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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT INITIAL DU TOGO

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, le rapport initial présenté par le Togo en application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

La Ministre des droits de l'homme, de la consolidation de la démocratie et de la formation civique du Togo, Mme Léonardina Rita Doris Wilson de Souza, a notamment indiqué que des textes visant le renforcement du cadre juridique des droits garantis par le Pacte ont été adoptés, parmi lesquels des lois sur les services publics d'eau potable et d'assainissement sur l'assurance maladie et la sécurité sociale, sur le statut de la fonction publique. La Ministre a aussi attiré l'attention sur plusieurs programmes sociaux tels le Programme d'appui à l'insertion et au développement de l'embauche, soulignant que plus de 33% de la population active est victime du chômage ou du sous-emploi. En matière d'éducation, malgré les efforts consentis par l'État pour rehausser le taux de scolarisation aux différents niveaux, l'effectivité du droit à l'éducation se heurte encore à certaines contraintes d'ordre socioculturel et financier et à l'insuffisance d'infrastructures et de personnel enseignant qualifié, a reconnu la ministre. Elle a par ailleurs fait valoir que le Code des personnes et de la famille reconnaît aussi bien à l'homme qu'à la femme le droit d'hériter à part égale de terres.

La délégation togolaise était également composée du Ministre du travail, de l'emploi et de la protection sociale, M. Yacoubou Koumadjo Hamadou et du Ministre des arts et de la culture, M. Fiatowo Kwadjo Sessenou, ainsi que de la Représentante permanente du Togo auprès des Nations Unies à Genève, Mme Nakpa Polo et du Procureur général près la Cour d'appel de Lomé, M. Garba Gnambi Kodjo, accompagnés de plusieurs membres de la Commission interministérielle de rédaction des rapports initiaux et périodiques. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la lutte contre la corruption; de la collecte de statistiques; des questions de nationalité; de la situation des femmes; des questions de salaires et d'emploi; de l'inspection du travail dans les zones franches; du droit de grève; de la propriété de la terre; des activités d'exploitation minière; de la situation du logement; de la lutte contre le travail et la traite des enfants; des questions de santé et d'éducation; de la coexistence des divers groupes ethniques; ou encore des droits culturels.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Togo, M. Clément Atangana, a relevé que l'État togolais avait fait beaucoup d'efforts dans nombre de domaines, notamment sur le plan législatif. Mais il reste de nombreux domaines de préoccupation, notamment l'absence de jurisprudence sur l'application du Pacte, l'importance des phénomènes de corruption, l'impact des activités d'exploitation des ressources naturelles sur les populations concernées, l'instabilité des allocations sociales, la discrimination à l'encontre des femmes, l'importance du chômage des jeunes, les mauvaises conditions de travail, le travail des enfants, la situation précaire des veuves, la situation de pauvreté dans laquelle se trouve la grande majorité de la population, la prévalence du VIH/sida, l'incidence de la malnutrition, le problème de la sécurité foncière. Le dialogue franc et utile entre les membres du Comité et ceux de la délégation togolaise ont néanmoins permis de constater à la fois un manque d'informations sur la jurisprudence concernant la justiciabilité du Pacte et un manque de statistiques sur la réalité économique et sociale du pays.

Le Comité présentera des observations finales sur le rapport du Togo au début de la semaine suivant la fin de la session, qui se termine le vendredi 17 mai prochain.


Le Comité examinera demain, à partir de 10 heures, le rapport périodique du Rwanda (E/C.12/RWA/2-4).


Présentation du rapport

Présentant le rapport initial du Togo (E/C.12/TGO/1), MME Léonardina Rita Doris Wilson de Souza, Ministre des droits de l'homme, de la consolidation de la démocratie et de la formation civique du Togo, a indiqué que son pays avait ratifié le Pacte en 1984 et que le rapport initial du Togo devait donc être présenté en 1986; cependant, en raison de difficultés liées à la collecte de données, il a été finalement élaboré avec une approche participative et soumis en janvier 2010.

Après la soumission du rapport initial sur la mise en œuvre du Pacte en janvier 2010, des progrès ont été réalisés, a ajouté la Ministre. Au plan législatif, des textes visant le renforcement du cadre juridique des droits garantis par le Pacte ont été adoptés, parmi lesquels la loi portant code de l'eau, la loi portant organisation des services publics de l'eau potable et de l'assainissement collectif des eaux usées domestiques, la loi relative à l'assurance maladie, la loi portant code de sécurité sociale, la loi portant statut de zone franche, la loi portant code des personnes et de la famille, ou encore la loi portant statut général de la fonction publique.

En vue de la mise en œuvre des droits garantis par le Pacte, le Gouvernement a notamment élaboré la stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi (SCAPE), a aussi indiqué la Ministre, qui a fait valoir que 2300 enseignants auxiliaires, 486 surveillants d'établissements pénitentiaires et 67 magistrats ont été recrutés depuis 2010, à quoi s'ajoutent des recrutements réguliers au profit d'autres branches de l'administration, principalement au sein des forces de défense et de sécurité, a ajouté Mme Wilson de Souza. Par ailleurs, des programmes sociaux comme le Programme d'appui à l'insertion et au développement de l'embauche (AIDE) et le Programme de volontariat national (PROVONAT) – lancés en septembre 2011 – ont permis à 5780 primo-demandeurs d'emploi de 18 à 40 ans de bénéficier de stages dans des structures de production privées et parapubliques durant six mois renouvelables une fois.

En outre, le Gouvernement, conscient du fait que la promotion de l'emploi passe par l'entrepreneuriat, a mis sur pied depuis 2011 le Projet d'appui aux jeunes artisans et le Programme d'entrepreneuriat jeunesse qui sont adossés au Fonds d'insertion pour les jeunes (FIJ) et au Fonds d'appui à l'insertion et à l'entrepreneuriat des jeunes (FAIEJ). Ces différents projets forment chaque année 300 jeunes aux techniques de l'entrepreneuriat, a indiqué la Ministre, précisant qu'il leur est alloué un capital de 197 millions de francs CFA pour le financement de microprojets allant de 750 000 à 2 800 000 francs CFA sur la période 2011-2012. Mme Wilson de Souza a rappelé que plus de 33% de la population active est victime soit du chômage (6,1%), soit du sous-emploi (27,3%).

En matière de sécurité sociale, le Togo a adhéré aux conventions n°102, 121, 128, 130 et 168 de l'Organisation internationale du travail (OIT) et, pour mettre en phase la législation interne avec les dispositions des différentes conventions auxquelles le Togo est partie, la loi portant code de la sécurité sociale a été adoptée, introduisant plusieurs innovations: la liste des maladies professionnelles est passée de 29 à 46; l'instauration d'un régime d'assurance maladie est rendue obligatoire pour les agents publics et assimilés en voie vers l'assurance maladie universelle; le mariage civil n'est plus exigé pour bénéficier des allocations familiales.

Sur le plan de la santé, a poursuivi la Ministre, une subvention de l'État a permis la prise en charge de la césarienne à 90%. En outre, entre mai 2011 et avril 2013, 236 femmes victimes de fistules obstétricales ont été assistées. En février 2012, le Togo a été certifié par l'Organisation mondiale de la santé comme pays ayant éradiqué le ver de Guinée. Courant 2012, la politique nationale de la santé a été approuvée. Concernant l'eau potable et l'assainissement, plus de 2500 ouvrages d'approvisionnement en eau potable ont été réalisés entre 2007 et 2012, portant ainsi le taux de desserte de 30 à 47,3%; entre 2010 et 2011, plus de 1500 pompes à motricité humaine ont été réalisées au profit des zones rurales. Le pourcentage des populations rurales disposant de latrines est passé de 10% à 11,7% de 2000 à 2010.

En matière de sécurité alimentaire, le Gouvernement a lancé en février 2012 le programme national d'investissement agricole et de sécurité alimentaire (PNIASA) d'un coût total de 600 milliards de francs CFA pour une période de cinq ans, a d'autre part fait valoir Mme Wilson de Souza. Ce programme vise l'accroissement du revenu des exploitants agricoles et l'amélioration des conditions de vie des populations rurales vulnérables. La campagne agricole de l'exercice 2012 a enregistré des excédents céréaliers de 107 439 tonnes; le Togo en revend une partie au Programme alimentaire mondial qui les distribue ensuite aux pays qui en manifestent le besoin.

Le secteur éducatif représente 13,6% des dépenses de l'État, a ensuite indiqué la Ministre. La mise en œuvre du plan sectoriel de l'éducation (2010-2020) a permis au Projet éducation et renforcement institutionnel (PERI) de mener un certain nombre d'actions. Ainsi, depuis la rentrée scolaire 2012-2013, trois millions de manuels scolaires en lecture et en calcul ont-ils été mis à disposition des 4358 écoles primaires publiques, dont les trois quarts avaient bénéficié d'une subvention de 800 millions de francs CFA lors de la rentrée scolaire 2011-2012 et d'un milliard de francs CFA pour la rentrée 2012-2013. Avec le projet «Éducation pour tous», financé par l'Agence française de développement, deux écoles normales d'instituteurs ont été construites à Dapaong et à Tabligbo, à l'intérieur du pays. Deux lycées scientifiques ont également été créés. Au total, le taux net actuel de scolarisation est de 82,2% pour les filles et de 85,5% pour les garçons, soit un taux moyen de 83,9% avec une moyenne nationale de 60 élèves par classe au cours primaire. Quant au cours secondaire, les taux bruts de scolarisation sont respectivement de 53,6% pour les filles et 76% pour les garçons, soit un taux moyen de 62,2%. On peut dire également que 53,2% des jeunes de plus de 15 ans savent lire et écrire, a insisté la Ministre. Malgré les efforts consentis par l'État pour rehausser le taux de scolarisation aux différents niveaux, l'effectivité du droit à l'éducation se heurte encore à certaines contraintes d'ordre socioculturel, financier et d'insuffisance d'infrastructures et de personnel enseignant qualifié, a reconnu Mme Wilson de Souza.

En décembre 2012, a fait valoir la Ministre togolaise, le chef de l'État a annoncé l'introduction du principe de parité aux postes électifs et de responsabilité. Elle a souligné que le Togo avait ratifié en 2011 la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et son protocole. En matière successorale, le Code des personnes et de la famille reconnaît aussi bien à l'homme qu'à la femme le droit d'hériter à part égale de terres. Face aux pesanteurs socioculturelles, des campagnes de sensibilisation sont organisées pour faire évoluer les mentalités et les comportements.

Mme Wilson de Souza a aussi indiqué que la stratégie nationale de promotion et de protection des personnes handicapées a été validée en mars 2013, assortie d'un plan opérationnel 2013-2015.

La situation du logement au Togo se caractérise par un régime foncier inadapté, a reconnu la Ministre. Dès lors, le Gouvernement procède actuellement à la révision des schémas directeurs des principales villes du pays et des avant-projets de loi portant code foncier, code de l'urbanisme, de la construction et de la promotion immobilière, sont en cours d'élaboration.

Le Gouvernement togolais est conscient des efforts supplémentaires à déployer pour parvenir à l'effectivité des droits économiques, sociaux et culturels, a souligné Mme Wilson de Souza. Pour cela, il a opté pour l'approche basée sur les droits de l'homme en vue du développement du pays et de l'épanouissement des populations, a-t-elle fait valoir. Aussi, a-t-elle assuré le Comité de la détermination du Gouvernement à mettre en œuvre les recommandations qui seront issues du présent examen.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. Clément Atangana, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Togo, a salué la composition de très haut niveau de la délégation. Il a rappelé que le Comité avait examiné en 2001 la situation au Togo en l'absence de rapport initial, attendu depuis 1986.

L'exploitation des informations disponibles laisse apparaître que l'État togolais a fait beaucoup d'efforts dans nombre de domaines, notamment dans le domaine législatif, a souligné le rapporteur. Le Togo a procédé à la ratification d'un certain nombre d'instruments internationaux, s'est-il réjoui. À côté de ces points positifs, subsistent néanmoins beaucoup de domaines de préoccupation, M. Atangana citant notamment l'absence de jurisprudence sur l'application du Pacte, laquelle amène à s'interroger sur sa place dans l'ordre juridique interne. Le rapporteur a également évoqué le problème de la corruption; l'impact des activités d'exploitation des ressources naturelles sur les populations riveraines; l'instabilité des allocations budgétaires dans les secteurs sociaux; les dissensions ethniques; la situation des personnes handicapées; la discrimination à l'encontre des femmes; le chômage, qui frappe surtout les jeunes; les conditions de travail peu favorables, notamment pour les fonctionnaires dont la grille de salaires reste inchangée depuis 40 ans; le travail des enfants au niveau familial; l'état civil; la situation précaire des personnes âgées, notamment des veuves; les problèmes de pauvreté, de niveau de vie et de pouvoir d'achat; l'incidence du VIH/sida; la malnutrition; ou encore le problème de la sécurité foncière, alors que le droit foncier n'est pas maîtrisé par l'État mais reste l'apanage de particuliers. M. Atangana a également soulevé la question de la promotion des langues autochtones, qui ne sont pas encore enseignées à l'école.


Un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur la délivrance d'actes de naissance pour les enfants apatrides et pour ceux nés de mère togolaise et de père étranger.

De toute évidence, il existe au Togo une discrimination de fait entre hommes et femmes, ainsi qu'entre le Nord et le Sud du pays, a souligné un autre expert. Le droit coutumier reste discriminatoire à l'égard des femmes, notamment pour ce qui a trait à l'accès à la terre (propriété foncière), a pour sa part souligné une experte. Une autre experte a relevé que le genre ne figure pas au nombre des motifs de discrimination prévus par la loi ou les projets de loi en cours. La législation togolaise autorise-t-elle l'adoption de mesures temporaires spéciales visant à garantir l'égalité de fait entre hommes et femmes, a-t-il été demandé?

Des inquiétudes ont en outre été exprimées au sujet de la dégradation de l'environnement et de la perte de terres agricoles dans un pays où le secteur rural est si important. Les compagnies d'exploitation minière semblent indifférentes à l'environnement ainsi qu'aux droits des populations locales, a déclaré un membre du Comité.

Une experte a demandé si le Togo avait l'intention de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte, entré en vigueur hier. Un autre membre du Comité a demandé si la délégation pouvait citer des exemples de la jurisprudence témoignant de la justiciabilité des droits protégés par le Pacte au Togo.

Une experte s'est inquiétée des mauvaises conditions de travail dans les zones franches spéciales. Des dispositions ont-elles été prises pour veiller à ce que ces zones tombent sous le coup des inspections de travail? Le droit de grève est-il autorisé dans tous les secteurs d'activité, a demandé une autre experte?


Un membre du Comité s'est inquiété de chiffres émanant du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat), selon lesquels 91% des habitants du Togo n'auraient pas de logement convenable, en raison notamment du manque d'installations sanitaires. L'expert s'est également inquiété de graves problèmes de méningite, de choléra et de diarrhée, les chiffres de la prévalence du VIH/sida étant également importants.

Un expert s'est enquis de la proportion de la population togolaise vivant actuellement sous le seuil de pauvreté. Une écrasante majorité des Togolais vivent dans des établissements humains informels dont ils peuvent être expulsés à tout moment, ne jouissant donc pas de la sécurité du logement, s'est en outre inquiété l'expert. Il a demandé quelle était la réglementation applicable aux expulsions forcées. Les expulsions forcées, c'est-à-dire les expulsions de personnes contre leur volonté, sont un problème important au Togo, a insisté un expert, évoquant en particulier le sort des propriétaires de terres agricoles confisquées à des fins d'exploitation minière.

Certaines informations font état d'un taux élevé d'abandons scolaires, lié en particulier à l'insuffisance du nombre d'écoles et d'enseignants, s'est inquiété un membre du Comité. Il a en outre souhaité en savoir davantage sur les écoles d'initiatives locales. Il a relevé que le Togo connaît d'importantes carences dans le domaine de l'enseignement et s'est demandé si le Togo était encore très éloigné de l'objectif d'universalisation de l'enseignement primaire.

Un expert s'est enquis de la composition ethnique de la population du Togo. Il a aussi voulu savoir si le pays comptait ratifier la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux?

D'autres questions ont porté notamment sur la pratique de la polygamie, l'âge minimum du mariage, la protection sociale des travailleurs domestiques, le droit du travail et le fonctionnement de l'Agence nationale pour l'emploi.

Réponses de la délégation

S'agissant de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne, la délégation a indiqué que certaines dispositions du Pacte, liées par exemple au droit du travail ou au droit de grève, peuvent être considérées comme faisant partie du droit interne, les tribunaux faisant en effet parfois référence aux dispositions pertinentes du Pacte s'agissant de ces questions. Une fois ratifié, tout instrument international tel que le Pacte a valeur constitutionnelle au Togo, a souligné la délégation.

Chaque ministère au Togo a nommé un point focal chargé des questions de droits de l'homme. Ces points focaux composent la Commission interministérielle de rédaction des rapports initiaux et périodiques, a par ailleurs fait valoir la délégation.

Il est vrai que le Togo connaît la corruption, notamment au sein de la justice, a admis la délégation, qui a toutefois assuré qu'il n'y avait pas impunité. Elle a attiré l'attention, à cet égard, sur les cas de deux magistrats qui ont été suspendus et d'un troisième qui a été radié du corps de la magistrature pour des faits de corruption.

En ce qui concerne les questions de nationalité, la délégation a souligné que le Code de la nationalité reconnaît désormais à la femme aussi bien qu'à l'homme le droit de transmettre sa nationalité à son enfant. Ainsi, une mère togolaise peut-elle aussi bien transmettre sa nationalité à son enfant qu'un père togolais, a insisté la délégation.

La délégation a reconnu que l'insécurité foncière était un problème au Togo, où la double vente de terrains, et même la triple vente sont courantes. Un code foncier est en cours d'élaboration qui devrait prendre en compte ce type de problèmes, a fait valoir la délégation. Pour l'instant, selon que l'on est dans le droit foncier coutumier ou moderne, les règles s'appliquent différemment; c'est pourquoi il est prévu d'uniformiser les pratiques dans ce domaine.

S'agissant de la situation des femmes, la délégation a présenté les différents axes de la politique adoptée par le Togo sur ces questions. Compte tenu du fait que la petite fille au Togo est victime de violences, y compris de placement dans des couvents vaudous, des médecins ont été formés pour la prise en charge de ces enfants victimes et un protocole national de prise en charge a même été élaboré. En 2012, une étude nationale a été conduite sur le phénomène du placement des enfants dans des couvents et autres phénomènes traditionnels néfastes et une action intense va être menée pour combattre ces phénomènes. Il n'est possible de conserver du droit coutumier que les seules dispositions qui ne rentrent pas en contradiction avec le droit positif, a ensuite souligné la délégation. Dans tous les cas, a-t-elle insisté, les faits discriminatoires sont prohibés et combattus.

Le code de la famille a prévu des dispositions contre la discrimination en matière de succession, a ensuite fait valoir la délégation. Elle a aussi souligné que l'autorisation que devait donner l'époux pour que son épouse puisse mener une activité lucrative a été levée et cette discrimination a donc été supprimée, a par ailleurs fait valoir la délégation.

La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur l'intensification de la campagne visant à mettre un terme à la polygamie qui, a-t-elle reconnu, est contraire au Pacte. «La coutume est comme une drogue; pour soigner la personne, il faut procéder par étapes», a expliqué la délégation, avant d'assurer que la société togolaise était en train d'évoluer et qu'avec le temps, la monogamie s'imposera d'elle-même.

Il n'y a pas de législation spécifique sur le viol conjugal au Togo, a indiqué la délégation, qui a souligné que le viol était considéré comme une infraction en vertu du Code pénal et poursuivi et réprimé comme tel, quel que soit le contexte dès qu'une plainte en ce sens est déposée.

Le Code des personnes révisé de 2012 et le Code de l'enfant de 2007 interdisent le mariage d'enfants; ces deux documents ont harmonisé l'âge légal du mariage à 18 ans pour les personnes des deux sexes, a indiqué la délégation. Le mariage forcé est également interdit, a-t-elle insisté.

Avant l'adoption de la loi de 1998 contre les mutilations génitales féminines, leur taux de prévalence était de 12% au Togo; il est aujourd'hui tombé à 2%.

La lutte contre le travail et la traite d'enfants suit son cours au Togo qui, il est vrai, est un pays de départ et de destination des enfants victimes de la traite, a indiqué la délégation. Le Code de l'enfant et la Loi de 2005 sur la traite des enfants répriment ce type de traite, ce qui permet aux magistrats d'engager des poursuites contre les auteurs de ce délit, a-t-elle précisé. Il n'en demeure pas moins que des efforts soutenus restent à faire, notamment pour une meilleure reconnaissance de ces pratiques, a-t-elle reconnu.

La délégation a ensuite souhaité lever toute équivoque selon laquelle la grille des salaires n'aurait pas changé au Togo depuis 40 ans; en effet, la valeur indiciaire est passée de 385 dans les années soixante à 1032 aujourd'hui, subissant au total 14 évolutions. Le salaire minimum a lui aussi évolué pour se fixer à 35 000 francs CFA aujourd'hui, a ajouté la délégation. Le salaire minimum relève d'un texte de loi qui oblige le Gouvernement à en assurer l'application, a ensuite souligné la délégation; aussi, après une première étape de sensibilisation, les autorités en sont passées au stade des sanctions contre les employeurs qui ne respecteraient pas ce salaire minimum.

En réponse à la question d'un expert, la délégation a assuré que l'Agence nationale pour l'emploi était opérationnelle depuis deux ans maintenant et il s'agit de l'une des agences les plus viables du pays.

Des inspecteurs du travail contrôlent le travail dans les zones franches, a par ailleurs souligné la délégation. Sur les 766 plaintes enregistrées dans ce contexte, il y a eu 560 procès verbaux de conciliation, c'est-à-dire que les deux parties sont convenues d'un règlement à l'amiable; pour les autres cas, le dossier a été renvoyé devant les tribunaux.

Il n'y a pas de restriction au droit de grève au Togo, sauf dans certains domaines sensibles, comme celui de la santé, où, afin d'assurer un service minimum, des fonctionnaires peuvent être réquisitionnés.

Le tribunal du travail de Lomé, le seul du pays pour l'heure, connaît des contentieux de travail survenant sur l'ensemble du territoire togolais, a indiqué la délégation. Il est prévu d'étendre cette juridiction aux tribunaux de grande instance qui vont siéger dans les chefs lieux de chaque région, a-t-elle précisé.

En ce qui concerne la lutte contre la pauvreté, la délégation a notamment rappelé que le Togo s'était doté en 2004 d'une politique nationale de l'emploi; la révision de cette politique a été récemment validée de manière à la rendre plus inclusive et à la mettre en adéquation avec les besoins du moment, a précisé la délégation.

Les logements qui devaient être construits entre 2009 et 2011 n'ont pu être réalisés pour des raisons budgétaires, mais ce projet de construction de logements est actuellement réactualisé, a poursuivi la délégation. Pour appliquer une politique de logement, il faut ouvrir des discussions préalables avec des propriétaires terriens et ensuite procéder aux constructions, a-t-elle rappelé. Cette politique de logement va donc se poursuivre, a insisté la délégation, précisant que la politique foncière est en cours de révision de manière à pouvoir fournir des logements à loyer modéré aux groupes vulnérables. La politique d'expropriation pour cause d'utilité publique exige que l'État indemnise les propriétaires dont les terres ont été récupérées, a ensuite souligné la délégation. Les déplacements de propriétaires terriens dont on prend les terres pour réaliser des travaux d'intérêt public (d'exploitation minière ou d'électricité, par exemple) ne constituent donc pas des expulsions forcées, a souligné la délégation.

Eu égard à la taille réduite du pays, il y a peu de zones d'exploitation minière au Togo, a souligné la délégation. Néanmoins, il est vrai qu'il y a eu certains problèmes de déplacements de population suite à des activités d'exploitation minière et qu'il est légitime que ces personnes cherchent à obtenir une contrepartie. Mais les ressources minières appartiennent à tout l'État et on ne saurait privilégier une zone minière particulière et sa population au détriment du reste de la population; il faut donc faire jouer le principe de solidarité, tout en veillant bien entendu à ce que les personnes déplacées dans les zones d'exploitation ne soient pas oubliées.

Par définition, une expulsion se fait toujours contre la volonté de la personne expulsée, a ensuite souligné la délégation. Au Togo, les expulsions ne peuvent s'appliquer qu'aux personnes qui n'arrivent pas à payer leur loyer ou lorsqu'il y a un problème pour établir la propriété du terrain visé. Sinon, dans le cas des déplacements de propriétaires terriens dont les terres sont saisies à des fins d'utilité publique, une indemnisation d'expropriation est leur est versée afin de leur permettre de se réinstaller ailleurs.

La délégation a ensuite attiré l'attention sur l'objectif du Gouvernement de rendre la protection sociale universelle au Togo. Il n'est pas question de promouvoir la rivalité entre des régimes d'assurance existants mais bien de faire en sorte que, grâce à leur complémentarité, ces régimes parviennent à assurer une couverture universelle.

En ce qui concerne les questions de santé, la délégation a notamment évoqué la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/sida en rappelant qu'en 2008, le Togo avait décidé de rendre gratuit le traitement par antirétroviraux. Il existe aujourd'hui quelque 115 centres de prise en charge répartis à travers tout le pays, a-t-elle précisé, insistant également sur les mesures préventives prises aux fins de la lutte contre le VIH/sida. Reconnaissant que la mortalité infantile est un problème de santé publique au Togo, la délégation a souligné que les vaccins sont gratuits pour les enfants de moins de cinq ans. L'accent est également mis sur la fourniture de moustiquaires imprégnées afin de prévenir le paludisme, a ajouté la délégation. Elle a ensuite insisté sur les mesures de promotion de l'hygiène prises dans le pays afin de lutter contre le choléra, qualifié de «maladie des mains sales». La méningite au Togo est une maladie qui sévit de manière endémique et cyclique, a par ailleurs rappelé la délégation.

S'agissant des questions d'éducation, la délégation a indiqué que le Togo compte actuellement 80 «écoles d'initiative locale», c'est-à-dire des écoles créées par les populations locales. Ces écoles seront supprimées dès la rentrée 2013, a indiqué la délégation, faisant part de la volonté des autorités d'améliorer la qualité de l'enseignement, qui n'était pas très bonne dans ces écoles.

Pour ce qui est des mesures prises pour lutter contre le redoublement scolaire, la délégation a expliqué qu'en vertu d'un arrêté, les six classes de l'enseignement primaire et secondaire sont organisées en cycles; il n'est désormais plus possible de connaître un redoublement dans un cycle, mais seulement de redoubler à la fin d'un cycle. En outre, la gratuité de l'enseignement permet de garder à l'école les enfants, en particulier les filles, a rappelé la délégation.

Pour ce qui est des droits culturels, la délégation a indiqué que depuis 2001, le Gouvernement togolais a pris davantage conscience de l'importance de la culture pour le développement d'un pays. À cet effet, une politique culturelle nationale a été adoptée le 30 mars 2011, avec pour objectif d'asseoir les bases du développement culturel et d'orienter le développement culturel et artistique vers d'autres secteurs de développement. La délégation a fait part des décisions prises aux fins de la modernisation des infrastructures culturelles du pays (salles de théâtre, salles de lecture…) et attiré l'attention sur les fortes sommes allouées aux subventions aux artistes.

Le Togo compte 45 ethnies, a indiqué la délégation, précisant que les groupes ethniques du Togo vivent en parfaite harmonie. Elle a reconnu que des difficultés ont surgi en 1990, lorsque des oppositions entre certaines ethnies ont été exploitées par certains groupes politiques qui ont voulu instrumentaliser les appartenances ethniques; mais aujourd'hui, ces problèmes de cohabitation ne se posent plus, notamment grâce aux travaux de la Commission Vérité et Réconciliation, au cours desquels tout le monde a prôné la réconciliation nationale, a indiqué la délégation. La délégation a aussi fait valoir qu'il y avait beaucoup de mariages interethniques au Togo. La prétendue opposition entre le nord et le sud du pays est un cliché véhiculé par des politiques qui ont cherché à récupérer certaines difficultés.

L'État togolais respecte le principe de l'auto-identification, a par la suite souligné la délégation. Chaque groupe s'identifie en fonction de certaines pratiques et de la langue, a-t-elle ajouté. Mais comme cela a été dit, en rapport notamment avec les mariages interethniques, il y a beaucoup d'interactions entre les différents groupes ethniques, a-t-elle insisté.

Pour choisir le lieu où construire leurs maisons, a poursuivi la délégation, les gens ne se soucient pas de l'appartenance religieuse ou ethnique des habitants du quartier. Dans un même quartier, à Lomé par exemple, on peut trouver aussi bien une mosquée qu'une église catholique ou protestante, a fait valoir la délégation. Il n'y a pas non plus de discrimination dans les écoles togolaises, a-t-elle ajouté.

Le Togo est sur la bonne voie pour ratifier la Convention n°169 de l'OIT mais il faudrait encore pouvoir lever l'équivoque sur la notion de population autochtone; en effet, au Togo, il ne s'agit pas de populations autochtones mais de propriétaires terriens, a expliqué la délégation.

Le problème des statistiques est le problème fondamental que rencontre le Togo, a admis la délégation. C'est en effet sur la base de statistiques que peuvent être corrigées les erreurs du passé en se projetant dans l'avenir.


Observations préliminaires

M. CLÉMENT atangana, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Togo, a remercié la délégation pour les informations qu'elle a fournies et qui ont permis d'entretenir un dialogue franc et utile dont il a résulté deux constats concernant deux constantes: d'une part, le manque d'informations sur la jurisprudence concernant la justiciabilité du Pacte et, d'autre part, le manque de statistiques. Le rapporteur a accueilli avec satisfaction l'assurance que le Togo a donnée quant à l'importance qu'il attache aux droits économiques, sociaux et culturels et dont témoigne d'ailleurs la qualité de la délégation.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

ESC13/009F