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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME SE PENCHE SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN SYRIE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a examiné, ce matin, la situation des droits de l'homme en République arabe syrienne. Il a été saisi dans ce cadre d'une mise à jour du rapport de la Commission internationale d'enquête sur la Syrie, présentée par son Président, M. Paulo Pinheiro et d'un rapport du Secrétaire général sur la question, présenté par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay.

M. Pinheiro a indiqué que sa Commission d'enquête avait pu constater que les violations graves des droits de l'homme en Syrie se sont multipliées à un rythme qui dépasse la capacité d'enquêter de la Commission, qui n'a pas accès au pays. La Commission a des raisons de croire que, pendant la période examinée, les forces gouvernementales ont commis des crimes de guerre, des violations graves des droits de l'homme et des crimes contre l'humanité. De leur côté, des membres des groupes antigouvernementaux ont également commis des actes inacceptables. La situation socioéconomique et humanitaire en Syrie va de mal en pis en raison des effets cumulés du conflit et des sanctions économiques. Pour conclure, M. Pinheiro a appelé la communauté internationale à persévérer dans ses démarches soutenant la mission du Représentant spécial conjoint des Nations Unies et de la Ligue arabe, M. Lakhdar Brahimi, en vue de trouver une solution durable à la crise en Syrie, un appel repris à son compte par la Haut-Commissaire. Mme Pillay a souligné que le rapport du Secrétaire général relève également que les conditions en Syrie ont encore empiré. Les informations recueillies indiquent que les forces gouvernementales continuent de commettre des violations des droits de l'homme, dont les victimes comprennent, une fois de plus, des femmes et des enfants.

S'exprimant en tant que pays concerné, la Syrie a déclaré que le rapport de la Commission d'enquête est «inexact et subjectif». Elle a regretté que la Commission ait omis de dénoncer la responsabilité des pays qui imposent des sanctions unilatérales contre la Syrie, constituant des violations des droits économiques, sociaux et culturels du peuple syrien. Par le passé, la Syrie a collaboré avec toutes les instances désireuses de résoudre la crise. La Syrie a conclu en affirmant que les parties refusant de reconnaître les efforts sincères de la Syrie bloquent d'avance tout règlement de la crise.

Au cours du débat interactif avec le Président de la Commission d'enquête, les délégations ont réaffirmé leur inquiétude face à l'aggravation de cette crise tragique qui perdure depuis un an et demi. Elles ont souligné qu'il fallait trouver une solution pacifique à la crise, qui ne pourra pas être réglée par les armes. De nombreuses délégations ont appelé la communauté internationale à agir de concert pour mettre un terme à la crise, certaines soulignant toutefois que cette action doit être menée dans le respect du droit international et de la souveraineté de la Syrie. En outre, quelques délégations se sont dites préoccupées par les appels au changement de régime ou à l'action armée contre les autorités syriennes, relevant que seul le peuple syrien a le droit de choisir sa destinée. Par ailleurs, plusieurs délégations ont relevé que des crimes contre l'humanité et de guerre continuent d'être commis par toutes les parties en conflit. Plusieurs ont souhaité la saisine de la Cour pénale internationale afin de garantir la poursuite des responsables de crimes graves. En outre, nombre de pays, relevant la qualité du travail effectué par la Commission d'enquête, ont appelé au renforcement et à la prolongation de son mandat. De même, plusieurs intervenants ont souligné l'importance d'assurer à la Commission et aux acteurs humanitaires un accès sans entrave à l'ensemble du territoire syrien.

Les délégations suivantes ont pris part au débat interactif sur la situation des droits de l'homme en Syrie: Turquie au nom d'un groupe de pays, Royaume-Uni, Japon, Slovénie, Bulgarie, Croatie, Union européenne, Autriche, Italie, Allemagne, Fédération de Russie, Honduras, États-Unis, Portugal, Irlande, Suisse, France, Allemagne, Maldives, États-Unis, Arabie saoudite, Jordanie, Maroc, Koweït, Espagne, Portugal, Libye, Égypte, Suisse, France, Lituanie, Botswana, République de Corée, Cuba, Honduras, Venezuela, République démocratique populaire de Corée, Fédération de Russie, Iran, Malaisie, Équateur, Uruguay, Chine, Danemark au nom des pays nordiques, Chili, Italie, Maroc, Australie, Pérou, Brésil, Paraguay, Indonésie, République tchèque, Croatie, Australie, Canada, Thaïlande et Saint-Siège.

Les organisations non gouvernementales suivantes ont également pris la parole: Amnesty International, Cairo Institute for Human Rights Studies, Verein Südwind Entwicklungspolitik, Union des juristes arabes, Presse Embleme Campagne et Nord-Sud XXI.


Le Conseil tiendra cet après-midi son débat général sur les situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent son attention.


Examen de la situation en Syrie

Présentation du rapport de la Commission d'enquête

M. PAULO PINHEIRO, présentant le rapport de la Commission d'enquête internationale sur la situation des droits de l'homme en République arabe syrienne qu'il préside (A/HRC/21/50 à paraître en français), a déclaré, d'emblée, que la situation en Syrie s'est détériorée à tel point qu'il est difficile de la décrire avec exactitude en quelques mots. Les violations graves des droits de l'homme se sont multipliées à un rythme qui dépasse la capacité d'enquêter de la Commission. Les civils, dont de nombreux enfants, sont les premières victimes de la spirale de violence. Particulièrement dramatiques, des attaques aveugles contre les civils, notamment des bombardements aériens et pilonnages d'artillerie contre des zones résidentielles, ont lieu tous les jours à Alep, Damas, Dera, Lattaquié, Idlib et Homs. Même si l'Armée syrienne libre (ASL) est souvent présente dans ces régions, où elle attaque des positions de l'armée, le recours à des armes imprécises et l'indifférence pour les précautions visant à protéger les civils reflètent un mépris troublant des lois de la guerre. M. Pinheiro a illustré ses propos par un bombardement qui a fait plus de trente morts parmi des civils, dont de nombreux femmes et enfants, faisant la queue devant une boulangerie.

À Damas, la Commission a enquêté sur les tueries de Darya, principalement imputées aux forces gouvernementales, même si la Commission relève que certaines allégations concernent également l'ASL. M. Pinheiro a fait également état de bombardements aveugles à Idlib et Homs. Le bouclage par les forces gouvernementales des régions qu'elles attaquent, les pénuries de nourriture, d'eau, de gaz et de fournitures médicales sont également à déplorer. D'autre part, les membres de la Commission ont été informés par des civils des gouvernorats d'Idlib et d'Alep et de la ville d'Homs, des conditions ardues de survie dans certaines villes.

La Commission a des raisons de croire que, pendant la période sous examen, les forces gouvernementales et ses milices chabiha ont commis des crimes de guerre, des violations graves des droits de l'homme et des crimes contre l'humanité. Il s'agit notamment de meurtres, d'exécutions sommaires, d'actes de torture, d'arrestations arbitraires, de violences sexuelles, de violations des droits de l'enfant, de pillages et destructions d'infrastructures civiles, dont des hôpitaux et des écoles. Les autorités syriennes ont refusé à la Commission l'accès au pays, ce qui complique les enquêtes. La Commission a conclu que des forces gouvernementales, agissant de concert avec les milices chabiha, sont responsables de la mort de dizaines de femmes et d'enfants à Houla et a indiqué que l'accès à Houla était indispensable pour que les membres de la Commission puissent se rendre sur la scène des crimes et s'entretenir avec des témoins.

De leur côté, des membres des groupes antigouvernementaux ont exécuté des soldats capturés et d'autres personnes soupçonnées d'appartenir aux milices chabiha. Ils ont aussi utilisé des prisonniers pour faire détonner des explosifs. Des jeunes de moins de 18 ans combattent dans leurs rangs et sont chargés de tâches auxiliaires. Désormais mieux armés, les groupes antigouvernementaux s'attaquent aux positions gouvernementales sans toujours établir de distinction entre ennemis et populations civiles. Enfin, les tensions sectaires sont maintenant exacerbées, surtout dans les districts d'Idlib et de Lattaquié. Sunnites d'un côté, chiites et alaouites de l'autre procèdent à des enlèvements et à des meurtres; alors que d'autres groupes minoritaires, notamment les chrétiens et les druzes, organiseraient leurs propres forces d'autodéfense.

La situation socioéconomique et humanitaire en Syrie va de mal en pis du fait des effets cumulés du conflit et des sanctions économiques. La Commission considère que ces sanctions équivalent au déni des droits les plus élémentaires du peuple syrien. Elle estime aussi qu'un règlement politique est impératif compte tenu de l'impasse militaire dans laquelle cette crise est plongée. Le conflit, qui dure depuis 18 mois maintenant, mettant aux prises de nombreux acteurs intérieurs et extérieurs, pourrait durer jusqu'à l'épuisement de l'un ou l'autre des protagonistes. Le renforcement des capacités militaires du Gouvernement et la fourniture d'armes à ses adversaires n'ont d'autre effet que celui d'accentuer et de prolonger ce conflit. Comme en règle générale tout règlement politique est le fruit de négociations préalables, la communauté internationale doit persévérer, sans relâche, dans ses démarches en soutien à la mission du Représentant spécial conjoint des Nations Unies et de la Ligue arabe, M. Lakhdar Brahimi, en vue d'une solution durable à la crise en Syrie et de la fin des violences, a conclu M. Pinheiro.

Pays concerné

La République arabe syrienne a déclaré que le rapport de la Commission d'enquête est inexact et subjectif et ne fait pas état du fait que de nombreux acteurs internationaux aggravent la crise en braquant les médias et en envoyant des mercenaires participer au conflit en Syrie. En revanche, la Commission a failli à son mandat en s'abstenant de nommer les pays qui soutiennent les assassins, en l'occurrence l'Arabie saoudite, le Qatar et les États-Unis. La délégation a rappelé que des scènes d'exécutions publiques de femmes et d'enfants par des membres des groupes armés d'opposition avaient été retransmises par des chaînes de télévision. Par contre, le rapport inclut des témoignages non étayés par des documents et donc nuls et non avenus du point de vue juridique. Il ignore par ailleurs les décisions détestables de la Ligue des États arabes contre la Syrie, certaines constituant des violations des droits de l'homme. La Commission ignore, enfin, la coopération de la Syrie avec les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme, notamment avec le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires. La Syrie envisage de coopérer avec d'autres titulaires de mandats, a-t-il annoncé.

Le rapport fait aussi état de la fourniture d'armes aux forces rebelles, lesquelles ont commis, de l'aveu même de la Commission, des crimes de guerre. La délégation syrienne a regretté que la Commission ait omis de dénoncer à cette occasion la responsabilité des pays qui imposent des sanctions unilatérales contre la Syrie, sanctions qui constituent des violations des droits économiques, sociaux et culturels du peuple syrien. Par le passé, la Syrie a fait montre de bonne volonté dans la collaboration avec toutes les instances désireuses de résoudre la crise, en particulier avec le groupe de surveillance et l'émissaire conjoint des Nations Unies et de la Ligue arabe, M. Kofi Annan. Toutefois, ces démarches n'ont pas eu l'heur de plaire aux États-Unis. Les parties qui refusent de reconnaître les efforts sincères de la Syrie bloquent d'avance tout règlement de la crise. Les mercenaires actuellement à l'œuvre en Syrie sont de véritables bombes à retardement qui frapperont, après la Syrie, les pays qui les ont armés, a mis en garde la délégation syrienne. Elle a également dénoncé la volonté de balkanisation du Moyen Orient qu'augure le pilotage international de cette crise et qui n'a d'autre but que de faire oublier la question palestinienne et les visées territoriales israéliennes. La Syrie appelle les pays qui dépensent l'argent du pétrole pour soutenir les terroristes à cesser ces agissements.

Présentation du rapport du Secrétaire général sur la situation des droits de l'homme en Syrie

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a présenté le deuxième rapport du Secrétaire général sur l'application de la résolution du Conseil intitulée «Situation des droits de l'homme en République arabe syrienne» (A/HRC/21/32, à paraître). Le Secrétaire général relève qu'en dépit des appels répétés au Gouvernement de la Syrie, celui-ci refuse toujours de coopérer avec la commission d'enquête indépendante. De même, les demandes de visites déposées par le Rapporteur spécial sur le droit de réunion et d'association pacifiques et par le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des personnes déplacées dans leur propre pays sont toujours en suspens. Par contre, le 3 août dernier, le Gouvernement répondait à une demande similaire du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires en faisant savoir qu'il «envisageait de manière positive cette demande».

Depuis le premier rapport du Secrétaire général, les conditions en Syrie ont encore empiré, a poursuivi Mme Pillay. On y enregistre ainsi une augmentation des attaques des forces gouvernementales d'infanterie mécanisée contre des centres d'habitation, en vue de réduire les groupes armés antigouvernementaux; ces derniers ont, pour leur part, intensifié leurs attaques contre les soldats et contre les infrastructures gouvernementales et civiles. Les informations recueillies pendant la période sous examen indiquent que les forces gouvernementales continuent de commettre des violations des droits de l'homme, dont les victimes comprennent, une fois de plus, des femmes et des enfants. De même, des renseignements font état d'une recrudescence d'enlèvements, actes de torture et mauvais traitements de prisonniers par les groupes antigouvernementaux, qui auraient également engagé des enfants soldats. Selon d'autres sources enfin, des tireurs d'élite des deux camps ciblent des civils. Mme Pillay a repris à son compte l'appel du Secrétaire général à la fin de la violence en Syrie et à une collaboration sincère aux efforts du Représentant spécial, M. Lakhdar Brahimi, pour la recherche d'une solution pacifique à cette crise.

Débat interactif avec le Président de la Commission d'enquête

La Turquie, s'exprimant au nom d'un groupe de trente-neuf pays, a déclaré que le mandat du Conseil des droits de l'homme lui impose d'agir face à la crise syrienne. L'armée syrienne et les milices pro-gouvernementales ont mené des attaques aveugles à l'arme lourde contre les civils, et le bilan s'élève à présent à plus de vingt mille victimes. Le Royaume-Uni a estimé que la responsabilité des forces gouvernementales ne fait aucun doute au vu des informations contenues dans le rapport, appelant ainsi à traduire en justice les auteurs de ces crimes.

Le Japon, la Slovénie, la Bulgarie et la Croatie ont condamné la violence contre les civils et les journalistes et renouvelé leur appel au gouvernement syrien pour qu'il prenne toutes les mesures nécessaires au respect du droit international et à la fin des violences. Une enquête approfondie doit être menée au sujet de toutes les violations des droits de l'homme afin de faire la lumière sur les agissements de toutes les parties au conflit.

L'Union européenne a souligné que des crimes contre l'humanité et des abus graves ont été commis par les deux parties, mais pas avec la même gravité ni à la même échelle. L'Union européenne a appelé la communauté internationale à veiller à ce que les responsables répondent de tels actes. Elle a indiqué avoir imposé des mesures de restriction aux responsables de la répression et à ceux qui les soutiennent, et s'est interrogée sur les mesures qui pourraient être prises pour encourager la lutte contre l'impunité. L'Autriche a estimé que le Président Bachar Al-Assad a perdu toute légitimité en réprimant dans le sang les manifestations pacifiques demandant plus de liberté. En outre, elle a relevé que des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ont été perpétrés tant par les forces pro-gouvernementales que par les groupes rebelles, et appelé à la saisine de la Cour pénale internationale, soutenu en cela par l'Italie. À l'instar de nombreuses autres délégations, l'Allemagne a dénoncé les violations des droits de l'homme commises par les forces gouvernementales et par des groupes d'opposition. Même si leurs violations des droits de l'homme ne sont pas aussi nombreuses que celles du gouvernement, il est essentiel que les forces d'opposition respectent, elles aussi, les droits de l'homme. La Fédération de Russie a cité un rapport d'une organisation non gouvernementale faisant état d'actes de torture commis par des membres des groupes armés. Les États doivent s'abstenir de soutenir de tels groupes terroristes, dont certains ont des visées jihadistes.

Plusieurs délégations dont celle de l'Italie, du Honduras, des États-Unis, du Portugal, de l'Irlande, de la Suisse, de la France et de l'Allemagne se sont prononcées en faveur d'un renouvellement du mandat de la Commission d'enquête, de son élargissement et de son renforcement, afin qu'elle continue son travail de collecte de preuves et de publication des noms des auteurs de crimes. La communauté internationale le doit au peuple syrien, ont ajouté ces délégations. Cet élargissement s'avère d'autant plus nécessaire que la situation actuelle dépasse le mandat et les capacités actuelles de la Commission d'enquête, ont plaidé les Maldives. L'Allemagne a demandé aux autorités syriennes de permettre l'accès de la Commission au pays.

Les États-Unis ont souligné que quiconque ayant pu observer le comportement du Président Assad, désormais responsable de la mort de plus de vingt mille Syriens, ne saurait s'étonner du contenu du rapport de la Commission. Les États-Unis exhortent dès lors tous les pays qui se soucient véritablement d'une issue à ce conflit de se joindre à leurs efforts tendant à exercer une pression accrue sur le Gouvernement syrien. L'heure n'est plus aux condamnations mais à l'action, a pour sa part insisté le Qatar, qui a souligné que la Syrie est devenue un vaste cimetière où l'on ne peut même plus enterrer ses morts. L'aggravation de cette crise au quotidien, a dit l'Arabie saoudite, exige la coopération la plus large possible de la communauté internationale qui, selon la Jordanie, doit également ne ménager aucun effort pour répondre aux aspirations légitimes du peuple syrien, faire cesser les crimes contre l'humanité, et traduire leurs auteurs en justice.

Le Maroc a appelé la communauté internationale à se mobiliser d'urgence pour mettre fin aux violences et œuvrer à un transfert pacifique du pouvoir, conformément aux aspirations légitimes du peuple syrien. Il a annoncé que la 4e réunion du Groupe des amis du peuple syrien se tiendrait en octobre prochain au Maroc. Le Koweït a pour sa part déploré l'absence de volonté politique de la communauté internationale de mettre fin à ce conflit et a prévenu qu'un tel manque de volonté aura des répercussions préjudiciables sur la paix et la sécurité, non seulement dans la région mais aussi au niveau mondial. La communauté internationale ne saurait tolérer davantage cette situation, ont déclaré d'une même voix l'Espagne et le Portugal, ce dernier accusant les autorités syriennes d'avoir systématiquement refusé toute solution de résolution du conflit.

La Libye a souligné que les attaques systématiques et d'envergure contre la population se poursuivent dans une impunité totale et absolue. Ce qui se passe en Syrie est une révolution authentique et non une révolte liée ici et là à des considérations politiques. Il est temps que le Gouvernement écoute enfin cette réalité et mette fin à cette honte pour la conscience internationale. L'heure est venue pour que la communauté internationale prenne une position claire, nette et sans ambages face à la situation qui prévaut en Syrie, estime la Libye. L'Égypte a souligné que «toutes les lignes rouges ont été dépassées» en Syrie, ce qui exige une résolution immédiate de la crise et la coopération avec l'envoyé spécial, en particulier le plan en six points.

Avec l'appui d'un groupe d'États, la Suisse envisage d'adresser une lettre au Conseil de sécurité le priant de déférer la situation de la Syrie devant la Cour pénale internationale. La France a déclaré que le rapport de la Commission d'enquête, accablant pour le régime de Damas, rassemble assez de faits pour établir ce que craignait la communauté internationale: des crimes relevant d'une politique d'État et qui engagent la responsabilité individuelle des criminels. Le rapport témoigne aussi que la spirale de la violence, le désespoir et la peur ont poussé certains groupes de l'opposition à commettre des crimes de guerre. La France estime que la communauté internationale doit trouver les conditions d'une saisine de la Cour pénale internationale. La Lituanie a appelé toutes les parties à cesser les violences aveugles contre les civils syriens et au renvoi de cette question devant la Cour pénale internationale. Les Maldives ont ajouté qu'il faudra s'assurer que toute personne ayant commis des crimes ne puisse faire partie de la nouvelle Syrie. Le Botswana a qualifié de crimes contre l'humanité et crimes de guerre les actions du système syrien actuel, notamment avec les milices chabiha qui utilisent en particulier le viol et la violence à l'égard des femmes et des enfants comme armes de guerre. Les membres du Conseil de sécurité doivent se sentir interpelés par les informations figurant dans le rapport de la Commission d'enquête. Les groupes antigouvernementaux se sont également rendus coupables d'exactions graves et le Conseil doit agir. La République de Corée a également relevé que les crimes commis par les forces gouvernementales et les forces de l'opposition ont été qualifiées de crimes contre l'humanité et de guerre par la Commission d'enquête et appuyé l'idée d'un renvoi de la situation des droits de l'homme en Syrie devant la Cour pénale internationale.

Du point de vue de Cuba et du Honduras, une intervention militaire dans la région aurait de graves conséquences. Dans ce contexte, Cuba a qualifié «d'alarmants» les appels de certains pays à cette solution. Ces appels doivent cesser, de même que les transferts d'armes par les puissances occidentales qui ne font qu'envenimer la situation; en revanche, Cuba estime qu'il conviendrait que la communauté internationale s'emploie à trouver des solutions pacifiques à la crise. Parallèlement, il s'agira de confier au peuple syrien le soin de choisir, seul, sa destinée. Le Venezuela a dénoncé violences en Syrie, en particulier les assassinats et exécutions extrajudiciaires dont les mercenaires à la solde de l'étranger se sont rendus coupables, ainsi que la recrudescence de la violence, accompagnée d'une intense campagne médiatique internationale. La République démocratique populaire de Corée a remarqué que certains groupes terroristes bénéficient d'un appui financier et matériel de forces extérieures et s'est opposée à toute ingérence étrangère et à toute solution militaire à la crise syrienne. Les divergences relatives aux droits de l'homme doivent être résolues loin de toutes considérations politiques et d'une politique de «deux poids deux mesures».

La Fédération de Russie a regretté les conclusions du rapport concernant le massacre de Houla et souligné qu'une présence sur le terrain lui aurait permis d'aboutir à des constatations différentes. La Commission doit tenir compte de l'influence des médias dans l'appréciation de la situation réelle en Syrie. L'Iran a déclaré que la violence en Syrie s'aggrave en raison des sanctions unilatérales imposées par l'Union européenne et les États-Unis; il condamne les actes terroristes et estime qu'un dialogue inclusif est nécessaire pour trouver une solution pacifique négociée. L'Iran, comme la Malaisie, a appelé au respect de l'intégrité et de la souveraineté de la Syrie, à cesser de fournir des armes aux parties au conflit, ainsi qu'à lever les sanctions unilatérales. L'Équateur a souhaité un cessez le feu immédiat et le respect des droits de l'homme et de la souveraineté de la Syrie. Il a déploré les assassinats de dirigeants et de militants des droits de l'homme répertoriés par les membres de la Commission d'enquête. Il a réitéré que ni l'impunité ni une politique de «deux poids deux mesures» ne seraient tolérables. Pour sa part, l'Uruguay a souligné que la communauté internationale doit inscrire son action dans le plus strict respect du droit international.

La Chine, qui a fait part de sa préoccupation devant la détérioration de la situation en Syrie et rejeté toute violence contre des civils innocents, a souligné que la communauté internationale doit respecter la souveraineté de la Syrie et instaurer les conditions du dialogue politique en Syrie. La Chine, qui n'est pas favorable aux tentatives de changement de régime ou d'interventions militaires, appelle une nouvelle fois les parties à chercher une solution politique équilibrée.

Pour la Slovaquie il est regrettable que malgré les efforts de la communauté internationale, la situation ait dépassé le seuil légal d'un conflit armé non international. Cette situation choque les consciences et ne fait que renforcer la défiance envers la communauté internationale, a ajouté la Tunisie, soulignant la désespérance du peuple syrien. Cette situation est d'autant plus choquante qu'elle touche des femmes et des enfants victimes d'attaques aveugles, ont poursuivi la Roumanie et la Pologne, appelant à une cessation des hostilités dans le but d'aborder une transition démocratique inclusive. Il est donc temps que la communauté internationale assume ses responsabilités, d'autant que les droits de l'homme continuent d'être violés, a ensuite déclaré le Costa Rica, invitant le Conseil à répondre en des termes très clairs face à ces actes de violence. Pour cette délégation encore, les auteurs de graves crimes doivent répondre de leurs actes devant la justice nationale et le cas échéant devant la justice internationale.

Le Danemark au nom des pays nordiques a souligné, quant à lui, la vulnérabilité particulière des femmes et des enfants alors que la situation ne cesse de se détériorer sur le terrain, avant de lancer un appel à toutes les parties afin qu'elles prennent des mesures de protection spécifique à l'égard de ces populations fragiles. Le Chili a également exhorté à la protection des groupes les plus vulnérables, les femmes et les enfants en particulier. Par ailleurs, le bombardement d'hôpitaux est contraire au droit humanitaire international, a rappelé la Belgique; ces lieux devraient être considérés comme des bases humanitaires. L'Italie a demandé des garanties d'accès au territoire syrien à tous les acteurs humanitaires. Le Maroc a annoncé qu'il abriterait la quatrième réunion du Groupe des amis du peuple syrien en octobre prochain. L'Australie a indiqué avoir accordé vingt millions de dollars à ce jour au titre de l'aide humanitaire aux personnes victimes de la violence en Syrie. Face à la crise humanitaire chaque fois plus grave, la République de Corée a également œuvré à l'envoi d'une aide humanitaire. En dépit des défis budgétaires nationaux, le Botswana a exercé sa solidarité en envoyant une assistance humanitaire à la population syrienne.

En raison du déclin socio-économique découlant de cette détérioration, le Pérou a invité tous les acteurs humanitaires et notamment les organismes des Nations Unies à prendre les mesures prioritairement favorables à la population exempte. En tant que pays fournissant une aide humanitaire, le Brésil a appelé les protagonistes au conflit à ne pas entraver les efforts humanitaires qui ne devraient pas être mêlés aux différends. Il a ajouté que toute autre militarisation de ce conflit ne déboucherait que sur une aggravation de la situation humanitaire.

Le Paraguay exprimé sa profonde préoccupation face à la situation de plus de deux millions de personnes déplacées de force; les structures d'aide sont débordées et ne peuvent répondre à une telle demande, dans un contexte de sécurité compromise. Le Conseil des droits de l'homme doit continuer de s'exprimer d'une seule voix jusqu'à la résolution de cette crise. L'Indonésie, à l'instar de la Malaisie, s'est dite profondément préoccupée par la poursuite de la violence en dépit des nombreux appels internationaux à y mettre un terme. La militarisation de la situation a abouti à une situation humanitaire catastrophique, notamment au vu du nombre de réfugiés dans les pays voisins. La République tchèque a salué l'action des pays voisins de la Syrie qui accueillent des réfugiés. Par ailleurs, la Croatie s'est dite prête à accueillir des réfugiés syriens.

Outre un embargo sur les armes, l'Australie applique une interdiction de voyage et le gel des avoirs de personnes et entités impliquées dans des violations des droits de l'homme. Pour intensifier la pression sur le gouvernement syrien, elle a adopté, le 21 août dernier, un nouveau train de sanctions, plus sévères. Le Canada a déploré le recours du viol systématique comme arme de guerre et appelé à des poursuites judiciaires contre les auteurs de tels crimes; il invite le Conseil à adopter des sanctions contre la Syrie et appelé tous les États à faire de même. Des délégations, comme la Thaïlande, se sont interrogées, quant à elles, sur la pertinence des sanctions économiques infligées à la Syrie, qui risquent d'avoir des conséquences très néfastes pour la population. La Thaïlande a aussi demandé à la Commission d'enquête de veiller à ce que tous les auteurs de violations des droits des enfants en répondent devant la justice.

Le Saint-Siège a déclaré suivre avec préoccupation la dégradation de la situation en Syrie, rappelant que, lors de son déplacement dans la région, le pape a condamné, sans aucune ambiguïté, le recours à la violence. La solidarité avec le peuple syrien impose aux membres de la communauté internationale de mettre de côté les intérêts particuliers et de soutenir le processus politique en vue d'une cessation de la violence et d'une pleine participation de tous les citoyens à la gestion du pays.

Amnesty International a indiqué que les enquêtes menées récemment sur le terrain indiquent que des crimes contre l'humanité et de guerre ont été commis et continuent de l'être en Syrie. À l'instar du Cairo Institute for Human Rights Studies, qui s'est félicité du rapport de la Commission d'enquête et des recommandations qui y figurent, Amnesty International a appelé à reconduire le mandat de la Commission et à saisir la Cour pénale internationale. Verein Südwind Entwicklungspolitik a souligné pour sa part que la population syrienne est exposée aux pires exactions de la part les autorités depuis dix-huit mois, provoquant une grave crise humanitaire. L'Union des juristes arabes a ajouté que la situation humanitaire est aggravée par les sanctions unilatérales, contraires à la Charte des Nations Unies. Presse Embleme Campagne a dénoncé les meurtres de trente journalistes depuis le début du conflit. En effet, les journalistes sont devenus la principale cible des forces d'opposition, a-t-il souligné, en condamnant les tentatives visant à contrôler le travail effectué par ceux-ci. Nord-Sud XXI a pour sa part exprimé sa préoccupation au sujet de la volonté de certains pays d'utiliser la force armée contre la Syrie, appelant la communauté internationale à ne pas répéter les erreurs commises en Libye.

Conclusions du Président de la Commission d'enquête

M. PAULO PINHEIRO, Président de la Commission d'enquête, a indiqué, en réponse à la délégation syrienne, que la Commission d'enquête n'a reçu aucune information relative aux sanctions qui auraient été prononcées en Syrie contre des agents du Gouvernement syrien ayant commis des exactions. Des enquêtes sont menées sur certains incidents, mais en raison de l'accès limité au territoire syrien, la Commission n'est pas en mesure de donner des informations précises sur la situation sur le terrain. Il est donc extrêmement difficile d'avoir accès aux victimes et les entretiens avec les témoins se font donc par téléconférence. Un mécanisme de vérité et de réconciliation pourrait être mis en place à l'avenir, a-t-il estimé. Par ailleurs, une attention particulière est portée à toutes les allégations de violences sexuelles. Répondant à une autre question, le Président de la Commission d'enquête a rappelé que le droit humanitaire s'applique à toutes les parties au conflit. M. Pinheiro a indiqué avoir tenté de convaincre le Gouvernement syrien d'autoriser la Commission à accéder au territoire syrien, mais sans succès pour l'instant. Enfin, la Commission réitère son appel à tous ceux qui détiendrait des informations au sujet d'éventuelles violations des droits de l'homme de les lui transmettre, pour autant que son mandat soit renouvelé.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC12/106F