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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT TIENT UN DÉBAT SUR L'INTERDICTION DE LA PRODUCTION DE MATIÈRES FISSILES

Compte rendu de séance
La société civile s'exprime à l'occasion de la célébration de la Journée internationale de la femme

La Conférence du désarmement a tenu, ce matin, une séance plénière consacrée à la question de l'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire, l'un des thèmes principaux de son ordre du jour. Elle a également entendu une déclaration d'une organisation de la société civile, la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, dans le cadre de la célébration de la Journée internationale de la femme.

Pour de nombreuses délégations, l'adoption d'un traité sur l'arrêt de la production de matières fissiles, outre qu'elle constituerait le premier pas vers le désarmement nucléaire, contribuerait grandement à la non-prolifération nucléaire. C'est pourquoi elles ont préconisé l'ouverture rapide des négociations sur cet instrument. Il a été relevé à ce propos que la Conférence du désarmement avait déjà accompli un travail conceptuel et technique très avancé s'agissant de ce futur traité et que les obstacles à l'ouverture des négociations sont de nature uniquement politique. Les délégations ont généralement salué la décision de l'Assemblée générale de créer un groupe d'experts gouvernementaux chargés de formuler des recommandations sur les aspects susceptibles de contribuer à l'élaboration d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles. Elles ont espéré que le groupe d'experts donnera à la Conférence du désarmement l'élan nécessaire à une reprise de ses travaux de fond.

Au cours du débat, les délégations ont aussi souligné de profonds désaccords quant à la portée du traité, en particulier s'agissant de la question des stocks de matières fissiles. Une délégation a observé que les puissances détentrices de grands stocks d'armes nucléaires et de matières fissiles sont d'autant plus d'accord d'interdire la production future de matières fissiles qu'elles disposent déjà de quoi fabriquer de nouvelles armes. C'est pourquoi le champ d'application d'un traité devra porter aussi sur la réduction des stocks existants, à défaut de quoi une situation asymétrique persisterait. Certains ont au contraire estimé que traiter de la question des stocks au niveau multilatéral et lier cette question à une interdiction de la production de nouvelles matières fissiles complique la recherche du consensus relatif à l'ouverture des négociations. Plusieurs intervenants ont estimé que l'Agence internationale de l'énergie atomique pourrait jouer un rôle technique important dans la vérification de l'application du traité. Les délégations ont observé que, d'ici à l'adoption de l'instrument, les moratoires en matière de production de matières fissiles envoient des signaux clairs et constituent autant de mesures de confiance. Il est donc regrettable que tous les États n'aient pas déclaré de moratoires, et que la production de matières fissiles continue dans certains d'entre eux.

Ont fait des déclarations les délégations suivantes: Irlande (au nom de l'Union européenne), Brésil (au nom de la Coalition pour un nouveau programme), Espagne, Canada, États-Unis, Hongrie, Suisse, Italie, Allemagne, Australie, Japon, Pays-Bas, France, Kazakhstan, Royaume-Uni, Cuba, Irlande, République de Corée, Afrique du Sud, Myanmar, Finlande, Iran, Pakistan, République populaire démocratique de Corée, Turquie, Algérie et Inde.

Invitée à s'exprimer suite à la célébration de la Journée internationale de la femme, le 8 mars dernier, la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a déclaré que la dimension humanitaire a été au cœur des débats de la Conférence intergouvernementale sur «les conséquences humanitaires des armes nucléaires» à Oslo, la semaine dernière. L'approche humanitaire remet en cause la possession même d'armes nucléaires, incite au démantèlement des arsenaux existants et favorise les initiatives de non-prolifération: elle est donc dans l'intérêt de tous les pays. Plusieurs délégations se sont félicitées de l'intervention de la Ligue des femmes, estimant que la Conférence du désarmement doit être davantage à l'écoute de la société civile.

La Présidente de la Conférence du désarmement, Mme Sujata Mehta, de l'Inde, a fait le bilan de sa présidence de quatre semaines. Elle a observé qu'en dépit du mécontentement de nombreux membres du fait de l'incapacité de la Conférence à entamer ses travaux de fond, le sentiment domine que la Conférence du désarmement remplit une fonction unique. À chaque fois que la communauté internationale a su faire preuve de la volonté politique nécessaire, la Conférence a été en mesure de mener à bien les négociations sur ces instruments. Elle doit donc persévérer.


La prochaine séance plénière de la Conférence du désarmement se tiendra mardi 19 mars à 10 heures. Elle sera consacrée à un débat sur la question de la prévention de la course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique.


Déclaration de la société civile à l'occasion de la Journée internationale de la femme (8 mars)

La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a indiqué que, dans quelques jours, les États membres des Nations Unies se réuniront à New York pour adopter le premier Traité international sur le commerce des armes. Depuis 2006, la Ligue est engagée dans ce processus qui vise l'adoption d'un instrument permettant de prévenir le commerce d'armes dans la mesure où elles risqueraient d'être utilisées pour commettre des violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme ou compromettre la réalisation du développement social et économique. La Ligue milite en particulier pour l'ajout d'un critère relatif à la prévention du commerce d'armes risquant d'être utilisées pour commettre des violences sexistes. La Ligue relève à cet égard que le recours au viol, en tant que tactique de terreur de plus en plus courante lors de guerres et de situations de conflit, est souvent encouragé par la présence accrue d'armes. Ainsi, plus de 400 000 femmes âgées de 15 à 49 ans ont-elles été victimes de viol en République démocratique du Congo entre 2006 et 2007, soit quatre viols toutes les cinq minutes. Malgré cela, le commerce des armes vers ce pays n'a pas cessé.

La dimension humanitaire qui justifie la ratification d'un traité sur le commerce des armes a été aussi au cœur des débats de la Conférence intergouvernementale sur «les conséquences humanitaires des armes nucléaires» qui s'est tenue à Oslo, la semaine dernière. Les principales conclusions de cette conférence, résumées dans la déclaration de clôture du Ministre des affaires étrangères de la Norvège, sont qu'aucun État ou organisme international de secours humanitaire ne dispose des moyens de remédier aux effets d'une détonation nucléaire; que les armes nucléaires ont des effets dévastateurs prouvés à court et long termes; et que ses effets se feront nécessairement sentir au niveau régional et mondial, et non pas seulement national. L'approche humanitaire remet en cause la possession même d'armes nucléaires, incite au démantèlement des arsenaux existants et favorise les initiatives de non-prolifération. Elle est donc dans l'intérêt de tous les pays. C'est pourquoi la Ligue se félicite de la décision du Mexique d'organiser une conférence de suivi, pour approfondir la compréhension de la communauté internationale des effets de ces armes de terreur.

Débat sur la question d'un traité d'interdiction des matières fissiles

L'Irlande, au nom de l'Union européenne, a déclaré que l'ouverture rapide de négociations sur l'interdiction de la production de matières fissiles est l'un de ses objectifs prioritaires. Ce traité constituera une étape essentielle vers un monde plus sûr pour tous et exempt d'armes nucléaires, conformément aux objectifs du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Les intérêts nationaux, qui sont légitimes, ne doivent pas être considérés comme autant d'exigences préalables à l'ouverture des négociations, mais y être intégrés. L'Irlande estime qu'il possible d'adopter des mesures de confiance sans attendre les négociations formelles. C'est la raison pour laquelle elle appelle les États détenteurs de l'arme nucléaire à décréter un moratoire sur la production de matières fissiles à des fins d'armements nucléaires. L'Irlande estime enfin que la Conférence du désarmement, de par son mandat, joue un rôle fondamental dans la lutte contre la prolifération et pour le désarmement nucléaires. C'est pourquoi ses membres doivent tous se rallier au consensus sur son programme de travail.

Le Brésil, au nom des six autres pays membres de la Coalition pour un nouvel ordre du jour (Afrique du Sud Égypte, Irlande, Mexique, Nouvelle-Zélande et Suède), s'est dit prêt à appuyer toutes les initiatives pour doter la Conférence du désarmement d'un programme de travail. La Coalition promeut la mise en œuvre pleine et effective des obligations en matière de désarmement nucléaire. Elle estime que la seule garantie de non-utilisation des armes nucléaires est leur élimination totale. L'année 2013 sera déterminante pour la réalisation de l'objectif d'un monde exempt d'armes nucléaires: la création par l'Assemblée générale d'un groupe d'experts gouvernementaux chargés de formuler des recommandations sur les aspects susceptibles de contribuer à l'élaboration d'un traité, notamment, est une chance d'accélérer les progrès. La Coalition espère que tous les États tireront les enseignements de la Conférence sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires, organisée la semaine dernière par la Norvège. Le Brésil a relevé que la possession d'armes nucléaires ne renforce pas la sécurité internationale. La Coalition condamne fermement l'essai nucléaire réalisé par la République populaire démocratique de Corée en février dernier et appelle ce pays à respecter ses engagements internationaux et à placer ses installations nucléaires sous la surveillance de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Elle appelle, de même, tous les États à respecter leurs obligations au titre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Le Brésil a salué, enfin, la participation de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté aux travaux de la Conférence, participation qui reflète le rôle important que jouent les femmes dans le désarmement.

Pour l'Espagne, le «mandat Shannon» (CD/1299) et le modèle contenu dans le dernier programme adopté par consensus en 2009 (CD/1864) déterminent le cadre valable pour la négociation sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles. Vu les garanties apportées par ces deux documents, l'Espagne s'explique mal les réticences de certains pays à ouvrir la négociation. S'agissant de la définition des trois aspects fondamentaux du traité (définitions, portée, vérification), l'Espagne estime nécessaire d'abandonner les positions maximalistes dont la Conférence est souvent l'otage. Le traité devrait contenir les définitions de trois aspects essentiels: les matières fissiles, la production de ces matières et les installations de production. La définition des premières doit être suffisamment restreinte pour permettre une vérification efficace, et suffisamment souple pour permettre au traité de déployer ses effets dans le temps. L'Espagne estime que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), vu son expérience, pourrait se voir confier la charge de vérifier le respect du traité. Elle observe, enfin, que le refus d'adhérer de certains pays ne devra pas empêcher l'entrée en vigueur du traité.

Le Canada a déclaré que l'adoption du traité sur l'arrêt de la production de matières fissiles contribuerait grandement à la non-prolifération et au désarmement. C'est pourquoi le Canada préconise l'ouverture des négociations à titre urgent. Il a déjà fait de nombreuses propositions sur les éléments concrets qui figureraient dans ce traité. Le Canada regrette que la souplesse nécessaire fasse défaut qui permettrait d'ouvrir les négociations. Certaines divergences liées à la portée du traité pourraient être résolues par ces négociations. En l'espèce, il est regrettable que la règle du consensus soit utilisée pour conduire la Conférence du désarmement à l'impasse. En l'absence de progrès à la Conférence, la résolution de l'Assemblée générale portant création du groupe d'experts gouvernementaux chargés de formuler des recommandations sur les aspects susceptibles de contribuer à l'élaboration d'un traité ouvre des perspectives intéressantes: il sera l'occasion d'une discussion de fond, pouvant servir de référence aux négociations sur le traité.

Les États-Unis ont déclaré que la vision de leur Président est celle d'un monde exempt d'armes nucléaires. La délégation a noté que la Conférence du désarmement a déjà accompli un travail conceptuel et technique très avancé s'agissant d'un futur traité sur l'arrêt de la production de matières fissiles. Les obstacles à l'ouverture des négociations sont donc de nature uniquement politique, et non techniques. Les États-Unis ont estimé que la résolution canadienne présentée à l'Assemblée générale s'agissant du groupe de travail pourrait être fructueuse, c'est pourquoi ils l'ont appuyée: la création du groupe d'experts gouvernementaux devrait donner à la Conférence du désarmement l'élan nécessaire à une reprise de ses travaux de fond. L'impasse dans laquelle se trouve la Conférence du désarmement n'est pas une fatalité.

Les États-Unis soulignent qu'ils sont bel et bien parvenus, en coopération avec la Russie, à réduire leurs stocks de matières fissiles dans des proportions importantes depuis l'adoption du «mandat Shannon», il y a dix-huit ans: le débat à la Conférence du désarmement sur la portée d'un traité est donc largement dépassé. Les tentatives de traiter de la question des stocks au niveau multilatéral et de lier cette question à une interdiction de la production de nouvelles matières fissiles destinées aux armements ne fait que compliquer la recherche du consensus relatif à l'ouverture des négociations. Les États-Unis relèvent encore que les stocks de matières fissiles continueront de s'accumuler aussi longtemps que la production n'en sera pas interdite. Tous les États ne partagent pas le même point de vue, les États-Unis en sont conscients: c'est précisément la raison pour laquelle il faut ouvrir des négociations.

La Hongrie estime que le premier pas vers le désarmement nucléaire doit être la conclusion d'un traité interdisant la production de matières fissiles. La Hongrie a détaché un expert aux réunions techniques organisées sur cette question en 2011. L'ouverture des négociations doit faire partie intégrante de la réflexion sur le programme de travail. La décision de l'Assemblée générale de désigner un groupe d'experts gouvernementaux chargés de formuler des recommandations sur les aspects susceptibles de contribuer à l'élaboration d'un traité exprime, en partie, l'impatience de la communauté internationale devant les piétinements de la Conférence du désarmement.

La Suisse est convaincue que le régime global de non-prolifération nucléaire, composé à ce stade du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et du Traité sur l'interdiction complète des essais nucléaires, se trouverait considérablement renforcé par l'adoption d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles. En effet, les moratoires seraient transformés en obligations juridiques contraignantes et permanentes, tandis que les États qui possèdent l'arme nucléaire n'ayant pas déclaré de tels moratoires devraient cesser la production de matières fissiles à des fins militaires. Le traité devrait impérativement couvrir les stocks de matières fissiles existants. En effet, l'approche liée à la seule non-prolifération risquerait de ne pas bénéficier du soutien nécessaire. Un instrument couvrant la production future représenterait une étape très concrète du désarmement nucléaire. Le traité devrait prévoir la réduction et l'élimination des stocks existants de matières fissiles, les réserves actuelles de plutonium et uranium étant suffisantes pour fabriquer plusieurs dizaines de milliers d'ogives. La Suisse se félicite enfin de la réunion, en 2014 à Genève, du groupe d'experts gouvernementaux, dont la création ne remet pas en cause le plan d'action du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 2010.

L'Italie a déclaré que le traité d'interdiction de la production de matières fissiles est une priorité pour elle, étant donné son influence potentielle tant sur la non-prolifération que sur le désarmement nucléaire. La question primordiale des stocks doit être abordée dans le cadre des négociations, elle ne saurait constituer une condition préalable. Les négociations devraient porter sur cinq enjeux. Se pose d'abord la question des définitions. Elles devraient être très précises, pour faire du traité un instrument crédible et efficace, mais pas trop étendues, pour ne pas risquer de compliquer à l'extrême les procédures de vérification ni de limiter l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. La vérification du traité devrait faire l'objet de négociations avec l'apport technique de l'AIEA. Le traité devra aussi régler la question des matières fissiles utilisées comme combustibles pour des navires de guerre à propulsion nucléaire et des sites de production. Mais le véritable obstacle réside dans les stocks, comme l'ont montré les dernières sessions de la Conférence. Le traité doit-il se contenter d'interdire la production de matières fissiles ? Doit-il contenir des dispositions relatives aux stocks existants ? Si oui, quelles dispositions ? L'Italie observe que des opinions radicalement opposées ont été exprimées sur ces questions: or, les diplomates privilégient plutôt les demi-teintes. La réflexion sur ce problème devrait donner aux États membres des indications sur la solution à privilégier.

L'Allemagne a rappelé avoir condamné fermement, le 12 février dernier, l'essai nucléaire réalisé par la République populaire démocratique de Corée; elle a regretté que ce pays ait répondu par d'autres menaces aux résolutions du Conseil de sécurité la concernant. L'Allemagne attache une grande importance à un traité interdisant la production de matières fissiles, étape logique vers un monde exempt d'armes nucléaires. Elle regrette qu'il ait été impossible d'ouvrir des négociations sur cette question à la Conférence du désarmement. Le facteur clé reste la question du champ des négociations. Certains États détenteurs estiment que la discussion ne doit porter que sur la production des matières fissiles; d'autres estiment nécessaire de prendre en compte également la gestion des stocks de matières fissiles. Pour l'Allemagne, l'application du traité ne sera vérifiable ­– condition qui apparaît désormais sine qua non – que pour autant que la transparence soit faite sur la production antérieure de matières fissiles. La délégation s'est félicitée de l'intervention de la Ligue des femmes, estimant que la Conférence du désarmement doit rester à l'écoute de la société civile.

Pour l'Australie, la question des stocks de matières fissiles, pour légitime qu'elle soit, ne devrait pas constituer d'obstacle aux négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles. L'Australie est convaincue que le «mandat Shannon» définit clairement les paramètres du débat qui devra intervenir, pendant les négociations, autour de la portée du traité. D'ici à l'adoption de cet instrument, les moratoires en matière de production de matières fissiles envoient des signaux clairs et constituent autant de mesures de confiance. Il est donc regrettable que tous les États n'aient pas déclaré de moratoires, et que la production de matières fissiles continue dans certains d'entre eux. L'Australie appuiera les travaux du groupe d'experts gouvernementaux créé par l'Assemblée générale, qui seront utiles à la Conférence du désarmement.

Le Japon a précisé quels devraient être, selon lui, certains paramètres du traité. D'abord, les États devraient être tenus de fermer ou reconvertir leurs installations de production de matières fissiles; la «réversion» des installations à des fins militaires devrait aussi être interdite. Au sujet des stocks de matières fissiles, le Japon est d'avis que l'instrument devrait, à tout le moins, interdire les transferts à des pays tiers, leur diversion à des fins militaires et le réemploi, à des fins militaires, de stocks excédentaires. Les critères de vérification du traité devraient être la diminution de la quantité de matières fissiles produites depuis l'entrée en vigueur du traité; la fermeture des réacteurs ou installations de production; la garantie que les matières fissiles excédentaires ne seront pas réutilisées à des fins militaires; et le renoncement à utiliser, à des fins militaires, des matières fissiles destinées à d'autres utilisations.

Les Pays-Bas ont déclaré qu'étant donné l'absence de progrès à la Conférence du désarmement, ils sont satisfaits de la décision de l'Assemblée générale de créer un groupe d'experts gouvernementaux chargés de formuler des recommandations sur les aspects susceptibles de contribuer à l'élaboration d'un traité. Il faut espérer que le groupe d'experts gouvernementaux contribuera à l'ouverture de négociations sur le traité. Il pourra, pour ce faire, dégager un terrain d'entente sur la base des nombreux éléments d'accords obtenus à la Conférence du désarmement et en marge de ses travaux. Le groupe d'experts gouvernementaux pourrait formuler des recommandations sur la manière de surmonter les difficultés. Il faudrait alors de décider à quelle instance confier la suite des travaux.

La France a préconisé le commencement immédiat de la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles, qui constitue la prochaine étape logique et la clé d'une approche réaliste et concrète en matière de désarmement nucléaire. La France estime que la réflexion est mûre pour lancer la négociation. Depuis le rapport Shannon de 1995, la Conférence du désarmement dispose d'un mandat de référence pour cette négociation. Un grand nombre de questions font encore débat, qu'il reviendra à la négociation de régler. Au titre du champ d'application du traité se pose, par exemple, la question cruciale de la définition des matières fissiles: quel type d'uranium ou de plutonium doivent entrer dans le champ de cette définition ? La question de la vérification, qui a fait l'objet de nombreuses discussions, doit être abordée avec réalisme. La France a fait valoir son bilan et son expérience sans équivalents: elle a cessé la production de matières fissiles pour les armes nucléaires et démantelé ses installations de production. La France a soutenu la création du groupe d'experts gouvernementaux, qui sera chargé non pas de négocier le traité d'interdiction de la production de matières fissiles, mais de faire des recommandations sur les aspects susceptibles d'y contribuer. Le groupe d'experts permettra d'avancer tout en préservant la compétence de la Conférence du désarmement, qui a, seule, vocation à conduire cette négociation.

Le Kazakhstan a déclaré qu'en tant que fervent défenseur du désarmement et de la non-prolifération nucléaires, il participera aux travaux du groupe d'experts gouvernementaux. Par son renoncement au statut nucléaire en 1991, le Kazakhstan s'est engagé à ne pas produire ni acquérir d'armes nucléaires et de placer ses matières nucléaires sous surveillance de l'AIEA. Le Kazakhstan, qui est l'un des principaux fournisseurs mondiaux de produits à base d'uranium, a ouvert un dialogue avec l'AIEA et ses États membres en vue de la création d'une Banque internationale d'uranium faiblement enrichi, qui serait située dans son usine d'Ulbi. Cette usine dispose d'une expérience d'un demi-siècle dans l'entreposage de matériaux nucléaires.

Le Royaume-Uni a soulignait qu'il respectait, tout comme les États-Unis, la France et la Russie, un moratoire sur la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire. En avril 1995, le Royaume-Uni a cessé la production de matières fissiles destinées aux armes nucléaires. Il a produit tous les documents relatifs à ses stocks, dont la plupart ne sont plus requis pour sa défense. Plusieurs tonnes d'uranium sont placées sous la sauvegarde de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom). Le Royaume-Uni estime que les négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles doivent être la priorité de la Conférence du désarmement. Le traité devra interdire la production future de matières fissiles et être ratifié par tous les États.

Cuba a regretté l'analyse sélective qui prédomine s'agissant du traité d'interdiction de la production de matières fissiles. Cuba est ouverte à des négociations sur un traité non-discrimination et vérifiable, reprenant la question de l'existant. Le traité devra être complété par d'autres instruments portant non seulement sur la non-prolifération mais aussi sur le désarmement nucléaire, sur l'octroi de garanties aux États non nucléaires et sur la non-militarisation de l'espace. Cuba demande que le programme de travail de la Conférence tienne compte des priorités réelles en matière de désarmement.

Après avoir retracé l'histoire des démarches des Nations Unies relatives au traité d'interdiction de la production de matières fissiles, l'Irlande s'est dite convaincue que cet instrument servira la cause tant du désarmement que de la non-prolifération. Il devra aussi traiter de la gestion des stocks de matières fissiles, pour limiter l'expansion des arsenaux nucléaires.

La République de Corée a observé que l'ouverture immédiate de négociations autour d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles exige des membres de la Conférence du désarmement qu'ils fassent preuve de souplesse. La République de Corée appuie la création du groupe d'experts gouvernementaux, espérant qu'il servira de catalyseur à ces négociations.

L'Afrique du Sud a toujours été contre les positions extrêmes qui nuiraient au désarmement nucléaire. Elle est favorable à des négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles portant tant sur la non-prolifération que sur le désarmement nucléaire, et prévoyant des mesures robustes de vérification. Un traité qui autoriserait la production de nouvelles armes nucléaires contredirait les aspirations à un monde exempt d'armes nucléaires. Les complexités techniques seront levées moyennant une volonté politique forte, a estimé l'Afrique du Sud.

Le Myanmar a regretté qu'en dépit des appels de la communauté internationale, les grandes puissances nucléaires sont encore loin d'assumer leurs engagements et responsabilités au titre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et de l'accord de consens obtenu à sa conférence d'examen, en 2010. Le Myanmar demande aux pays détenteurs d'armes nucléaires de respecter le plan d'action en vingt-deux points adopté à cette conférence d'examen. Comme les autres États non détenteurs d'armes nucléaires, le Myanmar place de grandes attentes dans l'octroi de garanties de sécurité par les États nucléaires. Le Myanmar est également favorable à l'instauration de zones exemptes d'armes nucléaires, notamment au Moyen-Orient.

La Finlande s'est dite prête à des négociations sur les quatre grands points à l'ordre du jour de la Conférence du désarmement. Vu le manque de progrès, la Finlande se félicite de la création du groupe d'experts gouvernementaux, qui débloquera, il faut l'espérer, les travaux de la Conférence. La Finlande s'est félicitée de la déclaration de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté.

L'Iran a déclaré que la semaine dernière, à Oslo, de nombreux États et représentants de la société civile se sont entretenus des conséquences humanitaires de l'énergie nucléaire. Le débat a souligné la nécessité d'éliminer complètement les armes nucléaires, qui constituent la plus grande menace pour l'humanité. L'Iran est favorable à des négociations sur un traité interdisant la production de matières fissiles à des fins militaires et imposant la destruction de tous les stocks existants selon un calendrier consensuel. Le traité serait, à cette condition, une mesure efficace de désarmement, et non de seule non-prolifération. L'Iran a déclaré que les allégations sur son pays faites par la France et d'autres pays ne les dispensent pas d'assumer leurs propres responsabilités en matière de désarmement nucléaire. L'Iran estime contreproductive la tentative d'influencer, par des pressions et des intimidations, le résultat des négociations en cours.

Le Pakistan a déclaré que le succès des négociations internationales repose sur le respect tant du principe de non-discrimination que des intérêts de tous les États. Le traité d'interdiction de la production de matières fissiles, tel qu'il est envisagé actuellement, ne présente pas d'intérêt pour le Pakistan. Ce pays ne voit pas non plus de distinction pertinente entre sujets «mûrs» pour la discussion ou non. Le Pakistan observe que les puissances détentrices de grands stocks d'armes nucléaires sont d'autant plus d'accord d'interdire la production future qu'elles disposent largement de quoi fabriquer de nouvelles armes. C'est pourquoi le champ d'application d'un traité devra porter aussi sur la réduction des stocks existants, à défaut de quoi l'asymétrie persistera. Aujourd'hui, le «mandat Shannon», de par ses ambiguïtés, ne suffit plus à porter la négociation, estime encore le Pakistan.

La République populaire démocratique de Corée a relevé que les gouvernements ayant ratifié le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires – qui n'est malheureusement pas encore entré en vigueur – n'auront plus la possibilité de réaliser de progrès dans le domaine nucléaire. Certains États, par contre, ont déjà réalisé tous les essais nécessaires et constitué leurs stocks d'armes nucléaires, monopolisant le pouvoir au niveau international. Le désarmement nucléaire ne progresse pas de manière satisfaisante à l'heure actuelle. Il faut se garder de créer des déséquilibres dans la sécurité des États. Seule l'entrée en vigueur du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires permettra aux petits États de vivre dans la sécurité. La République populaire démocratique de Corée rejette les résolutions du Conseil de sécurité qui visent à l'empêcher d'exercer son droit à l'autodéfense.

La Turquie espère que la Conférence du désarmement sera revitalisée et qu'elle parviendra à sortir de l'impasse dans laquelle elle se trouve. La Conférence dispose d'ores et déjà de tous les moyens et compétences nécessaires pour aller de l'avant. La Turquie espère que le groupe d'experts gouvernementaux saura donner l'impulsion à la négociation sur le traité d'interdiction de la production de matières fissiles. Ce traité devra inclure la question des stocks. La Turquie regrette le report de la conférence qui aurait dû avoir lieu en 2012 autour de l'instauration d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient.

L'Algérie a dit son soutien au lancement des négociations, à la Conférence du désarmement, d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles, sur la base des éléments du document CD/1299. Le traité serait une contribution importante au désarmement nucléaire. Les définitions de l'article 20 des Statuts de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pourraient servir de base aux définitions du traité. L'instrument devra porter non seulement sur la production future d'armes nucléaires, mais aussi sur les stocks existants, en vue de leur destruction complète. L'Algérie espère que le traité permettra de dissiper les craintes de détournement de matières nucléaires à des fins interdites. La vérification sera un élément crucial: une approche maximaliste à cet égard est la seule approche efficace, estime l'Algérie. L'AIEA aurait un rôle important à jouer, vu son expertise et son savoir-faire dans le domaine de la non-prolifération.

L'Inde a appuyé les négociations autour d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles vérifiable et universel. Le mandat de cette négociation ayant été défini de longue date au sein de la Conférence, l'Inde estime qu'il n'est pas nécessaire de le remettre en cause. L'Inde estime que la communauté internationale est favorable au début le plus rapide possible des négociations.


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