Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DE LA COLOMBIE
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné, aujourd'hui, le rapport périodique de la Colombie sur la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
La Haute Conseillère présidentielle pour les affaires féminines de la Colombie, Mme Nigeria Rentería, a indiqué que le Gouvernement a présenté l'an dernier les grandes lignes de la Politique publique nationale d'équité entre les sexes et le Plan intégral visant à garantir aux femmes une vie exempte de violence, dans le but notamment de favoriser l'autonomie des femmes dans le domaine économique, ainsi que leur participation aux prises de décision dans les espaces de pouvoir et leur capacité à prendre des décisions concernant leur corps. À la discrimination pour le simple fait d'être femme s'ajoutent souvent de multiples discriminations fondées sur l'appartenance ethnique, le handicap, l'option sexuelle, la ruralité, entre autres, a souligné Mme Rentería. Elle a par ailleurs attiré l'attention sur la situation des femmes victimes du conflit armé, de l'entrée en vigueur de la loi relative aux victimes et à la restitution de terres. Mme Alma Bibiana Pérez, Directrice du Programme présidentiel pour les droits de l'homme et le droit international humanitaire de la Colombie, a notamment attiré l'attention sur la loi sur les quotas établie en 2000 pour favoriser la participation des femmes aux postes de la fonction publique et sur une autre loi qui prévoit des mesures provisoires concernant l'élaboration des listes électorales.
La délégation colombienne était aussi composée de hautes conseillères présidentielles pour l'équité de la femme et de représentants du Bureau du Procureur général; de l'Unité administrative spéciale de gestion pour la restitution des terres; du Ministère des relations extérieures; du Ministère de l'intérieur; du Ministère de la santé; des Services de soins et de réparation intégrale aux victimes; du Programme présidentiel des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant notamment des femmes victimes de violence dans le cadre du conflit armé; du champ de compétences de la justice pénale militaire; de la lutte contre la traite de personnes; d'allégations de cas de stérilisation forcée; de la protection des femmes défenseurs des droits fondamentaux; des questions d'emploi et de travail; des questions d'éducation et de la situation en matière d'abandon scolaire; des cas de grossesses d'adolescentes; de la pratique en matière d'avortement; ou encore de l'impact des activités d'exploitation minière sur les droits fondamentaux des femmes.
Plusieurs membres du Comité ont attiré l'attention sur la persistance en Colombie de problèmes structurels – au regard de la Convention – en matière de racisme et de discrimination ainsi que dans le domaine de l'emploi. Des préoccupations ont notamment été exprimées au sujet de l'impunité pour des actes de violence sexuelle; des taux d'abandon scolaire particulièrement élevés pour les femmes dans l'enseignement supérieur; du nombre jugé très inquiétant des avortements illégaux; des déplacements de population provoqués par les activités d'exploitation minière; ou encore de la discrimination dont font l'objet les femmes autochtones et afro-colombiennes.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, ses observations finales sur le rapport de la Colombie, qui seront rendues publiques à l'issue de la session, le vendredi 18 octobre.
Le Comité des droits de l'homme examinera demain, à partir de 10 heures, le rapport du Bénin CEDAW/C/BEN/4.
Présentation du rapport
Présentant le rapport de la Colombie (CEDAW/C/COL/7-8), MME NIGERIA RENTERÍA, Haute Conseillère présidentielle pour les affaires féminines de la Colombie, a indiqué que durant la période couverte par ce rapport, d'importants progrès ont été réalisés en matière d'égalité des femmes, au-delà de la seule adoption de normes. Ainsi, des politiques publiques destinées ont été promues pour garantir l'exercice concret des droits des femmes. Aujourd'hui, l'État colombien est engagé en faveur de l'égalité et des actions visant à l'atteindre; ces efforts doivent être soutenus eu égard aux importants défis qui persistent dans le pays s'agissant de l'égalité pour les femmes, a poursuivi Mme Rentería.
En septembre 2012, a poursuivi la Haute Conseillère présidentielle, le Gouvernement a présenté les grandes lignes de la Politique publique nationale d'équité entre les sexes et le Plan intégral visant à garantir aux femmes une vie exempte de violence. Cette politique, qui s'inscrit dans un cadre décennal (10 ans), est assortie d'un plan d'action pour la période 2013-2016, avec un budget de plus de 1,8 million de dollars, a-t-elle précisé. La Politique d'équité vise l'autonomie des femmes dans le domaine économique, dans le domaine de leur participation aux prises de décision dans les espaces de pouvoir et dans le domaine des décisions concernant leur corps. La Politique d'équité reconnaît que souvent, s'ajoutent à la discrimination pour le simple fait d'être femme de multiples discriminations fondées sur l'appartenance ethnique, le handicap, l'orientation sexuelle, la ruralité, entre autres. Mme Rentería a précisé que le décret de 2013 présentant cette Politique d'équité a également porté création d'un Comité intersectoriel chargé de la coordination, du suivi et de l'évaluation.
Mme Rentería a ensuite attiré l'attention sur la loi sur le droit des femmes de vivre sans violence, adoptée en 2008 et accompagnée d'un Plan visant à garantir aux femmes une vie exempte de violence, lui-même doté d'un budget équivalent à 115 millions de dollars pour la période 2013-2016.
S'agissant de la situation particulière des femmes victimes du conflit armé, Mme Rentería a indiqué que la loi 1448 relative aux victimes et à la restitution de terres constitue un pas historique pour la garantie des droits des victimes; cette loi établit une série de mesures judiciaires, administratives, sociales et économiques – individuelles et collectives – dans un cadre de justice transitionnelle. Selon le Registre unique des victimes, leur nombre total, au 31 août 2013, s'établissait à 5 781 710 dont 2 871 661 femmes, soit 50%. Quant à l'appartenance ethnique des victimes, a précisé Mme Rentería, 267 025 s'identifiaient comme noires ou afro-colombiennes; 63 710 comme autochtones; 3 757 comme raizales; et 121 comme palenqueras. Les principaux faits déclarés par les femmes sont le déplacement forcé (59,8%), la menace (20,2%), l'homicide (12%) et la violence sexuelle (81%). Sur le nombre total de victimes, 394 affirment appartenir aux secteurs LGBT. Quant aux femmes victimes de violence sexuelle dans le cadre du conflit, elles sont 2559 à être inscrites au Registre unique des victimes.
Enfin, consciente de l'impact que le trafic d'armes légères et de petit calibre a sur les femmes et les fillettes, la Colombie a signé, le 25 septembre dernier, le Traité sur le commerce des armes.
MME ALMA BIBIANA PÉREZ, Directrice du Programme présidentiel pour les droits de l'homme et le droit international humanitaire de la Colombie, a pour sa part indiqué qu'une conférence nationale des droits de l'homme a été mise en place pour garantir la participation de la société civile.
Outre la loi sur les quotas établie en 2000 pour encourager la participation des femmes aux postes de la fonction publique, une autre loi a été adoptée qui prévoit des mesures provisoires concernant l'élaboration des listes électorales et a permis d'atteindre le nombre de 36 000 femmes inscrites sur ces listes lors des élections locales de 2011 contre 16 972 en 2007, a en outre fait valoir Mme Perez. Elle a ensuite attiré l'attention sur le programme adopté pour assurer la protection des défenseurs des droits de l'homme et notamment pour ce qui est des femmes qui défendent les droits de l'homme.
Mme Pérez a ensuite attiré l'attention sur la politique de prévention des grossesses adolescentes adoptée en 2012. Elle a par ailleurs fait part des mesures prises pour promouvoir la participation des femmes rurales, lesquelles ont été particulièrement touchées par le conflit armé, notamment pour ce qui est de leur participation à la politique foncière.
En matière de violence, l'un des principaux défis a trait à la réduction des niveaux d'impunité, a déclaré Mme Pérez, attirant également l'attention sur la problématique des réparations.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Un membre du Comité a salué les mesures prises par les autorités colombiennes pour prévenir et combattre la discrimination dont peuvent être victimes les femmes dans le système de justice, mais a souhaité en savoir davantage au sujet de l'impact de ces mesures.
Une autre experte a salué la volonté de la Colombie de faire du droit à l'égalité une réalité dans ce pays. Subsistent toutefois des contradictions profondes entre les trois branches du pouvoir et, à l'interne, au sein même du système judiciaire, pour garantir les droits des femmes qui cherchent à bénéficier des droits qui leur reviennent, en particulier pour ce qui a trait aux droits génésiques.
Une experte a déploré que le rapport présenté par la Colombie ne contienne aucune analyse et se contente de présenter une suite de données; le processus d'élaboration de ce rapport a-t-il intégré la participation des organisations non gouvernementales, a-t-elle demandé? Les indicateurs existants attestent d'une certaine faiblesse dans l'état de droit en Colombie et dans le fonctionnement du bureau du Procureur, a ajouté cette experte. Elle s'est en outre enquise de l'intention du pays de mettre en place un plan de lutte contre la discrimination.
De toute évidence, le problème du racisme et de la discrimination reste structurel en Colombie, a souligné une experte. Elle a déploré que la loi contre la discrimination adoptée par le pays n'envisage pas de démarche sexospécifique; aussi, la Colombie envisage-t-elle d'amender cette loi, qui est assez récente puisqu'elle date de 2011, a demandé l'experte?
Selon les chiffres provenant des services du Procureur, peu d'affaires de violences sexuelles dans le cadre du conflit armé sont en fait traitées par les tribunaux, a fait observer une experte. Sur les près de 200 affaires au sujet desquelles la Cour constitutionnelle a exigé du Procureur qu'il poursuive les enquêtes et la procédure, combien ont été portées devant les tribunaux, a-t-elle demandé?
Une experte s'est inquiétée des pratiques de stérilisation forcée de femmes handicapées et s'est enquise des mécanismes de contrôle existant en la matière.
Le rapport présenté par la Colombie reste silencieux sur la question de la prostitution, a fait observer une experte.
La Colombie n'a qu'une seule femme parlementaire autochtone, a fait observer une experte.
Un membre du Comité a relevé que la Colombie a indiqué avoir engagé une politique de réforme de l'éducation visant à permettre un accès plus égalitaire à l'éducation pour tous les Colombiens; aussi, s'est-elle enquise des résultats de cette politique.
Le taux d'abandon scolaire est particulièrement élevé dans l'enseignement supérieur où il atteint 50% pour les femmes, s'est inquiétée une experte. Une autre experte a attiré l'attention sur l'impact des grossesses précoces sur les taux d'abandon scolaire en Colombie.
Un membre du Comité a souligné les problèmes structurels qui prévalent en Colombie en matière d'emploi. Il a souligné que le taux d'emploi est 20% plus faible pour les femmes que pour les hommes et a fait observer que les disparités de salaires entre hommes et femmes persistent, en dépit de certains progrès en la matière.
Une experte a fait état de «chiffres très inquiétants» concernant les avortements en Colombie; au total, ce seraient 440 000 avortements qui seraient pratiqués chaque année dans le pays, dont 0,01% seulement sont légaux. La stérilisation semble être la méthode la plus fréquente de contraception dans le pays, en particulier pour les femmes autochtones, les femmes afro-colombiennes, les femmes handicapées et les femmes affectées par le VIH/sida, s'est en outre inquiétée cette experte.
Plusieurs membres du Comité ont insisté sur la discrimination très grave dont font l'objet les femmes autochtones et afro-colombiennes. L'attention a été particulièrement attirée sur la situation des femmes rurales. Une experte s'est inquiétée de l'impact des investissements directs étrangers, notamment dans les exploitations minières qui déplacent des populations entières; qu'est-il prévu pour dédommager ces populations déplacées, a-t-elle demandé? Selon certaines informations, des groupes armés illégaux aideraient les entreprises à faire fuir les populations des zones concernées, a-t-elle insisté; il s'agit là d'une situation très grave, dans laquelle des femmes se retrouvent sans abri, ayant tout perdu et n'ayant plus de titres de propriété, a-t-elle souligné.
Réponses de la délégation
Plusieurs membres du Comité ayant jugé trop long le rapport présenté par la Colombie, la délégation a souligné que ce rapport couvre une période particulièrement longue.
La délégation a déclaré que le concept d'équité adopté par la Colombie renvoie à des mesures temporaires pour atteindre une égalité de fait.
Le Haut Conseil pour l'équité est une instance placée sous la houlette de la présidence de la République et qui veille à la transversalisation des politiques visant l'égalité des femmes, a-t-elle ajouté. Ce Haut Conseil coordonne et lance les processus de suivi des politiques engagées; en 2011, il a vu son statut et son équipe renforcés, a-t-elle précisé.
S'agissant des questions de formation, la délégation a indiqué que ces quatre dernières années, plus d'un millier de fonctionnaires ont été formés (membres des forces de l'ordre, procureurs..) et des directives de prise en charge des femmes (notamment des femmes victimes de violence sexuelle) ont été publiées.
Si le chemin à parcourir reste long en matière de lutte contre la discrimination, chacun en Colombie est conscient que l'on ne saurait entraver des personnes pour des motifs ethniques, sexuels ou religieux. Une loi sur l'égalité des chances est en cours d'élaboration, qui concerne notamment les communautés autochtones. Par ailleurs, la politique publique autochtone qui est en cours de préparation adopte une démarche soucieuse de l'égalité homme-femme, a insisté la délégation.
La délégation a ensuite évoqué le Plan global de soins aux femmes victimes de violence dans le cadre du conflit armé. Interpellée sur la participation des femmes au processus de paix, la délégation a rappelé que le processus de paix en Colombie est dirigé par le Président de la République et se déroule à La Havane. Sur les 53 personnes travaillant au Haut-Commissariat pour la paix, 63% sont des femmes; les trois conseillers en communication du Haut-Commissariat, par exemple, sont tous des femmes, a-t-elle fait valoir.
La délégation a souligné que la justice pénale militaire a subi une réforme, une loi statutaire ayant été adoptée en la matière. Ainsi, la justice militaire ne peut désormais se saisir d'affaires relatives à des crimes contre l'humanité, de crimes de génocide, de disparitions forcées, d'exécutions extrajudiciaires, ni de violences sexuelles.
Pour l'heure, les services du Procureur sont saisis de 476 affaires de traite de personnes. Dans près de neuf cas sur dix, les victimes sont des femmes, a indiqué la délégation. Elle a en outre attiré l'attention sur les directives techniques adoptées en 2012 pour traiter de manière globale ce phénomène.
La délégation a indiqué qu'une loi sur la stérilisation volontaire a été adoptée qui précise que, dans le cas de personnes handicapées, aucune stérilisation ne peut être pratiquée sans le consentement du tuteur légal.
Répondant à d'autres questions, la délégation colombienne a expliqué que la prostitution n'est pas considérée comme un délit en Colombie, sauf s'agissant de personnes de moins de 18 ans.
Les tribunaux ordinaires ont été saisis de quelque 1214 affaires de violence sexuelle dans le conflit armé, a indiqué la délégation.
Selon la législation en vigueur – en particulier la loi sur la restitution des terres qui a été adoptée pour restituer les terres aux personnes qui en ont été dépossédées en raison du conflit – les femmes qui réclament leurs terres n'ont plus à démontrer que ces terres leur appartiennent, a fait valoir la délégation; c'est à l'État d'entreprendre les recherches et démarches nécessaires.
Les autorités, notamment le Ministère des mines, ont pris des mesures pour prévenir la violence dans les zones d'exploitation minière, a par ailleurs indiqué la délégation.
La délégation a indiqué que le Ministère de l'intérieur avait mis sur pied un projet, avec les organisations représentant les femmes, visant à traiter des questions relatives à la protection des femmes défenseurs des droits fondamentaux. Les autorités espèrent pouvoir finaliser d'ici la fin de cette année un programme de garanties pour les dirigeantes et militantes, a précisé la délégation.
S'agissant des abandons scolaires, la délégation a indiqué que les taux se situaient en 2012 à 12,8% pour les filles et 14,9% pour les garçons. Il apparaît que d'une manière générale, les problèmes rencontrés dans le domaine de l'éducation, y compris pour ce qui a trait aux abandons scolaires, ne touchent pas plus particulièrement les filles que les garçons, a-t-elle souligné. Le problème des filles dans l'éducation porte essentiellement sur l'accès à certains types de carrière et au fait que les femmes ne restent pas suffisamment dans l'enseignement supérieur où leur taux d'abandon est effectivement assez élevé.
La délégation a ensuite attiré l'attention sur la politique de prévention des grossesses adolescentes mise en place par les autorités, l'objectif étant de réduire de 19% à 15% le taux de grossesses de jeunes filles dans les deux années à venir.
Les mineurs de moins de 14 ans ne sont pas considérés comme un sujet juridique, de sorte que le mariage précoce d'enfant n'est pas recevable, même avec le consentement des parents; aussi, de tels mariages pourraient faire l'objet de poursuites au pénal, a expliqué la délégation.
Pour ce qui est des interruptions volontaires de grossesse, les chiffres restent effectivement très préoccupants en Colombie, a concédé la délégation, soulignant que les autorités ont pourtant procédé à toute la publicité nécessaire autour des avis rendus par la Cour constitutionnelle à ce sujet. Les professionnels des services de santé ont été dûment formés à des techniques sûres pour la pratique des interruptions volontaires de grossesse, a-t-elle ajouté.
Pour ce qui est des questions d'emploi, la délégation a rappelé que la Colombie a ratifié la Convention n°189 de l'OIT sur le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques. L'an dernier, le Gouvernement colombien a adopté une politique d'égalité dans le travail qui fait partie intégrante de la politique publique en faveur des femmes et tient compte des problèmes, qui ont été évoqués, en matière de différences de salaire et de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
CEDAW13/032F