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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LES RAPPORTS DU PARAGUAY SUR LES ENFANTS ET LES CONFLITS ARMÉS ET SUR L'EXPLOITATION DES ENFANTS

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, hier après-midi et ce matin, les rapports initiaux présentés par le Paraguay au titre de chacun des deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant et traitant de l'implication d'enfants dans les conflits armés et de la vente d'enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants.

Présentant ces rapports, M. Carlos Zárate Fleitas, Ministre, Secrétaire exécutif du Secrétariat national à l'enfance et à l'adolescence du Paraguay, a souligné qu'en vertu de la loi en vigueur relative au service militaire obligatoire, aucun citoyen de moins de 18 ans ne peut être enrôlé dans les forces armées et les aspirants officiers ou sous-officiers doivent obligatoirement être majeurs. Il a aussi fait valoir que le Paraguay a conclu des accords de règlements à l'amiable dans des affaires pendantes devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme impliquant des enfants-soldats, l'expérience du Paraguay en la matière ayant été qualifiée d'exemplaire par la Commission interaméricaine des droits de l'homme.

Le nouveau Président paraguayen a souscrit vingt engagements pour améliorer l'investissement en faveur de l'enfance et de l'adolescence, dont l'un concerne la promotion et la protection des droits de l'enfant contre tout type de violence, mauvais traitement ou abus, ainsi que la promotion de l'application de lois spécifiques contre la violence et la traite. Le chef de la délégation a aussi indiqué que la loi de lutte intégrale contre la traite de personnes a été adoptée en décembre dernier, et le pays déploie d'importants efforts pour la prévention et l'éradication des pires formes de travail des enfants.

La délégation paraguayenne était également composée du Vice-Ministre de la justice et des droits de l'homme, M. Ever Martínez Fernández, ainsi que de représentants du Ministère des relations extérieures, de la Cour suprême de justice et du Ministère de la justice et du travail. Elle a fourni aux experts des compléments d'informations en ce qui concerne, notamment, l'interdiction de l'enrôlement des mineurs; les mesures prises afin de prévenir toute falsification de date de naissance à des fins d'enrôlement; les institutions d'enseignement dépendant de l'armée; la promotion d'une culture de la paix; la situation dans la zone militarisée du nord-est du pays (Tacuati); les questions d'adoption; la violence contre les enfants; l'incrimination des délits visés par le Protocole sur la vente d'enfants; les mesures prises pour prévenir le placement d'enfants à des fins de travail domestique; ou encore les mesures prises pour remédier aux causes socioculturelles qui, à l'instar de la pauvreté, génèrent les pratiques interdites par ce Protocole.

Les corapporteurs du Comité pour l'examen des rapports du Paraguay étaient M. Wanderlino Nogueira Nieto et M. Jorge Cardona Lloréns. M. Nogueira Nieto a notamment salué les grandes avancées du Paraguay depuis que ce pays a accédé au statut d'État de droit. Il a néanmoins attiré l'attention sur le problème très grave de la prostitution des enfants au Paraguay, en particulier dans les zones frontalières avec le Brésil. M. Cardona Lloréns a pour sa part relevé que le Paraguay semble avoir lui-même conscience des deux causes principales des problèmes qu'il rencontre, à savoir d'une part les attitudes phallocrates associées aux traditions culturelles et historiques du pays et, de l'autre, la pauvreté. Il s'est en outre dit préoccupé par la question du placement d'enfants pour effectuer des tâches domestiques.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, ses observations finales sur les rapports du Paraguay, qui seront rendues publiques à l'issue de la session, dont les travaux se terminent le vendredi 4 octobre prochain.


Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Chine au titre de la Convention (CRC/C/CHN/3-4). Il examinera vendredi après-midi le rapport chinois sur l'implication d'enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/CHN/1).


Présentation des rapports du Paraguay

Présentant les rapports initiaux du Paraguay sur l'application du Protocole facultatif sur l'implication d'enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/PRY/1) et du Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/PRY/1), M. CARLOS ZÁRATE FLEITAS, Ministre de la jeunesse, Secrétaire exécutif du Secrétariat national à l'enfance et à l'adolescence du Paraguay, a rappelé que son pays a adressé, dès 2003, une invitation permanente et ouverte à tous les titulaires de mandats de procédures spéciales du Conseil et a ainsi reçu des visites de la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme et de plusieurs rapporteurs spéciaux. Le droit international et la protection internationale des droits de l'homme font partie intégrante de l'ordre juridique interne du Paraguay, a-t-il ajouté. Le ministre a réitéré la ferme volonté du Paraguay de continuer à contribuer au plein respect des normes internationales des droits de l'homme et du droit humanitaire international, en particulier pour ce qui a trait à la protection des droits de l'enfant. Il

S'agissant de l'implication d'enfants dans les conflits armés, M. Zárate Fleitas a souligné que son pays a ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et a signalé qu'un avant-projet de loi portant application de cet instrument a été soumis au Congrès cette année, afin d'assurer la complémentarité juridictionnelle pour que les crimes les plus graves commis contre l'humanité ne demeurent pas impunis.

En vertu de la loi en vigueur relative au service militaire obligatoire, aucun citoyen de moins de 18 ans ne peut être enrôlé dans les forces armées et les aspirants officiers ou sous-officiers doivent obligatoirement être majeurs, a poursuivi le ministre.

M. Zárate Fleitas a d'autre part souligné que l'État paraguayen a conclu des accords de règlements à l'amiable dans des affaires pendantes devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme impliquant des enfants-soldats – accords qui dans leur majorité ont été respectés avec diligence, sauvegardant l'intérêt des plaignants, ce qui témoigne de l'engagement du Paraguay en faveur du respect des droits de l'homme de tous ses habitants. L'expérience du Paraguay en matière d'accords de règlements à l'amiable a été qualifiée de modèle régional par la Commission interaméricaine des droits de l'homme elle-même.

S'agissant des mesures prises par le pays pour lutter contre la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, M. Zárate Fleitas a indiqué que c'est à travers le Secrétariat national à l'enfance et à l'adolescence que le Gouvernement paraguayen articule les activités des institutions et organisations sociales sur les questions relatives à l'enfance et à l'adolescence en plaçant l'intérêt supérieur de l'enfant au cœur des politiques destinées aux enfants. Par ailleurs, le Gouvernement œuvre à la restitution des droits des personnes vulnérables en avançant des propositions qui favorisent la mobilisation communautaire aux fins du renforcement du système national de protection et de promotion intégrale des droits de l'enfant.

Témoignant de l'importance qu'il accorde aux enfants et aux adolescents, le Président Horacio Cartes a souscrit, avec le Front pour l'enfance (Frente por la Niñez), vingt engagements pour améliorer la quantité et l'efficacité de l'investissement en faveur de l'enfance et de l'adolescence, a poursuivi M. Zárate Fleitas, précisant que parmi ces vingt actions devant être appliquées par le Gouvernement figurent la promotion du respect effectif de la Loi sur les adoptions en assurant la protection du droit à l'identité; la réduction progressive du nombre d'enfants placés en institutions; la promotion et la protection des droits de l'enfant contre tout type de violence, mauvais traitement ou abus; ainsi que la promotion de l'application de lois spécifiques contre la violence et la traite.

Le ministre paraguayen a indiqué que la politique nationale de protection spéciale des enfants et adolescents avait été a été approuvée en 2012. Un plan de désinstitutionalisation des enfants et adolescents est actuellement appliqué. L'État paraguayen est fermement engagé à poursuivre les délits constituant une atteinte aux droits de l'enfant, a insisté M. Zárate Fleitas, attirant l'attention sur l'adoption, en décembre dernier, de la loi de lutte intégrale contre la traite de personnes, dont l'objectif est de prévenir et sanctionner la traite de personnes sous toutes ses formes, qu'elle soit perpétrée sur le territoire national ou à l'étranger, ainsi que de protéger et aider les victimes.

M. Zárate Fleitas a d'autre part attiré l'attention sur les efforts déployés par l'État paraguayen en faveur de la prévention et de l'éradication des pires formes de travail des enfants, dans le cadre, en particulier, de la Stratégie nationale de prévention et d'éradication du travail des enfants et de protection du travail de l'adolescent.

En conclusion, M. Zárate Fleitas a souligné que le Paraguay a clairement fait preuve de son engagement en faveur de politiques publiques visant la promotion et la protection des droits de l'homme; il n'en demeure pas moins que le pays reconnaît qu'il lui reste des défis à surmonter et des buts à atteindre, notamment en matière de modifications législatives dans le domaine pénal et de renforcement des politiques destinées aux enfants.

Examen du rapport sur l'implication d'enfants dans les conflits armés

Questions et observations des membres du Comité

M. WANDERLINO NOGUEIRA NETO, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Paraguay sur l'implication d'enfants dans les conflits armés, a salué les grandes avancées du pays depuis qu'il a accédé au statut d'État de droit. Il a notamment félicité le pays pour les mesures qu'il a prises afin de donner suite aux recommandations et décisions des organes de l'Organisation des États américains tels que la Cour interaméricaine des droits de l'homme.

M. Nogueira Neto a souhaité savoir si la population paraguayenne avait connaissance des organismes et mécanismes qui, au sein des ministères de l'intérieur et de la défense, par exemple, sont responsables de veiller au respect des dispositions du Protocole. Quels sont les recours en cas d'infraction aux dispositions de cet instrument, a-t-il insisté? Le pays compte-t-il des organisations non gouvernementales auxquelles la population peut s'adresser en cas de violation des dispositions du Protocole, a également demandé le rapporteur?

La législation et les pratiques ont-elles été modifiées au Paraguay depuis la soumission du rapport, a également demandé M. Nogueira Neto?

M. JORGE CARDONA LLORÉNS, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport, a rappelé que le Comité avait demandé au pays de lui fournir des informations complémentaires en ce qui concerne les écoles qui dépendent du Ministère de la défense; le pays a répondu pour ce qui est des écoles de sous-officiers, destinées aux personnes âgées de plus de 18 ans, mais le Comité est davantage préoccupé par les écoles du niveau secondaire qui pourraient dépendre de ce Ministère.

Le corapporteur a par ailleurs voulu savoir si une formation est dispensée en matière de culture de la paix, faisant observer qu'au Paraguay, la mentalité militaire est traditionnellement forte.

Au-delà de sa seule interdiction, l'enrôlement d'un mineur dans les forces armées est-il qualifié de délit pénal au Paraguay, a en outre demandé M. Cardona Lloréns?

Comment la juridiction extraterritoriale est-elle appliquée au Paraguay s'agissant des délits couverts par le Protocole, a-t-il également voulu savoir?

Un autre membre du Comité a voulu savoir si le Paraguay comptait des lycées militaires privés et, dans ce cas, s'ils sont contrôlés par le Ministère de l'éducation.

Une experte a salué les avancées, notamment législatives, enregistrées par le Paraguay s'agissant de l'application des dispositions des deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention.

Un expert s'est inquiété de ce que les autorités paraguayennes aient choisi de militariser une zone du nord-est du pays et s'est donc enquis des mesures de protection prises dans ce contexte en faveur des enfants.

Réponses de la délégation

Au Paraguay, le système national de protection des droits est décentralisé, a indiqué la délégation. Chaque commune dispose d'un bureau où les citoyens, y compris les enfants, peuvent déposer plainte, a-t-elle précisé, ajoutant que bien entendu, nombre de ministères disposent également de bureaux auprès desquels des plaintes peuvent être déposées. Les mécanismes existants permettant de déposer plainte dans les établissements militaires sont ceux mis en place par les forces armées, a par la suite reconnu la délégation.

La délégation a ensuite attiré l'attention sur la loi de 2011 portant création du mécanisme national de prévention de la torture, conformément au Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; ce mécanisme est un organe autonome et indépendant de tous les pouvoirs, qui peut intervenir, sans autorisation préalable, dans les établissements militaires, policiers ou d'éducation.

La délégation a d'autre part fait valoir que le Commandant en chef des forces armées du Paraguay a émis, en 2006, un ordre spécial qui interdit l'enrôlement de mineurs et prévoit des procédures administratives pouvant aller jusqu'à la destitution pour les militaires qui enfreindraient cet ordre. À ce stade, le recrutement d'enfants n'est pas un délit en vertu de la loi, mais la procédure pour remédier à cette lacune est en cours, a précisé la délégation. Interrogée sur les mesures prises afin de prévenir toute falsification de date de naissance à des fins d'enrôlement, la délégation a attiré l'attention sur la campagne massive d'enregistrement des naissances qui a été lancée dans le pays sur une période de 18 mois. En outre, la falsification d'une date de naissance est passible d'une peine d'emprisonnement de quinze ans.

Le Paraguay compte onze institutions d'enseignement dépendant de l'armée, mais une seule, un lycée, admet l'inscription de mineurs, a indiqué la délégation. Ce lycée suit le programme d'études établi par le Ministère de l'éducation et est donc régi par les lois de l'enseignement public, a-t-elle précisé. C'est le Ministère de l'éducation qui régit ce lycée, y compris pour ce qui est de la discipline et du contenu des enseignements, a-t-elle insisté. Les élèves peuvent recevoir un enseignement militaire théorique mais ne peuvent absolument pas utiliser d'armes aussi longtemps qu'ils sont mineurs, a en outre souligné la délégation.

Interpellée sur les mesures prises en faveur de la promotion d'une culture de la paix, la délégation a rappelé que le Paraguay avait perdu un million d'hommes dans une guerre qui l'a dévasté à tel point que le pays comptait à moment donné 7 femmes pour un homme. Le Paraguay a connu ces dernières années une situation de tension et dans de tels cas, le pays se lève comme un seul homme; mais il ne s'agit pas là d'une mentalité militaire mais plutôt du fait d'un pays qui a bien souffert, a expliqué la délégation. Les forces armées sont effectivement une institution prestigieuse, mais cela procède de l'histoire du pays, a-t-elle insisté. Il y a au Paraguay une mentalité de citoyen-soldat un peu comme en Suisse où tout citoyen peut être mobilisé à tout moment pour défendre son pays, a-t-elle ajouté.

S'agissant de ce qu'un membre du Comité a qualifié de zone militarisée du nord-est du pays, la délégation a tenu à souligner qu'il n'y a pas de zone militarisée au Paraguay. La zone visée, dite de Tacuati, comprend les départements de Concepción, de San Pedro et d'Amambay, a-t-elle indiqué. En fait, a-t-elle précisé, une loi permet au Président de déplacer des forces aux fins d'assurer la sécurité interne; dans le cas d'espèce, il s'agit de sécuriser une zone qui est affectée par les agissements de bandes criminelles qui, par des enlèvements voire des assassinats, empêchent les enfants d'aller à l'école et les parents de travailler. Mais il ne s'agit pas d'une zone de conflit; il n'y a pas d'état de siège ni de conflit à proprement parler, a insisté la délégation. Quoi qu'il en soit, peuvent recevoir des plaintes concernant toute violation des droits de l'homme dans cette zone les services du Procureur ainsi que les services pertinents de la police et de l'armée, a indiqué la délégation. Pour l'instant, il n'y a eu aucune plainte concernant une violation de l'un quelconque des droits de l'enfant de cette zone; d'ailleurs, tout est fait pour éviter toute violation des droits de l'enfant dans la zone, a fait valoir la délégation.

Examen du rapport sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

Questions et observations des membres du Comité

M. JORGE CARDONA LLORÉNS, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Paraguay sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, a félicité le Paraguay pour les importants progrès qu'il a enregistrés, notamment suite à l'adoption d'une loi sur la traite et l'adoption de stratégies nationales telles que celle contre le travail des enfants. Il a toutefois indiqué ne pas bien saisir comment s'articulent tous les plans et stratégies adoptés, relevant en outre qu'ils ne couvrent pas certains aspects du Protocole. Qu'en est-il des ressources mises à disposition pour mener à bien ces différents plans et stratégies, a en outre demandé M. Cardona Lloréns?

Le Paraguay semble avoir lui-même mis le doigt sur les deux causes principales des problèmes qu'il rencontre dans ce domaine, à savoir d'une part les attitudes phallocratiques héritées des traditions culturelles et historiques du pays et, de l'autre, la pauvreté. S'agissant des causes culturelles, a précisé le rapporteur, il existe au Paraguay des pratiques qui peuvent paraître très pornographiques, comme les concours de beauté ou encore la publication dans les médias de photographies d'enfants et adolescents à caractère hautement érotique, sans parler de l'hégémonie masculine qui présente les adolescentes victimes de prostitution non pas comme des victimes mais comme tirant plaisir des activités de prostitution. Qu'ont fait les autorités pour lutter contre de tels stéréotypes socioculturels, profondément enracinés dans la société et sans doute à l'origine de nombreuses atteintes aux droits visés par le Protocole, a demandé M. Cardona Lloréns?

Quant à la pauvreté, des mesures ont certes été prises pour venir en aide à certains enfants vulnérables comme les enfants des rues, mais le rapporteur a souligné qu'une grande partie de la population se trouve en situation de pauvreté et il a voulu savoir quelles mesures sont prises pour prévenir les délits relevant du Protocole auprès des populations les plus démunies.

La lutte contre la pornographie est insuffisante et le trafic d'organes à des fins lucratives n'est pas interdit par la loi, a poursuivi M. Cardona Lloréns. Il y a donc des lacunes et il a voulu savoir ce qu'a prévu le pays pour les combler. Des questions se posent également en ce qui concerne les adoptions, a-t-il ajouté.

Le rapporteur s'est en outre dit préoccupé par la question des enfants placés dans des familles pour effectuer des tâches domestiques, ce qui, a-t-il rappelé, constitue selon l'OIT l'une des pires formes de travail des enfants; or, c'est une pratique qui a cours au Paraguay et qui constitue un délit contre les droits de l'enfant, a souligné M. Cardona Lloréns. Il s'agit en quelque sorte d'une vente d'enfants; l'enfant est vendu pour qu'il puisse aller à l'école, en effectuant en contrepartie des services domestiques.

M. Cardona Lloréns s'est par ailleurs enquis des mesures prises pour prévenir le tourisme sexuel et la prostitution des enfants, en particulier dans le contexte des Jeux Olympiques qui se dérouleront bientôt au Brésil et donneront lieu à des flux migratoires importants.

Le rapporteur a souligné que de très nombreux enfants qu'il y a pu rencontrer au Paraguay lui ont invariablement répondu que ce qui leur fait le plus peur, c'est la police.

M. WANDERLINO NOGUEIRA NETO, corapporteur du Comité pour ce rapport du Paraguay, a attiré l'attention sur le problème, selon lui «très grave», de la prostitution des enfants au Paraguay, en particulier dans les zones frontalières avec le Brésil.

Un autre membre du Comité a relevé qu'au titre de ce Protocole, le Paraguay n'a pratiquement pas pris de mesures pour aligner sa législation sur les dispositions de cet instrument.

Une experte a souhaité en savoir davantage au sujet des adoptions internationales au Paraguay, relevant qu'il ne semble pas y avoir de mécanisme national de surveillance des agences d'adoptions internationales, ce qui ouvre la possibilité de voir des enfants faire l'objet d'exploitation, sous couvert d'adoption internationale.

Un expert s'est inquiété du mariage de personnes de moins de 18 ans, en particulier dans les zones rurales et parmi les populations autochtones.

La législation en vigueur au Paraguay ne prévoit pas la responsabilité pénale pour les personnes morales, a par ailleurs déploré un expert.

Réponses de la délégation

La délégation a souligné que les causes socioculturelles générant les pratiques interdites par le Protocole sont complexes. Aussi, les autorités paraguayennes ont-elles mené des campagnes de sensibilisation afin de prévenir ces pratiques, comme en témoigne, par exemple, la campagne menée contre le travail des enfants.
La délégation a déclaré que 18,8% de la population du Paraguay est en situation d'extrême pauvreté, ce qui rend les enfants particulièrement vulnérables aux phénomènes de vente, de prostitution et de pédopornographie. C'est pourquoi le Paraguay est en train de mettre en place un programme de lutte contre l'extrême pauvreté afin de réduire à 9% d'ici 2015 la part de la population en situation d'extrême pauvreté. Les mesures envisagées ciblent particulièrement les enfants de 0 à 8 ans, car il est d'autant plus facile de réintégrer pleinement les enfants dans la société que les mesures à cette fin sont prises précocement.

En ce qui concerne l'efficacité des plans et programmes de lutte contre l'exploitation de l'enfant, au regard notamment de leur prolifération, la délégation a notamment indiqué que la Direction générale des statistiques s'est efforcée de mettre sur pied une stratégie qui articule les plans sectoriels au niveau national afin d'éviter les doublons, en utilisant pleinement, notamment, les registres statistiques.

En ce qui concerne les questions d'adoption, la délégation a répondu aux inquiétudes exprimées par certains experts s'agissant de la multiplication des gardes avant adoption, c'est-à-dire du placement d'enfants avant que l'adoption ne soit effective, en reconnaissant que cette pratique procède d'une faille dans la législation actuelle relative à l'adoption; la procédure de placement avant adoption n'est pas régulière, car elle n'est pas prévue par la loi, sans être pour autant illégale. La procédure d'adoption suit deux étapes, a expliqué la délégation: la première est celle du maintien du lien familial, c'est-à-dire qu'un délai de 45 jours, prorogeable, est fixé qui permet aux parents désireux de faire adopter leur enfant de bien réfléchir et aux autorités de mener le cas échéant des enquêtes pour retrouver éventuellement les parents; la seconde est celle de la procédure d'adoption à proprement parler. Néanmoins, la loi établit des exceptions s'agissant de la procédure du maintien du lien familial, notamment dans le cas où l'enfant a déjà été accueilli par l'adoptant, a précisé la délégation; on aboutit donc à un système de placement avant adoption, mais ce placement n'est pas reconnu par la loi (comme constituant une adoption).

L'adoption est une mesure de protection des enfants n'ayant pas de foyer; il s'agit d'une mesure complémentaire, d'une mesure de substitution, étant entendu que le droit premier de l'enfant reste de connaître ses parents et de vivre avec sa famille, a rappelé la délégation, assurant que dans la loi sur l'adoption en vigueur au Paraguay le législateur s'est efforcé de veiller au respect des dispositions de la Convention de La Haye et de la Convention relative aux droits de l'enfant. Le code pénal érige en infraction le trafic de mineurs et la violation des règles relatives à l'adoption, a par ailleurs assuré la délégation. Elle a par la suite indiqué que les autorités n'ont connaissance d'aucune information faisant état de trafic d'enfants dans le contexte des adoptions.

Il n'y a aujourd'hui aucune demande d'adoption internationale au Paraguay, a indiqué la délégation, avant de préciser que l'adoption internationale ne peut se faire qu'avec des pays ayant ratifié la Convention de La Haye. Jadis, de très nombreux étrangers se rendaient au Paraguay pour y adopter un enfant; il y avait dans le pays des maisons de notables, avocats notamment, où étaient rassemblés des enfants à adopter et où ces étrangers venaient choisir eux-mêmes l'enfant qu'ils souhaitaient adopter. Les autorités paraguayennes ont mis en place le Centre national des adoptions et pris les mesures de réglementation adéquates et le nombre d'adoptions internationales est passé de plusieurs milliers par an, à une trentaine, puis à zéro aujourd'hui.

La délégation a par ailleurs souligné que les autorités paraguayennes s'efforcent de prévenir le placement d'enfants à des fins de travail domestique. Si cette pratique n'est pas en tant que telle spécifiquement sanctionnée par le code pénal, le fait qu'un enfant reste au domicile d'une personne qui n'est pas son parent et qui ne s'est pas vu accorder par voie judiciaire le droit de garde sur cet enfant est passible de sanction, a indiqué la délégation. Elle a en outre rappelé que le pays a ratifié la Convention n°189 de l'OIT sur l'élimination des pires formes de travail des enfants.

S'agissant de la violence contre les enfants, la délégation a notamment indiqué que 68% des victimes de violence domestique au Paraguay sont des femmes et 17 % ont moins de 14 ans. Le Médiateur des enfants et adolescents peut demander tout dossier, inspection et autres expertises nécessaires à son travail; il peut accéder à tout moment aux lieux où se trouvent les enfants et les adolescents, a fait valoir la délégation. Le Secrétariat national à l'enfance et à l'adolescence a créé une unité pour accompagner les victimes de traite et d'exploitation sexuelle, a-t-elle ajouté.

La délégation a par ailleurs pris l'engagement d'une augmentation budgétaire pour assurer le suivi et la réintégration des enfants victimes de délit relevant du Protocole.

Pour ce qui est de l'incrimination de la pédopornographie, la délégation a fait valoir que dans son article 140, le code pénal classe l'échange, la présentation, la diffusion, la promotion et le financement de matériel pornographique mettant en scène des mineurs de moins de 18 ans comme constituant une infraction. Ces infractions sont alors passibles de peines pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement. Constituent des circonstances aggravantes, entre autres, le fait que l'enfant ait moins de 14 ans ou le fait que l'auteur du crime ait la charge de l'enfant; les auteurs encourent alors des peines pouvant aller jusqu'à dix ans d'emprisonnement.

Le code pénal prévoit aussi des peines pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement pour des personnes imposant un travail forcé ou un travail analogue; la même peine est prévue pour sanctionner tout trafic d'organes humains, a par ailleurs indiqué la délégation. Un membre du Comité ayant souligné que la question n'est pas de savoir si le travail forcé et le trafic d'organes sont sanctionnés mais s'ils sont punis, la délégation a reconnu que la vente d'enfant en tant que délit qualifié ne figure pas explicitement dans le code pénal.

L'incrimination spécifique et explicite du tourisme sexuel en tant que tel n'existe pas au Paraguay, mais peuvent néanmoins être appliquées en la matière des incriminations relatives à d'autres types de délit, a ajouté la délégation.

Le code pénal considère les enfants impliqués dans la prostitution comme des victimes, a assuré la délégation.

Au Paraguay, l'âge minimum du mariage est légalement fixé à 16 ans tant pour les filles que pour les garçons, a d'autre part indiqué la délégation.

La responsabilité pénale des personnes morales n'est pas prévue dans le code pénal paraguayen, a par ailleurs reconnu la délégation.

Observations préliminaires des corapporteurs

M. NOGUEIRA NETO a salué les interventions de la délégation paraguayenne, qui lui inspirent de l'espoir pour l'avenir, s'agissant notamment de la coordination de la mise en œuvre du Protocole sur l'implication d'enfants dans les conflits armés, la formation de tous les professionnels impliqués dans cette problématique, l'éducation à la paix ou encore les mesures prises pour protéger les droits des enfants victimes. Il s'est dit certain que le Paraguay donnerait suite aux observations finales du Comité concernant le rapport présenté au titre de ce Protocole.

M. CARDONA LLORÉNS a jugé constructif le dialogue transparent et sincère entre la délégation du Paraguay et les membres du Comité. Rappelant que des doutes ont été exprimés par le Comité quant à l'application des deux Protocoles dans le pays, il a relevé que le Paraguay est bien conscient des difficultés auxquelles il est confronté et qu'il va être difficile de surmonter; les observations finales du Comité viseront à aider le pays en la matière. M. Cardona Lloréns a par ailleurs invité le Paraguay à ratifier le troisième Protocole facultatif se rapportant à la Convention instituant un mécanisme de plaintes individuelles – que le Paraguay a déjà signé, qui a été ratifié par deux pays à ce jour et qui entrera en vigueur après la quatrième ratification.


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CRC13/025F