Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE DES RAPPORTS SUR LE TRAFIC DES ÊTRES HUMAINS ET SUR LES DROITS CULTURELS
Le Conseil des droits de l'homme a été saisi, cet après-midi, de rapports présentés par l'experte indépendante dans le domaine des droits culturels et par la Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, avec lesquelles il a engagé un débat interactif. Il a en outre achevé un échange entamé hier après-midi avec ses experts chargés des questions relatives à la discrimination à l'égard des femmes et des droits de l'homme des migrants.
Mme Farida Shaheed, experte indépendante dans le domaine des droits culturels, dont l'étude de cette année porte sur le droit de jouir du progrès scientifique et de ses applications, a souligné l'importance de ce droit afin de permettre à l'humanité de s'adapter à un monde en perpétuelle mutation. L'application de ce droit est difficile, notamment pour ce qui concerne les transferts de technologies, la gestion des droits de propriété intellectuelle et la responsabilité du secteur privé. Il importe de se prémunir, autant que possible, contre la privatisation des connaissances dans la mesure où elle empêche les individus de prendre part à la vie culturelle et de profiter des progrès de la science. Mme Shaheed s'est dite encouragée par les initiatives prises par plusieurs États pour favoriser la réalisation de ce droit. L'Autriche et le Maroc, ainsi que le Conseil national des droits de l'homme du Maroc, sont intervenus pour réagir aux rapports de l'experte concernant ses missions dans ces deux pays.
Mme Joy Ngozi Ezeilo, Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, a constaté que si de nombreux États avaient progressé dans l'administration de la justice criminelle en poursuivant les trafiquants, ils ne se sont pas suffisamment intéressés aux droits des victimes. Le faible taux de poursuites et de condamnations partout dans le monde confirme que même les États jouissant d'un système judiciaire performant et disposant de stratégies élaborées contre le trafic doivent s'efforcer d'améliorer leur performance. L'identification rapide et vérifiée des victimes est essentielle. En outre, la possibilité de leur fournir une protection et un soutien joue un rôle critique pour permettre des enquêtes efficaces et la poursuite des auteurs. La Thaïlande et Australie, ainsi que la Commission australienne des droits de l'homme, sont intervenues pour commenter les rapports de la Rapporteuse spéciale sur ses missions dans ces pays.
Les délégations ont souligné l'importance de la coordination et de la coopération internationale pour mettre en œuvre les instruments internationaux relatifs à la lutte contre le trafic d'êtres humains. Il a été rappelé que le Plan mondial d'action ferait l'objet d'une évaluation en 2013 par l'Assemblée générale de l'ONU. S'agissant des droits culturels, certaines délégations ont salué le lien établi par Mme Shaheed entre droit à l'éducation et droit à bénéficier des progrès scientifique, et insisté sur l'importance d'examiner ces questions en collaboration avec les autres institutions spécialisées des Nations Unies, en particulier l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture. Pour certains, les progrès techniques ne résoudront pas toutes les questions relatives aux droits de l'homme mais ils aideront à améliorer la situation.
Les délégations suivantes ont pris la parole lors de cet échange qui se poursuivra lundi: Philippines, Union européenne, Sénégal (Groupe africain), Allemagne, Cuba, Estonie, Jordanie (Groupe arabe), Bélarus (au nom d'autres pays), Grèce, Autriche, Arabie saoudite, Uruguay, Argentine, Géorgie, Émirats arabes unis, Pakistan (OCI), Équateur et Suisse.
En début de séance, le Conseil a conclu son débat interactif avec la Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes dans la législation et dans la pratique et le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, M. François Crépeau, qui a fait une déclaration de conclusion. La Slovénie, l'Indonésie, le Royaume-Uni, l'Irlande, la France, la Turquie et le Saint-Siège sont intervenus dans le cadre du dialogue interactif sur la discrimination à l'égard des femmes et sur les droits de l'homme des migrants. Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance et l'Ordre souverain de Malte ont également fait des déclarations, ainsi que les organisations non gouvernementales suivantes: Verein Südwind Entwicklungspolitik, Fédération des femmes cubaines, American Civil Liberties Union, Conectas Direitos Humanos, Commission internationale de juristes, Penal Reform International (au nom également du Comité consultatif mondial de la Société des amis - Quakers), Fédération internationale des femmes diplômées des universités, Centre for Human Rights and Peace Advocacy et Migrants Rights International (MRI).
Le Conseil reprendra lundi matin, à 10 heures, ses débats sur les droits culturels et sur le trafic des personnes. Il doit par la suite examiner les rapports qui seront présentés par les Rapporteurs spéciaux sur l'indépendance des juges et des avocats et sur la violence à l'égard des femmes avant de tenir, dans l'après-midi, son débat annuel sur les droits des femmes.
Examen des rapports sur les droits de l'homme des migrants et sur la discrimination à l'égard des femmes dans la législation et dans la pratique
Fin du débat interactif
S'agissant des travaux du Groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes dans la législation et dans la pratique, la Slovénie a observé que si la discrimination à l'égard des femmes est un problème mondial, les formes de la discrimination varient en fonction des régions. C'est pourquoi les organisations régionales peuvent être appelées à jouer un rôle important dans la conception de mesures capables d'éliminer la discrimination dans une région donnée. Le Royaume-Uni estime que les périodes de transition, très risquées pour les femmes, constituent aussi une fenêtre d'opportunité unique: les États, les institutions des Nations Unies et leurs partenaires doivent en profiter pour œuvrer, ensemble, à placer les femmes au premier plan des processus de transition. Le Royaume-Uni salue la création du mandat du Groupe de travail. La France a demandé au Groupe de travail s'il pouvait recueillir les bonnes pratiques en vue d'une approche globale et cohérente du lien entre la discrimination fondée sur le sexe et les autres discriminations. Elle l'a aussi prié d'indiquer quelles synergies il peut nouer avec le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et ONU-Femmes.
L'Indonésie partage l'avis du Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, qui souligne que les États doivent répondre aux besoins de protection particuliers des femmes, des enfants et des victimes de traite des êtres humains. La lutte contre la traite constitue justement l'une des priorités du Gouvernement indonésien. Il a adopté pour ce faire un Plan d'action national pour l'élimination de la traite des femmes et des enfants, prévoyant des mesures concrètes en termes de soins, de réinsertion et de sanction des coupables. L'Irlande a relevé que le Rapporteur spécial invite les États à avoir recours à des alternatives à la détention des migrants et lui a demandé quelles pourraient être ces alternatives. La France a demandé au Rapporteur spécial quelles sont les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour veiller à la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant et l'intégration d'une perspective de genre.
Pays de destination et de transit des migrations illégales, la Turquie se félicite de l'attention portée par le Rapporteur spécial au problème de la détention des migrants en situation irrégulière. Elle partage la préoccupation de M. Crépeau s'agissant de la criminalisation des migrants illégaux par certains pays et estime en tout état de cause que ces personnes ne devraient pas être détenues avec des criminels de droit commun, mais plutôt dans des maisons d'accueil. Le Saint-Siège a observé que la migration est une réaction naturelle à un contexte économique et social de plus en plus difficile. La détention est un aspect malheureux de ce processus. Les migrants en situation irrégulière ne doivent pas être traités comme des criminels, mais bien comme des personnes dotées de droits humains. Le traitement des migrants doit donc respecter les valeurs éthiques et familiales.
Pour le Fonds des nations Unies pour l'enfance (UNICEF), il importe de rappeler que le principe de la non-détention des enfants migrants constitue une norme de base des droits de l'homme. Les États doivent envisager des mesures alternatives à la détention des enfants, dans le respect, en outre, des directives des Nations Unies en matière de soins de santé et de prise en charge économique. L'Ordre souverain de Malte soutient les migrants, notamment à Lampedusa en Italie et en portant secours aux migrants en mer en France. Les migrants doivent à la fois bénéficier de toutes les garanties juridiques en droit international et en droit national. La mise en œuvre de cette protection doit faire l'objet d'une coopération et d'un dialogue entre toutes parties prenantes, afin que les migrants soient traités conformément au droit et aux principes d'humanité.
Organisations non gouvernementales
Concernant les travaux du Groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes dans la législation et dans la pratique, certaines organisations non gouvernementales ont attiré l'attention du Conseil et du Groupe de travail sur les situations spécifiques et de pays. La représentante de Verein Südwind Entwicklungspolitik a rappelé que les objectifs de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ne sont pas complètement atteints. Dans ce contexte, elle s'est enquise de ce que compte faire le Groupe de travail: envisage-t-il d'effectuer des visites dans les pays qui, comme l'Iran, par exemple, pratiquent de telles discriminations, a-t-elle demandé? La Fédération des femmes cubaines a souligné que les progrès, en matière de lutte contre toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, dépendent de la volonté des États. Pour leur part, les autorités cubaines ont toujours promu les droits humains de la femme en adoptant des plans et programmes qui permettent aux femmes cubaines de s'épanouir et d'occuper des postes de responsabilité. Pour Penal Reform International, au nom également du Comité consultatif mondial de la Société des amis - Quakers, la situation des femmes privées de liberté est inquiétante, s'agissant notamment des violences, en particulier sexuelles, qu'elles subissent en détention. Il est donc nécessaire d'inclure cette perspective dans les travaux du Groupe de travail. La violence domestique est comparable à de la torture, a pour sa part estimé la Fédération internationale des femmes diplômées des universités, appelant les États à respecter la Convention contre la torture. Centre for Human Rights and Peace Advocacy a attiré l'attention sur la situation des femmes dalits en Inde, qui ne sont pas perçues comme des êtres humains. Les femmes dalits se voient refuser toute participation à la vie politique, même si la Constitution indienne garantit les droits des femmes, a insisté cette ONG.
Sur la question des droits de l'homme des migrants, American Civil Liberties Union a déploré les conditions dans lesquelles les États-Unis détiennent les migrants, notamment dans l'État de Géorgie, et a appelé les autorités fédérales du pays à envisager des mesures visant à réviser leurs pratiques en la matière. La Commission internationale des juristes a pour sa part noté une aggravation de la situation dans les pays membre de l'Union européenne, dénonçant les violations des droits de l'homme dans les centres de rétention/détention, au regard des conditions d'accueil et de détention et de l'usage de traitements inhumains et dégradants. Dans ce contexte, l'ONG a apporté son soutien au Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants dans sa volonté d'étudier les conséquences de la politique migratoires de l'Union européenne hors et au sein de ses frontières. S'agissant du traitement des migrants, la liberté doit être la règle et la détention l'exception, a pour sa part rappelé Migrants Rights International.
Conclusion de l'expert indépendant sur les droits de l'homme des migrants
M. FRANÇOIS CRÉPEAU, Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, s'est dit heureux des réponses apportées par les délégations à ses propositions relativement s'agissant de la problématique de la détention des migrants en situation irrégulière. Ces migrants ne commettent pas de délit, a-t-il rappelé, avant d'ajouter que l'expression «migration irrégulière» devrait être évitée, les mots n'étant pas neutres. On devrait plutôt parler, en effet, de migrants «en situation irrégulière» au regard des lois sur le séjour des étrangers dans un territoire donné. Le Rapporteur spécial encourage les États et les organisations régionales à mieux cerner le problème, a fortiori en ces temps où les migrations sont en hausse. Il se félicite par ailleurs que soit de mieux en mieux admis le principe de la non-détention des mineurs. La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants vaut pour tous, a-t-il rappelé; sa ratification est un signal fort et le fait de ne pas s'y rallier est donc également un message fort qu'envoient les États. M. Crépeau a déploré un manque de données concernant les migrants détenus dans l'Union européenne, de nombreux cas n'étant pas notifiés. Il a encouragé les États à coopérer et à placer les droits des individus au premier plan dans le contexte des migrations. Il s'est félicité de la participation des organisations non gouvernementales au débat et indiqué qu'il se réjouissait de ses prochains déplacements en Turquie, en Grèce et en Italie.
Examen des rapports sur les droits culturels et sur le trafic des êtres humains
Présentation de rapports
Le rapport de Mme FARIDA SHAHEED, experte indépendante dans le domaine des droits culturels (A/HRC/20/26 en anglais) porte cette année sur le droit de jouir des avantages du progrès scientifique et de ses applications. L'experte a également rendu compte des missions qu'elle a effectuées en Autriche et au Maroc.
Le droit de jouir du progrès scientifique et de ses applications est reconnu par plusieurs instruments internationaux et régionaux, a souligné Mme Shaheed. Or, si les innovations scientifiques sont en train de changer le monde de manière à peine imaginable il y a quelques décennies, les obligations des États dans ce domaine, de même que leurs capacités d'action, ne sont pas suffisamment développées. Après de longues consultations, la Rapporteuse spéciale est parvenue à un certain nombre de conclusions à ce sujet. D'abord, le droit de jouir du progrès scientifique est étroitement lié aux droits culturels: tous deux ont trait à la quête de savoirs, afin de permettre à l'humanité de s'adapter à un monde en perpétuelle mutation. Ceci pose l'exigence de mettre tout un chacun en mesure de penser de manière critique tant sa relation au monde que les nouvelles connaissances, de même que d'y contribuer. Le contenu normatif de ce droit porte sur l'accès aux avantages que procure la science, la possibilité matérielle de participer aux entreprises scientifiques, la participation aux prises de décision et l'instauration d'un environnement propice aux progrès de la recherche scientifique.
L'experte indépendante a souligné que l'application de ce droit est difficile, notamment pour ce qui concerne les transferts de technologies, la gestion des droits de propriété intellectuelle et la responsabilité du secteur privé. Il importe de se prémunir, autant que possible, de la privatisation des connaissances dans la mesure où elle empêche les individus de prendre part à la vie culturelle et de profiter des progrès de la science. Cela étant, Mme Shaheed s'est dite encouragée par les initiatives prises par plusieurs États pour faciliter la réalisation de ce droit. L'experte a mentionné à ce titre les mécanismes consistant à dissocier les coûts de recherche et de développement du prix de certains produits, par exemple dans le domaine de la santé; la création de répertoires et journaux scientifiques à accès libre; ou encore l'organisation de vastes consultations publiques sur des questions scientifiques.
Lors de sa visite en Autriche, en avril 2011, Mme Shaheed a constaté que ce pays a adopté des mesures positives en vue de la réalisation des droits culturels, notamment la promotion de la diversité culturelle et la participation à la vie culturelle, ainsi que des mesures pour protéger et promouvoir les droits culturels des minorités nationales reconnues. Ces initiatives sont bienvenues mais insuffisantes, estime Mme Shaheed, les politiques nationales autrichiennes n'envisageant pas encore la diversité culturelle pour la richesse qu'elle représente. Les mesures de promotion de la diversité culturelle, fragmentaires, gagneraient à être inscrites dans un cadre facilitant l'accumulation d'expériences de terrain fort utiles. En Autriche, seules les minorités autochtones bénéficient de droits spécifiques – encore la jouissance de ces droits est-elle limitée aux régions géographiques où vivent les minorités. Les autorités devraient envisager d'étendre leur soutien à d'autres groupes linguistiques. La Rapporteuse spéciale a regretté en outre que le dernier recensement de population, en 2011, ne contienne plus de renseignement sur les affiliations ethniques, religieuses et linguistiques.
Mme Shaheed a constaté, lors d'une visite en septembre 2011, que le Maroc a accompli des progrès remarquables dans le domaine du respect et de la promotion des droits de l'homme. La Constitution amendée a renforcé la protection des droits de l'homme, au profit notamment des populations les plus vulnérables, conféré une plus grande importance aux droits culturels et à la diversité culturelle et accordé un statut officiel à la langue amazighe. Par contre, d'autres mesures plus précises restent à prendre en faveur de la promotion de la culture amazighe. La Rapporteuse spéciale a été informée qu'en pratique, les parents n'ont pas toujours le droit de donner des prénoms amazigh à leurs enfants. Mme Shaheed encourage donc le Gouvernement marocain à considérer la diversité culturelle comme une richesse, notamment en révisant l'approche de cette question dans les manuels scolaires.
La Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, MME JOY NGOZI EZEILO présente un rapport (A/HRC/20/18 en anglais) consacré cette année à une analyse thématique d'une approche fondée sur les droits de l'homme dans l'administration de la justice pénale dans les cas de traite des personnes. Elle soumet également des rapports sur les missions qu'elle a effectuées en Australie et en Thaïlande, ainsi qu'un document consacré à la réunion d'experts qu'elle a convoquée sur les poursuites engagées dans les affaires de traite des personnes.
La Rapporteuse spéciale a constaté que si de nombreux États avaient progressé dans l'administration de la justice criminelle en poursuivant les trafiquants, ils s'étaient insuffisamment intéressés aux droits des victimes. De nombreux défis demeurent pour que celles-ci bénéficient d'une prise en compte prioritaire. La pénalisation du trafic d'êtres humains constitue un aspect essentiel dans la lutte contre ce fléau, les instruments internationaux imposant aux États une proscription absolue. Mais la criminalisation n'est pas une fin en soi: elle doit être accompagnée d'une mise en œuvre effective de la loi et de l'imposition de sanctions appropriées. Le faible taux de poursuites et de condamnations partout dans le monde confirme que même les États jouissant d'un système judiciaire performant et disposant de stratégies élaborées contre le trafic doivent s'efforcer d'améliorer leur performance. L'identification rapide et vérifiée des victimes est essentielle à cet égard.
En outre, la possibilité de fournir une protection et un soutien aux victimes joue un rôle critique pour permettre des enquêtes efficaces et la poursuite des auteurs. Les victimes doivent en effet être en mesure de participer en toute confiance et sécurité au processus judiciaire et pouvoir fournir les preuves de leur exploitation. Le rapport de Mme Ngozi Ezeilo reconnaît aussi le rôle important des associations de soutien aux victimes qui sont souvent les toutes premières à entrer en contact avec les victimes. Elle s'est félicitée qu'un certain nombre d'États aient commencé à former leur police pour la sensibiliser au problème. Elle déplore les conditions d'accueil de victimes qui perdent souvent toute liberté de mouvement là où elles trouvent refuge.
Enfin, la possibilité de recouvrer les avoirs des trafiquants peut jouer un rôle important en matière de lutte contre l'impunité, car elle permet non seulement d'affecter les actifs financiers, mais aussi de rétablir une certaine morale en permettant de soutenir matériellement les victimes. En conclusion, la Rapporteuse spéciale a appelé les États à édicter des cadres législatifs clairs et applicables qui s'appuient sur le respect des droits des victimes.
Mme Ngozi Ezeilo a rendu compte de ses visites officielles en Thaïlande et en Australie. Elle s'est dite impressionnée par l'engagement et les progrès de la Thaïlande dans la lutte contre le trafic d'êtres humains. Elle est néanmoins préoccupée par le manque de capacité ainsi que la mauvaise volonté des agents de la force publique pour identifier correctement les victimes de la traite. Par ailleurs, l'État devrait revoir sa législation du travail, s'agissant particulièrement des emplois non qualifiés mal payés. S'agissant de l'Australie, elle a constaté que les victimes étaient généralement employées par l'industrie du sexe. Si le pays consacre des ressources importantes à ce problème, il pâtit toutefois de ne pas disposer d'une approche globale centrée sur les victimes, qui permettrait de leur porter assistance.
Parties concernées
L'Autriche a salué le rapport de l'experte indépendante dans le domaine des droits culturels pour sa qualité et sa compréhension de la situation des droits culturels en Autriche. Ces droits ont souvent été une priorité pour les autorités autrichiennes, en tant qu'élément structurel important du pays. Pour l'Autriche, la diversité linguistique, culturelle et religieuse est une chance et une richesse, a insisté le représentant autrichien. La formation en rapport avec cette diversité est en outre une priorité, y compris pour les forces de sécurité qui doivent pouvoir communiquer avec des personnes dont l'allemand n'est pas la langue maternelle, a-t-il précisé.
Le Maroc a souligné que l'experte indépendante avait visité son pays un mois après l'adoption de la nouvelle Constitution marocaine qui consacre la diversité culturelle et linguistique du pays, en accordant par exemple un statut officiel à la langue amazighe et en constitutionnalisant l'Institut royal de la culture amazighe. Le Maroc a en outre fait valoir la totale coopération dont Mme Shaheed a bénéficié de la part des autorités locales lors de sa visite dans le pays. Pour autant, le Maroc souhaite attirer l'attention de Mme Shaheed sur l'importance de veiller à la crédibilité des informations qu'elle reçoit et d'éviter de faire des généralisations à partir de cas isolés d'allégations non vérifiées avec l'État concerné. Les procédures spéciales ont le devoir de fournir aux pays concernés les informations nécessaires afin de leur permettre de vérifier la véracité des faits allégués et in fine, de les aider à prendre les mesures nécessaires pour remédier à ces allégations. Pour sa part, le Maroc prend note des recommandations figurant dans le rapport et souligne que ces recommandations cadrent parfaitement avec les politiques gouvernementales en matière de droits de l'homme.
La Thaïlande, en tant que pays concerné par le rapport de la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, s'est dite heureuse que ce rapport souligne la bonne coopération des autorités gouvernementales thaïlandaises avec la société civile et salue les efforts engagés dans la lutte contre le trafic de personnes. La Thaïlande a rappelé les mesures adoptées par son Gouvernement et les progrès réalisés dans les divers domaines relatifs à la traite. Elle a plaidé en faveur d'une compréhension adéquate des phénomènes en question par le biais d'un échange d'information entre les États et les procédures spéciales avant les visites de ces dernières sur le terrain. En ce qui la concerne, la Thaïlande poursuivra ses efforts et sa coopération avec ses partenaires.
Le Conseil national des droits de l'homme du Maroc (CNDH) a observé que le pays a connu ces derniers mois une accélération du processus de réformes politiques, couronné par l'adoption de la nouvelle Constitution en juillet 2011, laquelle consacre explicitement les droits culturels et linguistiques. La mise en œuvre de ces évolutions implique des étapes et soulève de réelles difficultés, a souligné le CNDH. Le Conseil national appelle le Gouvernement marocain à accélérer le processus d'élaboration des lois organiques relatives au Conseil national des langues et de la culture marocaine, à bannir l'ensemble des décisions, circulaires et arrêtés administratifs discriminatoires et à ratifier la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
L'Australie a indiqué pratiquer un contrôle sévère des migrations, qui limite fortement l'ampleur du problème de la traite dans ce pays. L'Australie ne s'en est pas moins dotée d'une stratégie énergique de lutte contre la traite, couvrant tous les aspects, du recrutement à la réintégration des victimes. Le Gouvernement australien, sur recommandation de la Rapporteuse spéciale, prépare des lois visant à aggraver les sanctions encourues par les auteurs de la traite, y compris les mariages forcés, et veille à l'amélioration des procédures d'identification des victimes. Dans toutes ses démarches, le Gouvernement peut compter sur l'appui des organisations de la société civile, s'est félicitée la délégation.
La Commission australienne des droits de l'homme s'est pour sa part félicitée d'un certain nombre de démarches entreprises par le Gouvernement australien, s'agissant notamment de la révision d'instruments juridiques et de la collaboration avec la société civile. La Commission préconise néanmoins l'adoption d'un plan national contre la traite, basé sur les droits de l'homme et comprenant des indicateurs chiffrés mesurables. La Commission préconise en outre l'offre de services spécialisés aux enfants victimes de la traite, y compris un logement, des soins et une éducation. Elle préconise également la ratification immédiate par l'Australie de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles ainsi que de la Convention n°189 de l'Organisation internationale du travail sur le travail décent pour les travailleurs domestiques.
Débat interactif
En ce qui concerne la question de la traite des personnes, les Philippines estiment, avec la Rapporteuse spéciale, que les victimes de la traite ont des droits qui doivent être défendus au niveau national, régional et international. Les victimes ne doivent en particulier pas être criminalisées ni victimisées à nouveau. Les Philippines se sont dotées de moyens d'action étendus contre le crime de la traite, une initiative qui s'est notamment concrétisée par une augmentation des arrestations. L'Union européenne a insisté sur l'importance de la coopération internationale contre la traite des personnes. Elle a demandé à l'experte de donner des exemples des «conséquences négatives» des politiques de lutte contre la traite évoquées dans son rapport.
Le Sénégal, au nom du Groupe africain, a fait valoir que l'entraide judiciaire revêt tout son sens face à la complexité d'un phénomène se jouant des frontières. La Jordanie, au nom du Groupe arabe, a souligné le caractère international du trafic d'êtres humains, qui a un effet délétère sur les sociétés et a attiré l'attention sur les efforts visant à renforcer les capacités dans la région arabe: il s'agit de pénaliser la traite d'une part, d'assurer des poursuites efficaces, d'améliorer la protection des victimes, de renforcer la coopération régionale et de consolider la législation appropriée dans le monde arabe. Le Groupe arabe convient avec la Rapporteuse spéciale que les systèmes judiciaires ne sont souvent pas à la hauteur du défi. Cuba estime que pour que se développe une collaboration efficace sur le plan international il est nécessaire que cessent les politiques de deux poids deux mesures, les positions hégémoniques, ainsi que les évaluations ou certifications unilatérales. Un exemple à ce sujet est constitué par le rapport annuel du Département d'État qui a un caractère discriminatoire et sélectif. Cuba souhaite savoir ce qu'en pense la Rapporteuse spéciale.
L'Allemagne a demandé à la Rapporteuse spéciale ce qui lui semblait prioritaire pour augmenter le faible nombre de poursuites qu'elle a constaté, y compris dans des pays disposant d'un système judiciaire performant.
Le Bélarus (au nom du Groupe de Genève des amis unis contre le trafic d'êtres humains regroupant 21 États) a souhaité qu'un lien plus étroit soit établi entre les activités de toutes les procédures spéciales du Conseil dans ce domaine. Il accueillerait favorablement un échange d'idées sur un certain nombre de mesures supplémentaires à prendre afin d'aider la Rapporteuse spéciale à remplir son mandat dans le cadre général du Plan mondial d'action, y compris dans la perspective de faire le point sur les progrès accomplis lors de l'évaluation du Plan par l'Assemblée générale, prévu l'an prochain.
L'Estonie a énuméré un certain nombre de mesures qu'elle a prises, sur le plan pénal en particulier, pour lutter contre la traite, dossier qui est une de ses priorités. Elle a mis en place en 2006 un réseau national de coordination contre le trafic pour améliorer l'action de toutes les parties concernées sur son territoire.
L'Autriche a estimé que l'identification des victimes est cruciale dans le cadre d'enquêtes contre ces trafiquants et a demandé à l'experte indépendante si elle peut faire état de bonnes pratiques à cet égard. Soulignant la transversalité de la traite, l'Autriche a également demandé à Mme Ezeilo si elle envisage d'autres moyens de coopération avec les autres institutions spécialisées des Nations Unies, comme l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime. L'Arabie saoudite, a estimé que la question de la traite est un phénomène qui concerne toute la communauté internationale, qui doit lutter contre ce phénomène en toute transparence et impartialité. Il faut permettre aux victimes de participer aux procès et renforcer la coopération entre les services judicaires et les services d'appui. Pour l'Argentine, les stratégies régionales sont cruciales pour éradiquer la traite. Au niveau sous régional, l'Argentine a avec ses partenaires et voisins régionaux adopté des initiatives communes pour lutter ce phénomène. La Géorgie a présenté les réalisations de son pays en matière de lutte contre le trafic avant d'estimer que des efforts restaient encore à faire en la matière. Pour les Émirats arabes unis, la lutte contre le phénomène de la traite doit répondre aux exigences du droit international et du droit international humanitaire. Le Pakistan au nom de l'Organisation pour la coopération islamique, après avoir comparé la traite à une forme d'esclavage, a estimé qu'il faut s'attaquer aux causes de la demande. Dans ce contexte, la justice doit être sévère et le Pakistan appelle au renforcement de la coopération internationale en matière de lutte, compte tenu de la nature internationale de ce phénomène.
L'Équateur a lancé plusieurs initiatives visant à détecter les cas de traite d'êtres humains et à venir en aide aux victimes. Les autorités ont, pour ce faire, créé une Unité de lutte contre la traite des personnes et des migrants, laquelle s'appuie sur un Plan national contre la traite des personnes comportant des volets consacrés à la prévention, aux enquêtes, à la répression et à la coopération internationale. L'Équateur considère que les victimes de ce délit ne doivent être ni ostracisées ni traitées en criminels, ce qui risquerait d'aggraver encore leur situation.
La Suisse a remercié la Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes et s'est félicitée de l'approche adoptée par le Groupe de travail, à savoir l'intégration d'une démarche axée sur les droits dans l'administration de la justice pénale. La Suisse demande à Mme Ezeilo de dire si, compte tenu de sa fonction, elle juge utile d'être informée ou de participer au processus qui vise à définir une ligne d'interprétation des notions essentielles du Protocole de Palerme contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.
S'agissant des questions relatives aux droits culturels et en particulier de l'étude sur le droit de jouir des avantages du progrès scientifique, l'Union européenne a demandé à Mme Shaheed comment les États peuvent favoriser l'accès aux progrès scientifiques, notamment par les personnes appartenant à des minorités. Mme Shaheed a été priée de dire son opinion sur les actes concrets que les États peuvent réaliser pour que les progrès scientifiques ne soient pas utilisés à des fins néfastes.
Le Sénégal, au nom du Groupe africain, a déclaré qu'il ne faisait aucun doute pour lui qu'il conviendrait d'aménager un espace légal alliant la liberté nécessaire à la recherche scientifique et son encadrement indispensable. Cet encadrement doit être lié en particulier à la protection des personnes, à la morale et à l'éthique, au regard des dérives susceptibles de naître des activités scientifiques.
Cuba a convenu avec la Rapporteuse spéciale que de nouvelles études étaient nécessaires sur ce sujet et l'a assurée de son soutien plein et entier dans l'accomplissement de son mandat. Cuba présentera un projet de résolution sur la question du droit de jouir des avantages du progrès scientifique lors la présente session.
L'Autriche s'est félicitée du lien établi par Mme Shaheed entre droit à l'éducation et droit à bénéficier des progrès scientifique. Envisage-t elle un mécanisme de suivi pour la mise en œuvre de ce lien, notamment avec les autres institutions spécialisées des Nations Unies comme l'Unesco? La Grèce a posé la même question, se demandant en outre quelles sont les mesures spécifiques qu'elle envisage, spécifiquement s'agissant des principes éthiques évoqués dans son rapport.
Pour l'Uruguay certes, les progrès techniques ne résoudront pas toutes les questions relatives aux droits de l'homme mais peuvent contribuer à améliorer la situation. Dans ce contexte, il faut accroitre les investissements, notamment privés, ainsi que la coopération internationale, dont le transfert de technologies. Pour y parvenir, il faut un environnement international porteur pour développer la science. Les droits à la propriété intellectuelle peuvent pour leur part faire barrage à la jouissance des droits de l'homme a par ailleurs souligné l'Uruguay.
L'Équateur, qui se considère comme un État plurinational, pluriculturel unitaire, s'efforce en permanence d'atteindre l'unité dans la diversité. C'est pourquoi il a adopté des politiques d'inclusion et de non-discrimination qui protègent et réaffirment l'identité de tous les peuples et nationalités équatoriens. Les langues officielles de l'Équateur sont l'espagnol, le kichwa et le shuar. L'Équateur dispose d'un système scolaire interculturel bilingue, chargé de transmettre un sentiment d'appartenance culturelle et linguistique aux peuples afro-équatoriens, montubios et autochtones. L'État s'efforce de sauvegarder le patrimoine culturel en procédant, notamment, à l'inscription de bâtiments et sites architecturaux et culturels.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
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