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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT SUR LES REPRÉSAILLES CONTRE LES PERSONNES QUI COOPÈRENT AVEC L'ONU

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, à la mi-journée, une réunion-débat sur la question des représailles dirigées contre les personnes ou les groupes qui coopèrent avec l'Organisation des Nations Unies et ses mécanismes dans le domaine des droits de l'homme. Le Conseil a entendu dans ce cadre des déclarations liminaires du Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, qui a préparé un rapport sur la question et la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay.

Dans sa déclaration liminaire transmise par vidéo, M. Ban Ki-moon a déclaré que les Nations Unies doivent prendre des mesures pour assurer la sûreté des défenseurs des droits de l'homme et s'est félicité des activités du Conseil des droits de l'homme dans ce domaine. Pour sa part, Mme Pillay a regretté qu'un tel débat s'avère nécessaire, alors que de telles représailles ne devraient tout simplement pas exister. Elle a rappelé que le Conseil a reçu pour mandat de travailler non seulement avec les États, mais aussi avec les organisations régionales et la société civile.

Quatre panélistes ont fait des exposés et répondu aux interventions des participants: M. Szabolcs Takács, Secrétaire d'État adjoint pour les affaires internationales au Ministère hongrois des affaires étrangères; M. Michel Forst, Président du Comité de coordination des Procédures spéciales; M. Claudio Grossman, Président du Comité contre la torture; M. Hassan Shire Sheikhahmed, Directeur exécutif du East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project.

M. Takács a constaté que les représailles contre des personnes ayant collaboré avec les Nations Unies sont malheureusement à la hausse. Il a déclaré que la Hongrie a toujours adopté une position ferme contre les menaces et les représailles l'encontre de ceux qui coopèrent avec les Nations Unies. M. Forst a pour sa part déclaré que les représailles sont un sujet de discussion récurrent parmi les titulaires de procédures spéciales, souvent confrontés à ce problème au retour de leurs missions; les cas sont connus, tout comme les pays dans lesquels ils se produisent. M. Grossman a évoqué un certain nombre de cas de représailles dont le Comité contre la torture a eu à connaître et a constaté que les journalistes étaient particulièrement visés. M. Sheikhahmed a indiqué que le East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project a permis de soutenir et d'aider des centaines de défenseurs des droits de l'homme menacés, tout en soulignant que cela ne représente qu'un petit pourcentage des cas qui lui sont rapportés.

Au cours du débat, les délégations ont rappelé que les États ont la responsabilité principale de protéger les individus qui coopèrent avec les Nations Unies contre les représailles. Les États ont également l'obligation de mener des enquêtes promptes, effectives et impartiales sur toutes les allégations d'actes d'intimidation ou de représailles. Cependant, lorsque l'État est dans l'incapacité de prévenir les représailles ou de protéger les victimes, la communauté internationale doit s'assurer que des mesures effectives sont mises en place, ont souligné plusieurs intervenants. Les délégations ont relevé le rôle fondamental joué par les acteurs de la société civile dans le travail des Nations Unies. Certaines ont estimé que la crédibilité du Conseil des droits de l'homme est en jeu s'il n'assure pas la protection des personnes qui apportent leur témoignage. Un représentant de la société civile a quant à lui évoqué les menaces qu'il a lui-même reçues en raison de sa participation à la présente session du Conseil. Des pays se sont dits préoccupés par certaines informations erronées et allégations non-vérifiées contenues dans le rapport du Secrétaire général. Enfin, certaines délégations ont plaidé pour que les droits de l'homme ne soient pas manipulés à des fins politiques.

Les délégations suivantes ont participé au débat: Suisse, Chili, Cuba, Uruguay, Chine, République de Corée, Argentine, Fédération de Russie, Honduras, États-Unis, Pologne, Bahreïn, France, Arabie saoudite, Irlande, Équateur, Union européenne, Bélarus, Espagne, Royaume-Uni, Qatar, Australie, Paraguay, Sri Lanka, Suède, République tchèque, Maroc, Danemark et Norvège. Ont également participé aux échanges le Défenseur du peuple de l'Équateur, ainsi que la Fédération internationale des droits de l'homme, Amnesty International, Cairo Institute for Human Rights Studies, Lawyers' Rights Watch Canada et CIVICUS.


Le Conseil reprendra ses travaux demain à dix heures pour examiner les rapports thématiques du Secrétaire général et de la Haut-Commissaire, ainsi que le rapport du Groupe de travail sur le droit au développement.


Réunion-débat sur la question des représailles dirigées contre les personnes ou les groupes qui coopèrent avec l'ONU et ses mécanismes

Déclarations liminaires

Dans une déclaration lue par le Vice-Président du Conseil, M. Andras Dékany, Mme LAURA DUPUY LASSERRE, Présidente du Conseil des droits de l'homme, s'est réjouie que le Conseil ait décidé d'accorder toute son attention au problème posé par les représailles exercées contre des défenseurs des droits de l'homme. Les représentants des organisations non gouvernementales qui viennent témoigner devant le Conseil doivent pouvoir retourner en toute sécurité dans leur pays. Le rôle de la société civile est essentiel, a-t-elle ajouté, rappelant aux États de veiller à assurer une totale liberté d'action aux représentants de la société civile.

Dans un message transmis par vidéo, M. BAN KI-MOON, Secrétaire général de l'ONU, a déclaré que des cas d'intimidation avaient été régulièrement signalés ces vingt dernières années. Le simple fait d'avoir adressé une lettre au Secrétaire général a ainsi entraîné la persécution de son auteur, a-t-il déploré. Les Nations Unies doivent prendre des mesures pour assurer la sûreté des défenseurs des droits de l'homme. Le Conseil des droits de l'homme s'est montré très actif à cet égard, s'est-il félicité.

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a regretté qu'un tel débat s'avère nécessaire, alors que ce genre de représailles n'a pas lieu d'exister. Depuis sa création, le Conseil a reçu pour mandat de travailler non seulement avec les États, mais aussi avec les organisations régionales, ainsi qu'avec la société civile. L'Examen périodique universel ne pourra respecter ses principes fondateurs en faveur de l'implication de toutes les parties prenantes sans la garantie d'un processus de consultations nationales impliquant la société civile. Dans certains cas, les témoignages des victimes de violations des droits de l'homme et d'autres acteurs sont essentiels à l'action des commissions d'enquête, a-t-elle souligné.

Après avoir loué l'action d'un pays comme la Hongrie, qui a parrainé des projets de résolutions sur cette question, Mme Pillay a salué le fait que le Conseil rejette résolument, et à l'unanimité, tout acte d'intimidation ou de représailles contre les individus ou les groupes qui coopèrent ou qui ont coopéré avec l'ONU dans le domaine des droits de l'homme. Toutefois, il convient que le Conseil ne s'arrête pas en si bon chemin et qu'il élabore des stratégies cohérentes et solides pour faire cesser les représailles. Celles-ci ne sont pas seulement inacceptables, elles sont inefficaces dans le long terme, selon la Haut-Commissaire. Empêcher les gens d'exprimer librement leur volonté ou leur dissidence est voué à l'échec, a-t-elle prévenu, en soulignant sa conviction qu'au bout du compte, la liberté prévaudra toujours et que l'information trouvera le moyen de filtrer vers le monde extérieur. Comme le souhaite le Secrétaire général, les échanges de ce jour doivent constituer le catalyseur d'une action ferme de la part de tous, au travers de l'ensemble du système des Nations unies, afin de mettre un terme aux représailles.

Exposés de panélistes

MME MEHR KHAN WILLIAMS, Directrice du Service international des droits de l'homme (ISHR), s'est félicitée de l'attention portée par le Conseil au problème des représailles. L'objectif du débat consistera à identifier les rôles, distincts mais complémentaires, des intervenants concernés par ce problème et de formuler de manière claire les attentes auxquelles ils doivent répondre. Mme Khan Williams a dégagé trois dimensions du problème. D'abord, la sécurité des personnes qui coopèrent ou désirent coopérer avec les Nations Unies est la condition du succès des efforts collectifs pour garantir les droits de l'homme pour tous. En deuxième lieu, la lutte contre l'impunité des acteurs étatiques ou non étatiques responsables de ces représailles conditionne la volonté d'autres personnes de défendre les droits de l'homme. Enfin, les Nations Unies ont une responsabilité morale à assumer pour protéger les personnes qui collaborent avec l'Organisation.

Mme Khan Williams a regretté qu'un certain nombre d'États continuent d'user systématiquement de différentes formes de représailles en tant que moyen de faire taire des organisations non gouvernementales, comme le rapport de cette année du Secrétaire général ne le montre que trop bien. Certains États n'hésitent pas à contrevenir aux termes de la résolution 12/2 du Conseil en condamnant des défenseurs des droits de l'homme à de lourdes peines pour avoir collaboré avec des organisations internationales. D'autre part, il faudrait que les défenseurs des droits de l'homme puissent travailler avec les Nations Unies. À cet égard, Mme Khan Williams a regretté que, parfois, des acteurs importants de la société civile soient empêchés de coopérer avec les mécanismes de l'Organisation en raison du retard pris dans les décisions du Comité des organisations non gouvernementales du Conseil économique et social, voire de sélectivité de cette instance. Il s'agit là encore d'une forme de représailles. Le Secrétaire général rappelle, dans son rapport, que les critères d'octroi du statut consultatif doivent être appliqués de «manière transparente et équitable».

M. SZABOLCS TAKÁCS, Secrétaire d'État adjoint pour les affaires internationales au Ministère des affaires étrangères de la Hongrie, a constaté que les représailles à l'encontre de personnes ayant collaboré avec les Nations Unies se sont accrues. Il a évoqué le cas historique d'un diplomate danois, M. Paul Bang-Jensen, qui était secrétaire d'une commission des Nations Unies établie afin de faire la lumière sur les évènements survenus en Hongrie en 1956. Soucieux de protéger ses sources contre toutes formes de représailles, M. Bang-Jensen a brûlé la liste des témoins entendus par la commission. Suite à cela, il a été tué par balles dans un garage de New York, dans des circonstances jamais élucidées. Inspirée par ce modèle, la Hongrie a toujours adopté une position ferme contre les menaces et les représailles contre ceux qui coopèrent avec les Nations Unies. À sa session de septembre 2011, une résolution condamnant toutes représailles à l'encontre des personnes qui coopèrent avec les mécanismes de l'ONU a d'ailleurs été adoptée suite à une initiative de la Hongrie. Ce texte a permis au Conseil de se pencher sur cette question sensible mais très importante et d'organiser la présente réunion-débat.

M. Takács a salué le fait que la Haut-Commissaire et le Secrétaire général aient érigé cette question comme l'une des cinq priorités du Conseil pour l'avenir. Le Secrétaire d'État hongrois a indiqué, en citant M. Ban Ki-moon, que les États ont l'obligation de protéger les personnes qui mettent leur vie en péril pour défendre les droits de l'homme et les valeurs de la Charte. En effet, la crédibilité et le fonctionnement quotidien des Nations Unies sont en jeu, raison pour laquelle cette question doit bénéficier d'un soutien politique fort de l'ensemble des États Membres. En conclusion, M. Takács a annoncé que le Ministère hongrois des affaires étrangères organisera une réunion-débat sur ce sujet au cours du cinquième Forum des droits de l'homme qui se tiendra en novembre prochain à Budapest.

M. MICHEL FORST, Président du Comité de coordination des procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme, a déclaré que les représailles sont un sujet de discussion récurrent parmi les titulaires de procédures spéciales, souvent confrontés à ce problème au retour d'une mission. Ces cas sont connus, les pays dans lesquels ils se produisent aussi: pourquoi donc cette absence de réaction de la part des États, s'est interrogé M. Forst, avant de saluer, au nom des titulaires de mandats, les prises de position courageuses de la Présidente du Conseil lors d'occurrences de représailles. Lors d'une rencontre récente, les procédures spéciales ont réaffirmé qu'il appartient aux États d'assumer leur responsabilité de garantir la coopération des défenseurs des droits de l'homme, y compris en prenant des mesures en vue d'une protection physique des témoins. M. Forst a évoqué plusieurs cas vécus où l'Ombudsman national des droits de l'homme a décidé de mettre des témoins à l'abri dans ses propres locaux.

Plusieurs titulaires de mandats ont pris des mesures pratiques du même ordre. Le Manuel des procédures des titulaires comportera un chapitre sur cette question, de telle sorte qu'une attitude systématique et unique soit adoptée toutes les fois que nécessaire. La démarche doit aboutir à ce qu'une atteinte à un témoin soit érigée en atteinte au titulaire lui-même. M. Forst a jugé également opportun que les titulaires s'inspirent de l'expérience d'autres organes, comme la Cour pénale internationale, pour ce qui a trait à la protection des témoins. Enfin, les titulaires qui quittent un pays avec le sentiment qu'une personne ayant collaboré avec eux est menacée devraient pouvoir demander aux missions diplomatiques de garantir à celle-ci une protection. L'expert a conclu sa présentation en espérant qu'un État, ou un groupe d'États, prendra des initiatives concrètes et rapides, faute de quoi la situation risque de ne pas évoluer.

M. CLAUDIO GROSSMAN, Président du Comité contre la torture, a fait état d'un certain nombre de cas de représailles dont son instance a été informée comme des enquêtes pénales sous les prétextes les plus divers et toutes formes de harcèlements et d'intimidations, qui sont les moyens les plus couramment utilisés pour museler les défenseurs des droits de l'homme. Par ailleurs, il existe des techniques juridiques dilatoires visant à repousser indéfiniment le fonctionnement des organisations non gouvernementales, en retardant leur enregistrement ou en exerçant des contrôles fiscaux tatillons. Ces pratiques ont lieu dans une atmosphère d'impunité et leurs auteurs ont généralement les mains libres pour exercer leurs activités de nuisance sur lesquelles les autorités ferment les yeux. Dans une telle atmosphère, les journalistes sont particulièrement visés, tandis qu'un quart des représailles et des persécutions ciblent des personnes cherchant à communiquer des informations.

Que peut-on faire pour lutter contre cela, s'est-il interrogé. Tout d'abord, chaque organe conventionnel, et pas uniquement le Comité contre la torture, formule un certain nombre d'observations finales et assure des activités de suivi. M. Grossman a aussi souligné qu'un inventaire des bonnes pratiques est en cours d'élaboration et que la formation des responsables publics à tous les niveaux de l'administration de l'État fait désormais partie des recommandations récurrentes des organes de traités, afin que les États respectent leurs obligations au titre des instruments internationaux qu'ils ont ratifiés. M. Grossman a proposé, en guise de conclusion, l'établissement d'une circonstance aggravante relevant du droit pénal lorsqu'un défenseur des droits de l'homme est visé. Il conviendrait, en outre, d'abolir les poursuites pour «lèse-autorité» dans le droit pénal, a-t-il encore suggéré.

M. HASSAN SHIRE SHEIKHAHMED, Directeur exécutif du East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, a salué l'élection du nouveau Président somalien, M. Hassan Cheikh Mohamoud, lui-même défenseur des droits de l'homme dans la Corne de l'Afrique. Le réseau de défenseurs des droits de l'homme qu'il représente a permis d'épauler des centaines de défenseurs des droits de l'homme menacés, bien qu'il faille souligner que cela ne représente qu'un pourcentage infime des cas rapportés à l'organisation, a-t-il expliqué. Même si le projet qu'il dirige concerne principalement les défenseurs des droits de l'homme, il a tenu à souligner que tout individu qui coopère d'une façon ou d'une autre avec les Nations Unies risque d'être la cible de représailles.

Il est du ressort des États de prendre les mesures appropriées en vue de la prévention d'actes d'intimidation et de représailles et de la fourniture de recours efficaces aux victimes, a-t-il poursuivi en regrettant que, trop souvent, cela soit l'exception. En conséquence, des réseaux se sont constitués pour répondre aux besoins urgents des défenseurs des droits de l'homme dont la sécurité est menacée. Les mesures d'assistance comprennent, entre autres, la mise à disposition de refuges sûrs, l'aide pour quitter le pays le cas échéant, ou encore l'assistance juridique. Un travail de sensibilisation et de plaidoyer est également mené, a-t-il précisé. M. Sheikhahmed a préconisé, d'une part, un suivi continu des cas rapportés et, d'autre part, la promotion de la coopération et de la coordination entre les différentes parties prenantes dans la protection des personnes qui coopèrent avec les Nations Unies.

Débat

La Suisse, au nom d'un groupe de pays, a fait part de sa vive préoccupation devant tous les actes de représailles commis contre les personnes qui coopèrent avec les mécanismes de droits de l'homme. La protection et la sécurité des défenseurs des droits de l'homme doivent être des priorités pour le Conseil, qui doit condamner sans équivoque tous les cas portés à sa connaissance. Les États se doivent d'honorer leur obligation de protéger les défenseurs des droits de l'homme et de coopérer avec le Secrétaire général pour garantir l'obligation redditionnelle. Les États doivent respecter l'appel du Secrétaire général à ce que tous les cas de représailles fassent l'objet d'enquêtes diligentes

Le Chili a rappelé que la protection des défenseurs des droits de l'homme passe aussi par un dialogue approfondi entre toutes les parties concernées et que, dans ce contexte, les femmes sont confrontées à des difficultés particulières, dont il faut tenir compte.

Pour l'Uruguay, il importe que les États prennent toutes les mesures juridiques pour lutter contre l'impunité des auteurs de représailles contre les personnes qui collaborent avec le système des Nations Unies, contre leurs parents ou contre des journalistes. Il est particulièrement inadmissible que ces pratiques soient le fait d'agents de l'État.

La République de Corée a préconisé des voies de recours pour les victimes des représailles.

L'Argentine a déploré la situation difficile, documentée par le rapport du Secrétaire général, de personnes de retour dans leur pays après avoir participé aux travaux du Conseil.

La Pologne a souhaité que ce dialogue permette de partager les expériences et les meilleures pratiques et a salué une meilleure coordination des mécanismes des droits de l'homme pour aborder la question des représailles.

La Fédération de Russie a fait valoir les garanties nationales de protection, notamment le fait que depuis 1998, les citoyens russes ont le droit de saisir la Cour européenne des droits de l'homme de tout mauvais traitement qu'ils auraient subi. Cela étant, la collaboration avec les Nations Unies ne confère aucune protection supplémentaire, comme certains criminels tentent de se prévaloir, a signalé le représentant. Dans tous les cas, le principe de la primauté de la loi doit prévaloir.

Le Bahreïn et l'Arabie saoudite ont regretté l'approche unilatérale de certaines organisations, qui ne s'informent qu'auprès de certaines sources, au détriment des canaux officiels. Les organisations non gouvernementales, qui jouent un rôle fondamental dans l'instauration d'une culture des droits de l'homme, doivent préserver leur crédibilité en puisant leurs informations auprès de sources variées et fiables.

Cuba s'est dite préoccupée par la tendance à la manipulation des mécanismes des droits de l'homme à des fins politiques et médiatiques. Ce pays a particulièrement mis en garde contre de fausses allégations ayant pour but de contraindre des titulaires de mandats à des prises de position publiques sur la base d'informations erronées.

La Chine a réaffirmé son opposition à tout acte d'intimidation ou de représailles. Elle a déploré que des assertions non vérifiées auprès des États concernés soient formulées dans le rapport de l'ONU sur la question, qui mentionne certains cas de façon sélective. Le rapport, privé de logique, témoigne aussi des préférences politiques évidentes de son rédacteur. La Chine invite le Secrétariat à adopter une attitude impartiale et à s'abstenir d'attaquer des gouvernements.

Le Honduras a estimé essentiel de trouver des mécanismes internationaux capables d'aider les pays qui s'efforcent de mieux protéger les membres de la société civile.

Les États-Unis ont salué le rôle joué par les défenseurs des droits de l'homme dans des circonstances parfois très difficiles. Les États-Unis prennent note en outre des attaques commises contre certains groupes entre 2006 et 2011, telles que présentées dans le rapport du Secrétaire général.

La France a estimé que davantage pourrait être fait afin que l'ONU assure un suivi des affaires de représailles de manière unifiée et coordonnée. Ce pays a proposé au Secrétaire général de nommer un médiateur qui agirait comme point focal du système des Nations Unies et serait saisi de toutes les allégations d'intimidations ou de représailles. Il assurerait leur suivi avec les mécanismes des droits de l'homme et les gouvernements concernés. Ainsi, il pourra veiller à ce que toutes les mesures nécessaires sont prises pour enquêter sur les allégations et, le cas échéant, traduire les auteurs en justice.

Dans une deuxième série d'interventions, l'Irlande a salué le courage des acteurs de la société civile qui continuent à coopérer avec les Nations Unies en dépit d'intimidations, estimant que des enquêtes crédibles et un suivi des cas de représailles sont nécessaires. Même si cette responsabilité incombe aux États, la communauté internationale doit également veiller à ce que des mesures effectives soient mises en place dans ce domaine.

L'Équateur a rappelé que la collaboration des individus et des groupes avec les mécanismes des droits de l'homme permet de garantir le plein respect des droits de l'homme pour tous. Les affaires de représailles doivent être condamnées publiquement et faire l'objet d'enquêtes crédibles pour établir les faits. La promotion de l'universalité des instruments des droits de l'homme et les garanties étatiques de protection aux personnes qui collaborent avec l'ONU en sont les garants.

L'Union européenne a également exhorté les États à manifester un appui politique fort contre les actes de représailles et à prendre des mesures pour y mettre un terme. Elle a demandé aux panélistes s'ils pouvaient donner des exemples des stratégies les plus efficaces et innovantes en la matière.

Le Bélarus a regretté que le rapport du Secrétaire général contienne des informations au sujet du Bélarus manquant objectivité, ce qui affaiblit la confiance à l'égard des rapports établis par le Secrétariat, qui deviennent chaque fois plus sélectifs. Les défenseurs des droits de l'homme ne doivent pas encourager certains États à prendre des mesures coercitives unilatérales contre d'autres États ou d'autres citoyens, a encore estimé le Bélarus.

L'Espagne a déclaré que les personnes qui collaborent avec les Nations Unies, en dépit des menaces et des risques, constituent un exemple pour l'humanité. Les États doivent s'abstenir de toutes représailles et prévenir activement ces actes. En 1998, l'Espagne s'est dotée d'un programme de protection des défenseurs des droits de l'homme particulièrement menacés. Il serait intéressant de préparer un recueil de bonnes pratiques des mesures prises pour protéger les défenseurs des droits de l'homme et lutter contre les représailles, a-t-elle conclu.

Le Royaume-Uni a condamné les violations des droits de l'homme des défenseurs des droits de l'homme. Les acteurs de la société civile jouent un rôle important, et le Conseil doit clairement condamner les attaques contre les individus qui coopèrent avec les organes des Nations Unies. Une attaque contre une personne qui collabore avec les Nations Unies doit être considérée comme une attaque contre les Nations Unies. Les États doivent mener des enquêtes promptes et impartiales sur toutes les allégations de représailles et fournir des recours appropriés aux victimes.

Le Qatar a déclaré que la coopération des individus est nécessaire pour que les Nations Unies puissent mener à bien leur travail, il faut donc les protéger. Les États ont donc la responsabilité de mener des enquêtes indépendantes. Il a mentionné la résolution 53/144, qui rappelle que chacun a le droit de participer à des activités pacifiques pour lutter contre les violations des droits de l'homme.

L'Australie a déclaré que les actes de représailles constituent une atteinte aux valeurs de la Charte et a recommandé la protection des droits des défenseurs des droits de l'homme qui participent aux travaux du Conseil ainsi qu'une condamnation ferme de tous les actes d'intimidation et d'harcèlement; l'Examen périodique universel peut constituer le mécanisme adéquat pour ce faire.

Le Paraguay a engagé le Conseil à accorder toute l'importance souhaitée à la question des représailles contre les défenseurs des droits de l'homme et a demandé aux panélistes quels mécanismes des droits de l'homme devraient être davantage impliqués dans la protection des témoins et des personnes qui collaborent avec les Nations Unies.

Le Maroc a estimé qu'il convient de considérer la liberté de coopérer avec les mécanismes internationaux des droits de l'homme comme un droit garanti à tous les citoyens. S'il est vrai que la confidentialité permet de prévenir de telles représailles, elle ne représente pas la solution idéale, dans la mesure où elle rend difficile l'examen de la véracité des allégations. Une solution serait d'obtenir des engagements des États à s'abstenir d'exercer des actes de représailles en échange de ces informations.

La République tchèque a déploré que certains États n'hésitent pas à recourir à des mesures extrêmes pour éviter des critiques de la communauté internationale. La délégation a demandé au Conseil des droits de l'homme d'examiner, systématiquement et dans tous ses travaux, les plaintes lui parvenant de personnes victimes de représailles.

Le Danemark, auteur d'une résolution sur la torture, suit de près les travaux des mécanismes des Nations Unies dans ce domaine et se félicite, à cet égard, que le Rapporteur spécial et le Comité contre la torture, notamment, aient abordé le problème des représailles dans des déclarations conjointes et au cours de leurs dialogues respectifs avec les États parties.

Sri Lanka a déploré la tendance troublante qui consiste à proférer des allégations non vérifiées à l'encontre de certains États, pratique qui contrevient aux principes d'universalité et d'équité ayant présidé à la création du Conseil des droits de l'homme.

La Suède a observé que la souveraineté des États ne signifie nullement que le respect des droits de l'homme puisse être considéré comme une affaire d'ordre purement intérieur.

La Norvège a constaté que si les défenseurs des droits ne pouvaient fournir des informations aux Nations unies, c'est l'ensemble du système qui était menacé. Les États ont le devoir de garantir que la société civile peut s'exprimer. La situation actuelle est préoccupante, estime la Norvège. Elle souhaite qu'un débat ait lieu sur le suivi à apporter à ce débat et aux propositions qui y ont été formulées. Il faut aussi envisager des mesures préventives.

Dans un message vidéo, le Défenseur du peuple de l'Équateur, M. RAMIRO RIVADENERIA SILVA, a relevé que la perception traditionnelle selon laquelle les États sont les premiers responsables des actes de représailles contre des défenseurs des droits de l'homme doit être révisée car il est fréquent également que ce problème soir le fait de groupes armés et d'autres acteurs non étatiques. Dans un contexte de généralisation des actes de représailles, il faut créer un mécanisme international de plaintes, tandis que les mécanismes spécialisés des droits de l'homme doivent systématiquement fournir des recommandations relatives à la protection des témoins.

Le délégué de la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme s'est présenté comme une victime de représailles dans son pays d'origine, le Soudan. Plusieurs de ses confrères ayant témoigné devant le Conseil sont actuellement emprisonnés, tels M. Ales Bialiatski, du Bélarus, et M. Nabeel Rajab, de Bahreïn. Il y va de la crédibilité et de l'éthique du Conseil des droits de l'homme qu'il assure la protection des personnes qui apportent leur témoignage. Pour Amnesty International, la coopération avec les Nations Unies est essentielle pour la promotion et la protection des droits de l'homme. Les attaques contre les personnes qui collaborent avec le Conseil des droits de l'homme équivalent à des attaques contre le Conseil et contre les Nations Unies, dont elles remettent en question l'autorité.

Cairo Institute for Human Rights a donné la parole à M. Mohammed Al-Maskati, Président de la Bahrain Society for Human Rights, qui a confié qu'au cours des trois derniers jours, il avait reçu plus d'une douzaine de menaces téléphoniques, des menaces de mort et à l'encontre des membres de sa famille, après qu'il eut fait savoir, via Twitter, qu'il assistait à cette séance du Conseil. Les autorités de Bahreïn persécutent les défenseurs des droits de l'homme, mais il s'agit d'une situation prévalant dans toute la région du Golfe. L'intervenant a cité en particulier le cas d'un défenseur des droits de l'homme saoudien, le Dr Al Qatani, actuellement traduit en justice à huis clos pour ses activités et qui risque une peine de cinq ans de prison assortie d'une amende de 800 000 dollars. Il est à craindre que son procès traîne en longueur et qu'il soit ainsi emprisonné sans avoir été jugé pendant une période indéfinie. Ses ennuis ont semble-t-il commencé lorsqu'il a communiqué des informations au Groupe de travail sur la détention arbitraire.

Lawyers Rights Watch Canada a remercié la Haut-Commissaire pour sa solidarité avec les défenseurs des droits de l'homme, tout en déplorant que certains États continuent de persécuter les militants des droits de l'homme. Elle a cité en particulier les cas de Bahreïn, du Malawi, de Sri Lanka et du Soudan. La représentante a appelé le Conseil à agir contre de telles politiques de harcèlement.

CIVICUS a évoqué à son tour le cas de Bahreïn, soulignant qu'il s'agissait de passer des paroles aux actes. L'organisation appelle le Conseil à compiler toutes les propositions qui ont été faites lors de cette réunion afin de définir des lignes directrices susceptibles de constituer un corpus permettant de protéger les défenseurs des droits de l'homme. Elle a appelé les prochains présidents du Conseil des droits de l'homme à se servir de leur position pour s'insurger, à chaque session, contre toutes les représailles dont le Haut-Commissariat aurait pris connaissance.

Réponses et conclusions des panélistes

MME KAHN WILLIAMS a rappelé que les États ont la responsabilité première de prévenir les représailles et de toujours prendre au sérieux toutes les allégations de menaces. Le partage d'information et la coopération régionale et internationale sont nécessaires, a ajouté la Directrice du Service international des droits de l'homme (ISHR) et animatrice de la réunion-débat.

M. TAKÁCS a souligné que le secteur public est le premier visé par les questions d'intimidations, de menaces et de représailles. Soulignant que toute personne coopérant avec les Nations Unies peut faire l'objet de menaces et de représailles, le Secrétaire d'État adjoint pour les affaires internationales du Ministère hongrois des affaires étrangères a mentionné une initiative au sein de l'Union européenne pour protéger les défenseurs des droits de l'homme. Des réunions annuelles sont tenues dans 70 pays entre les diplomates des pays de l'Union européenne et les défenseurs des droits de l'homme sur le terrain. Depuis 2012, les missions diplomatiques de l'Union européenne ont initié la pratique systématique de l'envoi d'observateurs aux procès de défenseurs des droits de l'homme. En outre, l'Union européenne s'assure que les compétences nécessaires soient à la disposition des missions diplomatiques, notamment grâce au soutien des organisations non gouvernementales. Elle a également pris plusieurs initiatives, qu'il s'agisse de fonds mis en place pour octroyer des bourses à des personnes menacées ou encore des réseaux coopératifs.

Dans une deuxième série de réponses, M. Takács a suggéré que le site web des Nations Unies pourrait contenir la marche à suivre pour la soumission d'une plainte pour représailles. Il faudrait également établir un registre général des plaintes déposées et des suites données. Une telle démarche favorisera un contrôle de la fiabilité des plaintes. Le rapport du Secrétaire général indique, à juste titre, qu'outre les mesures de protection immédiate des témoins, il s'agira de prendre des dispositions juridiques garantissant que des enquêtes sont effectivement diligentées. Dans cette optique, le Haut- Commissariat pourrait offrir une assistance aux États. Les gouvernements sont invités à coopérer pleinement avec le Rapporteur spécial chargé de la protection des défenseurs des droits de l'homme. Enfin, il faut envisager de mettre le mécanisme d'Examen périodique universel à contribution pour traiter ce problème.

M. FORST a remercié l'ensemble des intervenants pour leurs propositions et les engagements pris. Le Président du Comité de coordination des procédures spéciales du Conseil a rappelé que les titulaires de mandats des procédures spéciales rencontrent une multitude d'acteurs: policiers, maires, détenus politiques ou de droit commun etc. Il n'existe pas de hiérarchie entre les personnes rencontrées et donc entre les victimes. Il n'y a pas de différence de protection entre les défenseurs des droits de l'homme et ceux qui n'ont pas acquis ce statut. Ces personnes sont l'objet de représailles parce qu'elles témoignent ou coopèrent avec les Nations Unies, c'est la raison pour laquelle les Nations Unies se doivent d'agir pour les protéger. M. Forst a salué la proposition de la France visant à l'établissement d'un médiateur compétent en la matière.

En fin de séance, M. Forst a mis en relief le rôle des institutions nationales des droits de l'homme en tant que points focaux nationaux protégeant les personnes menacées et menant une action de plaidoyer auprès des États. Une réponse politique est nécessaire afin de permettre aux personnes menacées de vivre normalement dans leur pays. Cela passe par la nécessité de traduire en justice des personnes qui formulent les menaces.

M. GROSSMAN a retenu deux idées concrètes du débat: d'abord, la création d'un point focal aux Nations Unies en cas de soupçon d'actes de représailles; ensuite, la tenue d'un débat constant entre société civile et autorités. Le Président du Comité contre la torture a estimé qu'il faudrait disposer d'une instance centrale chargée de recenser les bonnes pratiques dans le domaine de la protection des témoins et de la réaction aux cas de représailles et d'intimidation à leur encontre. Il faudrait également que les États puissent faire valoir leurs propres versions des faits qui leur sont reprochés. Cela étant, le fait que des défenseurs des droits de l'homme se trompent dans leurs accusations ne justifie pas qu'ils soient victimes de violence, voire d'assassinats. Les États doivent aussi comprendre que la criminalisation des critiques contre des fonctionnaires ne permet pas de faire avancer les droits de l'homme.

M. Grossman a par la suite suggéré que les organes conventionnels créent un groupe de travail chargé du suivi des plaintes pour représailles car il certaines allégations peuvent s'avérer incorrectes. La question clé est l'interdiction du recours à des mesures de représailles et d'actes de violence contre les témoins et les personnes qui collaborent avec les mécanismes des droits de l'homme. Le Président du Comité contre la torture a suggéré que l'amélioration de la coordination avec les mécanismes régionaux des droits de l'homme serait une des pistes à explorer.

Pour M. SHEIKHAHMED, le rapport du Secrétaire général sur les représailles devrait avoir un caractère annuel de manière à ce que les Nations Unies assurent un véritable suivi des cas soulevés et non résolus. Le Haut-Commissariat tiendrait, quant à lui, une base de données des plaintes et des réponses apportées, a estimé le panéliste.

Le Directeur exécutif du East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, a par la suite souligné l'importance de cette réunion qui encourage une coopération entre les parties prenantes, qu'il s'agisse des Nations Unies, des États, ou des mécanismes régionaux de défenses des droits de l'homme. La prise en considération des parties prenantes susceptibles d'aider immédiatement, et de façon pratique, les victimes, comme les organisations non gouvernementales, les institutions nationales des droits de l'homme ou les présences sur le terrain du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, est tout aussi cruciale. Ces acteurs devraient être réunis pour partager leurs bonnes pratiques en la matière, a-t-il préconisé.

L'animatrice du débat, MME WILLIAMS, a estimé en guise de conclusion que cette séance a été très encourageante car elle a permis d'aborder une question sensible dans un climat très positif. Les panélistes ont librement partagé leur expérience et fait des propositions pratiques et concrètes, notamment dans le domaine du partage de l'information et des bonnes pratiques. La responsabilité première incombe aux États, comme il a été souligné par de nombreuses délégations, et il est vital de répondre aux allégations de représailles. Aussi faut-il créer une atmosphère qui ne soit pas propice à ce genre de représailles. Le Conseil doit poursuivre cet échange de vues sur la question afin de régler ce grave problème, a-t-elle conclu.


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