'Azerbaïdjan de cesser de manipuler l'opinion internationale et son opinion nationale en se servant du différend territorial qui l'oppose à son pays, l'Arménie.

Dialogue avec le Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide

Présentation

M. ADAMA DIENG, Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide, a indiqué que ce dialogue avait pour objectif de dresser le bilan d'une décennie de mise en place de son mandat. Sa création a été le résultat direct de l'échec des Nations Unies à avoir une action préventive face aux génocides du Rwanda et de Srebrenica, a-t-il rappelé. Pour lui, l'un des principaux succès enregistrés durant ces dix dernières années aura été l'accent mis progressivement sur l'importance de la prévention des génocides, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Toutefois, l'un des premiers défis de ce mandat réside dans son intitulé lui-même. Certes, aucun État membre ne peut affirmer qu'il n'est pas intéressé à prévenir le génocide mais M. Dieng a dit avoir «parfois l'impression d'être porteur d'une maladie contagieuse, au point où des États font tout ce qu'ils peuvent pour éviter tout contact» avec lui, apparemment par peur qu'un quelconque lien soit établi entre certains événements et le mot «génocide».

M. Dieng a invité le Conseil et ses membres à échanger plus régulièrement avec lui et avec ses collaborateurs. «Lorsque je cherche à me rendre dans un pays ou à rencontrer des chefs d'État, cela n'implique pas de ma part qu'il y ait risque de génocide», a-t-il dit. Il peut certes s'agir de prendre langue avec des gouvernements sur des sujets de préoccupation mais aussi de rechercher des partenariats avec des États ou des organisations régionales. Et lorsqu'un État prend l'initiative de prendre contact avec lui, «cela démontre une ouverture à la réflexion et une reconnaissance de sa propre responsabilité – la responsabilité vue comme le premier pas et le premier pilier de ce qui est connu comme le principe de responsabilité de protéger». En conclusion, le Conseiller spécial a dit «reconnaître avec humilité que la prévention du génocide et d'autres atrocités était une tâche complexe et difficile mais pas impossible».

Débat interactif

L'Éthiopie, s'exprimant au nom du Groupe africain, a souligné que la communauté internationale faisait face à de nombreux défis en matière de prévention des génocides. Diverses initiatives ont été lancées au niveau régional, a-t-elle noté, avant de saluer le rôle préventif du Bureau du Conseiller spécial. L'Union européenne, réitérant son soutien au mandat du Conseiller spécial, s'est interrogée sur les meilleurs moyens de prévenir les génocides. L'Australie a rappelé que l'obligation internationale de prévenir et de réprimer le crime de génocide s'impose à tous les États. Comment le cadre d'analyse développé par le Bureau du Conseiller spécial pourrait-il s'appliquer à d'autres crimes internationaux, a-t-elle demandé.

Les États-Unis ont déclaré que la prévention des atrocités de masse est une priorité. Les États-Unis reconnaissent en outre le rôle important des indicateurs, dont ceux élaborés par le Bureau de M. Dieng, pour prévenir les crimes atroces. Il faut réagir aux conflits avant que les violences ne se transforment en crimes de masse, ont encore plaidé les États-Unis. Pour sa part, le Mexique a souligné que la lutte contre l'impunité des auteurs de génocide est essentielle. Le Conseil a un rôle à jouer dans la prévention des génocides, notamment en traitant les situations de violations graves et systématiques des droits de l'homme.

Le Maroc a réitéré son appel visant à une ratification universelle de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide. Il faut renforcer l'efficacité de l'action préventive du Bureau du Conseiller spécial, a-t-il plaidé, en soulignant l'importance de l'éducation aux droits de l'homme et aux dangers des discours haineux. De son côté, la Chine a relevé que tous les États ont l'obligation de prévenir les génocides et les violations des droits de l'homme. Il faut s'attaquer aux causes du phénomène pour le prévenir et l'éradiquer. En outre, une culture de tolérance et de coopération est nécessaire pour combattre la haine raciale.

Le Bangladesh, pays qui a connu un génocide, a souligné la nécessité de prévenir les génocides et de lutter contre l'impunité. Pour l'Arménie, autre pays concerné par un génocide, les signes avant-coureurs d'un crime de masse sont les discours de haine ou d'humiliation d'une partie de la population. Pour l'Arménie, une des mesures de prévention pourrait être d'intégrer l'histoire des génocides dans les manuels scolaires. À bien y regarder, les mesures de prévention sont en effet simples, a poursuivi l'Irlande, soulignant les mesures d'alerte précoces. Il faut en effet éduquer et sensibiliser sur les causes et conséquences des génocides, a ajouté l'Équateur. Cela doit s'accompagner de mesures répressives, a poursuivi la Turquie, pour qui l'incitation à la haine doit être sévèrement punie, autant que les hommes politiques doivent se garder de diffuser de telles idées.

L'organisation non gouvernementale Pasumai Thaayagam Foundation a demandé au Conseil d'établir une commission internationale d'enquête faisant la lumière sur les faits qui se sont déroulés au Sri Lanka, présentées comme des violations massives des droits de l'homme, dont des actes de génocides. France Libertés a estimé que les États avaient la responsabilité d'éviter que des génocides et a déploré que les États ignorent parfois les alertes de la société civile. L'Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale a pour sa part accusé les forces militaires iraquiennes de de prendre pour cible un groupe bien précis, appuyées par un discours haineux de hautes autorités politiques.

Conclusions et observations

M. DIENG a souligné à quel point il est important de chercher comment lutter contre les discours de haine. Il a cité l'exemple de la Libye où l'ancien Président Mouammar Kadhafi utilisait les mots «cancrelats», «vermine», «rats» pour qualifier ses opposants. Il a rappelé qu'on avait utilisé des termes tout à fait similaires au Rwanda pour dénier toute humanité aux Tutsis. Le bureau de M. Dieng réfléchit par ailleurs à l'heure actuelle à la manière dont on pourrait débattre de la question de la prévention du crime de génocide sur le continent africain. En ce qui concerne la responsabilité de protéger, l'alerte rapide est la notion sur laquelle il convient de travailler, estime le Conseiller spécial. Sans une société civile courageuse, il est difficile de progresser, a-t-il également fait observer, en citant l'exemple positif du Kenya où la société civile joue un rôle essentiel.

Droit de réponse

L'Iraq, en réponse à une organisation non gouvernementale, a affirmé que l'armée iraquienne était capable de remporter la victoire contre les terroristes dans un temps extrêmement réduit, mais que le Gouvernement est soucieux de ne pas mettre en danger les populations des villes concernées, c'est pourquoi l'armée a adopté la stratégie de frappes ponctuelles sur la base de renseignements obtenus par les services secrets. Parler de «pilonnage indiscriminé» est donc absolument erroné. Par ailleurs, les dirigeants élus en Iraq représentent toutes les composantes de la société iraquienne.


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HRC14/018F