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COMITÉ CONTRE LA TORTURE: LA DÉLÉGATION DE LA NORVÈGE RÉPOND AUX QUESTIONS DES EXPERTS

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses de la délégation de la Norvège aux questions qui lui ont été posées hier matin par les membres du Comité sur la mise en œuvre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dirigée par Mme Tonje Meinich, Directrice générale adjointe au Ministère de la justice et de la sécurité publique de la Norvège, la délégation norvégienne a notamment assuré que l'usage excessif de la force par la police n'est pas considéré comme un problème en Norvège. La délégation a indiqué que 60% des personnes placées en détention préventive en Norvège sont des étrangers; cela s'explique notamment par le fait que les étrangers sont plus susceptibles de se soustraire à la justice sans laisser de traces. Elle a par ailleurs expliqué que toute personne arrêtée par la police doit être transférée dans les 48 heures un établissement pénitentiaire, où les conditions sont plus adaptées que dans les locaux de la police, sauf si cela n'est pas possible pour des raisons pratiques, «ce qui est malheureusement trop souvent le cas», a reconnu la délégation. Elle a indiqué que le placement en isolement d'un détenu en attente de son procès doit obéir à des règles très strictes, et est moins utilisée aujourd'hui qu'au début de sa mise en place en 2002. Évoquant le Mémorandum d'accord sur le traitement des prisonniers signé en 2006 entre la Norvège et l'Afghanistan, la délégation a souligné que la Norvège veille à ce que les personnes transférées aux autorités afghanes soient traitées de manière humaine et conforme aux normes du droit international. Jusqu'ici, quelque 30 personnes ont été transférées en vertu de ce Mémorandum d'accord. Elle a enfin indiqué que la loi sur l'immigration accorde une protection absolue en matière de non-refoulement d'une personne encourant le risque d'être soumise à la torture ou à des mauvais traitements dans son pays d'origine.

La délégation a également répondu aux questions qui lui avaient été adressées s'agissant, entre autres, du processus de ratification du Protocole facultatif pour la prévention de la torture; de la protection juridique en matière d'immigration; de l'administration de la justice pour mineurs.

Le Comité rendra publiques des conclusions et recommandations sur le rapport de la Norvège après la fin de la session, dont la séance de clôture se tiendra le vendredi 23 novembre prochain.


Lundi matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Qatar (CAT/C/QAT/2).




Réponses de la délégation

La délégation a d'emblée assuré que la Norvège accorde une grande importance au dialogue avec les organes conventionnels, dont le Comité contre la torture. Elle s'est toutefois étonnée de questions qui lui ont été adressées hier qui ne lui semblent pas en rapport avec les dispositions la Convention contre la torture.

Il est difficile d'expliquer pourquoi la Norvège a mis tant de temps à achever le processus visant la ratification du Protocole facultatif à la Convention, a reconnu la délégation, qui a toutefois fait valoir que ce processus est parvenu à son étape finale et que les autorités ont l'intention de soumettre une proposition en ce sens au Parlement à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine.

Bien que la Convention contre la torture n'ait pas été transposée dans le droit norvégien, ses dispositions sont d'application directe dans la plupart des domaines du droit norvégien, a souligné la délégation, ajoutant que les dispositions de nombre de textes législatifs norvégiens sont harmonisées avec celles du droit international.

En ce qui concerne les termes de «discrimination injuste», dont l'utilisation a suscité la préoccupation d'un certain nombre de membres du Comité, il faudrait plutôt – si l'on se base sur une traduction fidèle du norvégien – parler de traitement différencié ou préférentiel injuste, a précisé la délégation.

La Norvège a décidé de ne pas ratifier la Convention internationale sur la protection des droits des migrants et des membres de leur famille car elle estime que ses dispositions sont trop vagues et imprécises sur nombre de points. En outre, cette Convention pourrait saper certaines obligations découlant des deux Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels, a ajouté la délégation.

La loi sur l'immigration accorde une protection absolue en matière de non-refoulement d'une personne encourant le risque d'être soumise à la torture ou à des mauvais traitements dans son pays d'origine, a par ailleurs souligné la délégation.

Les requérants d'asile mineurs non accompagnés ont droit à la protection juridique gratuite dès le début de la procédure d'asile, avant même qu'une décision ne soit prise en première instance, alors que les adultes n'y ont droit qu'en cas de recours contre une décision négative, a ensuite expliqué la délégation. La Norvège reconnaît l'importance de l'aide juridique gratuite dès la première phase de la procédure, mais le Gouvernement estime que l'information reste l'aspect le plus important à ce stade de la procédure.

La délégation a fait état de statistiques récentes indiquant que sur une année, 75% des mineurs non accompagnés requérants d'asile ont obtenu une protection, 12% un permis à titre humanitaire, 5% un permis provisoire et 7% seulement ont vu leur demande rejetée. Les mineurs non accompagnés âgés de moins de 15 ans relèvent des autorités en charge de la protection de l'enfance, alors que ceux âgés de plus de 15 ans relèvent des autorités d'immigration. Cela ne signifie pas que les mineurs de plus de 15 ans ne se voient pas accorder les soins appropriés, a-t-elle toutefois souligné.

Les disparitions d'enfants des centres d'accueil sont prises très au sérieux par les autorités norvégiennes, a par ailleurs déclaré la délégation. La Direction de l'immigration est tenue de signaler la disparition d'un mineur dès qu'elle en prend connaissance et lorsqu'un mineur non accompagné a quitté un centre d'accueil sans laisser d'adresse, la procédure normale est de déclarer ce mineur à la police comme étant disparu; les services sociaux et le tuteur juridique du mineur sont également informés.

Les requérants d'asile peuvent faire appel de la décision de rejet de leur demande d'asile ou d'expulsion prise à leur encontre. En 2011, sur 75 sentences rendues en appel, 22 étaient favorables à l'étranger, a précisé la délégation. Tous les recours engagés sont suspensifs de la décision d'expulsion, sauf pour les décisions prises au titre des règles de la procédure dite de Dublin II, lorsque les conditions pour la résidence ne sont manifestement pas remplies ou lorsque le demandeur a déjà été débouté dans un autre pays, a indiqué la délégation.

Évoquant le Mémorandum d'accord sur le traitement des prisonniers signé en 2006 entre la Norvège et l'Afghanistan, la délégation a souligné que la Norvège veille à ce que les personnes transférées aux autorités afghanes soient traitées de manière humaine et conforme aux normes du droit international. Jusqu'ici, quelque 30 personnes ont été transférées en vertu de ce Mémorandum d'accord, a précisé la délégation, avant d'ajouter qu'à ce jour, la Norvège n'a pas reçu d'indications que ces personnes aient été soumises à des actes de torture ou de traitements cruels inhumains ou dégradants.

Selon les règles applicables aux cellules de détention dans les locaux de police, toute personne arrêtée par la police doit être transférée dans les 48 heures vers une cellule de prison, c'est-à-dire dans un établissement pénitentiaire, où les conditions sont plus adaptées, sauf si cela n'est pas possible pour des raisons pratiques, ce qui est malheureusement trop souvent le cas et se trouve à l'origine de nombre de problèmes rencontrés en la matière, a reconnu la délégation.

La délégation a indiqué qu'environ 60% des personnes en détention préventive en attendant leur procès sont des étrangers. Le pays est confronté à une forte pression su les places en prison, du fait de l'afflux, ces dernières années, de groupes d'étrangers qui viennent dans le pays pour commettre des vols et cambriolages, a-t-elle déclaré. Les tribunaux doivent réexaminer tous les 15 jours pour les mineurs et toutes les 4 semaines pour les autres détenus la situation des personnes placées en détention préventive, a indiqué la délégation, avant de préciser qu'aucun mineur n'est actuellement placé en détention préventive.

Le placement en isolement d'un détenu en attente de son procès doit obéir à des règles très strictes, a d'autre part souligné la délégation. Elle a ajouté que cette pratique, instaurée en 2002, est moins utilisée aujourd'hui qu'au début de sa mise en place; la durée des restrictions appliquées dans ce contexte est plus brève et il n'y est fait recours que dans les cas les plus graves.

La délégation a par ailleurs rappelé que l'institution nationale des droits de l'homme avait publié un rapport sur la détention au secret, dans lequel elle concluait que les règlements sur l'utilisation de la détention au secret étaient discrétionnaires et manquaient de contraintes temporelles. Les autorités vont étudier ce rapport plus avant, a indiqué la délégation, avant de souligner que les 57 appels interjetés en 2011 contre le placement au secret, seuls 7% ont été rejetés.

S'agissant de la violence en prison, la délégation a indiqué qu'en 2011, 421 cas de violence entre détenus ont été enregistrés. La dernière fois qu'un détenu en a tué un autre, c'était en 1982, a-t-elle souligné.

Répondant aux préoccupations des experts s'agissant des mesures prises par la Norvège en matière de prévention du viol, la délégation a assuré le Comité de la volonté politique très forte de la Norvège de lutter contre les viols, comme en témoigne le plan d'action adopté à cette fin cet été. Il est vrai que les enquêtes sur les affaires de viol prennent trop de temps; aussi, a-t-il été décidé de fixer un délai pour l'enquête dès le début de l'enquête de chaque cas de viol. Le nombre de viols ou de tentatives de viol a augmenté de manière spectaculaire ces dernières années à Oslo, passant de 189 en 2010 à 256 en 2011; mais la délégation a estimé que cette augmentation reflète une volonté croissante des victimes de porter plaintes.

Interrogée sur les mesures prises par la police pour lutter contre la traite d'enfants, la délégation a indiqué que deux grandes enquêtes ont récemment débouché sur des condamnations. Un séminaire national sur la traite des personnes a été organisé récemment à l'intention des personnels de la police et du bureau du Procureur, a en outre fait valoir la délégation.

S'agissant de l'administration de la justice pour mineurs, la délégation a souligné que le placement en détention d'un mineur est une mesure de dernier recours. En 2010, 1600 jeunes au total ont fait l'objet d'une garde à vue et plus de 50% d'entre eux ont été relâchés dans un délai de moins de six heures; seuls une cinquantaine, au total, sont allés en préventive. En 2011, le nombre de détenus mineurs dans tout le pays n'atteignait pas les 80, a précisé la délégation. Une unité pour délinquants mineurs a déjà été créée à Bergen et une autre, de six places, sera bientôt ouverte sur la côte est, a indiqué la délégation. Il n'est pas possible, pour l'heure, d'éviter dans tous les cas que des mineurs soient placés en prison dans des unités pour adultes, a-t-elle précisé.

L'usage excessif de la force par la police n'est pas considéré comme un problème en Norvège, a d'autre part déclaré la délégation. Elle a fait état de statistiques indiquant que pour 1359 allégations, seuls 26 auteurs se sont vu infliger des sanctions pénales; la plupart des temps, ce n'était pas un usage excessif de la force qui était en cause, mais d'autres faits.

Questions supplémentaires de membres du Comité

M. Claudio Grossman, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Norvège, a relevé que la Convention n'est pas d'application directe en Norvège, suite à une décision de la Cour suprême. Il a ensuite souhaité savoir si les autorités norvégiennes étaient satisfaites du niveau des garanties accordées aux requérants d'asile. La Norvège pense-t-elle qu'un étranger qui est détenu comprend l'information qui lui est fournie? Le rapporteur a par ailleurs fait observer que des organisations non gouvernementales se sont dites préoccupées par l'augmentation, entre 2010 et 2011, du nombre de personnes placées en garde à vue qui, après le délai de 48 heures, sont transférées en prison. M. Grossman s'est réjoui de l'information fournie par la délégation selon laquelle aucun mineur ne se trouve actuellement en détention préventive en Norvège.

M. Xuexian Wang, corapporteur pour l'examen du rapport norvégien, a relevé l'information fournie par la délégation selon laquelle sur 97 enfants disparus en 2010, seuls dix pourraient avoir été victimes de la traite. Concrètement, combien de ces enfants disparus ont-ils été retrouvés, a-t-il demandé? Selon une organisation non gouvernementale, la Norvège a enregistré une hausse de plus de 20% des crimes à caractère sexuel, s'est en outre inquiété le corapporteur. Un placement prolongé en détention en isolement peut être constitutif en lui-même d'un mauvais traitement voire d'une torture, a en outre rappelé M. Wang, s'inquiétant du cas d'une personne qui a été soumise à cette forme de détention durant 110 jours.

Un autre membre du Comité a souhaité savoir si la Norvège envisageait de mettre en place un centre spécialisé pour le traitement des victimes de torture. Des informations complémentaires ont en outre été requises quant à la proportion des étrangers parmi les personnes détenues en Norvège.

Réponses complémentaires de la délégation

La délégation a affirmé qu'il est difficile de dire si l'on est satisfait ou non de la façon dont fonctionnent les mécanismes de recours dans le contexte des décisions d'expulsion ou de rejet de demandes d'asile, eu égard en particulier à la longueur des procédures.

La délégation a par ailleurs indiqué que 60% des personnes placées en détention préventive en Norvège sont des étrangers, principalement originaires de Lituanie et de Pologne. Cela s'explique notamment par le fait que les Norvégiens ont moins de risques d'échapper à la justice car ils ont un domicile fixe, alors que les étrangers sont plus susceptibles de se soustraire à la justice sans laisser de traces. Au 30 octobre 2012, a poursuivi la délégation, 29% des personnes qui purgeaient une peine en Norvège étaient des étrangers.

La délégation a ensuite indiqué que la Norvège compte au total environ 3600 prisonniers. La durée moyenne du séjour en prison est d'un peu plus de quatre mois et 50% des condamnations sont inférieures à trois mois, a-t-elle précisé.

Quant à la question de savoir si la Norvège envisageait de mettre en place un centre spécialisé pour le traitement des victimes de torture, la délégation a indiqué qu'il n'y avait pas à l'heure actuelle de projet dans ce sens, mais a souligné que les services de santé fournissent d'ores et déjà des soins appropriés.


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CAT12/031F