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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT SUR LA PROMOTION ET LA PROTECTION DU CHAMP D'ACTION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu cet après-midi une réunion-débat sur l'importance de la promotion et de la protection du champ d'action de la société civile.

Des déclarations liminaires ont été faites par le Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon - dans un enregistrement audiovisuel - et la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Flavia Pansieri. Les panélistes étaient Mme Safak Pavey, Membre du Comité des droits des personnes handicapées; M. Frank La Rue, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression; Mme Deeyah Khan, productrice de films, de musique et d'art; et M. Mokhtar Trifi, Président d'honneur de la Ligue tunisienne des droits de l'homme. Le débat était animé par Mme Hina Jilani, avocate spécialisée dans les droits de l'homme et ancienne Représentante spéciale du Secrétaire général pour les défenseurs des droits de l'homme.

Le Secrétaire général a souligné que la société civile était un «partenaire indispensable de l'ONU» et que, par conséquent, elle doit pouvoir agir librement, de manière indépendante, sans avoir peur des représailles ou d'intimidation. La Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a elle aussi rappelé la reconnaissance internationale dont bénéficie les acteurs de la société civile, notamment de la part du Conseil.

Mme Pavey a estimé qu'en dépit de leur imperfection, les organisations de la société civile ont prouvé qu'elles représentent la méthode la plus pacifique de lutter contre l'injustice, l'inégalité et les discriminations raciales et fondées sur le genre, même si elle n'a pas nécessairement vocation à agir dans le champ politique. M. La Rue l'a rejoint estimant que les organes nationaux ne pouvaient garantir seuls, les droits de l'homme sans une participation pleine et entière de la société civile; pour le Rapporteur spécial, la priorité de tous les États devrait être de garantir la liberté d'expression, y compris la création artistique, l'accès à l'Internet et à l'information publique. Mme Khan a aussi défendu la place de l'art et des artistes dans la promotion des droits de l'homme, car l'art peut dénoncer les injustices, les violations des droits de l'homme, la corruption.

Le Président d'honneur de la Ligue tunisienne des droits de l'homme a pour sa part présenté l'expérience de la Tunisie et le rôle joué par la société civile dans le cadre de la transition démocratique. M. Trifi a également relevé les obstacles qui entravent l'action de la société civile tunisienne, notamment la création d'organisations qui servent de prête-nom à des mouvements terroristes ou le manque de professionnalisation de l'action associative.

Au cours du débat qui a suivi, la majorité des délégations a reconnu le rôle des organisations de la société civile pour faire avancer les droits de l'homme. Des délégations ont rappelé que ces acteurs ont été reconnus sur le plan international, y compris dans de nombreuses résolutions des Nations Unies. Ils sont des partenaires indispensables, des mécanismes d'alerte et de prévention de violations des droits de l'homme. Dans ce contexte, les mesures de représailles ou les tentatives de limitation de leurs activités sont inacceptables. Il faut des mesures de protection spécifiques et l'ouverture d'un dialogue renforcé entre États et la société civile.

Cependant, la société civile doit de son côté faire preuve de responsabilité et d'éthique, a souligné un autre groupe de délégations. Trop souvent, on a tendance à voir dans la société civile une panacée; or, la société civile doit obéir aux mêmes critères de responsabilité, de crédibilité et de transparence, de franchise qu'elle exige de la part de l'État.

Les délégations suivantes ont participé aux échanges: Algérie, Allemagne, Angola, Chili, Chine, Colombie, Éthiopie (au nom du Groupe africain), Hongrie, Inde (au nom groupe de 21 pays), Indonésie, Ireland, Italie, Japon, Maroc, Norvège (au nom des pays nordiques), Pakistan (au nom de l'OIC), Pologne, Portugal, République de Corée, République tchèque, Suisse, Thaïlande, Tunisie, Union européenne, Uruguay, Yémen (au nom du Groupe arabe). Ont également pris la parole le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) et plusieurs organisations non gouvernementales*.


Le Conseil doit reprendre, demain à 9 heures, le débat interactif sur la liberté de religion ou de conviction et sur la protection des libertés dans la lutte antiterroriste, avant de se pencher sur deux rapports abordant respectivement les questions relatives aux droits culturels et à l'exploitation des enfants.


Débat interactif sur l'importance de la promotion et de la protection du champ d'action de la société civile

Déclarations liminaires

Dans une déclaration enregistrée, M. BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies, a souligné qu'une société civile libre et indépendante était la clé de voûte d'une gouvernance démocratique et sensible «La société civile est le partenaire indispensable de l'ONU» Les acteurs de la société civile doivent pouvoir agir librement, de manière indépendante, sans avoir peur des représailles ou de l'intimidation. Cela exige une action collective pour dénoncer les représailles, défendre les voix libres et protéger ceux qui sont pris pour cible. M. Ban attend un soutien plein et entier à son endroit, ainsi qu'à celui de la Haut-Commissaire et des Nations Unies pour garantir ces objectifs essentiels. Le débat d'aujourd'hui part des prémices justes selon lesquelles «l'espace laissé à la société civile reflète le respect pour les droits de l'homme de la société toute entière» a-t-il encore observé.

MME FLAVIA PANSIERI, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a souligné les nombreuses incarnations que pouvait prendre la société civile: militants écologistes, défenseurs des immigrés, syndicalistes se battant pour des accords collectifs, blogueurs dénonçant la corruption, voire fédérations d'organisations non gouvernementales faisant campagne pour un nouveau traité international relatif aux droits de l'homme. Elle a rappelé que le Conseil des droits de l'homme avait reconnu l'importance des acteurs de la société civile et la nécessité qu'ils puissent s'épanouir dans un environnement favorable. Mme Pansieri a déploré que, dans nombre d'endroits à travers le monde, les acteurs de la société civile soient confrontés aux menaces, à l'intimidation et à des représailles terribles, quand ce n'est pas à l'élimination physique. Des ONG sont interdites de financement, les lanceurs d'alerte emprisonnés pour avoir dénoncé la corruption. Des étudiants sont interdits de manifestation, des militants des droits de l'homme espionnés, leurs ordinateurs confisqués, leurs sites fermés. Il faut agir pour s'opposer à de telles pratiques, a encore dit Mme Pansieri. Le Haut-Commissariat s'est battu depuis vingt ans pour que la société civile dispose d'un espace d'expression. Aujourd'hui, il est d'actualité d'élargir cet espace. C'est en ce sens que le Haut-Commissariat compte agir dans la période 2014-2017.

MME HINA JILANI, modératrice du débat, avocate spécialisée dans les droits de l'homme, militante de la démocratie et ancienne Représentante spéciale du Secrétaire général pour les défenseurs des droits de l'homme, s'est dite heureuse que le Conseil souhaite élargir le champ dévolu à la société civile. Il faut reconnaître le rôle de la société civile, qui a beaucoup contribué à renforcer le travail en faveur des droits de l'homme et de la démocratie. La société civile fait partie de la communauté internationale de façon essentielle, a-t-elle poursuivi, avant de souligner que le travail effectué par la société civile se fait au prix de la sécurité, de la crédibilité et de la légitimité des personnes qui s'engagent en faveur des droits de l'homme. Ainsi, il faut reconnaître que si la société civile œuvre pour elle-même, elle contribue aussi au renforcement des États, a-t-elle conclu.

Exposés de panélistes

MME SAFAK PAVEY, Membre du Comité des droits des personnes handicapées, a déclaré que la société civile reconnaît et protège la diversité, la pluralité et les différences. Elle mène des combats en faveur des cultures traditionnelles ou pour combattre les inégalités économiques. La société civile consiste en une réunion de personnes qui ne peuvent atteindre leurs objectifs en tant qu'individus et, en tant que communauté démocratique, elle a droit à un espace protégé. Idéalement, elle devrait agir en dehors de tout contrôle étatique et sur la base du principe de la bonne gouvernance. Pour Mme Pavey, un des aspects les plus tragiques de la réduction de l'espace dévolu à la société civile est le fait que les travailleurs humanitaires soient attaqués dans les zones de conflit armé. Elle a déploré qu'en Égypte, à Bahreïn, en Ukraine et en Turquie, des urgentistes aient été attaqués par les forces de sécurité alors qu'ils fournissaient une aide médicale d'urgence à des personnes blessées dans l'exercice de leur droit à la liberté d'expression. Même si elles sont imparfaites, les organisations de la société civile ont prouvé qu'elles représentent la méthode la plus pacifique de lutter contre l'injustice, l'inégalité et les discriminations raciales et fondées sur le genre. Répondant à une question posée par la modératrice, Mme Pavey a indiqué que la société civile n'a pas nécessairement vocation à agir dans le champ politique. Dans certains cas, la société civile travaille mains dans la main avec les autorités pour faire avancer certaines questions.

M. FRANK LA RUE, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, a déclaré que les organes nationaux seuls ne pouvaient garantir les droits de l'homme sans une participation pleine et entière de la société civile. L'état de droit et la justice sont le premier élément fondamental nécessaire et indispensable. En second lieu, il est crucial que toute société garantisse la liberté d'expression, y compris la création artistique. M. la Rue estime que la société civile est confrontée à un certain nombre de défis. En premier lieu, tout un chacun doit avoir accès à l'Internet, ce qui ne signifie pas nécessairement un accès personnel en tant que tel. Cela doit être la priorité de tous les États. Tous les citoyens doivent pouvoir communiquer par Internet, afin de ne pas voir la fracture numérique s'élargir. Si tout le monde reconnaît l'importance de ce moyen d'expression et de communication, il apparaît clairement que des États commencent à le limiter, sous prétexte de protection de la sécurité nationale ou d'atteinte à l'identité nationale et culturelle. Aujourd'hui, la surveillance des communications est devenue très courante. En outre, la presse et les medias, blogueurs compris, sont attaqués de manière croissante. Une attaque contre la presse, c'est une attaque contre la société, a souligné M. La Rue. Pour lui, il est important de renforcer l'accès à l'information publique. Certes, de plus en plus États reconnaissent cet accès, tout en érigeant des obstacles, ce qui porte atteinte à la société civile. En outre, des réglementations tendent à rendre plus difficile la création d'associations et leur financement. Des mesures sont aussi édictées pour limiter la possibilité de manifester.

MME DEEYAH KHAN, productrice de films, de musique et d'art, a expliqué que l'art en tant qu'outil universel de communication doit être inclus dans les débats relatifs aux droits de l'homme. Bien employé, l'art peut dénoncer les injustices, les violations des droits de l'homme, la corruption. Et c'est pour cela que dans certains pays, les artistes, en tant qu'acteurs et militants, sont victimes de harcèlement, d'emprisonnement et de toute autre forme d'abus. Pour Mme Khan, l'art, dans une démocratie, est aussi nécessaire que l'est une presse libre mais, paradoxalement, il est sous-estimé. Mme Khan a également observé que les femmes artistes ou journalistes subissent d'autres formes de pression, en raison de leur identité sexuelle. Il faut que la communauté internationale protège davantage la communauté des artistes, a-t-elle aussi déclaré.

M. MOKHTAR TRIFI, Président d'honneur de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, a rappelé que la Tunisie a croupi sous un régime policier durant près de 23 ans au cours desquels les droits de l'homme étaient durement réprimés et les libertés d'association et d'expression totalement muselées. Il a évoqué le rôle de la société civile dans le cadre de la transition démocratique actuellement en cours en Tunisie, en rappelant qu'elle avait également joué un rôle important dans la Révolution. La première loi votée après la chute de l'ex-président Ben Ali avait pour objet l'amnistie de tous les prisonniers politiques et de conscience. De même, c'est sur la proposition de la société civile que la Tunisie a ratifié le Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale. Par ailleurs, l'Instance supérieure indépendante pour les élections, composée exclusivement de membres de la société civile, a organisé les premières élections libres de l'histoire de la Tunisie en 2011 et a promulgué la loi électorale ainsi que la loi sur liberté d'association. L'Instance a également formé des observateurs chargés de surveiller le bon déroulement des élections, qui ont abouti à la création d'une Assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle Constitution pour la Tunisie. La société civile a continué de jouer un rôle dans le cadre du processus constitutionnel. Par ailleurs, M. Trifi a affirmé que quatre organisations de la société civile ont joué un rôle crucial pour imposer la démission du Gouvernement et l'adoption de la Constitution. En conclusion, il a relevé certains handicaps qui entravent l'action de la société civile tunisienne la création d'organisations satellites par les partis politiques visant à drainer des financements étrangers, interdits aux partis, la création d'organisations qui servent de prête-nom à des organisations terroristes, le manque de professionnalisme de l'action associative et le manque de travail en réseau des associations.

Débat interactif

De nombreuses délégations ont insisté sur le rôle primordial de la société civile en matière de de promotion et protection des droits de l'homme. Ce sont des partenaires clefs, dont aucune démocratie solide ne peut se passer a par exemple déclaré la Colombie. L'Allemagne a rappelé que le rôle de la société civile avait été universellement reconnu par la Conférence mondiale sur les droits de l'homme de 1993, réaffirmé dans de nombreuses résolutions et par de nombreuses commissions, souligné dans d'innombrables rapports de Rapporteurs spéciaux et codifié dans le paquet institutionnel du Conseil des droits de l'homme lui-même. La République tchèque a souligné que la société civile représentait un élément indispensable de contre-pouvoirs de tout État aspirant à la démocratie et à la liberté. L'Union européenne s'est dite convaincue que la protection du champ d'action de la société civile exige le soutien d'un cadre législatif et administratif solide. Face aux restrictions grandissantes mises à l'expression de la société civile, l'UE appelle les États à respecter l'espace démocratique auquel ils ont souscrit de par leur adhésion aux instruments internationaux et qu'ils sont susceptibles de violer en cherchant à museler les organisations de la société. La société civile est aussi un mécanisme de prévention et d'alerte précoce de violation des droits de l'homme, a ajouté l'Italie. Il est aujourd'hui impossible de développer des plans et programmes sans elle, a continué le Chili.

Le Yémen, au nom du Groupe arabe, a dit avoir conscience du rôle essentiel de la société civile, soulignant qu'au nombre des obstacles susceptibles de l'entraver figuraient les contraintes d'ordre financier, ainsi qu'une conscience insuffisante de leur rôle essentiel.

Dans ce contexte, les attaques dont la société civile est victime sont tout simplement inacceptables, ont déclaré de nombreuses délégations. Ainsi, au nom des pays nordiques, la Norvège a déploré que de nombreuses pressions s'exercent sur la société civile, en dépit de la reconnaissance de son rôle essentiel. Son représentant a fait part de sa préoccupation de la marginalisation de groupes tels que les LGBT, les associations représentatives de religions ou de minorités dans plusieurs pays. Les pays nordiques souhaitent que soient abordée la question du lien entre la stabilité sociale et la liberté d'expression de la société civile. Pour l'Uruguay, il faut donc mettre en place des mécanismes institutionnels spécifiques de protection, garantissant par exemple que les atteintes aux acteurs de la société civile ne restent pas impunis, car l'impunité favorise la répétition, a expliqué la délégation. Mais comment les organisations peuvent-elles mêmes se protéger face aux attaques dont elles sont victimes, a demandé la Pologne.

Il ne s'agit pas d'accorder de nouvelles lois ou protection aux acteurs de la société civile, mais au contraire à leur garantir les mêmes droits que tout le monde, a déclaré l'Irlande. Alors, comment réglementer le financement extérieur de la société civile sans entraver leur liberté, a aussi demandé la Tunisie. Quelle est la responsabilité du Conseil lorsque des personnes ayant coopéré avec lui sont victime de harcèlement ou de représailles, a demandé la Suisse.

Ces mesures de protection doivent s'accompagner d'un dialogue constructif ont encore argumenté des délégations. États et société civile peuvent évidemment avoir des divergences de vue, mais ils sont contraints à la coopération pour la défense des droits de l'homme, a constaté la Thaïlande. Plus ces deux acteurs se rencontreront mieux sera leur compréhension mutuelle, a renchérit la République de Corée. C'est un dialogue nécessaire pour la Hongrie, qui a appelé tous les États à chercher un consensus sur cette question. Ce dialogue peut en effet contribuer à identifier les défis nouveaux, a ajouté le Japon. Comment les États peuvent-ils améliorer leur dialogue avec la société civile tant aux niveaux national qu'international, a souhaité savoir Portugal.

L'Éthiopie, au nom du Groupe africain, a dit que les États devaient créer un espace sûr et porteur au sein duquel la société civile puisse opérer. En retour, les associations doivent faire preuve de transparence et de responsabilité envers les catégories de la population qu'elles servent. Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a en outre estimé impératif que les États préservent des espaces libres pour les acteurs de la société civile, ceux-ci devant s'acquitter de leur rôle dans le cadre juridique défini par les États.

L'Angola a pour sa part présenté les mesures qu'il a prises pour mieux protéger la société civile et ses membres, dont la création d'un forum permanent.

Tout en convenant que la protection de la société civile en toute occasion était la responsabilité première de chaque État, l'Inde au nom d'un groupe de 21 pays a toutefois recommandé de faire preuve de prudence lorsque l'on plaide la cause de celle-ci. Trop souvent en effet, on a tendance à voir dans la société civile une panacée. Or, la société civile doit obéir aux mêmes critères de responsabilité, de crédibilité et de transparence, de franchise qu'elle exige de la part de l'État. Lorsqu'on appelle à l'élargissement de son espace, on ne peut ignorer qu'il existe des différences et des conflits en son sein même. La société civile doit aussi apprendre à protéger son propre espace en se gardant des machinations de bailleurs qui peuvent être inspirés par des idéologies extrêmes ou des agendas politiques cachés. Le financement des associations de la société civile est aussi susceptible d'un mauvais usage de leur statut d'organisations caritatives bénéficiant d'exemptions fiscales.

Pour l'Indonésie, l'État doit en effet veiller à ce que la société civile puisse s'exprimer et faire librement son travail sans crainte, tout en réduisant l'impact des organisations qui font la promotion d'idées nuisibles. Pour l'Indonésie, la société civile doit également respecter les regels éthiques, l'état de droit et surtout s'appliquer ses propres valeurs.

La Chine s'est dite convaincue que les gouvernements doivent créer un environnement favorable à la société civile, mais a souligné toutefois qu'aucune liberté n'étant absolue, les organisations de la société civile doivent respecter la légalité. Elles ne peuvent remettre en cause l'ordre social, elles ne peuvent non plus avoir de programme caché et ne doivent pas servir comme vecteur d'ingérence de la part de pays étrangers.

Le Maroc a indiqué s'être engagé dans un processus de consécration et de dynamisation du rôle et de la place indispensable incombant à la société civile. Afin de moderniser le cadre régissant les associations de la société civile, le gouvernement a lancé le 13 mars dernier le Dialogue national sur la société civile et ses prérogatives constitutionnelles. L'Algérie a souligné que la réalisation des objectifs nobles recherchés par les membres de la société civile reposait indéniablement sur le respect des règles et des procédures établies par la législation nationale et du droit international, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Des assises nationales de la société civile se sont tenues en Algérie il y a deux ans afin de relancer les activités des organisations sociales et syndicales.

Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) a constaté que de nombreux défis restaient à relever en ce qui a trait aux retours reçus de la société civile, l'espace des associations étant menacé ou restreint dans de nombreux pays, par exemple lorsque l'on parle de la lutte contre le VIH-sida.

La Commission nationale des droits de l'homme de la Malaisie a déploré les nombreuses limitations imposées aux organisations de la société civile, notamment en Malaisie; il faut au contraire respecter leurs droits et leur permettre de participer aux processus démocratiques. Cette position est également celle de plusieurs organisations non gouvernementales, notamment CIVICUS. La Fédération Internationale des droits de l'homme a pour sa part accusé la Fédération de Russie, l'Iran ou encore la Turquie d'avoir adopté une série de mesures afin de limiter l'action de la société civile.

Le Service international pour les droits de l'homme a dénoncé les restrictions imposées à la société civile dans un certain nombre de pays, citant comme exemple la législation éthiopienne qui pénalise les ONG en fonction de leur financement. Elle s'est félicitée du fait que des pays comme la Suisse et le Royaume-Uni aient respectivement mis en place récemment des principes directeurs régissant les défenseurs des droits de l'homme et un Plan national d'action sur les entreprises et les droits de l'homme. En définitive, lorsque les États ne garantissent pas un espace suffisant à la société civile, celle-ci se tourne vers les Nations Unies. En conclusion, l'ONG a appelé le Conseil et l'ONU dans son ensemble à apporter une réponse concrète au problème des représailles contre ceux qui témoignent auprès des instances de l'ONU.

Le Forum européen pour les personnes handicapées a constaté que la société civile était confrontée à un certain nombre de défis, appelant tous les pays à ratifier la Convention des droits des personnes handicapées, en particulier ses obligations en matière de participation.

Alliance internationale d'aide à l'enfance, au nom également de Vision Mondiale International, Défense des enfants – international et Plan International, Inc. a demandé à la société civile d'octroyer également une place aux enfants sur un pied d'égalité. Les gouvernements doivent permettre aux enfants de se réunir en organisations et de participer aux processus les concernant.

Réponses et conclusions des panélistes

MME KHAN a noté qu'il est facile de faire de belles déclarations, mais qu'il faut également agir, car c'est l'avenir de nos enfants qui est en jeu. Or nous sommes confrontés à des défis considérables, la moitié de l'humanité n'étant toujours pas reconnue comme étant des citoyens à part entière. Elle a ainsi appelé chacun à faire preuve de compassion et de solidarité. Une société civile ouverte et inclusive a besoin d'un espace de liberté d'expression

M. LA RUE a pour sa part rappelé que l'on parle des droits de l'homme et non pas d'un ensemble de droits spécifiquement dédiés à la société civile. Les organisations de la société civile ne sont finalement que des organisations qui réclament des droits dont tout un chacun devrait bénéficier. Les organisations de la société civile doivent respecter l'état de droit, la transparence et les obligations redditionnelles, mais cela n'implique pas que des restrictions particulières doivent lui être appliquées. Il est ainsi préoccupant de constater que des lois limitent la liberté d'association ou de financement des organisations de la société civile. Enfin, en réponse à une question de l'Uruguay, le Rapporteur spécial a jugé important de créer des mécanismes spécifiques de protection des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes.

M. TRIFI est revenu sur une question posée à plusieurs reprises, à savoir s'il était concevable d'élire au Conseil des droits de l'homme un État qui ne reconnaîtrait pas la liberté d'expression et d'association. Il a appelé le Conseil à n'accepter en son sein que des pays qui respectent les droits de l'homme. Au plan interne, un cadre législatif clair et robuste doit être mis sur pied et il faut fournir des formations aux associations. Par ailleurs, les financements publics doivent être inconditionnels mais assortis de critères stricts. M. Trifi a conclu en soulignant qu'il est nécessaire de mettre sur pied des mécanismes d'alerte, avant de se féliciter de la désignation d'un expert indépendant sur la situation des défenseurs des droits de l'homme.

MME JILANI a indiqué que le financement étranger fait partie de la coopération internationale, comme cela est souligné dans le Pacte sur les droits civils et politiques et le Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels. Ce que l'État peut faire légitimement doit être autorisé pour les organisations de la société civile, a-t-elle conclu.
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*Les organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole dans le cadre de la réunion-débat: Forum européen pour les personnes handicapées, Service international pour les droits de l'homme (au nom également de Commonwealth Human Rights Initiative, International Gay and Lesbian Human Rights Commission, East and Horn of Africa Human Rights, Defenders Project et Amnesty International), CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme – FIDH, Alliance internationale d'aide à l'enfance (au nom également de Vision Mondiale International, Défense des enfants – international et Plan International, Inc.).


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HRC14/023F