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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA THAÏLANDE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de la Thaïlande sur les mesures qu'elle a prises conformément aux dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Dirigeant la délégation thaïlandaise, Mme Suwana Suwanjuta, Secrétaire permanente adjointe du Ministère de la justice de la Thaïlande, a présenté un document qui regroupe le rapport initial, ainsi que les deuxième et troisième rapports périodiques de son pays. Elle a notamment souligné que, si la Thaïlande n'a pas adopté une législation spécifique sur la discrimination raciale, l'essentiel de la Convention est déjà incorporé dans divers textes de lois. La Constitution de 2007 garantit la protection de la dignité humaine, des droits et libertés, ainsi que l'égalité de tous, indépendamment de l'origine, de la naissance, du sexe, de la religion ou de la race. M. Pithaya Jinawat, Directeur général du Département de la protection des droits et des libertés du Ministère de la justice de la Thaïlande, a pour sa part informé le Comité que les Thaïlandais déplacés dans les pays voisins qui peuvent démontrer qu'ils sont Thaïlandais peuvent recouvrer leur nationalité thaïlandaise par la naissance. Il a aussi fait valoir qu'une Stratégie globale sur la résolution des problèmes des migrants irréguliers a été mise en œuvre cette année. M. Jinawat a reconnu que des difficultés subsistent en ce qui concerne les provinces de la frontière méridionale. Il a aussi admis que de nombreux défis doivent encore être relevés pour protéger différents groupes et traiter pleinement la discrimination raciale dans le pays, en particulier pour ce qui est d'assurer l'accès de tous aux services publics sur un pied d'égalité. Cela est dû à divers facteurs et en particulier aux barrières linguistiques, culturelles et géographiques.

La délégation thaïlandaise était également composée du Directeur général adjoint du Département des organisations internationales au Ministère des affaires étrangères de la Thaïlande, M. Chutintorn Gongsakdi, et d'autres représentants du Ministère des affaires étrangères ainsi que du Ministère du développement social et de la sécurité humaine, du Ministère du travail, du Ministère de la santé publique, du Ministère de l'intérieur, du Bureau du Procureur général, de la Police royale thaïlandaise, du Bureau de l'immigration, du Bureau du Conseil de sécurité nationale, du Commandement des opérations de sécurité intérieure pour la région 4 et du Centre d'administration des provinces de la frontière méridionale. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les experts s'agissant, principalement, de la situation dans les provinces du Sud, de la lutte contre la traite de personnes, de la situation s'agissant des travailleurs migrants, des réfugiés, des requérants d'asile et des personnes déplacées.

Le membre du Comité chargé de l'examen du rapport de la Thaïlande, M. Huang Yong'an, a relevé en fin de séance que plusieurs questions ont été adressées à la Thaïlande sur la situation des droits de l'homme des minorités ethniques et groupes vulnérables tels que les musulmans d'origine malaise dans les provinces du Sud du pays, les membres des tribus des montagnes et les travailleurs migrants, notamment, ainsi que sur le problème de la traite de personnes. À cet égard, M. Huang a estimé que la traite de personnes constitue l'un des principaux problèmes que connaît la Thaïlande. Le rapporteur s'est félicité que le Parlement thaïlandais soit en train de préparer un projet de loi sur la réconciliation, mais a déploré que la Thaïlande n'ait pas de législation exclusivement et spécifiquement consacrée à la discrimination raciale. Le Gouvernement thaïlandais rejette l'emploi du terme de «peuples autochtones», mais la situation de retard qu'accusent nombre de ces communautés, au regard de divers critères, ne fait aucun doute. Le rapporteur a aussi insisté sur la nécessité pour la Thaïlande d'édifier une société harmonieuse dans la zone méridionale du pays. Le pays doit en outre respecter les droits des personnes qui fuient leur pays en se réfugiant en Thaïlande.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de la Thaïlande et les rendra publiques à l'issue de la session, qui se termine le vendredi 31 août.


À sa prochaine séance, mardi après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Sénégal (CERD/C/SEN/16-18).


Présentation du rapport

Présentant le rapport de la Thaïlande (CERD/C/THA/1-3), MME SUWANA SUWANJUTA, Secrétaire permanente adjointe du Ministère thaïlandais de la justice, qui dirige la délégation, a indiqué qu'au moment de son accession à la Convention, la Thaïlande a émis deux réserves à l'égard de cet instrument, s'agissant de son article 4 pour ce qui est des mesures d'action affirmative visant à éliminer l'incitation à la discrimination raciale et de son article 22 pour ce qui est de la soumission de différends à la Cour internationale de justice. Mme Suwanjuta a ajouté que la Thaïlande, qui est engagée à appliquer pleinement la Convention, étudiera en temps voulu la possibilité de retirer la réserve qu'elle a émise à l'égard de l'article 4. Il n'en demeure pas moins qu'en attendant l'examen de cette possibilité, le principe énoncé à l'article 4 de la Convention fait déjà partie de la législation interne de la Thaïlande, laquelle contient d'ores et déjà un certain nombre de dispositions visant à lutter contre l'incitation à la discrimination raciale, a fait valoir la Secrétaire permanente adjointe.

Mme Suwanjuta a en outre souligné que, s'il n'existe pas actuellement de législation spécifique sur la discrimination raciale en Thaïlande, l'essentiel de la Convention est déjà incorporé dans divers textes de lois internes. La Constitution actuelle de la Thaïlande, qui date de 2007, garantit la protection de la dignité humaine, des droits et libertés, ainsi que l'égalité de toutes les personnes, indépendamment de leur origine, de leur naissance, de leur sexe, de leur religion ou de leur race. De plus, des mécanismes ont été mis en place, aux niveaux central et local, pour recevoir des plaintes émanant de personnes dont les droits ont été violés.

M. PITHAYA JINAWAT, Directeur général du Département de la protection des droits et des libertés du Ministère de la justice de la Thaïlande, a souligné que le pays est une société multiculturelle et multiethnique depuis des siècles et a donc l'habitude de relever le défi consistant à maintenir une société fondée sur le respect et la tolérance. Toute personne qui s'est rendue dans le pays sait à quel point le peuple thaïlandais est composé de plusieurs ethnies vivant ensemble dans la paix et l'harmonie, a-t-il insisté. À Bangkok, mais aussi dans tout le pays, des églises, des temples et des mosquées cohabitent côte à côte. La Thaïlande, qui promeut une économie de marché, est ouverte vers l'extérieur et cela ne s'applique pas uniquement aux touristes et aux visiteurs temporaires mais aussi aux diverses races et aux divers groupes ethniques qui ont fait de la Thaïlande leur foyer, a déclaré M. Jinawat.

Une économie forte, avec un PIB de 373,3 milliards de dollars pour 2012, a permis au pays de réaliser d'importants investissements dans des programmes sociaux qui bénéficient à l'ensemble de la population, a poursuivi le Directeur général. Le régime de santé mis en place a permis de donner accès aux soins de santé aux plus pauvres. D'une manière générale, la pauvreté a considérablement diminué pour se réduire à un taux à un chiffre.

En vertu de la Loi sur l'état civil adoptée en 2008, toutes les personnes nées en Thaïlande, qu'elles soient thaïlandaises ou non, ont le droit de faire enregistrer leur naissance et de recevoir un certificat de naissance, conformément à la Convention relative aux droits de l'enfant à laquelle le pays est partie, a d'autre part indiqué M. Jinawat. Quant à la Loi de 2008 sur la prévention et la suppression de la traite de personnes, elle prévoit des services en faveur des victimes, qu'elles soient thaïlandaises ou non et quel que soit leur situation et leur statut au regard de l'immigration. Par ailleurs, a fait valoir M. Jinawat, la Loi de 2012 sur la nationalité (amendement) prévoit la possibilité pour les Thaïlandais déplacés en provenance des pays voisins qui sont enregistrés de demander la nationalité thaïlandaise; une fois qu'il aura été vérifié qu'ils sont Thaïlandais, ils retrouveront leur nationalité thaïlandaise par la naissance, ce qui leur permettra de jouir des divers droits et libertés accordés aux Thaïlandais.

Le 26 avril dernier, a ajouté M. Jinawat, le Cabinet a adopté la Stratégie globale sur la résolution des problèmes des migrants irréguliers, qui couvre plusieurs groupes ethniques vivant en Thaïlande depuis longtemps, des travailleurs migrants en provenance du Myanmar, de la République démocratique populaire lao et du Cambodge et des immigrants illégaux. Des défis subsistent en ce qui concerne les provinces de la frontière méridionale, où chacun travaille dur pour répondre aux griefs inspirés, notamment, par un sentiment d'injustice, a poursuivi le Directeur général. L'accent a été mis sur le développement alors que plus de deux milliards de dollars des États-Unis ont été consacrés au Plan de développement pour la zone spéciale des provinces de la frontière méridionale pour les années 2009-2012. Bien que le récent pic de violence dans la zone reflète la volonté des auteurs de cette violence de provoquer des incidents, la situation générale reste assez stable, a déclaré M. Jinawat. Les autorités thaïlandaises continuent d'œuvrer pour prévenir la violence et en traiter l'impact sur la population. Durant les années 2004-2012, une indemnisation financière d'un montant total de plus de 30 millions de dollars a été accordée aux familles des plus de 3700 personnes décédées du fait de la violence dans la région. En octobre dernier, le Gouvernement a mis sur pied un comité chargé d'indemniser les populations touchées par les incidents dans le Sud.

En dépit des lois, politiques et mécanismes existants, a reconnu M. Jinawat, la Thaïlande est pleinement consciente que de nombreux défis restent à relever pour protéger différents groupes et traiter pleinement la discrimination raciale dans le pays, en particulier pour ce qui est d'assurer un accès à tous aux services publics sur un pied d'égalité. Cela est dû à divers facteurs et en particulier aux barrières linguistiques, culturelles et géographiques, a-t-il précisé.

Pour sa part, M. CHUTINTORN GONGSAKDI, Directeur général adjoint du Département des organisations internationales au Ministère des affaires étrangères de la Thaïlande, a rappelé que la Thaïlande est un pays d'origine, de transit et de destination de migrants, qui abrite donc un grand nombre de migrants et de visiteurs en provenance des pays voisins et d'au-delà. Accueillir des millions de migrants est un défi titanesque pour tout pays, a-t-il souligné, expliquant que la gestion des migrations figure donc au premier rang des priorités de la Thaïlande.

Les questions de statut et d'apatridie sont un défi commun pour les pays de l'Asie du Sud-Est, du fait que l'ancienne présence coloniale dans la région a artificiellement séparé des communautés et des groupes ethniques, ce qui a ensuite été accentué par l'instabilité qui a régné dans plusieurs zones, y compris durant la période post-coloniale, entraînant d'importants déplacements de population, a indiqué M. Gongsakdi. Ces dernières années, a-t-il poursuivi, la situation a été encore compliquée par les disparités économiques entre les pays, amenant des gens à chercher des pâturages plus verts ainsi que des emplois, phénomènes qui s'ajoutent aux échanges traditionnels à travers des frontières poreuses. Dans ce contexte, a expliqué M. Gongsakdi, des solutions ont été apportées en faveur de Thaïlandais déplacés d'origine ethnique thaï, ainsi que des résidents de long terme de divers groupes ethniques qui n'avaient plus de lien avec leur zone d'origine ou ne pouvaient plus y revenir. Si tous les groupes ne peuvent pas immédiatement être qualifiés pour obtenir la nationalité thaïlandaise, ils obtiendront néanmoins au moins le statut de résident et leurs enfants obtiendront la nationalité thaïlandaise. La stratégie mise en place par les autorités thaïlandaises accorde le statut de résident à des groupes de personnes identifiés sur la base de la durée de leur présence dans le Royaume, a insisté M. Gongsakdi. Ainsi, près de 34 962 personnes recensées et qui avaient déjà été intégrées dans l'état civil thaïlandais se sont vu accorder la nationalité thaïlandaise. L'objectif est d'accélérer, dans un délai de trois ans, l'octroi d'un statut légal aux 300 000 personnes restantes qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d'origine.

La Thaïlande poursuit son processus de régularisation et de vérification de la nationalité de quelque deux millions de travailleurs migrants en provenance du Myanmar, de la République démocratique populaire lao et du Cambodge qui étaient entrés et travaillaient illégalement en Thaïlande, a par ailleurs indiqué M. Gongsakdi. Parallèlement, le pays promeut des canaux officiels de migration à des fins de travail par le biais de mémorandums d'accord bilatéraux avec les pays voisins. M. Gongsakdi a en outre souligné que la Loi de protection du travail protège tous les travailleurs indépendamment de leur statut dans le pays.

S'agissant des personnes déplacées et des requérants d'asile, M. Gongsakdi a indiqué que la Thaïlande allait entreprendre un réexamen de sa position au sujet de la Convention de 1951 sur le statut de réfugiés, conformément aux recommandations de l'Examen périodique universel qu'elle a acceptées. En attendant, le pays a répondu aux cas relatifs à des personnes ayant besoin de protection internationale conformément aux principes humanitaires et aux principes de droits de l'homme, a-t-il souligné.

M. Gongsakdi a d'autre part admis que des inégalités subsistent en termes de répartition des revenus, les groupes ethniques, les travailleurs migrants, les personnes déplacées et les requérants d'asile étant encore souvent marginalisés en raison de différents facteurs tels que leur statut dans le pays, les barrières linguistiques ou encore leur manque de connaissance de leurs droits. Certaines de ces personnes sont victimes de trafic et de traite, ce qui les place dans des situations encore plus vulnérables et dangereuses, a ajouté M. Gongsakdi, assurant que les autorités s'efforcent d'identifier et d'aider les victimes de traite, qu'elles soient thaïlandaises ou non.

Examen du rapport

Questions et observations de membres du Comité

M. HUANG YONG'AN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Thaïlande, s'est félicité de la haute importance que le Gouvernement thaïlandais semble apporter à la présentation de son rapport devant le Comité. Malheureusement, ces dernières années, la société thaïlandaise ne semble pas aussi calme et pacifique qu'auparavant; de nombreux incidents se sont ajoutés à la catastrophe nationale qui a frappé Bangkok l'an dernier. Dans ce contexte, le rapporteur s'est réjoui que le Parlement thaïlandais soit en train de préparer un projet de loi sur la réconciliation.

M. Huang a ensuite relevé que la Thaïlande maintient une bonne relation de coopération avec les Nations Unies et la communauté internationale; elle a adhéré à sept des neuf principaux instruments internationaux de droits de l'homme et a signé la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. En revanche, il n'y a pas de législation exclusivement et spécifiquement consacrée à la discrimination raciale dans la législation thaïlandaise, a déploré M. Huang, avant de souligner qu'il serait nécessaire pour le pays de se doter d'une telle législation.

D'après le rapport, il existe 62 groupes ethniques en Thaïlande parlant des langues se rattachant à cinq familles linguistiques, a relevé M. Huang, avant de faire observer que la définition de la notion de «minorité ethnique» n'est pas claire en Thaïlande. On semble entendre par minorité en Thaïlande les personnes qui n'ont pas la nationalité thaïlandaise, c'est-à-dire en fait des apatrides. Or, 15% de la population n'appartenant pas au groupe ethnique thaï appartiennent à des dizaines de groupes ethniques; on compte parmi eux des groupes des montagnes ou encore ceux que l'on appelle les «nomades de la mer». Le Gouvernement rejette l'emploi du terme de «peuples autochtones» arguant du fait que tout le monde jouit des droits reconnus par la Constitution; mais la situation de retard qu'accusent nombre de ces communautés, au regard de divers critères, ne fait aucun doute, a insisté M. Huang.

La traite de personnes, en particulier de femmes et d'enfants, constitue l'un des principaux problèmes que connaît la Thaïlande, a par ailleurs souligné le rapporteur; la traite se fait, en particulier dans des zones rurales, par enlèvement de personnes, surtout des femmes et des enfants, qui sont acheminées à l'étranger par voie maritime et sont vendues comme esclaves. Il faut espérer que le Gouvernement thaïlandais redouble d'efforts pour lutter contre la traite de personnes et assurer le respect des droits de l'homme des femmes et enfants issus des minorités ethniques et des travailleurs migrants.

Le rapporteur a en outre insisté sur la nécessité pour la Thaïlande d'édifier une société harmonieuse dans la zone méridionale du pays également. Dans le nord-ouest du pays, c'est-à-dire dans la zone dite du «triangle d'or», vivent de nombreuses minorités ethniques. Certes, des membres de ces minorités ont pu participer à des activités criminelles, mais il conviendrait pour les autorités thaïlandaises de mettre en place une politique plus efficace en proposant notamment aux personnes concernées des alternatives à la culture de stupéfiants, a estimé M. Huang.

La Thaïlande doit respecter les droits des personnes qui fuient leur pays en se réfugiant en Thaïlande, a en outre souligné M. Huang, appelant la Thaïlande à adhérer à la Convention de 1951 sur le statut de réfugiés et à son Protocole facultatif de 1967.

Un autre membre du Comité a rappelé que le rapport de la Thaïlande était en fait un rapport initial, neuf ans après la ratification de la Convention par ce pays. La Thaïlande revêt souvent le double visage, quelque peu contradictoire, d'un pays accueillant, ouvert au tourisme et culturellement et artistiquement riche et d'un pays confronté à des tensions interethniques et religieuses dans plusieurs régions, à des conflits également violents et à des problèmes de traite.

Il ne semble pas y avoir en Thaïlande de définition de la discrimination raciale et la discrimination raciale n'est pas sanctionnée par un texte de loi, a pour sa part déploré un autre membre du Comité.

La Thaïlande envisage-t-elle de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, en vue de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles, a demandé un expert? Un membre du Comité a déploré la déclaration interprétative de la Thaïlande selon laquelle la Convention ne s'applique pas au-delà du cadre de la Constitution. Plusieurs membres du Comité ont encouragé la Thaïlande à retirer la déclaration interprétative et les réserves qu'elle maintient à l'égard de plusieurs dispositions de la Convention, l'un d'eux rappelant que l'article 4 a un important rôle préventif, alors qu'un autre a souligné que cet article énonce des exigences précises en termes d'incrimination et que ses prescriptions sont impératives.

S'agissant de la situation des groupes ethniques en Thaïlande, un expert a relevé que selon plusieurs organisations non gouvernementales, le statut des peuples autochtones et des minorités ethniques les rend en fait invisibles; ils sont en outre considérés comme une menace et souvent comme un moteur du trafic de stupéfiants. Il existe un certain déclin des cultures et des langues de tous les groupes ethniques, comme le reconnaît le rapport lui-même, s'est en outre inquiété cet expert. Un autre membre du Comité a demandé des informations sur l'enseignement des langues des groupes ethniques en Thaïlande et sur la possibilité de recevoir une instruction dans ces langues. Un expert a préconisé la ratification par la Thaïlande de la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur les peuples autochtones et tribaux.

Comment la population minoritaire est-elle représentée dans les différents domaines de la vie publique, a-t-il également été demandé ?

Un expert a souhaité en savoir davantage au sujet de ce que le rapport appelle les permis de séjour temporaire spéciaux pour les membres des groupes ethniques. Il a également souhaité obtenir des précisions au sujet de la Loi sur les forêts collectives. En ce qui concerne les populations montagnardes (du nord du pays), cet expert a souhaité en savoir davantage au sujet de la situation, notamment, des Karen, qui sont tout de même plus de 438 000 dans le pays.
Un expert s'est enquis de la situation et du statut des Hmong, originaire notamment du Laos, qui pourraient encore se trouver en Thaïlande.

Selon la Commission nationale thaïlandaise des droits de l'homme, a poursuivi cet expert, la situation de violence dans le Sud du pays trouverait son origine dans l'usage excessif de la force par les autorités administratives, dans l'usage de la violence par les insurgés, dans les insuffisances du système de justice, dans la faiblesse de l'économie locale et dans l'identité ethnique et religieuse distincte de la population locale, entre autres. Un autre expert a constaté l'existence de violations de droits civils et politiques, comme la liberté de mouvement.

Un autre membre du Comité s'est inquiété de la situation des musulmans malayous dans le Sud du pays et des problèmes découlant de l'application de la loi martiale dans cette région, alors que seuls des Thaïlandais musulmans d'origine malaise ont été arrêtés en vertu de cette loi martiale et que la très grande majorité ont été libérés sans être inculpés de quoi que ce soit, ce qui semble attester d'une pratique de profilage racial.

Les femmes thaïlandaises musulmanes d'origine malaise seraient victimes de discrimination dans le domaine du statut personnel, s'est inquiété un expert. Un autre a demandé s'il y avait en Thaïlande des groupes ethniques qui sont particulièrement vulnérables à l'exploitation sexuelle.

Un expert a souligné qu'il ne saurait y avoir deux catégories de citoyens: ceux par naissance et ceux par naturalisation. Il s'est inquiété de la situation de personnes qui n'auraient pas accès aux soins de santé en raison de leur statut.

Réponses de la délégation

S'agissant de la place de la Convention dans l'ordre juridique interne, la délégation a indiqué que la Thaïlande a adopté une approche dualiste, à savoir que les traités internationaux ratifiés par le pays ne sont pas d'application directe et qu'il faut donc qu'ils soient transposés en droit interne par un texte de loi. Répondant à une question sur la pratique de la torture, la délégation a affirmé qu'il n'y avait pas eu de plaintes pour torture ou mauvais traitement ces deux dernières années.

Entre 2004 et 2011, a poursuivi la délégation, une soixantaine de plaintes ont été reçues pour mauvais traitements, y compris des actes de torture, dans le Sud du pays. En dépit de la situation de violence dans les provinces du Sud, les gens continuent de vaquer à leurs occupations et de franchir les frontières, a ensuite souligné la délégation. Les provinces du Sud ne sont pas des régions frappées par un conflit armé ou par une quelconque situation de guerre, a-t-elle assuré, ajoutant que les autorités s'efforcent d'y maintenir l'ordre. Dans ces provinces, près de 80% de la population est musulmane d'origine malaise. Ces provinces méridionales comportent des écoles publiques, privées (incluant généralement un enseignement religieux, ce qui en fait en quelque sorte des écoles confessionnelles) et spécialisées. Certains programmes scolaires encouragent le bilinguisme des élèves musulmans d'origine malaise, a indiqué la délégation.

Désormais, la loi martiale a été levée dans quatre districts et la loi sur l'état d'urgence a été levée dans un district, a par ailleurs indiqué la délégation, ajoutant que les autorités envisagent de lever l'état d'urgence dans d'autres districts du Sud une fois que la situation aura été normalisée.

S'agissant du problème de la traite de personnes, la délégation a souligné qu'il touche en particulier les personnes les plus vulnérables. La loi adoptée en 2008 sur la lutte contre la traite adopte une approche basée sur les droits et l'aide aux victimes, a-t-elle souligné. Les services responsables de la prévention et de la lutte contre la traite sont des agents de la police, de la police des frontières, de la marine nationale, ainsi que des travailleurs sociaux, des psychologues et d'autres fonctionnaires, a précisé la délégation. Les victimes de la traite sont autorisées à séjourner et travailler temporairement en Thaïlande durant toute la durée de la procédure pénale relative à leur cas et peuvent demander une compensation et un traitement médical.

En ce qui concerne la situation des travailleurs migrants, la délégation a souligné que la Thaïlande assure une protection à toutes les personnes vivant sur son territoire sans distinction aucune. Les travailleurs migrants sont protégés par les dispositions du droit du travail applicables en Thaïlande, a-t-elle insisté. L'Inspecteur du travail a l'obligation juridique de référer toute affaire litigieuse au tribunal des prud'hommes si l'employeur n'a pas trouvé de solution au problème soulevé, a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne les réfugiés, requérants d'asile et personnes déplacées, la délégation a notamment assuré que, pour la Thaïlande, le principe du non-refoulement n'est pas négociable. Les autorités thaïlandaises sont disposées à travailler avec toutes les parties prenantes, en particulier le Myanmar, pour trouver une solution au problème des musulmans du Nord-Rakhine arrivés en Thaïlande, a précisé la délégation, indiquant que le dialogue à ce sujet avec le Myanmar doit justement se poursuivre le mois prochain. D'une manière générale, la Thaïlande a à cœur de travailler en coopération avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés pour trouver une solution à la situation de toutes les personnes ayant besoin de protection, a déclaré la délégation. Elle a rappelé que la Thaïlande compte encore quelque 140 000 personnes déplacées originaires du Myanmar, réparties dans neuf camps et dont certaines sont là depuis une trentaine d'années. La Thaïlande s'efforce de trouver les meilleures solutions pour ces personnes, c'est-à-dire leur rapatriement et leur réinstallation et, en attendant, s'efforce de leur fournir les services adéquats, y compris en termes de formation. Il n'y a pas de calendrier précis pour le retour et la réinstallation des personnes déplacées du Myanmar, même si la fermeture des camps les accueillant reste l'objectif final. La résolution de la situation de ces personnes déplacées du Myanmar aurait une grande influence sur l'éventuelle décision de la Thaïlande d'adhérer à la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés, a expliqué la délégation, qui a toutefois précisé que la Thaïlande adhère aux principes humanitaires inscrits dans cette Convention de 1951, sans pour autant y adhérer.

La délégation a souligné que l'objectif des autorités est de promouvoir l'accès universel à la santé et à l'éducation pour tous et les groupes ethniques marginalisés ou défavorisés ont le droit d'accès à une santé et une éducation gratuite, comme tous les Thaïlandais. Mais il est vrai que ce droit n'est pas exercé, dans la pratique, par certains groupes, en particulier parmi les travailleurs migrants venus notamment du Cambodge et de la République démocratique populaire lao, ainsi que parmi les quelque 320 000 individus issus des peuples tribaux ou encore parmi les 218 000 personnes qui n'ont pas été enregistrées à la naissance et parmi les personnes déplacées du Myanmar. Aussi, un budget conséquent a-t-il été débloqué aux fins de la promotion de l'accès de ces personnes aux services sociaux. En réponse à une autre question, la délégation a expliqué que les Hmong vivent dans plusieurs pays tels que le Laos, le Viet Nam et la Thaïlande. Les Thaïlandais Hmong sont des citoyens qui jouissent des mêmes droits que tous les citoyens thaïlandais, a-t-elle assuré.

La Commission nationale thaïlandaise des droits de l'homme a été jugée conforme aux Principes de Paris et a donc reçu l'agrément pour être classée dans la catégorie A des institutions nationales de droits de l'homme, a par ailleurs fait valoir la délégation, ajoutant que cette Commission peut saisir les tribunaux.

Observations préliminaires

M. HUANG, rapporteur pour le rapport de la Thaïlande, a souligné que la plupart des questions qui ont été adressées à la Thaïlande durant ce dialogue ont porté sur la situation des droits de l'homme des musulmans d'origine malaise dans les provinces du Sud du pays et d'autres minorités ethniques et groupes vulnérables tels que les membres des tribus des montagnes et les travailleurs migrants, ainsi que sur le problème de la traite de personnes et sur la question du retrait des réserves que le pays maintient à l'égard de la Convention.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CRD12/022F