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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE DES RAPPORTS SUR LA LIBERTÉ D'OPINION ET D'EXPRESSION ET SUR LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES

Compte rendu de séance
Il conclut ses débats sur les droits culturels et sur la discrimination à l'égard des femmes

Le Conseil des droits de l'homme a examiné, dans la journée, des rapports sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'expression et d'opinion et sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, après avoir conclu les échanges entamés vendredi dernier sur les droits culturels et sur la discrimination à l'égard des femmes.

M. Frank La Rue, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'expression et d'opinion, a noté que l'évolution des technologies des communications est allée de pair avec l'accroissement des moyens que mettent en place les États pour contrôler les communications. Cette tendance pose d'évidents problèmes en matière de droits de l'homme, notamment le droit au respect de la vie privée. Alors que cette question revêt une importance capitale, M. La Rue remarque que de nombreux pays n'ont aucune législation dans le domaine, ou recourent à des notions vagues comme la sécurité nationale pour justifier leurs mesures de surveillance des communications. Le Rapporteur spécial recommande aux États de limiter leur surveillance à des cas spécifiques et de prévenir le commerce des technologies de surveillance, ou de le rendre plus transparent. Pays concerné par le rapport de M. La Rue, le Honduras a fait une déclaration.

Les délégations ont notamment souligné que la liberté d'expression doit être garantie de la même manière «hors ligne» et «en ligne». Le droit à la vie privé et la liberté d'expression sont liés et mutuellement dépendants, les éventuelles restrictions qui y sont apportées devant respecter le droit international. La surveillance des communications ne devrait intervenir que dans des cas exceptionnels, ont plaidé nombre de délégations, invitant à la mise à jour des législations en vigueur. Des intervenants ont aussi relevé que la liberté d'expression ne signifie pas que les individus peuvent faire fi de la loi. Il faudra, en conséquence, trouver un équilibre entre liberté d'expression, sécurité et surveillance en ligne.

Mme Rashida Manjoo, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, a regretté qu'il n'existe pas d'instrument juridique international contraignant consacré spécifiquement à la lutte contre la violence faite aux femmes. La pratique et la jurisprudence nationales montrent qu'il est nécessaire, pour garantir les droits de l'homme, de disposer de moyens d'évaluation, d'enquête et de poursuites ainsi que des procédures de recours pour les victimes. C'est pourquoi les États doivent, d'une part, agir avec diligence en faveur des victimes de violence, et, d'autre part, créer des systèmes fonctionnels visant à éliminer la violence contre les femmes, a-t-elle plaidé. En tant que pays concernés, la Bosnie-Herzégovine , la Croatie ainsi que les Îles Salomon se sont exprimés après la présentation du rapport de Mme Manjoo.

Au cours des échanges, un groupe d'États a regretté que la violence envers les femmes ne soit pas considérée, dans certains pays, comme une atteinte aux droits de l'homme. Pour un autre groupe d'États, la violence à l'égard des femmes doit faire l'objet d'une démarche globale; il faut adopter des mesures concrètes et globales pour prévenir et éradiquer la violence contre les femmes. Il revient aux États de faire preuve d'une diligence raisonnable pour protéger les femmes de la violence, ont conclu toutes les délégations.

Les délégations suivantes ont pris part à ce débat: Afrique du Sud, Algérie, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Bélarus, Bolivie, Botswana, Brésil (au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes), Chine, Cuba, Danemark, Djibouti, Équateur, Espagne, Estonie, Éthiopie, Finlande, France, Indonésie, Iraq, Japon, Maldives, Liban, ex-République yougoslave de Macédoine, Malaisie, Maroc, Monténégro, Népal, Norvège, Nouvelle Zélande, Paraguay, Pays-Bas, Philippines, Pologne, Qatar, République tchèque, Roumanie, Royaume Uni, Serbie, Sierra Leone, Singapour, Slovaquie, Slovénie, Sri Lanka, Suède, Suisse, Syrie, Thaïlande, Togo, Inde, Tunisie, Venezuela. L'Union européenne et l'Organisation internationale de la Francophonie ont également pris la parole, ainsi que les organisations non gouvernementales suivantes: Center for Reproductive Rights (au nom également de Action Canada pour la population et le développement), Verein Südwind Entwicklungspolitik, Federatie van Nederlandse Verenigingen tot Integratie Van Homoseksualiteit - COC Nederland, Société pour les peuples menacés, Centre européen pour le droit, la justice et les droits de l'homme, Persatuan Aliran Kesedaran Negara - National Consciousness Movement , France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand (au nom également du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), Assemblée permanente pour les droits de l'homme, Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, Freedom House, L'Institut du Caire pour les études sur les droits de l’homme.

S'agissant de la fin du débat interactif avec la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, Mme Farida Shaheed, et la Présidente du Groupe de travail chargé de la question de la discrimination à l'égard des femmes, dans la législation et dans la pratique, Mme Kamala Chandrakirana, des déclarations ont été faites par les délégations suivantes: Inde, Iran, Algérie, Égypte, Mexique, Belgique, Maroc, Chine, Australie, Lettonie, Sierra Léone, Émirats arabe unis, Paraguay, Libye, Koweït, Uruguay, Togo. Les organisations non gouvernementale suivantes ont également pris la parole: Article 19 - Centre international contre la censure, Asian Indigenous and Tribal Peoples Network, Federatie van Nederlandse Verenigingen tot Integratie Van Homoseksualiteit - COC Nederland, Service international pour les droits de l'homme, Réseau juridique canadien VIH/sida, Conseil indien d'Amérique du Sud, World Barua Organization, Worldwide Organization for Women, Union internationale humaniste et laïque, Freemuse - The World Forum on Music and Censorship.


En fin de journée, le Conseil sera saisi de rapports thématiques établis, à sa demande, par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, après quoi il tiendra un débat général sur la promotion et la protection de tous les droits de l'homme.


Droits culturels

Le rapport sur les droits culturels - consacré cette année au droit à la liberté d'expression artistique et de création - ainsi que les rapports sur les visites officielles de la Rapporteuse spéciale en Fédération de Russie et à Saint-Vincent-et-les-Grenadines (A/HRC/23/34, A/HRC/23/34/Add.1 et A/HRC/23/34/Add.2) ont été présentés vendredi.

Fin du débat interactif

L'Égypte a dit partager la préoccupation de la Rapporteuse spéciale au sujet de l'impact dévastateur que peut avoir l'exercice absolu et sans restrictions du droit à la liberté d'expression artistique, notamment sous la forme de propagande de guerre et d'incitation à la haine raciale et religieuse susceptibles de menacer l'ordre et la morale publics et de violer la liberté religieuse et de conviction – notamment. L'Égypte se félicite que la Rapporteuse spéciale ait adopté une position équilibrée dans sa présentation du cadre existant des droits de l'homme, son rapport reconnaissant la nécessité d'une marge acceptable de restrictions. L'Inde a jugé important que les artistes s'imposent à eux-mêmes des restrictions raisonnables afin de ne pas perturber l'harmonie sociale. Pour l'État, cette harmonie est plus importante que la liberté de création de l'individu. La Chine estime que des restrictions s'imposent dès lors que les artistes ne tiennent pas compte des sentiments populaires, notamment en matière religieuse.

Organisations non gouvernementales

Le World Barua Organization a rappelé que les artistes sont des messagers et qu'ils ne sont pas la cause des problèmes; ils devraient pouvoir se plaindre des violations qu'ils subissent auprès d'un répondant unique aux Nations Unies. Article 19 - Centre international contre la censure a appelé les États à respecter leurs obligations en matière de droits de l'homme et à lever les restrictions à la liberté d'expression et artistique. Les États doivent protéger les artistes, a-t-elle ajouté. COC Nederland a déploré la censure des artistes pour des motifs liés à des valeurs traditionnelles. Pour sa part, le Asian Indigenous and Tribal Peoples Network a déploré la censure des expressions artistiques défavorables aux idéologies officielles. Pour le Conseil indien d'Amérique du Sud, la capacité des peuples autochtones de jouir de leur droit à la liberté d'expression artistique est intimement liée à leur exercice du droit à l'autodétermination.

Conclusion

MME FARIDA SHAHEED, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, a expliqué n'avoir pas proposé de définition de l'art; il faut en effet se demander si une telle définition serait pertinente. Ainsi, les graffitis sont une forme d'art dans certains pays, un délit dans d'autres; lorsque Shakespeare a débuté sa carrière, ses contemporains le considéraient comme un «jeune» qui violait toutes les règles du théâtre en faisant mourir ses personnages sur scène: aujourd'hui, c'est un classique. De même, la musique contemporaine est souvent considérée comme pure cacophonie par les amateurs de musique classique. S'il n'y a donc pas consensus à ce sujet, il n'en demeure pas moins que la liberté d'expression artistique doit être respectée le plus largement possible. Les États doivent soutenir les arts et promouvoir l'éducation artistique à l'école, ce qui va dans le sens de la liberté artistique. La question des restrictions est complexe, d'où l'idée d'approfondir les termes du débat. S'il s'agissait d'une question simple, un rapport et un Rapporteur spécial ne seraient pas nécessaires, a-t-elle observé. Il est important de permettre un financement indépendant de l'art, a observé la Rapporteuse spéciale. Les artistes ne sont qu'une composante des mouvements favorables aux changements de régime. Mme Shaheed a regretté la censure de fait qu'exercent certains monopoles commerciaux. Enfin, la promotion de l'harmonie sociale, comme il a été préconisé par plusieurs délégations, ne doit pas se faire au détriment des droits de l'homme de tel ou tel groupe, a-t-elle souligné.

Discrimination à l'égard des femmes

Le rapport sur la discrimination à l'égard des femmes dans la législation et dans la pratique, ainsi que les rapports sur les missions du Groupe de travail en République de Moldova et en Tunisie (A/HRC/23/50, A/HRC/23/50/Add.1 et A/HRC/23/50/Add.2) ont été présentés vendredi.

Fin du débat interactif

L'Inde a demandé au Groupe de travail comment les technologies de l'information et de la communication pouvaient combler le déficit de participation des femmes à la vie politique et publique. La Belgique a déclaré accueillir très favorablement l'analyse du Groupe de travail concernant l'expérience sur la représentation des femmes dans les pays en période de transition politique. Il est intéressant de noter que cette expérience varie beaucoup, aussi bien dans les bonnes pratiques que dans les reculs. La Lettonie a appelé le Groupe de travail à se pencher sur les conséquences de la violence sur la capacité de participation des femmes.

La Sierra Leone a indiqué que les femmes ont de tous temps occupé des postes de responsabilité en Sierra Leone, y compris dans la société traditionnelle. La délégation a demandé au Groupe de travail si la participation des femmes a un réel impact sur les droits de l'homme. Pour leur part, les Émirats arabes unis estiment que c'est le cas, citant de nombreuses recherches à l'appui de cette affirmation. Mais il n'est guère suffisant de préconiser la participation des femmes à la vie politique: il faut prendre des mesures globales et audacieuses. La délégation émirienne a voulu en savoir davantage sur l'efficacité du système de quota adopté par certains pays.

L'Uruguay a indiqué que sa région d'appartenance a toujours été à la pointe de la représentativité des femmes, tant sur le plan national qu'international, même si beaucoup reste à faire. Le Paraguay a appelé les États à adopter des législations allant au-delà de la participation politique des femmes.

Il faut dépasser les mesures de court terme, a ajouté la Libye, appelant à la suppression des stéréotypes qui véhiculent une image d'infériorité da la femme. Les efforts de l'Égypte en faveur de la participation des femmes à la vie publique constituent un prolongement naturel de leur rôle en tant que partenaire clé dans la transformation profonde du pays et du rôle constant joué par la femme égyptienne en tant que vecteur majeur de changement positif.

Les délégations n'ont pas manqué de faire valoir les mesures prises par leurs gouvernements pour améliorer la place des femmes dans la vie sociale. La République islamique d'Iran a notamment souligné qu'en matière de justice, tout tribunal de la famille iranien doit compter au moins une femme. Le Koweït a cité les nombreuses mesures adoptées par le Gouvernement et ayant conduit à l'amélioration de la représentation des femmes à des postes de décision. L'Algérie a renforcé la représentation des femmes aux assemblées locales et nationales, où leur présence dépasse les 30%. Au Mexique, 30% des fonctions législatives sont assumées par des femmes grâce au fait que le code électoral fixe des quotas depuis 2002. De même, les quotas adoptés par le Maroc ont permis de relever le taux de présence des femmes au Parlement de 10% en 2007 à 17% en 2011.

L'Australie a adopté un plan de trois cents millions de dollars pour financer des programmes d'autonomisation des femmes. Au Togo, les discriminations à l'égard des femmes ont sensiblement diminué, en particulier les mutilations génitales et la violence fondée sur le genre. La Chine s'est dite favorable à la participation effective des femmes à la vie politique et économique, estimant que tous les pays devraient prendre de mesures en ce sens.

Organisations non gouvernementales

La Worldwide Organization for Women a appelé les États à garantir une participation entière et égale à la vie publique. Pour que leur participation ait un sens, les femmes doivent être à un pied d'égalité avec les hommes. La participation des femmes doit être garantie par la loi. Les quotas doivent servir de référence a minima. Le Service international des droits de l'homme a observé que les transitions politiques peuvent être l'occasion d'améliorer la participation des femmes. Pour ce faire, il faut s'attaquer aux causes structurelles de la violence et de la discrimination.

L'organisation Union internationale humaniste et laïque a déploré le mariage précoce des jeunes filles, qui est une cause fondamentale de mortalité et de morbidité maternelles, soulignant que de nombreuses violations des droits des femmes sont dues à des pratiques traditionnelles, comme les mutilations génitales ou l'alimentation forcée. La World Barua Organization a condamné la situation des femmes des castes défavorisées de l'Inde. L'impunité des auteurs d'actes de violence contre des femmes issues de ces castes est un problème chronique en Inde. Pour le Conseil indien d'Amérique du Sud, le respect des droits des femmes des peuples autochtones dépend de leur droit à l'autodétermination.

Conclusion

MME KAMALA CHANDRAKIRANA, Présidente du Groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes dans les lois et dans la pratique, s'est dite encouragée par le fait que les recommandations qu'elle a faites à l'issue de sa visite en République de Moldova aient été prises en compte par le Gouvernement. Elle a ajouté attendre avec intérêt les décisions qui seront prises par la Tunisie. Par ailleurs, le Groupe de travail reconnaît l'importance des mécanismes régionaux des droits de l'homme. Sa présidente a cité le mécanisme créé récemment par l'Organisation de la coopération islamique. Elle a aussi souligné que la Convention est entrée en vigueur voici vingt ans, un temps suffisant pour récolter un certain nombre de «bonnes pratiques». Elles seront reprises dans le recueil que le Groupe de travail a entrepris de rédiger. Le Groupe de travail est par ailleurs conscient du rôle potentiel des technologies de l'information et des télécommunications pour les femmes.

Liberté d'opinion et d'expression

Présentation du rapport

M. FRANK LA RUE, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, a noté que l'évolution des technologies de la communication est allée de pair avec l'accroissement des moyens que mettent en place les États pour contrôler les communications. Cela pose d'évidents problèmes en matière de droits de l'homme, notamment celui à la vie privée. Les moyens de surveillance permettent d'écouter les communications des lignes téléphoniques fixes ou mobiles, de localiser les mobiles, d'identifier leurs utilisateurs ou d'intercepter des messages courts. Ils permettent aussi de tracer les communications ou de lire les courriels. De fait, ils peuvent contrôler totalement toute forme de communication, ce qui pose des questions s'agissant des institutions qui collectent ces données, de leur stockage et de leur utilisation, a-t-il résumé.

Alors que cette question revêt une importance capitale, M. La Rue remarque que de nombreux pays n'ont aucune législation dans ce domaine. Il observe en revanche que les États ont souvent recours à des notions vagues comme la sécurité nationale pour justifier ces contrôles.

Cependant, l'activité de surveillance n'est pas l'apanage des États, puisque le secteur privé s'y livre aussi, et parfois fournit aux États les moyens de surveillance. Sans législation et normes adéquates, les journalistes et défenseures des droits de l'homme ne peuvent être sûrs que leurs communications ne seront pas surveillées par les États. Dans ce contexte, le rapport de M. La Rue contient des recommandations, visant notamment à limiter la surveillance à des cas spécifiques, à prévenir le commerce des technologies de surveillance ou accroître la transparence des États.

Le Rapporteur spécial a ensuite indiqué s'être rendu au Honduras, où il a pu observer que la violence faite aux journalistes est particulièrement préoccupante. Le rapport contient donc des recommandations au Gouvernement, notamment en matière de formation des forces de police et de lutte contre l'impunité.

Le rapport sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression figure au document A/HRC/23/40 (à paraître en français). Le Rapporteur spécial soumet également un rapport sur sa mission au Honduras (A/HRC/23/40/Add.1 à paraître en français, ainsi que les commentaires du pays: A/HRC/23/40/Add.3)

Pays concerné

Le Honduras a souligné que le pays a pris un certain nombre de mesures en faveur de la liberté d'expression, attirant l'attention sur la loi cadre des télécommunications qui a réformé le secteur en visant à démocratiser l'attribution des fréquences de radiodiffusion. Il s'agit en particulier de donner un accès aux ondes aux femmes et aux autochtones. Par ailleurs, un avant-projet de réforme du code pénal est en discussion pour dépénaliser les délits d'injure, de calomnie et de diffamation. Le Honduras a d'autre part indiqué que la première politique publique et le Plan national d'action des droits de l'homme a été approuvée en janvier dernier. Le Honduras partage la préoccupation de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre la presse et a entrepris des efforts pour remédier à cette situation.

Débat interactif

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a noté que la plupart des services de filtrage de l'Internet avaient leur siège dans les pays développés. L'Égypte a demandé au Rapporteur spécial d'en dire plus sur les différences de niveau de surveillance dans les pays développés et en développement, compte tenu de la fracture numérique grandissante et de la disparition de coopération dans ce domaine. Le Brésil, au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes, a souligné l'importance d'étudier l'impact des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Le droit à la vie privée et la liberté d'expression sont liés et interdépendants, les éventuelles restrictions devant respecter le droit international des droits de l'homme.

Les États-Unis ont rappelé que certains gouvernements voyaient les technologies de l'information et de la communication comme une menace, et répriment la dissidence. S'il est parfois nécessaire pour les États d'enquêter et de surveiller, cela doit se faire dans le respect de lois transparentes sur le contrôle démocratique, comme c'est le cas aux États-Unis. Une surveillance effectuée de manière appropriée s'exerce en faveur des droits de l'homme. L'Union européenne a souligné que les cadres juridiques pouvaient en effet ne pas être appropriés pour faire face aux nouveaux moyens de surveillance, le filtrage de l'Internet notamment. La surveillance des communications ne doit survenir que dans des cas exceptionnels. Il convient par conséquent de mettre à jour nombre de législations en vigueur. L'Équateur s'est dit très préoccupé par l'exploitation inappropriée des technologies de l'information et des télécommunications pour persécuter certaines personnes pour des raisons liées à la sécurité nationale.

Le Qatar a insisté sur la nécessité de prendre en compte les technologies de l'information et des télécommunications, ainsi que les flux d'information, qui contribuent à la croissance économique. L'État ne peut s'immiscer dans les communications privées qu'en vertu d'une décision de justice. Le Qatar s'est doté d'une infrastructure très solide de technologies de l'information et des télécommunications, qui favorise la vie économique et la confiance entre les citoyens. Tous les États doivent prendre en compte l'aspect positif de la société de l'information. La Malaisie a déclaré que, pour assurer la liberté d'expression, il ne faut jamais perdre de vue la nécessité de comportements responsables. Cela ne signifie pas que les individus peuvent faire fi de la loi. La Malaisie s'est dotée d'une commission de contrôle du secteur des technologies de l'information et des télécommunications. Cuba a estimé qu'il est très important que le droit à la liberté d'expression soit respecté dans tous les pays, mais il ne faut pas encourager à la transgression des lois.

Les Maldives ont indiqué avoir ratifié, il y a peu, la «Déclaration sur la liberté en ligne» de l'Internet Freedom Coalition. La Tunisie a mis en avant le droit de tous d'accéder à Internet et aux moyens de communication. Elle organisera une conférence en juillet prochain sur la question de «l'Internet ouvert».

L'Allemagne a déploré la criminalisation de journalistes et de personnes exerçant leur droit à la liberté d'expression, voire leur emprisonnement pour des motifs fallacieux. De nombreux États disposent encore d'instruments juridiques restreignant les libertés fondamentales, notamment l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan. L'Allemagne déplore en outre les jugements très sévères prononcés par des tribunaux civils en tant que méthode d'intimidation et de répression de journalistes et des médias dans des États tels que la Russie, l'Albanie et la Turquie. Elle est très préoccupée par la dégradation de la situation des médias au Bélarus. L'Allemagne juge enfin déraisonnable les peines de détention ferme infligées par la justice de la Thaïlande aux personnes convaincues de lèse-majesté. La Suisse a souligné que les journalistes, les défenseurs des droits de l'homme et les activistes politiques doivent bénéficier d'une protection légale adéquate. Elle s'est demandée où se limite le droit des États de surveiller les communications individuelles.

Le Monténégro a déclaré que les nouveaux moyens de communication entraînent la nécessité de mettre à jour les législations et les pratiques, de façon à respecter la vie privée. L'Autriche partage les préoccupations de M. Larue quant à la nécessité d'une législation appropriée et de normes juridiques adéquates pour assurer le respect de la vie privée, la sécurité et l'anonymat des communications, des journalistes, des défenseurs des droits de l'homme et des personnes qui signalent des manquements. Pour la Norvège, il faut trouver un équilibre entre liberté d'expression, sécurité et surveillance en ligne. De même, les Philippines se sont dites d'accord avec le Rapporteur spécial pour craindre le potentiel fortement intrusif de la surveillance des communications et son empiètement sur l'exercice de la liberté d'expression. La délégation a estimé, avec M. La Rue, qu'il faut trouver un équilibre entre l'intérêt de l'État et la protection des droits de l'homme. Le Danemark a observé qu'il s'agit d'une question complexe à laquelle de nombreux États sont désormais confrontés, particulièrement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, qui contraint les États à surveiller les nouveaux canaux de communication utilisés par les criminels.

Pour la France de même que pour l'Australie, les droits «hors ligne» garantis doivent aussi l'être «en ligne». Pour l'Algérie, les restrictions qui entraveraient la jouissance du droit à la privée – qui est un élément essentiel du droit à la liberté d'expression – doivent être légalement justifiées et exceptionnelles. L'Algérie considère qu'il est impératif de réguler cet aspect en adoptant des instruments intégrant la dimension des droits de l'homme. L'Iraq a noté que la liberté d'expression permet à des groupes terroristes d'organiser des attaques ou de répandre leur idéologie.

Le Royaume-Uni a indiqué avoir mis en place un régime d'interception des communications et de recueil de données strictement réglementé et compatible avec les droits de l'homme, sous le contrôle du Parlement. La vie privée des utilisateurs de l'Internet est très importante et doit être protégé par les États, a souligné l'Estonie. Selon Freedom House, l'Estonie jouit de l'Internet le plus libre au monde, s'est félicité le représentant de ce pays. Le Liban et le Togo ont indiqué que la liberté d'expression était un droit fondamental garanti par leurs institutions. Le Togo a dépénalisé les délits de presse et s'est doté d'une Haute Autorité de l'audiovisuel et de la communication, institution indépendante des autorités.

L'Indonésie a demandé au Rapporteur spécial de dire comment les citoyens peuvent participer au maintien de l'ordre public et de la sécurité nationale dans le contexte du débat sur la tension entre liberté d'expression et surveillance. La Slovaquie a demandé quelles mesures sont envisageables autres que celles proposées par le Rapporteur spécial. L'Inde, qui a noté que le Rapporteur spécial avait souligné que la surveillance des communications ne pouvait se faire que dans des circonstances exceptionnelles, souhaiterait savoir quelles initiatives il avait à l'esprit.

La Pologne s'est dite d'accord avec M. La Rue pour constater l'inadaptation des législations nationales réglementant l'immixtion de l'État dans la sphère privée. La République tchèque, qui se félicite de l'accent mis par le Rapporteur spécial sur le respect de la vie privée, et de sa volonté de faire progresser la compréhension internationale de cette notion, souhaiterait entendre quelles mesures concrètes pourraient faciliter le changement à cet égard.

Les Pays-Bas ont demandé au Rapporteur spécial de donner des précisions sur les meilleures pratiques en matière de confidentialité des correspondances privées, en particulier sur la meilleure façon d'équilibrer confidentialité et cybersécurité.

L'ex-République yougoslave de Macédoine s'est réjouie de la prochaine visite de M. La Rue, s'engageant à mener un dialogue constructif avec lui lors de sa mission dans le pays.

La Belgique a exprimé sa préoccupation en ce qui concerne le projet de loi sur la presse au Burundi qui, dans sa forme actuelle, présente des risques vis-à-vis du respect de la liberté de presse. Le Bélarus s'est félicité de ce que la Rapporteur spécial ait enfin évoqué, dans son rapport, la situation dans plusieurs pays occidentaux et ainsi que les violations dans ces pays du caractère confidentiel de la correspondance privée. Le Rapporteur spécial a été prié de donner son avis sur les écoutes à grande échelle qui ont été dévoilées récemment aux États-Unis.

La Thaïlande a précisé que les droits des personnes jugées pour violation de la loi sur la lèse-majesté sont dûment respectés tout au long de la procédure judiciaire. La loi n'a pas pour objet de limiter les débats sur la monarchie en tant qu'institution, dans le cadre de l'exercice légitime de la liberté académique. Les problèmes liés à la loi relèvent d'abus commis à des fins politiciennes, a assuré la délégation.

Organisations non gouvernementales

Pour Verein Südwind Entwicklungspolitik, la responsabilité d'éradiquer la violence à l'égard des femmes relève des États. L'organisation a regretté que certains pays, notamment l'Iran, maintiennent, dans leurs lois, des dispositions cautionnant les violences faites aux femmes. L'Assemblée permanente des droits de l'homme a attiré l'attention du Conseil sur la situation des femmes privées de liberté: l'emprisonnement a des conséquences différentes pour les hommes et pour les femmes. Il faut en tenir compte et envisager des moyens alternatifs à l'emprisonnement, a plaidé la représentante. Le Center for Reproductive Rights (au nom également de Action Canada pour la population et le développement), a considéré que l'absence de moyens de santé reproductive est une violence psychique faite aux femmes.

Conclusion

M. LA RUE a souligné que le rapport de cette année devait être lu dans le prolongement du rapport qu'il avait présenté en 2011 sur la liberté d'expression. Le Rapporteur spécial estime qu'Internet facilite la liberté d'expression de par sa nature interactive et de par le fait qu'il permet l'anonymat. Il vaut mieux avoir un excès de liberté d'expression plutôt qu'une carence, estime M. La Rue. Internet, considéré par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture comme un flux d'idées, doit être protégé, en particulier pour les journalistes et alors même que ceux-ci sont de plus en plus fréquemment pris pour cibles. Les journalistes doivent, pour leur part, apprendre à faire preuve de responsabilité et d'éthique professionnelle. Mais il ne faut pas imposer de censure ou de limitation. La garantie de la vie privée est fondamentale, elle doit être protégée. Mais l'accès à l'Internet l'est tout autant. Cet accès doit être universel et ne pas être réservé à une élite réduite; les milieux défavorisés ne doivent pas en être exclus. Dans les situations où la sécurité nationale est menacée, on peut en effet concevoir des garde-fous proportionnés et tenant compte de l'imminence de la menace. Une supervision judiciaire et législative est alors nécessaire. La multiplicité des instances de contrôle est bénéfique, estime M. La Rue, citant l'exemple du Royaume-Uni.

Violence contre les femmes

Présentation du rapport

MME RASHIDA MANJOO, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, a présenté son rapport annuel, consacré, cette année, à la responsabilité de l'État d'éliminer la violence contre les femmes. Le rapport analyse dans un premier temps l'évolution conceptuelle de la théorie de la responsabilité de l'État. Il se penche ensuite sur la pratique actuelle dans le domaine de la lutte contre la violence à l'égard des femmes. Les informations contenues dans le rapport se fondent sur des demandes d'information adressées aux États membres et des consultations régionales. L'objectif des recherches était de recueillir les expériences des pays, aussi bien du point de vue des acteurs étatiques que non-étatiques, concernant l'interprétation, l'application et l'effectivité des mesures prises par les États pour lutter contre la violence à l'égard des femmes, a indiqué l'experte. Malheureusement, peu de réponses aux questionnaires ont été reçues, aussi bien des États que de la société civile.

L'absence d'instrument international contraignant consacré spécifiquement à la lutte contre la violence faite aux femmes, et donc de mécanisme de surveillance des obligations des États dans ce domaine pose problème. Mme Manjoo a noté que la pratique et la jurisprudence nationale des mécanismes des droits de l'homme démontrent pourtant qu'il est nécessaire, pour garantir les droits de l'homme dans un pays, de disposer de moyens d'évaluation, d'enquête, de poursuite ainsi que des procédures de recours pour les victimes. Les États doivent, d'une part, agir avec diligence en faveur des victimes de violence, et, d'autre part, créer des systèmes fonctionnels visant à combattre la violence contre les femmes. Ceux qui commettent des violences contre les femmes doivent être tenus responsables, tout comme ceux qui ne remplissent pas leur obligation de les protéger.

Mme Manjoo a ensuite rendu compte de ses visites en Bosnie-Herzégovine, en Croatie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et aux Îles Salomon. Elle a également indiqué s'être récemment rendue en Inde et au Bangladesh et avoir l'intention de se rendre dans un proche avenir en Azerbaïdjan et en Afrique du Sud, à l'invitation des autorités de ces deux pays.

Lors de sa mission aux Îles Salomon, la Rapporteuse spéciale a constaté les efforts consentis par les autorités pour répondre à la persistance de la pauvreté et du sous-développement dans le pays. Malgré les efforts positifs, il reste un certain nombre de défis à relever. En particulier, il existe trop peu de moyens de recours pour les femmes victimes de violence. C'est pourquoi une législation spécifique sur la violence contre les femmes est nécessaire. Différents obstacles structurels s'opposent à l'accès des femmes à la justice, a noté l'experte, comme la centralisation du système judiciaire. Le cadre institutionnel de protection des droits des femmes doit être renforcé, a-t-elle estimé.

En Papouasie-Nouvelle-Guinée, Mme Manjoo a relevé que la croissance économique liée aux industries extractives ne s'est pas traduite en bénéfices tangibles pour l'ensemble de la population. Les inégalités structurelles et la discrimination continuent de frapper les femmes de manière disproportionnée. Il existe des lacunes significatives dans la législation, qui ne contient pas de définition spécifique de la discrimination ou de disposition qui l'interdise, en particulier lorsqu'elle est fondée sur le sexe. La Rapporteuse spéciale recommande aux autorités de prendre d'urgence des mesures législatives et institutionnelles pour protéger les femmes contre toutes les formes de violence.

Concernant la Bosnie-Herzégovine, la Rapporteuse spéciale a noté les efforts des autorités, qui ont adopté une législation reconnaissant l'obligation de l'État de fournir des mesures de prévention, de protection, d'aide et d'indemnisation. Cependant, les résultats sont mitigés en l'absence d'une autorité centrale qui aurait compétence pour garantir la mise en œuvre de ces initiatives. Il en résulte des recours peu efficaces pour les femmes victimes de violence. L'experte a aussi évoqué la question des crimes de guerre, qui n'est pas suffisamment prise en compte au niveau national. De nombreux coupables de violations bénéficient d'impunité et les victimes doivent parfois côtoyer leurs agresseurs quotidiennement. Mme Manjoo a appelé les autorités bosniaques à reconnaître l'existence des victimes de violences sexuelles et à leur fournir des voies de recours adéquates.

Enfin, la Rapporteuse spéciale a fait état de sa visite en Croatie, qui a pris de nombreuses mesures dans le domaine de la lutte contre la violence à l'égard des femmes, en prévision de son accession à l'Union européenne. Néanmoins, de nombreuses lacunes demeurent. En particulier, les victimes n'ont pas droit à une aide juridique et psychologique, ainsi qu'aux soins appropriés. Il faut reconnaître le droit des femmes à accéder à une justice effective.

En conclusion, Mme Manjoo a annoncé que son prochain rapport à l'Assemblée générale porterait sur la violence contre les femmes handicapées. Elle a fait état des communications reçues, se disant préoccupée du faible taux de réponse, qui est de 23%. Certaines allégations révèlent des schémas de violence fondés sur l'inégalité et la discrimination à l'égard des femmes. La procédure de communication de ce mandat est très importante, en tant qu'outil à la disposition des victimes et pour engager les États dans un dialogue constructif.

Le rapport sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences met l'accent, cette année, sur la responsabilité de l'État d'éliminer la violence contre les femmes (document A/HRC/23/49 à paraître en français). Des additifs au rapport rendent compte des résultats des missions effectuées par la Rapporteuse spéciale aux Îles Salomon (A/HRC/23/49/Add.1), en Papouasie-Nouvelle-Guinée (A/HRC/23/49/Add.2), en Bosnie-Herzégovine (A/HRC/23/49/Add.3 - version préliminaire en anglais) et en Croatie (A/HRC/23/49/Add.4 - version préliminaire en anglais), ainsi qu'un rapport sur les consultations qu'il a menées (A/HRC/23/49/Add.5 - version préliminaire en anglais).

Le Conseil est également saisi, dans ce cadre, du rapport de l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes sur les activités du Fonds d'affectation spéciale des Nations Unies à l'appui de la lutte contre la violence à l'égard des femmes (A/HRC/23/17) et d'un rapport du Haut-Commissariat sur la question (A/HRC/23/25).

Pays concernés

La Bosnie-Herzégovine a annoncé que sa délégation présenterait en juillet prochain son quatrième et cinquième rapport combiné sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes devant le Comité chargé de cette question. Le pays a signé par ailleurs la Convention du Conseil de l'Europe sur la violence contre les femmes et contre la violence domestique, lors d'une cérémonie qui a eu lieu le 8 mars dernier. Cet instrument devrait être ratifié afin d'harmoniser toute la législation pertinente avec les normes du Conseil de l'Europe. La Rapporteuse spéciale a pu se rendre compte, a ajouté la délégation, que la Bosnie-Herzégovine disposait d'un très bon cadre juridique garantissant les droits des femmes.

La Croatie condamne toute forme de violence à l'égard des femmes et applique une politique de tolérance zéro en matière de violence domestique. Cette forme de violence n'est plus considérée comme un délit, mais comme un crime. L'assistance aux victimes est également une priorité, ainsi que la formation des juges et policiers chargés de ces affaires. Dans ce contexte, les recommandations de Mme Manjoo seront pris en compte par les autorités croates, a conclu la délégation.

Les Îles Salomon ont expliqué qu'un rapport plus détaillé de la réponse du Gouvernement sera prochainement adressé à Mme Manjoo. Pour l'instant, les Îles Salomon prennent note de ses recommandations mais soulignent qu'en tant que petit État insulaire en développement, lutter contre la violence faite aux femmes est un défi important. Dans ce contexte, le pays lance un appel à la communauté internationale et aux organismes de l'ONU pour qu'ils l'aident à mettre en œuvre ces recommandations.

Débat interactif

Le Canada a souligné que l'État doit jouer un rôle clé dans la prévention de la violence à l'égard des femmes et a demandé à la Rapporteuse spéciale de rendre compte des meilleures pratiques dans ce domaine. La Slovénie a également demandé à la Rapporteuse spéciale de donner des exemples de bonnes pratiques en matière de sensibilisation et de formation des professionnels concernés par l'élimination et la prévention de la violence, notamment dans l'application de jugements contre des auteurs de violence contre des femmes. L'Éthiopie a souligné, avec la Rapporteuse spéciale, l'obligation des États et des institutions internationales en matière de protection des femmes contre la violence. L'Allemagne a demandé à la Rapporteuse spéciale comment inclure les hommes et les garçons aux efforts de sensibilisation.

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, estime que la violence à l'égard des femmes doit faire l'objet d'une démarche globale plutôt que d'être abordée comme un phénomène exclusif ou isolé.

Les États-Unis ont adopté une loi spécifique dont le Ministère de la justice assure la mise en œuvre. De 1993 à 2007, on a constaté une baisse de 35% des meurtres de femmes par leur conjoint aux États-Unis. En 2011, a été adopté un Plan national d'action sur les femmes, la paix et la sécurité. Une stratégie de prévention contre la violence a été adoptée l'an dernier envers les femmes. Il s'agit par ailleurs d'un des piliers de la politique étrangère américaine.

L'Union européenne regrette que la violence envers les femmes ne soit pas toujours considérée comme des atteintes aux droits de l'homme dans certains pays. La Nouvelle-Zélande a salué la visite du Rapporteur spécial dans deux pays de la région pacifique, trop souvent oubliée par les Rapporteurs spéciaux. Ces deux pays font face à de grands défis politiques et sociaux, ils doivent poursuivre la prise de mesures pour traiter le problème de la violence structurelle contre les femmes. L'Espagne a estimé qu'en raison des lacunes structurelles des pouvoirs judiciaires et des stéréotypes négatifs, les responsables de violences contre les femmes restent souvent impunis. Tous les secteurs de la société doivent participer à la lutte contre l'impunité, a souligné la délégation. La Finlande et la Norvège ont relevé que la violence contre les femmes restait un problème international exigeant une action de la part de tous les États.

L'Autriche, qui participe activement à la promotion des droits des femmes, a rappelé que la Déclaration et le programme d'action de Vienne avait affirmé l'universalité des droits des femmes, ouvrant la porte à une action majeur permettant d'intégrer une perspective de genre dans toutes les politiques relatives aux droits de l'homme. Pour l'Égypte, cette conférence a en effet constitué un tournant qui inspire ses politiques dans le domaine. L'Égypte estime par ailleurs que les États doivent renforcer leur partenariat avec les institutions nationales des droits de l'homme et la société civile afin d'améliorer la recherche de solutions et de lancer des campagnes de sensibilisation disposant de suffisamment de moyens. Cela peut contribuer à l'identification des origines des phénomènes de violence. Cuba a demandé à la Rapporteuse spéciale ce qui pourrait être fait en collaboration avec la société civile pour lutter contre les violences faites aux femmes.

Le Gabon, au nom du Groupe africain, a réaffirmé les engagements importants pris par les États du continent en faveur de la ratification de normes internationales et de cadres régionaux visant à mettre fin aux violences contre les femmes. Le Brésil, au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes, a réitéré la nécessité d'adopter des mesures concrètes et globales pour prévenir et éradiquer la violence contre les femmes. Il se félicite que l'Organisation mondiale de la santé soit sur le point d'aborder cette question. La responsabilité des États doit également être soulignée, a-t-il ajouté. Il a rappelé que la Convention de Belém do Pará (Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme), instrument international particulièrement novateur, célèbre son vingtième anniversaire en 2014.

La Malaisie accueillera le Sommet mondial sur les femmes, du 6 au 8 juin prochain à Kuala-Lumpur.

Plusieurs délégations ont mis l'accent sur les mesures prises sur le plan national dans ce domaine. Ainsi, la Tunisie fait tout son possible pour lutter contre la violence faite aux femmes et poursuivra sa collaboration avec toutes les parties prenantes. Elle a ouvert des centres d'accueil et une ligne téléphonique d'urgence à l'intention des femmes victimes de violence. La présidence des Maldives a créé, en septembre 2012, une Commission de la protection de la famille. Les Maldives se sont également dotées d'une loi sur la violence domestique. Les mesures prises par Singapour pour assurer la protection des femmes contre la violence sont couronnées de succès, puisque les taux de victimisation et de violence sexuelle tout au long de la vie y atteignent désormais 9,2 % et 4,2 %, respectivement, soient les taux les plus faibles jamais enregistrés et les meilleurs d'entre tous les États sondés. La Roumanie a adopté, en 2012, le concept juridique d'«ordre de protection» que peut prononcer un tribunal pour accorder une protection concrète et efficace aux victimes de la violence domestique.

La Sierra Leone a indiqué que plusieurs lois ont été promulguées pour lutter contre la violence faite aux femmes, notamment au sein des familles. De nombreuses mesures ont été prises pour lutter contre les discriminations traditionnelles et les violences sexuelles. La société civile a joué un rôle important pour la sensibilisation à ces lois. Pour la Chine, toute forme de violence conjugale doit être interdite. Dans cette perspective, la Cour suprême a publié un guide pour sensibiliser la population à la violence conjugale. Une directive a également été adoptée, afin de faire participer tous les ministères à la prévention de la violence. Une ligne téléphonique a également été mise en place pour les victimes de violence.

Le Népal a indiqué avoir ouvert une «unité de coordination de l'autonomisation des femmes» au niveau du Conseil des Ministres, de même que créé des Centres de services pour femmes et enfants dans chacun des 75 commissariats de police de district. La Belgique a élaboré un plan fédéral de lutte contre toutes les formes de violence pluriannuel impliquant l'État fédéral, les Communautés et les Régions, en coopération avec la société civile. Le nouveau gouvernement du Premier Ministre Abe, du Japon, accorde quant à lui une place centrale aux femmes, a indiqué la délégation. Des programmes de formation et de sensibilisation aux besoins des femmes sont organisés. De nouvelles policières ont été recrutées, tandis que des mesures de protection sont prises en faveur des femmes victimes de violence.

Depuis l'adoption de sa nouvelle Constitution, les droits humains des femmes de la Bolivie ont été considérablement renforcés, a affirmé le représentant de ce pays. La Suède a présenté son arsenal législatif et institutionnel consacré à la protection et à la prévention de la violence faite aux femmes. En Argentine, le féminicide a été déclaré circonstance aggravante en matière pénale. Le Venezuela envisage d'adopter la même mesure. Depuis dix ans, l'État vénézuélien a mis en œuvre des politiques au plus haut niveau afin de garantir le plein exercice des droits des femmes.

L'Arabie saoudite lutte contre la violence à l'égard des femmes sur la base des préceptes de la charia, qui condamne toutes les injustices contre les femmes. L'Arabie saoudite s'est dotée des moyens juridiques et matériels pour lutter contre ce problème. Le Maroc s'est pourvu d'une stratégie nationale de lutte contre la violence à l'égard des femmes, en 2002, accompagnée d'un plan de mise en œuvre, en 2004. Les mesures comprennent en particulier la levée du secret professionnel des médecins pour dénoncer des actes de violence contre les femmes. L'application de la stratégie bénéficie de la contribution de la sphère religieuse.

La Syrie a déclaré avoir ouvert des centres d'accueil des femmes victimes de la violence et mené des campagnes de sensibilisation de la population. Malheureusement, les violences terroristes qui frappent aujourd'hui la Syrie n'épargnent pas les femmes, qui sont victimes de viols et de mariages forcés dans le cadre d'un «djihad sexuel» commis par des extrémistes religieux financés par l'étranger.

L'Australie a indiqué qu'un plan national de lutte contre la violence contre les femmes est à l'œuvre, fondé sur la vision selon laquelle les femmes australiennes doivent vivre en sécurité. Pour Djibouti, la violence contre les femmes est un obstacle à la démocratie et à la paix. Un plan d'action national ambitieux est en cours d'application pour la période 2011-2021, a annoncé la délégation.

Pour la Thaïlande, l'élimination de la violence à l'égard des femmes passe par le renforcement des capacités des femmes. Pour ce faire, il faut favoriser la scolarisation des filles et dispenser des enseignements aux droits de l'homme, de telle sorte que les femmes soient informées et prêtes à défendre leurs droits. Il importe, de plus, de poursuivre les auteurs des violences et d'organiser le soutien aux victimes. Le Paraguay a insisté sur la nécessaire sensibilisation de la société à l'importance de la répression de la violence contre les femmes et à la lutte contre l'impunité. Le Paraguay est favorable à la mise en place d'un cadre pour discuter de la responsabilité des États à ces deux égards. La Pologne a demandé à la Rapporteuse spéciale de préciser quelle forme pourrait prendre ce cadre.

La Colombie estime qu'il est nécessaire de changer les coutumes et les comportements dans les sociétés pour garantir l'égalité des droits entre les hommes et les femmes. La Serbie déploré que la violence contre les femmes n'épargne aucun pays, quel que soit leur niveau de développement. Le Liban a jugé intolérable que l'impunité soit devenue la règle plutôt que l'exception dans un certain nombre de pays. Le Royaume-Uni a recommandé de lutter contre la violence sexuelle dans les situations de guerre par des campagnes politiques de haut niveau soutenues par des mesures concrètes. L'Inde a souligné la nécessité de lutter contre la violence faite aux femmes quels que soient les prétextes invoqués en matière de tradition ou de coutumes. L'ex-République yougoslave de Macédoine a souligné que les États ont l'obligation de lutter contre l'impunité des responsables de violence contre les femmes.

Le Danemark a demandé à la Rapporteuse spéciale d'en dire plus sur la question de savoir comment une éducation globale à la sexualité pourrait être incorporée dans les programmes d'éducation en tant que moyen de combattre la violence contre les femmes et les filles.

À l'instar d'autres délégations, la France et Sri Lanka ont soutenu qu'il revient à l'État de faire preuve de toute la diligence raisonnable dans leurs efforts pour faire respecter les droits des femmes, notamment au regard de la protection des femmes contre la violence. L'Indonésie et le Népal ont demandé à Mme Manjoo quel pourrait être le rôle des institutions et mécanismes régionaux de droits de l'homme pour aider les États à assumer leur diligence raisonnable en matière d'élimination de la violence à l'égard des femmes. L'Algérie a observé que l'application de ce concept pour l'évaluation des obligations d'un État appelle un examen minutieux et une analyse plus approfondie. Les Philippines ont remercié la Rapporteuse spéciale d'avoir expliqué la relation entre diligence requise au plan individuel et diligence systémique.

Les violences contre les femmes se généralisent dans le monde, selon l'Organisation internationale de la Francophonie. Au Mali, en République démocratique du Congo et en République centrafricaine, les femmes sont ainsi les premières victimes des conflits.

Organisations non gouvernementales

COC Netherlands a dénoncé le bâillonnement de la société civile en Algérie et en Égypte: dans ces deux pays, le refus d'inscription d'une organisation non gouvernementale peut être décidé par des motifs liés à la religion et à l'orientation sexuelle. L'Institut du Caire pour les études sur les droits de l’homme a déclaré que les lois répressives contre les journalistes, les femmes et les défenseurs des droits de l'homme instaurées par le régime d'Hosni Moubarak sont encore appliquées en Égypte. La Société pour les peuples menacés a regretté que la Chine surveille et réprime les journalistes qui diffusent des informations sur les violences dont sont victimes les cultures minoritaires. Le Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement a déploré que de nombreux pays d'Asie, notamment la Malaisie, le Pakistan et l'Indonésie, exercent une surveillance spécifique sur les défenseurs des droits de l'homme. Pour Freedom House, les conséquences de la surveillance des communications sont particulièrement graves en Chine et Iran: des militants y sont emprisonnés, ou pire, au seul motif d'avoir critiqué le gouvernement, a déclaré la représentante.

Le Centre européen pour le droit, la justice et les droits de l'homme a dénoncé les lois sur le blasphème ainsi que les sanctions qui planent sur les personnes convaincues d'apostasie. Ces lois sont contre-productives et bafouent le droit à la liberté de croyance ou de conviction, ainsi que le droit à la liberté d'expression. L'Aliran Kesedaran Negara National Consciousness Movement a alerté le Conseil sur la répression et le contrôle exercés par la Malaisie sur la société civile, les défenseurs des droits de l'homme et l'opposition. Enfin, France Libertés - Fondation Danielle Mitterrand (au nom également du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) a déclaré que 29 publications étrangères sont interdites au Sahara occidental, un territoire où nombre de journalistes sont également persécutés.

Conclusion

MME MANJOO s'est dite encouragée par les commentaires positifs sur son rapport qui démontrent une ouverture d'esprit face aux violences contre les femmes, l'une des formes de violence les plus répandues. La lutte contre la violence envers les femmes et les jeunes filles «n'est pas négociable», alors même que l'impunité dans ce domaine prévaut encore trop souvent. Quant à la violence dans les situations de conflit, elle n'est pas un phénomène nouveau. Il faut créer un environnement qui permette de traduire les auteurs de violences devant les tribunaux. L'éducation aux droits de l'homme est indispensable. Les droits des femmes sont encore fragiles, a constaté Mme Manjoo. La Rapporteuse spéciale s'est demandée pour quelle raison certaines normes internationales étaient actuellement mises en cause, alors qu'elles semblaient admises, entérinées depuis de nombreuses années. Une réflexion sur les normes est la meilleure façon d'avancer, notamment en ce qui concerne la diligence raisonnable. Pour approfondir cette question, il faut des ressources dont son mandat ne bénéficie pas, a averti Mme Manjoo.


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HRC13/067F