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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS AUDITIONNE DES ONG SUR LA SITUATION DANS DES PAYS DONT LES RAPPORTS SERONT EXAMINÉS

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a entendu cet après-midi plusieurs organisations non gouvernementales qui lui ont fourni des informations sur la situation en Tanzanie, en Équateur et en Mauritanie, dont les rapports seront examinés cette semaine.

En ce qui concerne la Tanzanie, le Centre pour les droits reproductifs a relevé que de nombreuses jeunes filles sont contraintes de quitter l'école parce qu'elles sont enceintes. Des tests de grossesse obligatoires sont imposés aux écolières dès l'âge de onze ans, ce qui constitue une pratique discriminatoire à l'encontre des filles, a-t-il estimé. Le Centre s'est interrogé sur les progrès accomplis en matière de garantie du droit à l'éducation des filles. Les tests de grossesse coercitifs et les expulsions de jeunes filles enceintes de l'école devraient être interdits. Le Comité est aussi invité à porter son attention sur le problème des avortements dangereux engendrés par la discrimination à l'égard des jeunes filles enceintes, sur le manque d'accès à des services de planning familial et sur les mariages précoces.

Un membre du Comité a estimé que les recommandations de cette ONG étaient très larges, alors que le Comité s'efforce de poser des questions aux États sur des faits précis. Une autre experte a pour sa part estimé que les tests de grossesse coercitifs rapportés violent les droits de l'enfant et le droit à la vie privée.

S'agissant de l'Équateur, la Commission œcuménique des droits de l'homme a souligné que 5,8% des enfants équatoriens travaillent, dont la majorité dans les zones rurales. La pratique du travail des enfants est due à la pauvreté, qui est très répandue dans les campagnes. Elle a ensuite souligné les lacunes en matière de droit du travail, en particulier s'agissant du droit de faire partie d'un syndicat. De même, le droit à la santé n'est pas respecté; le déficit de lits dans les hôpitaux et de médecins sont des problèmes cruciaux, et il manquerait environ 12 000 médecins dans le pays, en particulier des spécialistes. L'accès à l'éducation est également un problème, surtout pour les réfugiés. En outre, quatre jeunes sur dix ne terminent pas leur éducation secondaire, en particulier parmi les minorités. Des mesures doivent donc être prises pour mettre en œuvre pleinement le droit à l'éducation. L'organisation FIAN international a, pour sa part, attiré l'attention sur la malnutrition chronique dont souffre un quart des enfants équatoriens, liée à la pauvreté dont souffre près de la moitié de la population du pays. Elle a appelé le Comité à demander aux autorités de garantir le droit à l'alimentation par des programmes et des mesures législatives appropriées. Elle a également souligné le problème de la concentration des terres aux mains d'un petit nombre, appelant de ses vœux la mise en œuvre d'une réforme agraire globale.

La Fondation régionale de conseil en matière de droits de l'homme a parlé de la situation des peuples autochtones de l'Équateur et de la criminalisation des manifestations sociales. La politique d'extraction des hydrocarbures et des ressources minières a un impact négatif direct sur le bien-être des peuples autochtones vivant dans les provinces concernées. Les concessions minières ne sont pas l'objet de consultations des peuples autochtones vivant dans ces zones.

L'organisation CEPAM Guayaquil a déclaré que, même si le cadre juridique garantissant le droit à l'avortement existe, l'accès effectif à ce droit dans les hôpitaux fait défaut. Les jeunes filles enceintes suite à un viol ne peuvent souvent pas bénéficier de leur droit à avorter. Trop souvent, l'absence de possibilités d'avorter dans un cadre sûr provoque le recours à l'avortement clandestin, très dangereux. Elle a appelé le Comité à recommander à l'Équateur de garantir le droit à la santé, notamment l'accès aux contraceptifs pour les jeunes filles. La fondation Desafío a pour sa part souligné qu'au moins un quart des femmes équatoriennes ont subi des violences sexuelles. Selon la loi, seules les femmes «démentes ou idiotes» ont le droit d'avorter suite à un viol. L'État équatorien doit prendre des mesures pour lutter contre ces discriminations inacceptables. Le Centre pour les droits reproductifs a quant à lui souligné qu'une étude faite en 2002 par la Commission interaméricaine des droits de l'homme indiquait que seuls 2,75% des viols font l'objet d'enquêtes et de poursuites. En 2003 et 2004, 633 plaintes ont été déposées pour violences sexuelles, sans qu'aucune inculpation n'ait eu lieu. Il a relevé que l'avortement non médicalisé est la deuxième cause de mortalité maternelle. Les législations sur les violences à l'égard des femmes et sur l'avortement doivent être revues, a-t-il conclu.

Un membre du Comité s'est interrogé sur la part du secteur informel sur le marché du travail en Équateur, ainsi que sur les licenciements massifs effectués par les pouvoirs publics. De même, des questions ont été posées sur la législation concernant la consultation préalable des peuples autochtones dans le cadre des projets miniers sur leur territoire. Un autre expert a demandé si une raison religieuse se trouve derrière la position conservatrice, hostile aux droits reproductifs, du gouvernement équatorien. L'autonomisation des femmes est une des clés pour traiter la question des violences sexuelles, a-t-il relevé. Un autre membre du Comité s'est dit extrêmement choqué par le taux très élevé de filles victimes d'abus sexuels.

En réponse, les représentants de la société civile ont relevé que le secteur informel était aussi important que le secteur formel dans ce pays. Ils ont également indiqué que la Cour constitutionnelle est en train de statuer sur la légalité du licenciement récent de douze mille fonctionnaires. S'agissant de la consultation préalable des peuples autochtones, elle est bien prévue s'agissant de projets industriels sur leur territoire, mais le délai est fixé à un mois seulement, ce qui est beaucoup trop court pour atteindre les populations qui vivent dans des zones difficiles d'accès. Concernant le taux très important de crimes sexuels, celui-ci est confirmé par les statistiques officielles équatoriennes. En outre, le droit à la contraception existe sur le papier mais il n'est pas mis en œuvre dans les faits. En particulier, l'accès à la contraception d'urgence pour les victimes de viol n'est pas garanti alors même qu'elle est parfaitement légale. La Constitution garantit les droits des femmes, mais la possibilité d'en bénéficier est limitée en pratique par le manque d'information et de sensibilisation à cette question. Le suicide est la cause la plus fréquente de mort chez les adolescentes, en lien avec des situations de grossesse suite à des viols, a souligné une intervenante.

Pour ce qui est de la Mauritanie, l'organisation OCAPROCE s'est dite très préoccupée par la violence familiale, la violence sur les enfants et la traite des personnes, en particulier des femmes et des filles. De même, OCAPROCE a attiré l'attention des membres du Comité sur la problématique de l'exploitation des enfants. En outre, les droits des non-ressortissants ne sont pas garantis, notamment concernant la sécurité de leurs biens et de leur personne. Enfin, des mesures doivent être prises pour protéger les femmes qui s'engagent dans la vie politique et les institutions du pays, a-t-elle souligné.

L'organisation SOS-Villages Enfants International et le Service social international, au nom d'une coalition d'organisations non gouvernementales, sont intervenues au sujet des familles en situation vulnérable, en faisant référence aux Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants adoptées en 2010 par l'Assemblée générale. Des mesures pour éviter l'abandon des enfants doivent être prises par les gouvernements, en particulier s'agissant de l'aide sociale offerte aux familles vulnérables. En effet, la pauvreté est l'un des facteurs principaux de la séparation des familles. La discrimination des minorités et le mariage forcé des filles de familles précaires sont aussi des facteurs importants de séparation. À cela s'ajoute l'absence de structures d'encadrement, qui engendre le risque pour les enfants séparés de leur famille de se retrouver seuls dans la rue, avec notamment le risque d'être victime d'exploitation sexuelle. La prévention ne suffit pas et l'intérêt supérieur de l'enfant dicte parfois d'aménager des solutions novatrices, impliquant par exemple la famille élargie, a-t-il ajouté.


Demain matin, le Comité entamera l'examen du rapport initial de la Tanzanie (E/C.12/TZA/1-3) qui se poursuivra jusqu'à la mi-journée de mercredi.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

ESC12/012F