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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE DES RAPPORTS SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN SOMALIE ET AU SOUDAN

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a examiné, ce matin, dans le cadre des questions relatives à l'assistance technique et au renforcement des capacités, des rapports sur la situation des droits de l'homme en Somalie et au Soudan. Un débat interactif s'est déroulé entre le Conseil et les experts indépendants chargés de ces questions.

M. Shamsul Bari, Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Somalie, a souligné l'espoir qui est né dans ce pays avec l'adoption d'une Constitution provisoire, l'élection de nouveaux députés et d'un nouveau chef de l'État et la formation d'un gouvernement. Le défi désormais est de ne pas décevoir cet espoir. La première tâche des autorités est de rétablir l'état de droit. Dans cette perspective, il faudra établir une feuille de route relative aux droits de l'homme pour la période de l'après-transition, a-t-il plaidé. Par ailleurs, M. Bari s'est dit préoccupé par les exactions contre la population civile alors que des combats se poursuivent. L'une des tâches des nouvelles autorités sera aussi d'en finir avec l'impunité.

La Somalie s'est exprimée en tant que pays concerné, saluant le rapport de l'Expert indépendant, qui paraît à un moment charnière, alors que s'ouvre une période délicate de transformation devant conduire à la paix. Il a réaffirmé le désir de son pays d'élaborer et de suivre une «feuille de route», en collaboration avec ses partenaires internationaux, comme le rapport le recommande, ajoutant que la tâche sera ardue et appelant à un appui du système des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme.

Dans le débat interactif qui a suivi, les délégations se sont félicitées des progrès enregistrés ces dernières années par la Somalie. Mais la situation précaire qui continue de prévaloir, notamment au regard de la sécurité reste une source de préoccupation pour la communauté internationale. Pour quelques délégations, tant que perdure l'occupation d'une partie du territoire par les milices Al-Chabab, la Somalie ne pourra pas atteindre les objectifs de paix, de sécurité et de protection des droits de l'homme, d'autant plus que les violences à l'égard des femmes, des journalistes et le recrutement d'enfants soldats se poursuivent. Dans ce contexte, les délégations ont engagé les autorités de transition à établir une feuille de route pour la promotion et la protection des droits de l'homme.

Les pays suivants ont pris part au débat: Sénégal au nom du Groupe africain, l'Union européenne, Émirats arabes unis au nom du Groupe arabe et en leur nom propre, Espagne, États-Unis, Djibouti, République tchèque, Grèce, Italie, Thaïlande, Luxembourg, Royaume-Uni, Norvège, Suisse, Maroc, Australie, Turquie, Slovaquie, Égypte Autriche et Roumanie. Plusieurs organisations non gouvernementales ont également pris la parole1.

M. Mashood Baderin, expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Soudan, qui s'exprimait pour la première fois devant le Conseil, a indiqué que de nombreux efforts ont été déployés en matière de droits de l'homme par le pays, notamment l'établissement d'institutions chargées par exemple de la coordination de l'application des recommandations adressées au Soudan dans le cadre de l'Examen périodique universel. Ces efforts doivent être encouragés par la communauté internationale.

Le Soudan, en tant que pays concerné, a dit prendre très au sérieux toutes les recommandations issues de l'Examen périodique universel, qu'elle met en œuvre par le biais d'une stratégie et d'un plan d'action nationaux. Cependant, pour des raisons de budget, le plan n'a pas encore été totalement être mis en œuvre, et le Soudan appelle la communauté internationale à l'aider à cet égard. Le Soudan a par ailleurs émis des réserves sur les passages du rapport concernant les organisations de la société civile, affirmant que certaines font tout pour ternir l'image du pays.

Plusieurs délégations se sont félicitées des progrès en matière des droits de l'homme au Soudan et souligné la coopération du Gouvernement avec la communauté internationale. Dans ce contexte, il faut que cette dernière renforce son assistance technique, mais cette assistance ne doit pas servir de prétexte pour s'ingérer dans les affaires intérieures du Soudan. Un autre groupe de délégations a déploré la situation humanitaire qui prévaut dans les zones de conflit, regrettant que l'Expert indépendant n'ait pu avoir accès à ces zones et plaidant pour le renouvellement pour un an supplémentaire de son mandat.

Les pays suivants ont pris part au débat: États-Unis, Nigéria, République tchèque, Australie, Égypte, Thaïlande, Royaume-Uni, Émirats arabes unis (au nom du Groupe arabe), Sénégal (au nom du Groupe africain), Union européenne, Espagne, Norvège, Slovénie, Slovaquie, Grèce, Bahreïn, Croatie, Suisse, Maroc, Émirats arabes unis, Libye, Chine, France et Koweït. Des organisations non gouvernementales ont également participé au débat2.


Le Conseil doit tenir cet après-midi un débat général sur l'assistance technique et le renforcement des capacités. Il sera saisi dans ce cadre de rapports du Secrétaire général et de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur ces questions, en particulier s'agissant de l'assistance au Soudan du Sud, à la Somalie, au Yémen et au Cambodge.


Situation des droits de l'homme en Somalie

Présentation du rapport

M. SHAMSUL BARI, Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Somalie, a présenté son rapport (A/HRC/21/61, à paraître en français) en se déclarant heureux de pouvoir brosser, aujourd'hui, un tableau de la situation moins décourageant et plus porteur d'espoir. L'histoire montre que les calamités humaines sont toujours suivies par des périodes d'espoir et de renaissance: c'est ainsi que M. Bari voit l'avenir de la Somalie nouvelle. Le rapport concerne la période de septembre 2011 au début du mois d'août 2012. L'Expert indépendant a indiqué s'être rendu de nouveau dans la région entre le 3 et le 7 septembre derniers, s'autorisant ainsi à mentionner les événements survenus pendant ce dernier mois et demi et qu'il a qualifiés d'historiques.

L'adoption d'une Constitution provisoire, la sélection de nouveaux députés, l'élection d'un président du Parlement et d'un nouveau chef de l'État et la formation d'un gouvernement: tous ces événements, qui tenaient naguère du rêve, ont bien eu lieu. La Constitution a été adoptée le 24 août et le nouveau Président élu le 10 septembre, qui plus est de manière transparente et équitable, ce qui aurait été inimaginable il y a encore un an, étant donné la culture de violence qui a caractérisé la Somalie ces deux dernières décennies. Lors de sa visite à Mogadishu au début du mois, M. Bari a ressenti un espoir palpable chez chacun de ses interlocuteurs, ainsi que parmi les réfugiés somaliens au Kenya. Il a trouvé particulièrement encourageant le rôle non négligeable joué par les femmes, qui ont obtenu le principe d'une représentation de 30% au sein du Parlement et des organes gouvernementaux. Le défi désormais est de ne pas décevoir cet espoir.

La première tâche touche au rétablissement de l'état de droit, les trois branches du pouvoir devant travailler main dans la main. S'agissant du pouvoir législatif, M. Bari est revenu avec l'impression que le Parlement était bien parti pour jouer le rôle historique qui devait être le sien. Il compte 14% de femmes, ce qui n'est qu'une petite moitié de l'objectif fixé mais trois fois plus que les 5% de l'ancienne assemblée. Un tiers des députés sont des nouveaux élus, dont un grand nombre se sont montrés capables de voter en dehors des alliances claniques; plus de la moitié des députés ont suivi des études supérieures. M. Bari est convaincu que le président du Parlement, Mohamed Sheikh Osman Jawaari, est particulièrement compétent pour s'acquitter de sa fonction. Il a pu s'entretenir avec lui sur de nombreuses questions relatives aux droits de l'homme. Par contre, le système judiciaire est en ruines, même si les Nations Unies ont entrepris d'aider la Somalie à le remettre sur pieds. L'Expert indépendant appelle la communauté internationale à apporter sa pierre à cet édifice. En ce qui concerne, enfin, le pouvoir exécutif, alors que le chef de l'État n'assume pas encore tous les pouvoirs qui doivent lui être conférés, l'essentiel reste à faire pour rétablir la confiance de la population après des années d'anarchie.

Dans ses entretiens avec le président du Parlement et avec des députés, M. Bari a plaidé en faveur de l'établissement d'une feuille de route relative aux droits de l'homme pour la période de l'après-transition, afin d'offrir à la population une perspective claire de l'amélioration de la situation dans le pays, y compris avec un calendrier de mise en œuvre du rétablissement des trois branches de l'État. Les titulaires de mandat du Conseil des droits de l'homme devraient apporter leur contribution à cet égard, la compétence de la majorité d'entre eux étant d'un grand intérêt pour la Somalie à ce moment de son histoire.

En conclusion, l'Expert indépendant a estimé que la communauté internationale avait une occasion sans précédent d'aider la Somalie à ouvrir un nouveau chapitre de son histoire. La diaspora a commencé à rentrer au pays pour participer à la reconstruction. Certes, rien ne se fera en un jour. Les Somaliens devront s'approprier leurs nouvelles institutions et aussi apprendre à moins se reposer sur l'aide extérieure, dans laquelle ils n'étaient d'ailleurs guère impliqués. M. Bari a enfin rappelé qu'une grande partie du sud du pays demeurait sous le contrôle de la rébellion, alors même que l'armée tente de reprendre le port stratégique de Kismayo. L'Expert indépendant a dit sa préoccupation face aux exactions contre la population civile qui accompagnent ces combats. Quatre journalistes ont perdu la vie ces derniers jours, ce qui porte à treize le nombre de reporters tués cette année. L'une des tâches des nouvelles autorités sera, aussi, d'en finir avec l'impunité, a rappelé M. Bari.

Pays concerné

La Somalie a attiré l'attention du Conseil sur le succès des dernières élections qui ont porté à la présidence M. Hassan Sheikh Mohamud et ont entraîné la convocation d'un nouveau Parlement, présidé par M. Mohamed Sheikh Osman Jawaari. En dépit des contraintes, difficultés et doutes sur l'issue de la période de transition qui ont précédé, celle-ci s'est désormais achevée avec succès grâce aux efforts conjoints des parties concernées, notamment le Gouvernement national de transition, les six signataires de la feuille de route, la Mission des Nations Unies en Somalie et les forces nationales de sécurité. Saluant le rapport excellent et exhaustif de l'Expert indépendant, la Somalie a souligné que ce document paraît à un moment charnière, alors que s'ouvre une période délicate de transformation devant conduire à la paix.

La Somalie a relevé que l'Expert considère, dans ses recommandations, que le peuple somalien a confiance dans les perspectives de changement et entend renoncer aux méthodes du passé. La Somalie attire l'attention sur la recommandation no128, qui invite les institutions des Nations Unies à garder à l'esprit la perception, largement partagée en Somalie, que la majeure partie de l'assistance internationale ne fait pas une grande différence dans la vie des Somaliens. S'agissant des mesures à prendre aux fins de l'amélioration de la situation des droits de l'homme, La Somalie souhaite élaborer et suivre une feuille de route en collaboration avec ses partenaires internationaux, comme le rapport le recommande. La tâche sera ardue: aussi la Somalie sollicite-t-elle un appui du système des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme pendant la période post-transition, en coopération avec les titulaires de mandats.

Débat interactif

Au cours du débat avec l'Expert indépendant, les délégations se sont félicitées des progrès intervenus récemment en Somalie. La mise en place des nouvelles institutions, dont l'élection du Parlement et l'adoption d'une Constitution, a été saluée par de nombreuses délégations dont la République tchèque et les Émirats arabes unis (au nom du Groupe arabe). D'autres délégations ont soutenu le premier gouvernement issu des élections présidentielles et législatives de l'après-guerre civile, l'assurant de leur appui et appelant au soutient de la communauté internationale dans la reconstruction et l'élaboration d'une «feuille de route pour les droits de l'homme» inspirée des résultats de l'examen périodique de la Somalie.

La Roumanie a souhaité que le nouveau gouvernement donne la priorité aux recommandations résultant de l'examen périodique. En tout état de cause, il faut espérer que la transition aboutisse à une jouissance des droits de l'homme pour tous, a plaidé la Grèce, invitant les autorités de transition à prioriser le renforcement de la justice, la reddition de comptes et à faire en sorte que la charia respecte le droit international, en particulier à l'égard des femmes.

L'Égypte a réaffirmé son appui aux efforts visant à créer des structures solides fondées sur le respect des droits de l'homme et de l'état de droit. Le Maroc, qui a fait part lui aussi de son optimisme, a cependant estimé que la paix en Somalie ne saurait s'instaurer sans un appui décisif de la communauté internationale. Il a appelé de ses vœux une coopération accrue entre le bureau politique de l'ONU pour la Somalie (UNPOS), les autorités somaliennes et les représentations du Haut-Commissariat aux droits de l'homme. L'Autriche a remercié le Haut-Commissariat aux droits de l'homme qui a renforcé ses capacités d'assistance technique sur le terrain.

L'Australie a souhaité que cette feuille de route prenne en compte tous les droits de l'homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Rappelant qu'elle était le premier donateur humanitaire à la Corne de l'Afrique en 2011 et qu'elle entend axer ses efforts sur les besoins en matière de santé et d'éducation, l'Australie demeure préoccupée par les besoins de base de la population, de même que par le retour de la bonne gouvernance et de l'état de droit. Le Royaume-Uni s'est félicité de l'aboutissement de la transition politique, se disant intéressé par l'idée de M. Bari de définir une «feuille de route pour les droits de l'homme». Pour la Turquie, le nouveau gouvernement légitime et représentatif devra ouvrir la voie à une nouvelle ère de respect des droits de l'homme et de l'état de droit. Cela ne peut se faire qu'à travers une assistance humanitaire et financière: c'est pourquoi, à la Conférence d'Istanbul, la Turquie a créé un Fonds pour la reconstruction et le relèvement de la Somalie. Les Émirats arabes unis ont, quant à eux, ouvert un bureau pour l'assistance humanitaire à ce pays.

Le Sénégal, au nom du Groupe africain, a espéré que la communauté internationale maintiendra son soutien aux autorités de somaliennes. De même, pour l'Italie, la communauté internationale doit renforcer sa coopération sur le terrain.

La Norvège et la Thaïlande se sont félicitées de la création de la Commission des droits de l'homme au Somaliland et du processus de démocratisation au Puntland. La Thaïlande a dit apprécier la participation de la Somalie à l'examen périodique, appelant le gouvernement à établir un plan de mise en œuvre des recommandations acceptées.

Pour l'Union européenne, les mois et années à venir seront cruciaux pour la paix, la sécurité et les droits de l'homme. La priorité est donc la mise en œuvre d'un gouvernement crédible qui restaure rapidement la situation, en adoptant une feuille de route assortie de priorités très claires. L'une des priorités serait par exemple le retour des milliers de réfugiés installés dans les pays voisins, a suggéré l'Espagne. Le Luxembourg a souligné que si l'espoir semble renaître en Somalie après des décennies de conflit, des violations des droits de l'homme y persistent cependant, tandis que la situation humanitaire demeure très préoccupante. La Slovaquie a insisté sur le phénomène migratoire, qui mérite d'être examiné de près; elle a prié le nouveau gouvernement de coopérer avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés.

L'Espagne a par ailleurs déploré les violations des droits de l'homme dans les zones occupées par Al-Chabab. Les États-Unis et Djibouti ont observé que tant que durera cette occupation, la Somalie ne pourra pas atteindre ses objectifs de paix, de sécurité et de protection des droits de l'homme, d'autant plus que les violences à l'égard des femmes et des journalistes et le recrutement d'enfants soldats se poursuivent. La Norvège a souligné l'importance de la prise en charge des enfants ayant déserté les milices Al-Chabab: elle finance d'ailleurs le seul programme existant à Mogadiscio en faveur de ces jeunes ex-combattants.

La Suisse a demandé à l'Expert indépendant de dire comment il voit concrètement la collaboration des Rapporteurs spéciaux avec la Somalie.

Les organisations non gouvernementales ont regretté la persistance des violations des droits de l'homme en Somalie. Ainsi, l'organisation East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project a-t-elle accusé le Gouvernement de transition de ne pas contrôler ses propres forces militaires, coupables de violations graves des droits de l'homme. Toutes les parties au conflit ont eu recours au recrutement d'enfants, a renchéri Human Rights Watch, ajoutant que des forces militaires étrangères, notamment kenyanes, présentes sur le terrain ont bombardé des populations civiles. Pour sa part, la Fédération internationale des journalistes a relevé qu'au cours des derniers mois, la Somalie a connu une vague de violence sans précédent à l'encontre des journalistes, treize d'entre eux ayant été tués en 2012. Le journalisme est actuellement considéré comme la profession la plus risquée en Somalie.

Toutefois, pour International Educational Development, c'est le droit même à la vie qui est compromis par l'insécurité alimentaire qui prévaut dans la majeure partie de la Somalie. Le pire est qu'il n'existe toujours pas de vision nationale susceptible de rassembler toutes les parties de la Somalie traditionnelle sous un même gouvernement, a poursuivi la délégation. Cette situation montre bien la nécessité d'une plus grande présence du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a plaidé Amnesty International, appelant par ailleurs à la création d'une commission d'enquête internationale, ou d'un mécanisme similaire, pour faire la lumières sur tous les crimes commis en Somalie.

Conclusion

M. BARI a rappelé qu'il vivait au Bangladesh et que son rapport se fondait sur ses deux visites annuelles sur le terrain. Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme était mieux armé pour répondre à certaines des questions posées ce matin. M. Bari voit surtout son rôle comme celui d'un facilitateur.

Sans rétablissement de l'état de droit, aucun changement positif ne peut avoir lieu en Somalie, a-t-il souligné, d'où l'importance de l'établissement d'une feuille de route pour les droits de l'homme. Les trois pouvoirs de l'État doivent entièrement reconstruire les institutions du pays, le pouvoir judiciaire devant, pratiquement, repartir de zéro. L'Expert indépendant a souligné le rôle que joue en ce sens le Programme des Nations unies pour le développement.

La feuille de route proposée par M. Bari contient une disposition clé: la nécessité de «parler avec la population». Le principal souci des personnes vivant dans les camps étant la sécurité, elles ont besoin d'interlocuteurs, des policiers par exemple. L'ouverture de postes de police est donc essentielle. Il en va de même pour le rétablissement de services de santé qui, dans un premier temps, seront privés, le système public étant inexistant. Le Gouvernement somalien existe mais, isolé, il doit prouver à la population qu'il existe. M. Bari s'est dit prêt à conseiller le Gouvernement, notamment dans ses démarches d'ouverture à la population. Quant aux efforts de l'ONU, ils n'ont pas été inutiles. Mais ils se sont inscrits dans une sorte de vide, avec pour conséquence que la population n'a pas été impliquée. Cela explique la tonalité critique du rapport à ce sujet.

S'agissant de son souhait d'une coopération avec les procédures spéciales, M. Bari a cité l'exemple du Rapporteur spécial sur l'éducation, qui pourrait utilement conseiller les nouvelles autorités. L'Expert indépendant compte sur le Conseil et sur le Secrétaire général pour choisir quels titulaires de mandats devraient être impliqués. Il a notamment suggéré que l'expert sur les déchets toxiques pourrait très bien se rendre en Somalie: les côtes de ce pays servant de dépotoir, la population verrait alors que l'ONU est à ses côtés.

À ce stade, la Somalie ne dispose pas encore d'un État «normal», a conclu l'Expert indépendant. L'assistance apportée par l'ONU a été fragmentée jusqu'à présent: il devrait être possible d'agir de manière mieux coordonnée à l'avenir.

Situation des droits de l'homme au Soudan

Présentation du rapport

M. MASHOOD BADERIN, Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Soudan, qui s'exprimait pour la première fois devant le Conseil depuis sa nomination le 1er mai 2012, a précisé que la période couverte par son rapport (A/HRC/21/62) est très courte. Il a effectué sa mission initiale au Soudan du 10 au 14 juin, au cours de laquelle il a eu des entretiens avec plusieurs représentants du Gouvernement, des partenaires internationaux et des organisations de la société civile, notamment des défenseurs des droits de l'homme.

Plusieurs acteurs concernés ont fait montre d'une bonne volonté et sont conscients de la nécessité d'améliorer la situation des droits de l'homme. Le Gouvernement, en particulier, s'est montré à l'écoute et soucieux de s'acquitter de ses obligations internationales en matière des droits de l'homme. Du reste, des efforts ont été consentis dans ce sens, comme en témoigne la création d'institutions des droits de l'homme, notamment la Commission des droits de l'homme, organe central de coordination de l'application des recommandations du premier examen périodique du pays par le Conseil et de l'incorporation de cette perspective dans tous les secteurs de la vie du pays. La communauté internationale devrait encourager de tels efforts. L'Expert indépendant a instamment invité le Gouvernement et les partenaires internationaux à apporter l'assistance nécessaire à la Commission afin qu'elle soit réellement en mesure de s'acquitter de ses tâches.

L'Expert indépendant n'a pu se rendre ni au Darfour, ni au Kordofan ni dans le Nil bleu. Mais la situation de ces régions est bien connue. M. Baderin s'est félicité du consensus sur la nécessité d'une assistance technique soutenue et du renforcement des capacités au profit du Soudan. Il a espéré que le Gouvernement et les parties prenantes s'emploieront à œuvrer pour la mise en œuvre des Accords de Doha. D'autre part, les attributs et les compétences des tribunaux spéciaux du Darfour doivent être renforcés. M. Baderin a demandé au Gouvernement d'instaurer un climat propice au travail des organisations non gouvernementales locales qui se heurtent à des restrictions quant à leur enregistrement et à leurs activités.

Pays concerné

Le Soudan a assuré prendre très au sérieux toutes les recommandations issues de l'Examen périodique universel, qu'elle met en œuvre par le biais d'une stratégie et d'un plan d'action nationaux. Cependant, pour des raisons de budget, le plan n'a pas encore été totalement être mis en œuvre, a reconnu le représentant soudanais, qui a appelé la communauté internationale à aider son gouvernement à cet égard. Par ailleurs, le Soudan n'est pas d'accord avec la manière dont l'Expert indépendant catégorise les organisations de la société civile. Il s'abstient en particulier de se prononcer sur leurs actions; or, certaines font tout pour ternir l'image du Soudan, a déploré le représentant, appelant M. Baderin à revenir sur son jugement.

Résolu à promouvoir les droits de l'homme, le Soudan a créé une commission d'enquête chargée de faire la lumière sur toutes les allégations de violations des droits de l'homme. Le représentant a indiqué que les autorités soudanaises restent ouvertes au dialogue et à la coopération technique, remerciant les pays qui aident le Soudan dans ce domaine, notamment les États-Unis et les pays de l'Union africaine.

Dialogue interactif

Favorables à la prolongation du mandat de l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Soudan, de nombreuses délégations ont jugé qu'il fallait qu'il ait accès, sans entraves, à l'ensemble du territoire soudanais, en particulier au Darfour, au Kordofan méridional et au Nil bleu. Les délégations se sont aussi félicitées de ce que le Gouvernement soudanais ait manifesté une certaine ouverture d'esprit et ait invité l'Expert indépendant à une deuxième visite, l'année prochaine. Le Gouvernement a été invité, cependant, à s'abstenir de réprimer ou de limiter les manifestations pacifiques et les activités des organisations de la société civile, qui jouent un rôle essentiel.

Les États-Unis ont salué la visite de l'Expert indépendant au Soudan ainsi que le fait que le Gouvernement soit disposé à opérer des changements radicaux. Pour les États-Unis, l'application concrète des recommandations issues de l'Examen périodique universel serait un excellent point de départ. Les États-Unis s'associent à l'appel de l'Expert indépendant pour que le Gouvernement renonce à la fermeture de journaux et s'abstienne de réprimer les manifestations pacifiques.

Le Nigéria a demandé au Gouvernement d'envisager d'appliquer la recommandation de l'Expert indépendant portant sur l'organisation de consultations régulières avec les organisations de la société civile. La République tchèque a exprimé sa profonde préoccupation devant le recours excessif à la force contre des manifestants et des défenseurs des droits de l'homme. L'Australie, préoccupée par la répression de manifestations, s'associe à la demande de l'Expert indépendant pour que des enquêtes soient ouvertes à ce sujet.

L'Égypte a salué la recommandation de M. Baderin relative à la coopération avec tous les organismes des Nations Unies sur la base de la transparence. La Thaïlande a ajouté que l'assistance technique et le renforcement des capacités ne sont efficaces que lorsque les droits de l'homme fondamentaux et les libertés sont garantis.

Le Royaume-Uni a souligné que le Gouvernement du Soudan doit, avant toutes choses, rétablir la confiance avec la communauté internationale, les Nations Unies et la société civile, notamment en garantissant l'accès illimité à tout son territoire, à commencer par le Kordofan méridional. Le Canada a insisté sur l'urgence d'adopter les moyens propres à améliorer la situation humanitaire au Soudan et a demandé à M. Baderin ce qu'il fallait faire pour que le Gouvernement soudanais accepte de se plier à un échéancier précis à cet égard.

Les Émirats arabes unis, au nom du Groupe arabe, ont encouragé le Gouvernement soudanais à mettre en œuvre les recommandations formulées dans le cadre de l'Examen périodique universel en garantissant, à titre prioritaire, la transparence du processus de révision constitutionnelle.

Au nom du Groupe africain, le Sénégal a encouragé l'Expert indépendant et le Soudan à poursuivre leur collaboration afin que le mandat puisse aboutir, pour le bien des populations concernées. Les démarches du Gouvernement soudanais propices au renforcement de la promotion des droits de l'homme mériteraient d'être soutenues au titre de la coopération technique et du renforcement des capacités. L'Union européenne a salué le dialogue avec le Groupe africain qui a abouti à un accord permettant à l'Expert indépendant de se focaliser sur l'assistance technique et le renforcement des capacités; à cet égard, l'expert doit disposer d'un accès complet et sans entraves à l'ensemble du territoire.

Les délégations se sont dites généralement inquiètes de la situation des droits de l'homme dans les provinces ou États du Darfour, du Kordofan méridional et du Nil bleu. Aux yeux de la Norvège, la situation humanitaire dans les zones de conflit reste le principal problème de droits de l'homme au Soudan. Aussi longtemps que l'Expert indépendant n'aura accès à ces zones, sa tâche restera incomplète et la situation humanitaire précaire, ont observé l'Espagne, la Slovénie et la Slovaquie. La Grèce a demandé à l'Expert indépendant quelles étaient les principales difficultés s'agissant du rétablissement des droits de l'homme dans ces trois provinces, et quelle aide le Conseil pourrait apporter à cet égard. Les autorités doivent trouver une solution politique à la crise au Darfour en appliquant l'Accord de Doha, a plaidé le Bahreïn.

La Croatie, condamnant l'utilisation du viol en tant qu'arme contre les civils, a rappelé les termes de la résolution 1325 du Conseil de sécurité, sur «les femmes, la paix et la sécurité»; elle a espéré que la situation au Soudan ne dérapera pas dans les prochains mois. La Suisse a dit sa préoccupation quant au fait que le Code pénal prévoit toujours la lapidation comme sanction à l'adultère. Elle a demandé à l'Expert indépendant de dire comment il jugeait la volonté politique du Soudan de réformer les lois qui contreviennent aux conventions internationales qu'il a ratifiées.

Parmi les délégations ayant exprimé un avis très positif sur l'évolution du Soudan, le Maroc a félicité ce pays pour son processus de démocratisation et pour les mesures prises en faveur du renforcement des droits de l'homme. Le Maroc se félicite en particulier de la création d'institutions nationales des droits de l'homme, et il soutient la demande d'assistance technique formulée par Khartoum pour aider à leur fonctionnement. Les Émirats arabes unis ont relevé que l'Expert indépendant retire une impression positive de sa visite, ce qui est très encourageant et démontre la volonté du Soudan de collaborer avec la communauté internationale pour améliorer la situation des droits de l'homme. La Libye appelle la communauté internationale à continuer de soutenir le processus en cours au Soudan. La Chine a dit comprendre les difficultés auxquelles est confronté le Soudan en tant que pays en développement et émergeant d'un conflit. L'assistance technique ne doit pas devenir un prétexte pour s'ingérer dans les affaires intérieures du Soudan, a plaidé la représentante chinoise.

Avec d'autres délégations, la France a plaidé pour un renforcement du mandat de l'Expert indépendant et pour sa prolongation pendant un an. Le Koweït a espéré que cette prolongation signifierait davantage d'assistance technique pour le Soudan.

Human Rights Watch a regretté que le mandat de l'Expert indépendant ait été relégué au point de l'ordre du jour portant sur l'assistance technique, alors que la situation des droits de l'homme au Soudan est difficile et exigerait des mesures rapides et déterminées. Ainsi, le Darfour, le Kordofan et le Nil bleu sont le théâtre de bombardements contre des civils, ainsi que de viols, tandis que les manifestations pacifiques y sont réprimées. Le Gouvernement soudanais limite par ailleurs la capacité d'action des organisations non gouvernementales. Le représentant a appelé le Conseil à exiger du gouvernement soudanais que les procédures spéciales puissent superviser la situation sur le terrain et que les travailleurs humanitaires aient accès à toutes les zones affectées. La Fédération internationale des droits de l'homme a, de même, déploré que les prérogatives de l'Expert indépendant soient restreintes alors que, depuis la fin du mandat de la MINUS, les civils continuent d'être victimes de violations des droits de l'homme, de même que les manifestants, les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes.

Le East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, au nom également de Cairo Institute for Human Rights Studies, s'est lui aussi inquiété de la détérioration de la situation des droits de l'homme au Soudan depuis le dernier examen de cette question par le Conseil. Il a invité le gouvernement à coopérer pleinement avec l'Expert indépendant et à lui permettre un accès total, y compris aux camps de réfugiés. L'Eastern Sudan Women Development Organization a regretté que l'Expert indépendant n'ait pas collaboré avec nombre d'organisations actives sur le terrain. La Maarij Foundation for Peace and Development a déploré, enfin, qu'à ce jour la société civile au Soudan n'a bénéficié d'aucune mesure d'assistance technique.

Conclusion

M. BADERIN s'est dit lui aussi préoccupé par les interdictions d'accès aux zones de conflit. Il s'est pourtant dit confiant, le Gouvernement lui ayant garanti un accès illimité s'il en faisait la demande. L'Expert a d'autre part salué le rôle de la société civile. Il a précisé à cet égard qu'il lui est impossible de contacter chacune des vingt-cinq mille organisations non gouvernementales que compterait le Soudan. Par ailleurs, l'expert indépendant a indiqué avoir expressément demandé aux autorités du Soudan de se garder de restreindre arbitrairement la liberté d'expression, en conformité avec les recommandations faites dans le cadre de l'Examen périodique universel.

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Organisations non gouvernementales (Somalie) 1: International Educational Development, Fédération internationale des journalistes, East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, Human Rights Watch et Amnesty International.

Organisations non gouvernementales (Soudan) 2: Human Rights Watch, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project(au nom également de Cairo Institute for Human Rights Studies), Eastern Sudan Women Development Organization et Maarij Foundation for Peace and Development.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC12/123F