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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS MÈNE DES AUDITIONS SUR LA SITUATION AU KOWEÏT, EN BELGIQUE ET EN BOSNIE-HERZÉGOVINE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a entendu, cet après-midi, des représentants d'une institution nationale des droits de l'homme et d'organisations non gouvernementales, qui ont témoigné de la situation, au regard du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, au Koweït, en Belgique et en Bosnie-Herzégovine, dont les rapports seront examinés cette semaine.

La Médiatrice nationale des droits de l'homme de la Bosnie-Herzégovine, Mme Jasminka Dzumhur, a indiqué que le pays ne s'était toujours pas doté d'un plan national unifié en faveur des droits de l'homme et se contentait d'appliquer des programmes sectoriels sans coordination aucune. Elle a aussi souligné que l'institution nationale des droits de l'homme était confrontée à des problèmes budgétaires alors même que de nouvelles fonctions viennent de lui être confiées. De plus, la nomination des médiateurs est influencée par des considérations politiques. La représentante d'une ONG, l'Observatoire des situations de déplacement interne, a pour sa part déclaré que les autorités bosniaques doivent donner effet aux droits fondamentaux des personnes déplacées en matière scolaire, sociale et sanitaire.

S'agissant de la Belgique, l'organisation FIAN a déclaré que la société civile belge était préoccupée par la législation nationale sur les agrocarburants, qui porte atteinte en particulier du droit à l'alimentation. La Ligue belge des droits de l'homme a signalé un problème dans l'effectivité du droit au logement en Belgique, ce pays disposant, par exemple, d'un nombre insuffisant de logements sociaux publics répondant aux besoins des groupes les plus vulnérables. Elle a aussi déploré l'inégalité de traitement inscrite dans la loi belge sur l'aide sociale, au détriment des femmes, de certains migrants et des Roms en particulier.

En ce qui concerne le Koweït, l'organisation Kabehr a insisté sur la nécessité d'améliorer la collaboration entre les organisations non gouvernementales et les autorités koweïtiennes, notamment pour la préparation des rapports soumis aux organes conventionnels. L'organisation plaide, en outre, pour la création à brève échéance d'une institution nationale de droits de l'homme dont les statuts soient conformes aux principes de Paris et pour la criminalisation explicite de la discrimination raciale dans le droit koweïtien. L'organisation a également recommandé l'abrogation de la loi encadrant les relations de travail.


Le Comité examinera demain, à partir de 10 heures, le rapport périodique du Koweït (E/C.12/KWT/2).



Auditions

S'agissant de la Bosnie-Herzégovine

MME JASMINKA DZUMHUR, Médiatrice nationale des droits de l'homme de la Bosnie-Herzégovine, a indiqué que le pays ne s'est toujours pas doté d'un plan national unifié en faveur des droits de l'homme et qu'il se contente d'appliquer des programmes sectoriels programmes sectoriels sans coordination aucune. En ce qui concerne l'institution nationale de droits de l'homme, si ses statuts sont conformes aux principes de Paris, elle est confrontée à des problèmes budgétaires, alors même que le Gouvernement vient de lui confier de nouvelles fonctions, en matière de prévention notamment. Mme Dzumhur a aussi regretté que le Gouvernement n'ait pas mis en œuvre la réforme de l'institution du Médiateur préconisée par le Conseil de l'Europe, visant à clarifier les relations de pouvoir entre les instances chargées des droits de l'homme.

D'autre part, le problème du respect des droits économiques, sociaux et culturels des victimes civiles de la guerre se pose avec d'autant plus d'acuité que la loi ne dispose rien en faveur des personnes victimes de torture et de déplacement forcé. L'absence de l'État se manifeste aussi dans le droit à l'éducation des enfants de rapatriés, qui sont privés d'accès à l'école depuis la rentrée de septembre. La coordination et le contrôle de l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels doivent être assurés au niveau des cantons par le biais de mécanismes publics: c'est la condition du respect par la Bosnie-Herzégovine de ses obligations au titre du Pacte, a conclu la Médiatrice.

Un membre du Comité a demandé à la Médiatrice pourquoi la Bosnie-Herzégovine n'avait pas adopté de plan national d'action en faveur des droits de l'homme. Une experte a noté que les trois institutions nationales de droits de l'homme ont fusionné dans une instance unique et a demandé à Mme Dzumhur des précisions sur la façon dont se déroule la nomination des médiateurs et de ses adjoints, sur le fonctionnement de l'institution ainsi que sur les modalités de résolution des conflits d'interprétation entre les titulaires des instances chargées des droits de l'homme. D'autres questions ont porté sur le respect par la communauté internationale de ses promesses de financement de la reconstruction du pays; sur les raisons institutionnelles qui compliquent la prévention des violations des droits de l'homme en Bosnie-Herzégovine. Le mandat de l'ONU relatif aux pays sortant de conflit contient un volet consacré à la valorisation de la mémoire: les autorités tiennent-elles compte de cette question?

MME DZUMHUR a observé que la notion de réparations implique la reconnaissance du statut de victime, qui n'est pas acquis en Bosnie-Herzégovine. En l'état, l'octroi d'aides dépend du canton de résidence des personnes concernées. Les prestations varient donc considérablement. Par ailleurs, les victimes de la guerre n'ont pas le droit d'ériger des mémoriaux à leurs souffrances. Or, la dimension mémorielle est consubstantielle à la réconciliation nationale. Les nombreuses initiatives internationales de reconstruction sont fragmentaires, ne sont pas coordonnées ni structurées. Ce problème s'explique aussi par des facteurs internes à la Bosnie-Herzégovine. La nomination des médiateurs est entachée d'erreurs procédurales et influencée par des considérations politiques, a déploré Mme Dzumhur.

Un expert s'étant demandé si les difficultés de la Bosnie-Herzégovine ne s'expliquaient pas, au moins en partie, par la jeunesse de l'État, la Médiatrice a noté qu'il est en tout état de cause inacceptable que les citoyens ne jouissent pas des droits fondamentaux tels que l'éducation ou la santé. Les médiateurs sont saisis de nombreuses plaintes de citoyens à ce sujet.

L'Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC) a attiré l'attention sur la situation difficile des personnes déplacées en Bosnie-Herzégovine. La représentante a appelé les autorités à donner effet aux droits fondamentaux de déplacés en matière scolaire, sociale et sanitaire. La loi cantonale de Sarajevo accorde un soutien financier aux personnes revenant d'exil après la guerre: cette loi est un modèle à suivre par les autres autorités locales, a noté la représentante.


S'agissant de la Belgique

FIAN Belgique, au nom d'une coalition de plusieurs organisations non gouvernementales, a déclaré que la société civile belge était préoccupée par la législation nationale sur les agrocarburants, qui prévoit des taux d'intégration très élevés d'agrocarburants dans les carburants offerts à la consommation, portant atteinte en particulier au droit à l'alimentation. FIAN regrette aussi la manière dont la loi a été adoptée, à la hâte et sans consultation avec la société civile. Le Comité est invité à recommander à la Belgique d'adopter, dans l'élaboration de sa politique sur les agrocarburants, une approche centrée sur les droits de l'homme. FIAN se préoccupe d'autre part de la situation dramatique des agriculteurs en Belgique, la disparition des petites exploitations menaçant à terme le droit à l'alimentation et de la population belge dans son ensemble. L'organisation invite aussi le Comité à recommander aux autorités belges de clarifier leur position sur le processus onusien de Déclaration sur les droits des paysans et autres personnes vivant en milieu rural.

La Ligue belge des droits de l'homme a signalé un véritable problème dans l'effectivité du droit au logement en Belgique, ce pays disposant, par exemple, d'un nombre insuffisant de logements sociaux publics répondant aux besoins des groupes les plus vulnérables. La Ligue déplore aussi des atteintes au droit de grève en Belgique, les employeurs disposant de moyens de contourner les dispositions légales en la matière. Le représentant a toutefois noté que certains tribunaux ont statué sur de tels cas sur la base des recommandations du Comité. Enfin, on doit déplorer l'inégalité de traitement inscrite dans la loi belge sur l'aide sociale, qui entraîne des reculs dans la répartition des prestations sociales au détriment des femmes en particulier. Une autre représentante de la Ligue a souligné, pour sa part, que la loi interdit aux personnes sans statut légal de recevoir des prestations sociales – y compris l'aide médicale urgente. C'est ainsi que certains demandeurs d'asile sont exclus de l'aide sociale, tout comme le sont les Roms, qui sont pourtant des ressortissants européens. Les prestations devraient donc être individualisées, afin d'en garantir l'équité.

Des experts du Comité ont voulu connaître l'avis de la population belge en général sur la question du recours aux agrocarburants et la composition de l'approvisionnement énergétique du pays. Un expert a voulu savoir si la Ligue des droits de l'homme recommandait à la Belgique de ne faire aucune différence de traitement entre migrants réguliers et clandestins. Une experte a observé que l'individualisation des prestations sociales ne profite pas toujours aux femmes. D'autres précisions ont été demandées sur la situation générale du logement en Belgique. Un expert a noté que les organisations non gouvernementales appellent le Comité à demander à la Belgique d'harmonisation ses politiques agricoles sur ses prises de position internationales favorables aux petits paysans. Dans ce contexte, la Belgique célébrera-t-elle officiellement l'année internationale de l'agriculture familiale?

Répondant aux questions du Comité, FIAN a souligné que l'Union européenne avait fixé aux États membres un objectif de 10% d'énergie renouvelable dans les transports. Les agrocarburants ne sont pas une obligation: d'autres sources moins problématiques peuvent très bien être explorées. FIAN préconise, pour sa part, une politique de transport globalement plus intelligente. Quoi qu'il en soit, la Belgique n'est pas en mesure de produire tous les agrocarburants dont elle a besoin: elle importe donc des produits dont l'exploitation remplace la production d'aliments. L'organisation recommande une agriculture biologique permettant notamment aux petits exploitants de s'affranchir de leur dépendance en matière d'intrants agricoles. FIAN estime que le point d'ancrage de ses doléances dans le Pacte réside dans le droit à l'alimentation.

La Ligue des droits de l'homme a indiqué que si le déficit de logements sociaux touche surtout Bruxelles, ses effets se font sentir par contrecoup au reste du pays. Les prestations sociales ont jusqu'ici été accordées aux chefs de ménages, surtout des hommes. Cette modalité pénalise notamment les nouveaux types de ménages. Les représentants de la Ligue se sont surtout dits préoccupés par la tendance à l'exclusion progressive de nouvelles catégories de bénéficiaires de prestations sociales.


S'agissant du Koweït

L'organisation Kabehr, dans une déclaration lue par le Secrétariat du Comité, insiste sur la nécessité d'améliorer la collaboration entre les organisations non gouvernementales et les autorités koweïtiennes, notamment pour la préparation des rapports soumis aux organes de traités. L'organisation plaide, en outre, pour la création à brève échéance d'une institution nationale de droits de l'homme dont les statuts soient conformes aux principes de Paris; pour la criminalisation explicite de la discrimination raciale dans le droit koweïtien; pour la protection maximale de la liberté d'expression et d'opinion; pour la lutte contre la traite des êtres humains; et pour la création de services de santé destinés aux citoyens et aux expatriés. Kabehr souligne enfin que la loi koweïtienne devrait être amendée pour permettre aux femmes de transmettre leur nationalité à leur conjoint, au même titre que les hommes. L'organisation a également recommandé la ratification par le Koweït de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, la lutte contre la traite des êtres humains et l'abrogation de la loi encadrant les relations de travail, afin de donner effet aux dispositions des normes internationales du travail et d'améliorer la situation des travailleurs expatriés.

Un expert du Comité a voulu savoir s'il était exact que l'enfant prend la nationalité de son père koweïtien, mais pas de sa mère koweïtienne si l'époux est étranger. Un expert a demandé si la loi contre la traite des êtres humains, dont il est fait état dans les réponses du Koweït, était entrée en vigueur. Un autre expert s'est interrogé sur les raisons de la persistance du problème des apatrides (bidoun) au Koweït.

Un représentant d'ONG a déclaré que le problème des bidoun tient en partie au fait qu'ils sont réputés avoir une autre nationalité, ce qui est faux, et qu'ils n'ont pas accès aux tribunaux qui pourraient statuer sur leur sort. Seuls les hommes transmettent leur nationalité à leur femme et à leurs enfants. La coopération avec la société civile, dont se prévaut le Gouvernement koweïtien, est malheureusement inexistante: les associations ont reçu le rapport rédigé, sans possibilité de le commenter. D'autre part, les budgets des institutions nationales de droits de l'homme ont été coupés après 2004.

Questions d'ordre général

MME PENNY PARKER, au nom de l'organisation Advocates for Human Rights, a noté qu'aucun pays ne donne d'information totalement complète sur l'examen des rapports par le Comité, sur ses recommandations et sur leurs suites. Il serait utile de mettre en lumière, sur le site web du Comité, des obligations des États en matière de mise en œuvre. Suite à une étude, Advocates for Human Rights note que le recours aux moyens techniques – Internet et la téléphonie mobile notamment – est généralisé dans tous les pays sous examen. Les États doivent apprendre à tirer parti de ces moyens techniques pour diffuser leurs rapports et toute information relative au respect de leurs obligations au titre des instruments internationaux de droits de l'homme.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

ESC13/015F