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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE L'AUTRICHE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de l'Autriche sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, Mme Brigitte Ohms, Chef adjointe de la Division des affaires internationales et des affaires administratives générales à la Chancellerie fédérale, a notamment indiqué que l'Autriche a renforcé sa législation pénale de protection contre la discrimination en amendant les éléments constitutifs du délit d'incitation afin de protéger non seulement les groupes en fonction de la race, de la couleur ou de la langue, mais aussi les groupes définis par le sexe, les besoins spéciaux, l'âge ou l'orientation sexuelle. L'interdiction administrative de la discrimination a également été renforcée. Mme Ohms a par ailleurs attiré l'attention sur un accord récent concernant la mise en place en Carinthie d'une signalétique bilingue en slovène et allemand. Elle a également fait valoir l'abrogation de la disposition de la Loi sur l'emploi des étrangers qui stipulait que les travailleurs étrangers devaient être licenciés en premier.

La délégation autrichienne était également composée de représentants du Ministère du travail, des affaires sociales et de la protection des consommateurs, du Ministère des affaires européennes et internationales, du Ministère des sciences et de la recherche, du Ministère de l'éducation, des arts et de la culture, du Ministère de l'intérieur et de la Chancellerie fédérale. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les experts s'agissant notamment des discours de haine; des questions d'asile; du regroupement familial des migrants; de la naturalisation des enfants adoptés; de la surreprésentation des étrangers dans la population carcérale; de la Loi sur l'égalité de traitement; ou encore des questions d'éducation.

L'expert du Comité chargé de l'examen du rapport de l'Autriche, M. Dilip Lahiri, a noté que le rapport autrichien présente un certain nombre de mesures visant à améliorer la situation et tenir compte des observations faites par le passé par le Comité. Il a toutefois constaté une persistance du racisme structurel, s'agissant en particulier des activités de la police et de la justice. Il s'est inquiété d'informations sur la «persistance d'un racisme institutionnel au sein du système de justice pénale» et d'allégations de comportements racistes de la part d'agents des forces de l'ordre. De plus, l'intervention insuffisante de l'État favorise un climat d'impunité. Le rapporteur s'est par ailleurs inquiété de l'existence de partis politiques extrémistes «qui ont des relents de national socialisme». Il convient en outre de se poser la question de savoir si la police autrichienne est raciste.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de l'Autriche et les rendra publiques à l'issue de la session, qui se termine le vendredi 31 août.


Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport périodique de la Finlande (CERD/C/FIN/20-22)



Présentation du rapport de l'Autriche

Présentant le rapport de l'Autriche (CERD/C/AUT/18-20), MME BRIGITTE OHMS, Chef adjoint de la Division des affaires internationales et des affaires administratives générales à la Chancellerie fédérale d'Autriche, a souligné que son pays continue de plaider fermement, au sein des Nations Unies, en faveur de solutions pour lutter contre le racisme, la discrimination et l'intolérance et continuera donc s'engager activement auprès des mécanismes de suivi de Durban.

Mme Ohms a indiqué que l'Autriche adopte une double approche dans sa lutte contre le racisme: d'une part, elle vise à prévenir le racisme et à protéger effectivement contre le racisme et, d'autre part, elle s'efforce d'apporter une aide rapide et effective aux victimes de racisme et d'assurer l'application de la loi. De l'avis des autorités autrichiennes, l'approche préventive revêt une haute importance car elle est bénéfique pour le maintien d'une société pacifique. Ainsi, le principe directeur de l'ensemble de la politique de lutte contre le racisme de l'Autriche réside dans le concept d'équilibre et de dialogue social durables, a insisté Mme Ohms. Aussi, les membres du Gouvernement s'efforcent-ils de montrer le bon exemple par le biais de leur engagement public en faveur de la tolérance au sein de la société. Ainsi, deux membres du Gouvernement sont des Croates du Burgenland. Le Gouvernement compte en outre un Secrétaire d'État à l'intégration.

L'Autriche offre notamment une éducation et un système de soins de santé de haut niveau à tous ses citoyens, a poursuivi Mme Ohms. Elle a également attiré l'attention sur l'important soutien apporté aux membres des minorités afin de les aider à entrer ou à rester sur le marché du travail.

Mme Ohms a ensuite indiqué qu'un Plan national d'action pour l'intégration, mis en place en 2010, visait à promouvoir les mesures en faveur d'une intégration réussie prises par les autorités fédérales, régionales et municipales, ainsi que par les partenaires sociaux et autres organisations de la société civile, par le biais d'une politique d'égalité des chances pour tous les migrants. Le rapport de 2012 sur l'intégration, soumis le mois dernier, évalue les mesures prises à ce jour dans le cadre de ce Plan d'action, s'agissant notamment des mesures visant à assurer la scolarisation obligatoire ou celles prises dans le cadre du programme de visites des parents de migrants.

En Autriche, l'accès aux institutions d'éducation est indépendant de toute considération de citoyenneté, d'origine, d'ascendance ethnique ou de condition sociale ou financière des élèves et de leur famille, a fait valoir le chef de délégation. Pour ce qui est des mesures prises en faveur de l'éducation des enfants migrants, Mme Ohms a attiré l'attention en particulier sur celles visant l'éducation des élèves dont la première langue n'est pas l'allemand. Après une première édition en 2009, un nouveau rapport sur l'éducation nationale sera publié au mois de décembre prochain.

La politique autrichienne s'agissant du marché du travail s'efforce d'éviter toute forme de discrimination fondée sur l'appartenance ethnique ou la race, a poursuivi Mme Ohms. Ces dernières années, les services d'emploi du pays ont considérablement renforcé leurs mesures en faveur de la qualification et de la formation des migrants, a-t-elle ajouté.

Mme Ohms a d'autre part indiqué que le Conseil consultatif pour les droits de l'homme – organe responsable du contrôle, s'agissant du respect des droits de l'homme, des activités des agents responsables de l'application des lois –, ainsi que les commissions qui y étaient associées ont été transférés au Bureau de l'Ombudsman, afin de renforcer son indépendance.

L'Autriche a renforcé sa législation pénale de protection contre la discrimination en amendant les éléments constitutifs du délit d'incitation, conformément à l'article 283 du Code pénal entré en vigueur le 1er janvier 2012, a ensuite souligné Mme Ohms. Dès lors, sont protégés non seulement les groupes en fonction de la race, de la couleur ou de la langue, mais aussi les groupes définis par le sexe, les besoins spéciaux, l'âge ou l'orientation sexuelle. La protection a été étendue aux membres individuels de ces groupes qui sont affectés par un tel délit.

L'interdiction administrative de la discrimination a également été renforcée par le biais d'un amendement apporté à la loi introductive à la loi sur les procédures administratives, qui entrera en vigueur à compter le 1er septembre prochain. Ainsi, ne sera-t-il désormais plus décisif qu'une personne ait été victime de discrimination uniquement au motif de sa race, de sa couleur, de son origine nationale ou ethnique, de ses croyances religieuses ou de ses besoins spéciaux: il suffira qu'elle ait été victime de discrimination également en raison de l'un de ces motifs, a expliqué Mme Ohms.

Le cadre juridique en matière de non-discrimination a lui aussi été amendé de manière significative, a poursuivi Mme Ohms, qui a attiré l'attention sur les dispositions en faveur du respect du principe de non-discrimination dans les annonces d'offres de logement.

Mme Ohms a en outre indiqué qu'un accord global avait été trouvé en avril 2011 concernant la mise en place en Carinthie d'une signalétique bilingue - en slovène et allemand. Cet accord politique, conclu avec la participation de toutes les parties concernées, est appliqué par le biais d'un amendement apporté à la Loi sur les groupes ethniques qui contient une liste des communautés et parties de communautés où des inscriptions topographiques et des noms doivent être fixés en deux langues.

Mme Ohms a également souligné que la disposition de la Loi sur l'emploi des étrangers qui stipulait que les travailleurs étrangers devaient être licenciés en premier a été abrogée.

Depuis 2008, l'Autriche fournit un ensemble de données statistiques globales sur la composition de la société autrichienne mais, pour des raisons historiques, elle s'abstient de mener des enquêtes sur ses minorités ethniques, car les représentants de ces groupes sont fermement opposés à l'idée de se soumettre à un tel recensement.

Examen du rapport

Questions et observations de membres du Comité

M. Dilip Lahiri, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Autriche, a souligné que l'Autriche a une longue histoire d'ouverture à la diversité culturelle. L'islam y est reconnu officiellement depuis 1912, a-t-il notamment relevé. Mais le racisme et la xénophobie ne sont pas des phénomènes récents dans l'histoire autrichienne, a souligné le rapporteur, mentionnant la «suspicion» de longue date à l'égard de groupes spécifiques tels que les Turcs, les Serbes ou les Juifs.

M. Lahiri a attiré l'attention sur l'existence de deux partis politiques extrémistes – le FPÖ (Parti autrichien de la liberté) et le BZÖ (Alliance pour l'avenir de l'Autriche). Ces partis prétendent défendre les droits des «vrais Autrichiens» qui seraient victimes des étrangers; ils ont de ce fait des relents de «national socialisme». À la lumière d'incidents très regrettables ces dernières années, il convient de se poser la question de savoir si la police autrichienne est raciste ou non, a poursuivi le rapporteur, dénonçant le décès, ces dernières années, d'un ressortissants nigérian (M. Marcus Omofuma) et d'un Mauricien (M. Seibani Wague), ou encore les sévices subis par un ressortissant gambien (M. Bakary J.) aux mains de la police.

Nombreux sont les Autrichiens à croire que les revendeurs de drogues sont tous des personnes d'origine africaine ou que les personnes d'origine africaine sont toutes des revendeurs de drogues, a par ailleurs relevé M. Lahiri. Mais le pays compte moins de 40 000 personnes d'origine africaine et la majorité des revendeurs de drogues en Autriche sont des Blancs, alors que la vaste majorité des Africains autrichiens ne sont pas impliqués dans ces trafics.

M. Lahiri a en outre souligné que le flux net d'immigration s'est considérablement réduit en Autriche après l'adoption de la loi sur l'asile de 1992 et l'instauration d'un quota annuel de nouveaux permis de résidence, avec une moyenne n'excédant pas les 10 000 entrées annuelles dans les années 1990. Le nombre d'étrangers résidant légalement en Autriche s'élève actuellement à quelque 840 000, soit un peu plus de 11% de la population totale, a-t-il précisé.
Il a toutefois exprimé son regret que le rapport périodique ne présente toujours pas de données ventilées présentant la composition et les caractéristiques démographiques de la population autrichienne.

D'après le baromètre européen, le niveau de racisme et de xénophobie en Autriche se situe au niveau de la moyenne européenne, a poursuivi M. Lahiri. En dépit des efforts déployés par l'Autriche, la situation sur le terrain reste préoccupante, a-t-il déclaré. En effet, un certain nombre d'informations font état de la «persistance d'un racisme institutionnel au sein du système de justice pénale» et dénoncent l'approche du pays pour ce qui est d'identifier et de répondre aux mauvaises conduites d'agents responsables de l'application des lois. L'Autriche n'a toujours pas mis en place de mécanisme crédible permettant de mener des enquêtes sur les allégations de graves abus commis par les agents chargés de l'ordre public et d'engager des procédures disciplinaires à leur encontre. Font toujours défaut des moyens efficaces permettant d'enregistrer et d'examiner les incidents de comportements racistes de la part des agents des forces de l'ordre et de maintenir des données statistiques à des fins d'audit interne ou externe, a insisté M. Lahiri.

Les étrangers et les membres de minorités ethniques continuent d'être davantage exposés que les autres aux arrestations pour suspicion d'avoir commis un crime et au profilage ethnique, ainsi qu'aux interpellations et fouilles à caractère racial menées par la police – lesquelles frappent particulièrement les jeunes hommes d'origine africaine.

En outre, il est rapporté que les tribunaux n'imposent pas toujours des sanctions conformes à la gravité des délits à caractère raciste. Un rapport publié en mars 2010 par la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance a souligné qu'au mois de novembre 2008, quelque 3348 des 8063 personnes détenues dans le système pénal du pays (soit 41,52%) étaient des ressortissants étrangers. Malheureusement, aucune étude n'a été menée pour chercher à établir les causes profondes de cette surreprésentation.

La réalité du racisme institutionnel dans les institutions de l'Autriche doit être appréhendée à la lumière des allégations apparemment répandues de comportements racistes de la part d'agents des forces de l'ordre et du manque d'intervention de l'État, ce qui favorise un climat d'impunité, a insisté M. Lahiri. Il semblerait en outre que les agents responsables de l'application des lois n'apportent pas le niveau de protection requis contre la discrimination aux membres des minorités ethniques qui sont victimes de crimes, a-t-il ajouté. Le rapporteur s'est inquiété d'informations laissant apparaître que l'Autriche ne poursuit pas les agents des forces de l'ordre lorsque des infractions racistes sont rapportées à leur encontre et que, même lorsque des poursuites sont engagées contre eux, elles aboutissent à des sanctions très clémentes, ce qui ne manque pas de dissuader les membres de minorités ethniques de porter plainte.

Le rapporteur a d'autre part attiré l'attention sur la résurgence des skinheads et autres groupes d'extrême droite inspirés par l'idéologie extrémiste national-socialiste et par le néonazisme. Il a également relevé que la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance avait fait état de violences racistes à l'égard des footballeurs d'ascendance africaine et du déploiement de bannières antisémites dans les stades de football; le laxisme dans la poursuite de ce type d'incidents nourrit les préjugés raciaux et ethniques ainsi que l'exclusion sociale, a souligné M. Lahiri.

Les journaux et autres médias en Autriche sont remplis de petites annonces d'offres d'emploi et de logement qui stipulent clairement que les candidats doivent être «autrichiens seulement» et les autorités considèrent que de telles annonces ne constituent que des délits mineurs qui ne doivent pas engager de sanction s'il n'y a pas de preuve qu'une personne spécifique a subi un désavantage concret, a par ailleurs déploré M. Lahiri.

Le rapporteur a ensuite relevé que les enfants non autrichiens adoptés par des parents autrichiens ne reçoivent pas automatiquement la citoyenneté autrichienne par le biais de l'adoption; les parents adoptifs doivent engager, pour leurs enfants adoptés, une procédure d'acquisition de la nationalité qui est non seulement onéreuse mais soulève en outre des questions en termes de discrimination raciale puisque l'objet de cette exigence juridique constitue un véritable piège contre les enfants étrangers adoptés par des citoyens autrichiens.

M. Lahiri a d'autre part souligné que l'Autriche avait adopté de nouvelles lois, connues sous la désignation de «paquet de lois sur les étrangers», qui affectent de manière néfaste la réunification familiale. Le système de contrôle de l'immigration de l'Autriche reste fondé sur des quotas annuels d'immigration qui sont gérés par chaque Land (province); or, une demande de réunification familiale peut être rejetée et placée sur une liste d'attente pouvant durer jusqu'à trois ans si le quota pour ce Land a été atteint, a fait observer le rapporteur, ajoutant que le nombre de personnes admises au bénéfice de la réunification familiale a considérablement baissé en Autriche du fait de ce régime de quotas, à tel point que l'Autriche est désormais celui des 27 pays de l'Union européenne qui est le moins favorable à la réunification familiale.

M. Lahiri a en outre fait part des préoccupations que lui inspirent les forts taux d'abandon scolaire parmi les élèves migrants.

Le rapporteur a aussi déploré que l'institution nationale de droits de l'homme de l'Autriche ne soit pas parvenue à obtenir le statut de catégorie «A».

En conclusion, le rapporteur a souligné qu'en dépit de cette longue liste de sujets pour lesquelles des améliorations s'avèrent nécessaires, l'Autriche a fait preuve d'une volonté considérable de lutter contre la discrimination raciale. Néanmoins, le Comité reste préoccupé par la lenteur avec laquelle ont été mises en place les réformes et les mesures nécessaires pour traiter la discrimination raciale, a déclaré M. Lahiri.


Un autre membre du Comité a relevé que l'Autriche, à l'issue de son examen périodique par le Conseil des droits de l'homme, a rejeté une vingtaine de recommandations qui avaient été formulées par plusieurs et dont une partie portait précisément sur les questions de racisme et de discrimination.

Un expert a attiré l'attention sur le fait que les autorités autrichiennes ont tendance à ne pas donner suite à ce qu'elles considèrent comme étant des infractions mineures, à savoir les actes de discrimination, ce qui n'est pas sans incidence sur le faible nombre de plaintes déposées pour discrimination. Un autre membre du Comité s'est pour sa part réjoui que l'Autriche ait fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, habilitant le Comité à examiner des plaintes de particuliers contre l'Autriche.

De nombreux rapports continuent de dénoncer la ségrégation dont seraient victimes les enfants roms en milieu scolaire, a dit un expert.

Un expert a déploré que le rapport présenté par l'Autriche manque d'exemples pratiques sur l'application concrète des textes de lois autrichiens qui intéressent le Comité.

L'expert a ensuite déploré la montée des discours racistes et xénophobes en Autriche, en particulier ceux émanant de partis populistes qui propagent une hostilité contre les Noirs africains, contre les musulmans et contre les Roms.

UN expert a souhaité savoir quels groupes les autorités autrichiennes considèrent comme vulnérables à des actes de racisme, de xénophobie ou de discrimination et a demandé si les travailleurs migrants en font partie.

Plusieurs experts ont fait part de leurs préoccupations face au maintien d'un critère qui limite la qualification pénale des faits de discrimination, plus précisément dans le contexte de l'incitation à la haine; pour être qualifiée, il faut en effet que la discrimination soit perçue comme telle par un «vaste public» (article 283 du Code pénal), ce qui ne va pas sans soulever des questions, en particulier dans le contexte des discours haineux.

Réponses de la délégation

La délégation a rappelé le principe essentiel en droit autrichien selon lequel l'arbitraire est interdit, tant à l'encontre des citoyens autrichiens que des étrangers. Ainsi, conformément à ce principe constitutionnel, tous les migrants, c'est-à-dire tous les non-Autrichiens, jouissent des mêmes droits et de la même protection que les citoyens autrichiens. Si un Land (province) ne s'acquitte pas de ses obligations, la compétence dans le cas d'espèce est transférée au niveau fédéral, ce qui constitue un outil très efficace pour obliger les provinces à respecter leurs obligations, a fait valoir la délégation.

L'Autriche n'oublie rien de son histoire et c'est pour cela que la loi punit tout acte consistant à nier, banaliser ou justifier les crimes du national socialisme contre l'humanité, que ce soit par écrit, par le biais d'un média quelconque ou par tout autre moyen public accessible à un large public – défini comme un groupe de 150 personnes.

Les discours de haine, en particulier ceux émanant de politiciens en période d'élections, constituent un crime passible de sanctions, a souligné la délégation. Elle a exposé plusieurs cas de politiciens ayant été sanctionnés pour discours haineux, citant notamment celui d'un candidat aux élections générales de 2008 qui a été condamné pour ce motif après avoir proféré que Mahomet pouvait être considéré, selon les normes actuelles, comme un violeur d'enfants et avait écrit le Coran durant des crises d'épilepsie, et que l'islam devait être renvoyé d'où il vient, à savoir de l'autre côté de la Méditerranée.

La délégation a ensuite souligné que l'affaire du jeu vidéo consistant à tirer sur un minaret a suscité un débat très large en Autriche, où la majorité des personnes ont estimé que ce jeu ne devait pas être autorisé. Le Ministère de l'intérieur a porté cette affaire devant les tribunaux, lesquels ont estimé qu'il n'y avait pas à proprement parler de coup de feu contre les minarets dans ce jeu puisqu'il s'agissait de cliquer sur les minarets pour qu'ils disparaissent. Les juges ont estimé que ce jeu était proche d'un discours de haine mais n'en constituait pas un, a indiqué la délégation.

La surveillance des groupuscules d'extrême droite constitue l'une des tâches essentielles du Bureau en charge de la lutte contre le terrorisme et de la préservation des garanties constitutionnelles, a souligné la délégation.

S'agissant des questions d'asile, la délégation a reconnu que l'Autriche a eu des problèmes de retard dans les procédures de traitement des demandes d'asile. En 2006, le nombre d'affaires en cours était de près de 30 000; fin 2011, ce nombre n'était plus que de 13 633. Ainsi, dans un délai de cinq ans, le pays est parvenu à réduire son retard de moitié et devrait pouvoir remédier à ce problème. Pour autant, l'Autriche privilégie la qualité par rapport à la quantité, a tenu à ajouter la délégation.

Pour ce qui est de la question du regroupement familial des migrants, la délégation a affirmé qu'il ne fallait pas généraliser; s'il est vrai qu'il y a de longues périodes d'attente dans le traitement des demandes, les quotas sont tout de même élevés.

En ce qui concerne la naturalisation des mineurs adoptés qui ne sont pas autrichiens, la délégation a indiqué qu'une demande de naturalisation doit être présentée par les parents adoptifs si l'un des deux est autrichien. Les deux conditions pour que la citoyenneté autrichienne soit octroyée à l'enfant adopté sont que l'un des deux parents soit ressortissant autrichien et que les parents aient leur résidence principale en Autriche. Une réforme de la politique de naturalisation est prévue pour le mois d'octobre prochain qui devrait alléger encore cette procédure, a ajouté la délégation.

La délégation a ensuite notamment expliqué que les écarts de conduite de la police sont analysés au cas par cas afin de déterminer s'ils relèvent d'un défaut de comportement individuel ou d'un défaut de procédure et ce, aux fins d'adapter la formation aux droits de l'homme dispensée aux policiers.

La délégation a également attiré l'attention sur la formation dispensée aux personnels pénitentiaires quant à la manière adéquate de traiter les détenus étrangers. Elle a ajouté ne pas disposer de statistiques fiables permettant de savoir quelle proportion du personnel pénitentiaire est issue de l'immigration, les autorités n'étant pas habilitées à recueillir de telles données et seules pouvant donc être prises en compte les déclarations spontanées. Il apparaît néanmoins que sur les 350 nouvelles recrues ayant intégré ce corps de métier depuis trois ans, cinq seulement ont indiqué être issues de l'immigration, a précisé la délégation.

Près de 50% des détenus en Autriche n'ont pas la nationalité autrichienne, a indiqué la délégation, reconnaissant qu'il s'agit là de l'un des taux les plus élevés d'Europe quant à la représentation des étrangers dans la population carcérale. Au 1er janvier 2012, sur plus de 8000 personnes détenues, 4000 environ n'avaient pas la nationalité autrichienne, a-t-elle précisé. L'une des raisons expliquant cette surreprésentation carcérale des étrangers (au regard de leur proportion dans la population totale) est liée à l'imposition fréquente d'une mesure de détention préventive lorsqu'il existe un danger de fuite du délinquant qui chercherait ainsi à échapper à une procédure pénale ou à une sanction imminente. Le niveau d'intégration sociale, entre autres, doit être pris en considération pour évaluer le danger de fuite du délinquant, a précisé la délégation. La citoyenneté autrichienne n'est pas un critère pertinent pour déterminer s'il y a lieu ou non de placer une personne en détention préventive, mais le manque d'intégration sociale, en revanche, en est un, a insisté la délégation.

Bien que la nationalité ne soit pas un critère mentionné dans la Loi sur l'égalité de traitement, les autorités autrichiennes estiment que toute discrimination fondée sur la nationalité relèverait d'une discrimination basée sur l'appartenance ethnique, critère qui, lui, figure dans ladite Loi. Quant aux inquiétudes exprimées par certains membres du Comité selon lesquelles la discrimination raciale ne serait considérée en Autriche que comme une infraction mineure, la délégation a expliqué que les autorités ont souhaité faire de la Loi sur l'égalité de traitement une loi moderne; au lieu d'y intégrer la notion de race, elles ont préféré adopter cette notion d'appartenance ethnique, qui est une notion beaucoup plus large. La loi sur l'égalité de traitement prévoit des réparations conséquentes pour les personnes qui auraient été victimes de discrimination. Deux affaires, par exemple, ont été enregistrées cette année concernant des personnes qui se sont vu refuser l'accès à un lieu public - en l'occurrence un bar - pour des motifs à caractère raciste; ces personnes se sont vu octroyer une indemnisation à hauteur de plus d'un millier d'euros, a précisé la délégation.

S'agissant des questions d'éducation, la délégation a rappelé que l'éducation constitue l'une des pierres angulaires de la stratégie des autorités autrichiennes visant à responsabiliser les gens. La a par ailleurs reconnu que les taux d'échec et d'abandon scolaires sont plus élevés pour les enfants issus de l'immigration. Elle a ensuite attiré l'attention sur les cours de langue allemande dispensés aux personnes dont l'allemand n'est pas la première langue, précisant que le Gouvernement a consacré quelque 48 millions d'euros à cette action. L'enseignement en langue maternelle pour les élèves dont l'allemand n'est pas la première langue a été consacré par la loi dans toutes les écoles dans les années 1990, a en outre souligné la délégation. Au total, 24 langues – y compris la langue rom – sont proposées à ce jour dans le cadre de ces programmes d'enseignement.

Les experts, en Autriche, continuent de penser que l'éducation spéciale n'est pas nécessairement négative pour les personnes qui en ont besoin, a déclaré la délégation. En revanche, il serait inacceptable que des étudiants n'ayant pas de besoins particuliers entrent dans ces écoles spéciales pour d'autres motifs, par exemple parce qu'ils n'auraient pas une connaissance suffisante de la langue allemande. À ceux qui craignent qu'il y ait ségrégation dans le cadre de l'éducation spéciale, la délégation a fait observer que la proportion d'élèves scolarisés dans des établissements d'éducation spéciale est de 1,57% du nombre total d'élèves en Autriche contre 6,2% en Suisse, par exemple.

La délégation a exposé les mesures prises en faveur de l'intégration scolaire des enfants roms, soulignant qu'ils ne sont pas scolarisés dans le système d'éducation spéciale et que la politique suivie en la matière vise non pas leur assimilation mais leur intégration. La délégation a notamment fait part d'un projet de l'Université de Graz en cours d'exécution, qui a déjà donné lieu à la publication d'un dictionnaire en langue rom et doit permettre prochainement de publier un certain nombre de matériels didactiques pour les écoles.

Observations préliminaires

M. Lahiri, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Autriche, a estimé que le Comité pouvait se féliciter de la régularité et du sérieux avec lesquels l'Autriche assume ses obligations en matière de présentation des rapports. Le rapport autrichien fait part d'un certain nombre de mesures qui ont été adoptées par le pays pour améliorer la situation et tenir compte des observations faites par le passé par le Comité.

M. Lahiri a relevé que l'Autriche se situe dans la moyenne des pays de l'Union européenne pour ce qui est des questions intéressant le Comité. Il n'en demeure pas moins qu'un certain nombre de préoccupations et recommandations doivent encore être mises en avant s'agissant de l'Autriche. Le Comité éprouve par ailleurs des difficultés à accepter l'affirmation du pays selon laquelle il n'est pas en mesure de fournir des données ventilées selon la composition de la population, pourtant essentielles pour le travail du Comité.

Au cours du dialogue, a poursuivi M. Lahiri, la délégation a fait état de l'importance de la sensibilisation et de la transformation des mentalités; les résultats de l'Autriche dans ce domaine ne sont certes pas pires que ceux des autres pays européens, mais il semble y avoir une réticence des autorités concernées à prendre des mesures pour remédier aux différences de traitement, réelles ou perçues comme telles. Il y a aussi dans ce pays une persistance du racisme structurel, au regard en particulier des résultats des activités de la police et de la justice, ainsi qu'une certaine lenteur dans l'amélioration de la situation des minorités.


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CRD12/027F