Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT INITIAL DE DJIBOUTI
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier et aujourd'hui, le premier rapport périodique présenté par Djibouti sur la mise en œuvre, par le pays, des dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
La Secrétaire d'État à la solidarité nationale de Djibouti, Mme Zahra Youssouf Kayad, a notamment indiqué que le Ministère de la justice s'était vu attribuer la responsabilité générale de la promotion et de la protection des droits de l'homme et que des départements sectoriels en charge des droits sociaux et culturels ont été mis en place. Djibouti a, de même, adopté une politique d'adhésion ou de ratification des instruments internationaux et régionaux qui contribuent au renforcement des droits de l'homme, condition indispensable de la création d'une société égalitaire dans le cadre d'une paix sociale durable. Mme Kayad a assuré que les perspectives pour Djibouti sont encourageantes, avec la mise en œuvre d'un grand projet d'infrastructures dans le domaine logistique et des politiques d'attraction des investissements directs étrangers destinées à lutter durablement contre le chômage et, par voie de conséquence, à réduire la pauvreté, première entrave aux droits de l'homme.
La délégation djiboutienne était également composée du Procureur de la République, de représentants des Ministères des affaires étrangères, de la justice, du budget, du travail et de la sécurité, du Président de la Commission nationale des droits de l'homme et d'une conseillère juridique à la Présidence de la République. Elle a répondu aux questions du Comité portant notamment sur l'accès à l'eau potable, l'organisation du système national de santé et de sécurité sociale, l'éducation et la santé, la liberté de presse, la lutte contre la corruption.
L'expert du Comité chargé de l'examen du rapport, M. Azzouz Kerdoun, a félicité la délégation de la qualité du rapport, qui témoigne du souci du Gouvernement de Djibouti de confirmer l'assise des droits de l'homme et des droits économiques, sociaux et culturels. Le rapporteur a salué l'adhésion du pays à de nombreux instruments internationaux et régionaux des droits de l'homme, de même qu'au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Il a toutefois regretté que les informations figurant dans le rapport ne permettent pas encore au Comité se prononcer sur la situation réelle des droits économiques, sociaux et culturels à Djibouti. D'autres experts ont porté leur attention sur le taux élevé de chômage des femmes, les coutumes préjudiciables aux droits des femmes, les disparités entre villes et campagnes en ce qui concerne l'accès à l'eau potable et à l'assainissement, l'accès au logement, les informations faisant état d'atteintes à la liberté d'expression à Djibouti, l'accès à l'éducation, la situation des populations nomades.
Le Comité adoptera, avant la fin de la session, le vendredi 29 novembre prochain, des observations finales sur le rapport de Djibouti.
Le Comité examinera demain, à partir de 10 heures, le rapport du Bélarus (E/C.12/BLR/4-6).
Présentation du rapport
Présentant le rapport de Djibouti (E/C.12/DJI/1-2), MME ZAHRA YOUSSOUF KAYAD, Secrétaire d'État à la solidarité nationale, a indiqué que depuis l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme concernant Djibouti, en 2013, le Ministère de la justice s'est vu attribuer la responsabilité générale de la promotion et de la protection des droits de l'homme et que des départements sectoriels chargés des droits sociaux et culturels ont été mis en place. Il s'agit, notamment, des Ministères des affaires religieuses et de la culture, de la promotion de la femme et du planning familial, et du Secrétariat d'État au logement. Djibouti a, de même, adopté une politique d'adhésion ou de ratification des instruments internationaux et régionaux qui contribuent au renforcement de la promotion et la protection des droits de l'homme, condition indispensable pour la création d'une société égalitaire dans le cadre d'une paix sociale durable.
Djibouti a pris le parti d'orienter ses priorités vers les domaines de l'éducation, de la santé, de la jeunesse, de l'accès à la justice pour tous, de la promotion de la femme et des infrastructures et services sociaux de base. C'est ainsi que l'éducation nationale représente plus de 22% du budget national, un effort budgétaire qui a permis d'augmenter sensiblement le taux de scolarisation dans le primaire: de 52% en 2002, il est passé à 80% chez les 6-10 ans, la parité entre les filles et les garçons étant quasiment atteinte. La Secrétaire d'État a admis toutefois que, dans certaines zones rurales, les filles sont moins nombreuses que les garçons dans les écoles. Le schéma directeur 2010-2019 ambitionne d'améliorer le système éducatif en atteignant 100% de scolarisation dans le primaire en 2015 et en éliminant les disparités entre les sexes dans le primaire et le secondaire en 2019. Le budget de la santé – deuxième priorité du Gouvernement – est, quant à lui, le deuxième budget social du pays avec 10% des dépenses publiques. Le couple mère-enfant est au cœur de la politique de développement sanitaire du pays et a permis de réduire la mortalité maternelle et infantile.
Pour lutter contre le chômage des jeunes, le Gouvernement a mis en place plusieurs mesures, dont le crédit pour l'auto-entrepreneuriat et le service national adapté, qui offre des possibilités d'apprentissage d'un métier. Par ailleurs, pour relever le défi de la pauvreté, le Gouvernement a mis en place en 2007 une Initiative nationale de développement social dont les mesures ont pour objectif d'améliorer les conditions de vie des populations à travers l'accès des plus démunis aux services sociaux de base et aux activités génératrices de revenus. Cette initiative s'accompagne d'une vaste réforme du dispositif institutionnel et financier de la lutte contre la pauvreté, l'objectif étant de maîtriser la multiplication des institutions de développement et de rationaliser les interventions dans ce secteur. Le Gouvernement a créé, pour ce faire, un Secrétariat d'État à la solidarité nationale chargé de créer une synergie entre les institutions concernées, son bras opérationnel étant l'Agence djiboutienne de développement social.
Les perspectives pour Djibouti et pour sa région sont encourageantes avec la mise en œuvre d'un grand projet d'infrastructures dans le domaine logistique avec la construction de quatre nouveaux ports, d'une nouvelle ligne de chemin de fer reliant Djibouti à l'Éthiopie et l'interconnexion électrique. Enfin, les politiques d'attraction des investissements directs étrangers sont autant de mesures destinées à lutter durablement contre le chômage et, par voie de conséquence, à réduire la pauvreté, première entrave aux droits de l'homme, a conclu Mme Kayad.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. AZZOUZ KERDOUN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Djibouti, a félicité la délégation pour la qualité du rapport, qui témoigne du souci du Gouvernement de Djibouti de confirmer l'assise des droits de l'homme et des droits économiques, sociaux et culturels. Cependant, certaines des questions posées par le Comité ne trouvent pas de réponse dans le rapport, ce qui ne lui permet pas encore de se prononcer sur la situation réelle des droits économiques, sociaux et culturels à Djibouti, a constaté l'expert.
L'expert a noté que Djibouti se situe dans une situation géostratégique importante, au carrefour des routes de migration originaires d'Afrique vers la péninsule arabique et d'autres régions. Djibouti est considéré comme un micro-État, la majorité de sa population vivant dans la capitale. Cette population se répartit entre Afars et Issas, tous musulmans. Dépourvu de ressources naturelles, Djibouti assume pleinement son rôle de nation maritime et commerçante. Il est donc fortement soumis aux aléas de la conjoncture régionale.
S'agissant du cadre général de la promotion et la protection des droits de l'homme à Djibouti, l'expert s'est félicité de l'adhésion du pays à de nombreux instruments internationaux et régionaux des droits de l'homme, de même qu'au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Par contre, Djibouti n'a pas ratifié les Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. M. Kerdoun a regretté, enfin, que le rapport ne donne pas d'information sur la jurisprudence disponible au sujet de l'invocation du Pacte devant les tribunaux djiboutiens.
D'autres membres du Comité ont posé de nombreuses questions à la délégation de Djibouti, qui présente son tout premier rapport au Comité. Certains ont voulu savoir si Djibouti serait prêt à adopter un cadre juridique général et complet de lutte contre la discrimination, une démarche qui favoriserait la protection des droits des minorités. Une autre question a porté sur la place qu'occupe la justice traditionnelle au sein du système juridique djiboutien, concernant notamment les relations au sein de la famille et l'emploi des femmes. Une experte s'est demandé si, au-delà des textes juridiques, les autorités font les efforts de sensibilisation nécessaires pour faire évoluer les mentalités.
Un expert a demandé à la délégation d'indiquer si des hauts responsables avaient été condamnés au titre de la loi contre la corruption et si la loi sur la déclaration du patrimoine des dirigeants et hauts fonctionnaires est réellement appliquée. Le rapporteur a souligné, à ce propos, que la lutte contre la corruption est une condition du développement. Une experte a voulu savoir si les statuts de la Commission nationale des droits de l'homme correspondaient au statut A des Principes de Paris, alors qu'un autre s'est interrogé sur le degré d'indépendance de cette institution. La délégation a également été priée de dire si les organisations non gouvernementales ont leur mot à dire dans le suivi des politiques publiques. Un expert a demandé un complément d'information sur l'action de la «cellule d'écoute, d'information et d'orientation des filles et femmes victimes de violences», décrite au paragraphe 119 du rapport.
Une experte, observant que le taux de chômage des femmes est élevé à Djibouti, a voulu savoir quelles mesures sont prises par le Gouvernement pour favoriser leur insertion. L'experte a aussi demandé des précisions sur la protection sociale accordée aux personnes exclues du marché du travail.
On a signalé des disparités entre villes et campagnes en ce qui concerne l'accès à l'eau potable et à l'assainissement. Dans le domaine du logement, la plupart des personnes dans des situations d'extrême pauvreté vivent dans des abris de fortune. La délégation a été priée de dire quelles stratégies ont été adoptées pour remédier à ces problèmes et d'expliquer pour quelles raisons l'extrême pauvreté a progressé à Djibouti.
S'agissant du droit à la santé, une experte a constaté que les maternités signalent un taux de mortalité maternelle relativement élevé: cela pose la question du suivi médical des femmes enceintes dans les zones rurales en particulier. Un expert a voulu savoir si les autorités encouragent l'acquisition de médicaments génériques par les personnes disposant de faibles moyens.
Un expert a demandé dans quelles conditions s'effectue la location, par Djibouti, de terres agricoles dans d'autres pays africains.
Une experte a relevé que certaines coutumes du pays sont préjudiciables aux droits des femmes. Elle a recommandé que Djibouti mette un terme à l'activité des tribunaux religieux. Le code de la famille contient des dispositions discriminatoires envers les femmes, notamment dans le domaine de l'héritage, a aussi observé l'experte: le Gouvernement entend-il abroger ces dispositions? Un expert a relevé, à ce propos, que Djibouti semble reconnaître des disparités entre la charia qu'elle applique et les dispositions du Pacte.
D'autres questions ont porté sur les objectifs du Gouvernement en matière de protection sociale; le traitement juridique et la prise en charge sanitaire des réfugiés; l'aide étrangère dont bénéficie Djibouti pour donner effet à ses obligations en matière de droits économiques, sociaux et culturels; les statistiques nationales ventilées concernant les personnes handicapées; les quotas de femmes dans la représentation nationale; l'application de la loi sur la traite des êtres humains; ou encore le mandat et l'activité du service d'inspection du travail.
Un expert s'est inquiété d'informations du Comité des droits civils et politiques faisant état d'atteintes à la liberté d'expression à Djibouti.
Une experte a indiqué que, selon certaines sources d'information, Djibouti dispose d'une capacité d'accueil scolaire insuffisante, qu'il s'agisse de locaux ou du corps enseignant. Le taux d'inscription à l'école y serait d'autre part insuffisant. Des difficultés très concrètes de transport, par exemple, s'opposeraient à la scolarisation des enfants. Le rapporteur a demandé quelles mesures Djibouti préconisait pour remédier à ces problèmes, étant entendu que le pays avait déjà accompli des progrès importants dans le domaine de la scolarisation des jeunes.
Un expert a voulu savoir comment Djibouti entend concilier sa politique d'installation des populations nomades avec la nécessité de préserver leurs spécificités. Il faudrait éviter que cette politique ne se transforme en une tentative d'assimilation, a-t-il mis en garde.
Dans le domaine culturel, les experts ont demandé des renseignements complémentaires sur l'enseignement des langues somali et afar et sur l'encouragement de l'accès à Internet par les groupes défavorisés.
Réponses de la délégation
S'agissant du cadre juridique d'application du Pacte, la délégation a précisé que la ratification des instruments internationaux est un processus dynamique, qui intervient à mesure que le besoin s'en fait sentir. Le Gouvernement examinera attentivement l'opportunité de ratifier les instruments dont il a été fait mention par les experts. La majorité des ratifications ont eu lieu ces douze dernières années. Toute loi élaborée et promulguée par la République doit tenir compte des dispositions de la Constitution, les instruments internationaux ayant toutefois la primauté sur le droit national une fois qu'ils ont été adoptés. La conformité de ce dernier est examinée pendant le processus de ratification. Une commission officielle est chargée d'aménager le droit interne en cas de besoin.
La lutte contre la corruption repose sur deux textes de loi, la délégation ajoutant que des poursuites ont été engagées à ce titre. La situation économique et sociale du pays a poussé le Gouvernement à adhérer à la Convention des Nations Unies contre la corruption, qu'il a ratifiée, et à mettre en œuvre ses dispositions. Selon une loi adoptée en juillet dernier, les hauts fonctionnaires et responsables seront tenus de déclarer leur patrimoine; le règlement d'application est en préparation.
Djibouti, qui ne se considère pas comme un micro État, est en effet une terre de transit de migrants. Il s'est par conséquent doté d'une législation réprimant la traite des êtres humains. La loi est appliquée efficacement par le système judiciaire djiboutien. Le Gouvernement prend des mesures contre ce problème, de concert avec ses partenaires régionaux.
Le droit coutumier ne s'appliquait, à l'origine, qu'aux personnes d'origine djiboutienne. Les autorités s'efforcent depuis longtemps d'uniformiser les règles de droit applicables à tous les Djiboutiens. Les relations entre membres de la même famille sont régies par le code de la famille promulgué en 2002, en même temps que la ratification du Pacte. Les sources de ce code sont le droit romain, le droit coutumier et la charia, cette dernière exerçant une influence prépondérante dans un contexte où 100% de la population est musulmane. Des garde-fous ont cependant été posés: la répudiation est interdite et les femmes ont le droit de demander le divorce au même titre que leurs maris. La femme n'a plus besoin du consentement juridique de son mari pour occuper un emploi.
En matière de succession, la pratique de Djibouti correspond à celle de tous les autres pays musulmans, a observé la délégation: l'inégalité imposée aux femmes à ce titre repose, doctrinalement, sur le fait que ce sont traditionnellement les hommes qui pourvoient aux besoins de la famille. Mais on constate que de nombreuses femmes assument désormais l'entretien de la famille. La délégation a indiqué que Djibouti a lancé un projet de réforme du code de la famille.
Actuellement, dans la vie quotidienne, les citoyens peuvent régler certains litiges par les moyens traditionnels, ce qui a pour effet d'alléger les travaux des tribunaux. Ce droit coutumier n'est pas toujours rétrograde et joue souvent un rôle pacificateur. Mais les coutumes qui contreviennent aux lois ne sont pas admises: les mutilations génitales féminines sont ainsi réprimées par le code pénal et combattues par des campagnes de sensibilisation. Les associations de protection des victimes ont le droit d'ester en justice. Les ministères sont très impliqués dans le travail de sensibilisation contre ces pratiques. Le Gouvernement privilégie une approche consistant à faire évoluer la société. L'âge du mariage est la majorité, mais le juge peut octroyer des dispenses aux mineurs. La pratique du mariage forcé persiste dans certaines régions rurales: elle est cependant en recul de par les progrès de l'éducation.
Le problème des enfants de la rue s'explique par une contagion des conflits dans les pays voisins et, dans une moindre mesure, par les effets de l'épidémie de sida, a déclaré la délégation.
Toute personne auteur d'une violence est poursuivie pour ce motif par le code pénal, a fait valoir la délégation. Elle a ajouté que la cellule d'écoute mise en place par une organisation non gouvernementale a pour mission d'accompagner les victimes de la violence domestique. Le parquet de Djibouti reçoit moins de cinquante plaintes par an pour violences faite aux femmes.
Répondant à d'autres questions, Mme Kayad a indiqué que, d'une manière générale, le Gouvernement ne dispose pas de statistiques complètes sur les personnes handicapées, la source d'information principale étant la société civile. Le Gouvernement s'apprête à lancer un vaste programme d'accessibilité des bâtiments publics. Il réalise en ce moment même un recensement des enfants présentant un handicap, dans le cadre d'une étude générale sur les personnes vulnérables. Le Gouvernement préparera, sur cette base, un programme destiné à faciliter l'accès des jeunes handicapés à la scolarité.
Djibouti impose un système de quotas de femmes: 20% dans la fonction publique, 10% dans les instances de Gouvernement. Le pouvoir judiciaire compte 45% de femmes, mais elles n'assument pas que des fonctions subalternes. La promotion des femmes aux postes décisionnels reflète avant tout leur engagement et leurs compétences, a déclaré la chef de la délégation. L'objectif des autorités est d'instaurer un régime d'équité au sein de l'administration. Les salaires des hommes et des femmes sont identiques, à compétence égale. Cela étant, a admis la délégation suite à des questions de suivi du Comité, les postes à responsabilité à Djibouti sont encore détenus en majorité par les hommes. Elle a toutefois ajouté que cette situation était en train de changer. Quant au secteur informel, il est dominé par les femmes, dont certaines disposent d'un patrimoine financier appréciable. Les écarts salariaux seront comblés grâce à l'éducation des femmes, a estimé la délégation.
Djibouti encourage les parents à obtenir l'acte de naissance de leurs enfants. Ce document est indispensable pour l'intégration sociale des jeunes. Des procédures d'inscription simplifiées sont appliquées au profit de l'inscription à l'école des enfants privés d'acte de naissance.
En dépit de ses maigres ressources, Djibouti accueille «le plus grand nombre de réfugiés au mètre carré», a souligné la délégation. La commission d'éligibilité a pour mission de créer, avec l'aide du Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés, les conditions optimales pour l'accueil des réfugiés.
Le président de la Commission nationale des droits de l'homme de Djibouti a indiqué que cette institution avait été créée en 2008 suite à une consultation large, en même temps que le secrétariat interministériel chargé de faire suite aux recommandations des organes conventionnels des Nations Unies. Le secrétariat informe aussi la magistrature du contenu des instruments internationaux auxquels l'État djiboutien est partie. La Commission fait les démarches pour acquérir davantage d'autonomie et obtenir son accréditation auprès du Comité de coordination des institutions nationales de droits de l'homme. Elle vise aussi l'octroi à ses membres d'une immunité dans l'exercice de leurs fonctions.
Certaines organisations non gouvernementales de la société civile actives dans le secteur des droits de l'homme travaillent au quotidien avec le Gouvernement. C'est, par exemple, grâce à l'action de l'Union nationale des femmes djiboutiennes que les autorités ont pris des mesures contre les mutilations génitales féminines. D'autres associations sont actives qui ne bénéficient pas encore de la même écoute auprès des autorités, mais dont l'action sectorielle est importante au quotidien, a précisé la chef de la délégation.
Un représentant du Ministère du budget a indiqué que le budget de Djibouti dépend à 25% de l'aide étrangère. L'ouverture de l'économie djiboutienne signifie que le pays est très vulnérable aux crises internationales. Le Gouvernement a décidé, face à l'augmentation du prix des aliments, de réduire les taxes, ce qui a permis d'éviter les crises qui ont pu éclater dans d'autres pays. La tendance actuelle est à un ciblage plus précis des bénéficiaires des aides sociales.
Répondant aux questions sur le droit du travail, la délégation a fait état d'un taux de croissance de 5%, favorable mais insuffisant pour assurer le plein emploi car il faudrait atteindre 7%. Pour atteindre ses objectifs en matière d'emploi, et donc de régression de la pauvreté, les autorités misent sur leur modèle axé sur les services, la logistique et les télécommunications. Djibouti a adopté la Convention (n° 26) de l'Organisation internationale du travail sur les méthodes de fixation des salaires minima. L'inspection du travail joue un rôle fondamental dans un contexte marqué par la libéralisation du marché du travail. Les inspecteurs jouent d'abord un rôle conciliateur. Ils n'ont toutefois pas le pouvoir de faire fermer une entreprise: ils constatent l'infraction et dénoncent les contrevenants au procureur.
Les jeunes et les femmes ont le moins facilement accès au marché du travail. Le premier employeur de ce marché étriqué est le secteur public, suivi des services. Le Gouvernement a pris des mesures en direction des femmes victimes de leur manque de qualification, notamment le microcrédit, l'un des premiers leviers de l'autonomisation des femmes. Plus de onze mille d'entre elles sont, de plus, fortement engagées dans le crédit coopératif. Les jeunes diplômés, quant à eux, bénéficient de prêts destinés à les aider à créer leur propre entreprise. Les autorités œuvrent aussi à l'adaptation de l'enseignement universitaire aux besoins du marché du travail.
L'Assemblée nationale planche actuellement sur l'extension d'une couverture sanitaire universelle, pour pallier les déficiences du système d'assurance sociale, lequel ne couvre pas certains travailleurs indépendants et ceux du secteur informel. Quant au système de retraite, financé par les cotisations de la population active, il ne répond pas encore aux besoins de toutes les personnes âgées. L'âge de la retraite a été fixé à 60 ans pour tous, hommes et femmes. Les femmes peuvent prendre une retraite anticipée à 55 ans. Djibouti n'octroie pas de prestations contre le chômage, a par ailleurs précisé le chef de délégation.
Les ministères ont lancé, pour mieux cibler leurs dépenses de lutte contre la pauvreté, la création d'un registre social, dont le premier bénéficiaire sera l'assurance maladie. Le Secrétariat d'État à la solidarité a été créé pour mettre en place cette stratégie, dans le cadre du programme général de lutte contre la pauvreté. Les pouvoirs publics s'engagent par ailleurs concrètement pour reloger, dans des logements sociaux, les personnes vivant dans les bidonvilles.
Répondant à des questions relatives à l'accès à l'eau, la délégation a indiqué que Djibouti est actuellement confronté à une sécheresse dramatique qui lui fait perdre un point de croissance par an, notamment en détruisant le cheptel. Pour y remédier, il a été décidé de réhabiliter le réseau d'adduction vétuste tout en cherchant de nouvelles ressources. La qualité de l'eau de la nappe phréatique se détériorant, l'Union européenne et la Banque africaine de développement contribuent au financement d'une usine de désalinisation de l'eau de mer. De même, une station d'épuration de l'eau devrait être livrée en 2014. Dans les zones rurales, on œuvre à la mobilisation des eaux de surface, un domaine où Djibouti a beaucoup de retard. À court terme, les autorités construisent des citernes et des retenues d'eau; elles visent à construire, avec l'aide de la Banque africaine de développement, plusieurs barrages qui permettraient de préserver l'activité agricole et d'améliorer la sécurité alimentaire. Cet objectif s'est imposé après la crise alimentaire de 2008, qui a montré à Djibouti sa fragilité.
Le droit à l'eau proprement dit est garanti à Djibouti: les services publics assurent l'approvisionnement par tous les moyens disponibles, y compris des camions citernes, jusque dans les régions privées de ressources hydriques. L'eau potable est gratuite dans les régions rurales.
Concernant le droit à la santé, le taux de décès maternel s'élève à 383 pour 100 000 naissances vivantes à Djibouti. Les femmes enceintes sont encouragées à consulter en milieu médicalisé. Les autorités ont construit un réseau régional de centres de santé doublé de cliniques mobiles. Ces centres, de même que leurs pharmacies communautaires, ne distribuent que des médicaments génériques. Le Gouvernement va légiférer pour obliger les pharmaciens du secteur privé à proposer systématiquement des médicaments génériques quand ils sont disponibles. Djibouti souffre, enfin, d'un déficit de capacité de prise en charge des maladies mentales, a indiqué la chef de la délégation.
Au moment de l'indépendance, en 1977, Djibouti a hérité d'un système de justice insuffisant: les juges et les greffiers étaient tous français, le Ministère proprement dit n'existait pas. Djibouti a donc dû créer un système judiciaire de toutes pièces, qui bénéficie aujourd'hui de la confiance de la population. Le troisième pouvoir compte 45% de femmes (dont la présidente de la Cour suprême); la moyenne d'âge y est de trente ans. Pour faciliter l'accès à la justice, et pour remédier aux coûts très élevés des infrastructures, les magistrats se déplacent dans les districts pour y rendre la justice. De même, les procédures d'octroi de l'assistance juridique ont été accélérées et simplifiées.
Djibouti fait preuve d'une ouverture maximale à la presse, a assuré la délégation. La liberté d'information est garantie à Djibouti, notamment par le biais d'Internet. Le Gouvernement a piloté la mise en place d'une autorité paritaire de réglementation du secteur.
Pour atteindre les objectifs du Millénaire relatifs à l'éducation, le Gouvernement a fait le choix de construire des écoles au sein même des communautés rurales. Quatre-vingt établissements sont implantés directement à proximité des populations nomades, au maximum à une heure de distance. Ces établissements disposent de cantines scolaires et de capacités d'hébergement des enfants. Les parents sont dispensés du paiement des fournitures scolaires. Ils sont incités à scolariser leurs filles par des dons en nature et, de manière importante, par la construction de latrines séparées et de dortoirs réservés aux filles. Les autorités observent que les phénomènes climatiques, notamment, entraînent une semi-sédentarisation des populations nomades.
Le budget national finance l'essentiel de l'infrastructure scolaire. Pour des raisons d'efficience, la carte scolaire est constamment remise à jour; certains établissements desservent plusieurs communes. La couverture scolaire étant jugée satisfaisante au point de vue des infrastructures, les autorités mettent désormais l'accent sur l'amélioration de la qualité de l'enseignement. Entre autres mesures, les autorités projettent de consacrer les matinées à l'enseignement général et les après-midi au suivi des élèves en difficulté. La taille moyenne des classes dans l'enseignement public à Djibouti peut atteindre 45 élèves, a précisé la délégation. Les agressions sexuelles contre des élèves par des enseignants sont durement sanctionnées, a assuré la chef de la délégation, tandis que les parents d'élèves, très vigilants, exercent leur propre contrôle par le biais communautaire. Les pouvoirs publics entendent systématiser l'enseignement des droits de l'homme dans les écoles tant publiques que privées, à tous les niveaux.
Djibouti n'établit pas, dans son fonctionnement institutionnel, de distinction entre catégories de citoyens, membres de minorités ou autres. L'état civil ne reflète que le lieu de naissance et la filiation des citoyens djiboutiens. Les nomades n'ont pas d'obligation de se sédentariser. Pour les raisons climatiques évoquées plus haut, les nomades se stabilisent progressivement autour des points d'eau. Les autorités s'efforcent de limiter l'exode rural de ces populations. Elles valorisent la culture nomade.
Les autorités ont pris des mesures concrètes pour faire baisser les tarifs d'accès à Internet, a enfin précisé la chef de la délégation, au profit notamment des élèves et des étudiants. Elle a ajouté que les centres de développement communautaire proposent des connexions à Internet.
Conclusion
MME KAYAD a pris l'engagement de prendre en compte les recommandations du Comité d'agissant de la mise en œuvre du Pacte à Djibouti. La Secrétaire d'État djiboutienne a aussi fait part de la détermination de son gouvernement à respecter toutes ses obligations internationales.
Le rapporteur pour l'examen du rapport de Djibouti a salué la compétence de la délégation et le dialogue constructif qu'elle a noué avec le Comité. Les réponses aux questions écrites et orales ont donné globalement satisfaction aux membres du Comité. M. Kerdoun a constaté les efforts consentis par le Gouvernement de Djibouti pour réaliser les droits économiques, sociaux et culturels de sa population, dans un contexte régional difficile.
M. ZDZISŁAW KĘDZIA, Président du Comité, a pris note avec appréciation du projet d'accréditation de l'institution nationale de droits de l'homme. Le Comité se félicite toujours de la coopération des institutions nationales de droits de l'homme avec les gouvernements pour améliorer la protection et la promotion des droits de l'homme. Mais le Comité encourage aussi l'indépendance de ces institutions. C'est pourquoi il estime que les institutions nationales de droits de l'homme ne devraient pas être intégrées aux délégations officielles, mais plutôt s'adresser au Comité dans un autre contexte. Une institution indépendante, capable d'émettre des propositions critiques en matière de droits de l'homme, est un partenaire important pour les pouvoirs publics, a noté M. Kędzia.
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ESC13/021F