Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME POURSUIT SON DÉBAT INTERACTIF SUR LES EXÉCUTIONS ARBITRAIRES ET LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ET D'OPINION
Le Conseil des droits de l'homme a poursuivi ce matin son débat interactif entamé hier après-midi avec les Rapporteurs spéciaux chargés de la liberté d'opinion et d'expression et de la question des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.
Pour plusieurs délégations, le défi pour certains États s'agissant de la liberté d'opinion et d'expression consiste à renforcer les mécanismes d'enquête et de sanction des auteurs d'actes violents à l'encontre des journalistes. De nombreux orateurs ont aussi soulevé la question émergeante des «citoyens journalistes», bloggeurs et autres acteurs des médias sociaux, et se sont notamment interrogés sur le fait de savoir si ces «cyberjournalistes» devaient se voir reconnaître les mêmes droits que les journalistes professionnels, question qui pose le problème de la responsabilité, du respect de principes déontologiques, de la protection contre les atteintes à la réputation et à la dignité. Des délégations se sont aussi inquiétées des cas de censure, de blocage de sites, ainsi que des poursuites pénales visant des blogueurs dont les autorités cherchent à museler la liberté de ton. Par ailleurs, des intervenants ont reproché aux États occidentaux d'avoir la critique facile tout en fermant les yeux sur leurs propres abus. La question des motivations des poursuites contre le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, a été de nouveau soulevée.
S'agissant de la question des exécutions extrajudiciaires, l'intérêt de la recommandation du Rapporteur spécial en faveur de la création d'unités spéciales indépendantes d'investigation pour ce qui concerne les meurtres de journalistes a été relevé. Par ailleurs, plusieurs délégations, ainsi que des organisations non gouvernementales, ont critiqué l'utilisation de drones pour les meurtres ciblés dans les zones de conflit. La Suisse a appelé au respect des règles internationales à cet égard, et proposé que ces actes soient recensés afin que des réparations puissent être versées aux familles de victimes.
Les délégations suivantes ont participé ce matin aux échanges avec les Rapporteurs spéciaux chargés de ces questions: Chili, Algérie, Allemagne, Suisse, Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Nouvelle-Zélande, Colombie, Maldives, Indonésie, Italie, Qatar, Pologne, Royaume-Uni, Équateur, Tunisie, Guatemala, Espagne, Australie, Belgique, Malaisie, Honduras, République tchèque, Lituanie, Mexique, Cuba, Slovénie, Slovaquie, Pays-Bas, Finlande, France, Norvège, Grèce, Iraq, Irlande, Thaïlande, Uruguay, Fédération de Russie, Costa Rica, Brésil, Maroc, Syrie, Bangladesh, Roumanie, Pérou, Botswana. L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, ainsi que l'Organisation internationale de la Francophonie ont également fait des déclarations, de même que quatre organisations non gouvernementales: Réseau juridique canadien VIH/sida, American Civil Liberties Union, Helsinki Foundation for Human Rights, Commission colombienne de juristes.
Le Conseil doit entendre cet après-midi les conclusions et réponses du Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression, M. Frank La Rue, et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, M. Christof Heyns. Il sera ensuite saisi des rapports annuels de ses Rapporteurs spéciaux sur la liberté de réunion et d'association et sur les droits de l'homme dans la lutte antiterroriste.
Examen de rapports sur la liberté d'expression et d'opinion et sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires
Débat interactif
La liberté d'expression joue un rôle crucial en démocratie et dans la protection de tous les droits de l'homme ont estimé de très nombreuses délégations. Pour les Maldives, les attaques contre les journalistes visent également le principe de transparence et de responsabilité; c'est pourquoi leur liberté et protection sont garanties par la Constitution du pays, a ajouté sa représentante. Dans le même esprit, l'Algérie a ajouté que c'est également pour cette raison que son pays a abrogé le délit de presse sur son territoire, avant de déplorer les approximations et la partialité du rapport de M. La Rue s'agissant de son pays. En Indonésie le Gouvernement a aboli la loi exigeant une autorisation préalable de travail aux journalistes. L'Allemagne a pour sa part appelé à la vigilance, afin que les lois n'imposent pas des limites indues à la liberté d'expression.
L'actualité rappelle chaque jour le rôle important des journalistes, a déclaré la Suisse, qui est choquée par le nombre croissant de journalistes victimes de violences ou de répression dans le monde. Cela est d'autant plus choquant que cette répression ne touche pas seulement les journalistes mais prive d'informations les populations. Du point de vue du Qatar, l'impunité dont jouissent les auteurs d'attaques contre les journalistes encourage la poursuite de ces actes. Le Qatar a fait valoir qu'il a accueilli deux conférences sur les droits des journalistes et leur protection en zone de conflit. De son côté, l'Italie a estimé que la liberté d'expression est un moyen de protéger tous les droits de l'homme, car elle permet de dénoncer les violations. Les États qui permettent les violences contre les journalistes doivent être tenus responsables de ces actes. En même temps, les journalistes doivent respecter les lois en vigueur dans les pays où ils exercent leur métier. Le représentant a souligné le travail en cours dans ce domaine au sein de l'UNESCO et demandé au Rapporteur spécial comment le Conseil pouvait contribuer à ce processus.
Pour autant, de nombreuses délégations n'ont pas estimé nécessaire l'élaboration de nouvelles règles au niveau international en matière de protection des journalistes. Pour le Chili, et le Pakistan au nom de l'Organisation de la coopération islamique, il faut d'abord appliquer le cadre normatif déjà existant. Le défi pour les États consiste à renforcer les mécanismes d'enquêtes et de sanction des auteurs d'actes violents à l'encontre des journalistes, dans le même temps que ces derniers doivent prendre leurs précautions pour ne pas se mettre en danger. La Suisse soutient pour sa part le projet de déclaration sur la liberté des journalistes.
Les délégations ont également soulevé le problème des «citoyens journalistes», bloggeurs et acteurs des médias sociaux. La Nouvelle-Zélande a souligné que ces «cyberjournalistes» non professionnels ne bénéficient pas encore d'un statut et de protection spécifiques, avant de demander au Rapporteur spécial s'il pouvait faire état de bonnes pratiques à cet égard. Si ces «cyberjournalistes» ont bien le droit de mener leur activité librement comme les professionnels, comment les rendre également responsables de leurs écrits, a demandé le Pakistan? Même si les «journalistes citoyens» jouent un rôle majeur, il ne faut pas ignorer qu'ils peuvent être manipulés dans un but de déstabilisation de la société, a pour sa part nuancé l'Indonésie, avant de demander au Rapporteur spécial comment l'éducation peut servir à équilibrer la liberté d'expression et la responsabilité.
La Pologne a souligné l'importance toute particulière du mandat de M. La Rue et lui a apporté son plein appui, exprimant l'espoir que les pays concernés par les recommandations du Rapporteur spécial y répondraient favorablement. La Pologne a aussi souligné que la liberté d'expression en ligne doit bénéficier des mêmes protections que celles dont bénéficie la presse. Le Royaume-Uni a lui aussi souligné que le droit à la liberté d'expression devait également s'appliquer au journalisme en ligne. Il a par ailleurs dénoncé des cas de persécutions au Bélarus, en Syrie et en Iran, en citant plusieurs noms de personnes en butte aux menaces, avant de déplorer que les auteurs d'exactions échappent à toute poursuite. L'Espagne, tout en convenant qu'il fallait assurer prioritairement l'accès universel à l'Internet, a rappelé que des restrictions à la liberté d'expression pouvaient néanmoins s'avérer légitimes, notamment aux fins de la protection de la vie privée.
Pour autant, l'Espagne juge préoccupant que des pays tels la République populaire démocratique de Corée, la Chine, l'Iran et d'autres manipulent les lois pour combattre la liberté d'expression. L'Australie s'est félicitée du fait que les deux rapporteurs spéciaux – MM. La Rue et Heyns – aient mis l'accent sur la liberté de la presse. Il existe un lien entre la lutte contre l'impunité et la protection des journalistes, a convenu l'Australie. Elle a exprimé le souhait que les deux rapporteurs exposent plus avant leurs points de vue sur les limites justifiables à la liberté d'expression, en particulier s'agissant de la diffamation et de la lutte contre le terrorisme.
S'agissant du cas des cyberjournalistes, la Fédération de Russie s'est inquiétée, avec l'Uruguay de la volonté de certaines délégations de mettre sur un pied d'égalité les mass-médias traditionnels et les médias sociaux. Ces derniers ne respectent pas toujours les notions d'éthique et de déontologie ou de vérification de l'information. De plus, les médias traditionnels touchent des millions de personnes et les blogs seulement une poignée de lecteurs. Par ailleurs, le représentant a demandé au Rapporteur spécial ce qu'il pense du cas de Julian Assange, fondateur de Wikileaks. Il lui a aussi demandé son avis sur l'interdiction faite à des réseaux satellitaires de diffuser des chaines syriennes, cette mesure étant contraire à la liberté de circulation d'information. La Syrie a dénoncé la décision de la Ligue des États arabe d'interdire les canaux de diffusion des chaînes syriennes tout en permettant que des chaînes continuent de diffuser des fausses informations sur la Syrie.
La Thaïlande a souligné la nécessité d'un équilibre entre liberté d'expression et État de droit. Par ailleurs les cyberjournalistes doivent respecter l'éthique et l'impartialité des journalistes professionnels et non se lancer dans des initiatives de déstabilisation. Pour autant, en raison de leur rôle social de formateur de l'opinion, ces derniers méritent une protection adéquate, a plaidé le Costa Rica.
Plusieurs délégations ont, à l'instar de la Belgique, demandé à M. La Rue quels sont, selon lui, les critères d'appartenance à la catégorie des «journalistes citoyens»; en effet, toute personne peut potentiellement appartenir à cette catégorie. La Finlande a invité le Rapporteur spécial à expliquer comment promouvoir, concrètement, les normes internationales de droits de l'homme défendant la liberté d'information sur Internet. La Finlande a indiqué qu'au cours de cette session, elle présenterait, avec plusieurs autres États, un projet de résolution sur la promotion et la protection des droits de l'homme sur Internet.
L'Algérie a demandé s'il est réaliste de revendiquer des mesures de protection spécifiques pour les bloggeurs et autres acteurs des médias sociaux, tout comme les gouvernements le font pour les journalistes professionnels. Cuba a estimé que certaines notions du rapport de M. La Rue sont sujettes à caution, soulignant que certains blogueurs ne sont pas du tout des journalistes mais s'attachent à répandre de fausses informations dans le but de favoriser des changements de régime. Cuba est elle-même confrontée à des «cybermercenaires», tandis que la Syrie s'apprête à subir l'assaut de professionnels de la manipulation de programmes d'information, payés par l'OTAN, a insisté Cuba, qui déploré la partialité du Rapporteur spécial, qui ne cite dans son rapport qu'un seul pays occidental. Le Bangladesh a estimé que la liberté d'expression ne peut être infinie, illimitée et sans responsabilité. Les bloggeurs, même s'ils exercent une activité comparable, ne sont pas des journalistes en tant que tels. Dans ce cadre il soutient la recommandation sur la nécessité des journalistes de respecter un code de conduite et une déontologie.
La Tunisie a indiqué que sa délégation avait élaboré, avec celles de la Suède et de quatre autres pays, un projet de texte en faveur de la promotion des droits de l'homme dans le contexte de l'Internet, avec un accent particulier sur la liberté d'expression. Dans le même esprit, la Tunisie a cosigné la déclaration, à l'initiative de l'Autriche, sur la protection des journalistes. Ces deux questions figurent parmi les priorités les plus importantes de la réforme en cours en Tunisie.
Par ailleurs, la Tunisie a adressé en février 2011 une invitation ouverte à tous les titulaires de mandat et répondu favorablement à toutes les demandes de visite qui lui ont été adressées. La Tunisie souhaiterait donc que le paragraphe du rapport de M. La Rue la concernant soit corrigé en conséquence. L'Équateur a lui aussi rappelé avoir lancé des invitations ouvertes à tous les titulaires de mandat des procédures spéciales. Quant à la demande du Rapporteur spécial d'effectuer une visite officielle en Équateur, demande qui est en cours d'examen par les autorités, elle devrait être considérée avec bienveillance. L'Équateur a en outre indiqué avoir ratifié en 2010 la Convention internationale contre les disparitions forcées et a souligné que sa Constitution établissait le caractère imprescriptible de certains crimes, à commencer par les crimes contre l'humanité.
La Belgique a souligné que la liberté d'expression étant l'une des composantes essentielles de la démocratie, toutes les actions légales ou illégales ayant pour effet de menacer les journalistes ou d'encourager l'autocensure sont néfastes pour la démocratie elle-même et doivent être combattues.
La Malaisie s'est pour sa part dite déçu que le Rapporteur spécial ait fait mention d'un incident récent la concernant en se fondant sur des informations peu détaillées et non recoupées. La Malaisie a assuré avoir entrepris les réformes nécessaires pour se mettre en conformité avec les normes du droit international et a notamment rappelé que trois lois d'urgence avaient été abrogées à la fin de l'année dernière, ce qui a eu pour effet d'annuler l'ordonnance qui permettait la détention sans jugement. Le Guatemala a décrit dans le détail les travaux de la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala, mentionnés dans le rapport de M. La Rue. Elle a attiré l'attention sur le fait que les travaux de ladite Commission ne concernaient pas exclusivement la lutte contre l'impunité à l'égard de violations visant les journalistes, mais visaient à combattre l'impunité au sens large. Le Honduras a qualifié de tendance alarmante les atteintes croissantes à la vie des journalistes dans toutes les parties du monde, comme le signalent les deux rapporteurs, MM. La Rue et Heyns; tous deux soulignent en outre que l'impunité aggrave cette situation. À cet égard, un débat vient d'avoir lieu au Honduras sur les meilleurs moyens de combattre l'impunité, a précisé le représentant hondurien, signalant que le Secrétariat à la justice et aux droits de l'homme travaillait à l'élaboration d'un premier plan national de protection des défenseurs des droits de l'homme, des hommes de loi, des journalistes et des acteurs sociaux. La Slovaquie s'est elle aussi inquiétée de l'impunité des auteurs d'agressions violentes contre des journalistes et du fait que le nombre de journalistes emprisonnés dans le monde n'a jamais été aussi élevé depuis 1996. Les délégations de la Slovaquie et de la France ont demandé au Rapporteur spécial de dire comment il coopérera à l'application du «Plan d'action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l'impunité».
La République tchèque et le Maroc ont souscrit à l'évaluation faite par M. La Rue selon laquelle les violations de la liberté des médias et les agressions contre des journalistes – par des acteurs étatiques aussi bien que non étatiques – ne résultent pas d'une lacune dans les normes internationales mais de la déficience ou de l'inaction des États dans l'application des normes existantes. La délégation tchèque a demandé au Rapporteur spécial de dire quelles mesures de prévention efficaces les États peuvent, selon lui, adopter pour prévenir les agressions commises par des acteurs non étatiques à l'encontre des journalistes. La Lituanie a indiqué partager l'avis du Rapporteur spécial selon lequel il incombe aux États de protéger les journalistes de toute violence et de toute utilisation abusive de la force publique. Le «Manuel pour la sécurité des journalistes» de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) contient des renseignements pratiques très utiles à cet égard, a-t-elle souligné.
Les Pays-Bas ont relevé que le Rapporteur spécial souligne la nécessité pour les États de se doter d'un mécanisme de protection des journalistes, aborde le principe général de la liberté de circulation de l'information sur Internet – les éventuelles limites devant respecter les critères du droit international des droits de l'homme – et attire l'attention sur l'obligation positive faite aux États de prendre les mesures nécessaires pour promouvoir l'épanouissement de médias indépendants et pluralistes. Les États doivent également s'abstenir de toute rhétorique politique visant à discréditer les journalistes, ont ajouté les Pays-Bas. La Slovénie a noté que dans son rapport, de M. La Rue relève que certaines lois nationales ne sont pas conformes aux principes du droit international et renvoie ainsi à différents types de criminalisation de l'expression qui ont en fait pour objet de censurer des informations considérées comme malvenues.
Le Mexique a fait valoir les mesures concrètes qu'il a prises pour protéger la liberté d'expression, citant en particulier la création d'un Comité consultatif chargé des actions de prévention et de protection en faveur des journalistes, la réforme permettant de traduire devant les tribunaux fédéraux des délits commis contre des personnes ou des institutions dans le but de limiter le droit à l'information ou la liberté d'expression.
La France a rendu hommage à Gilles Jacquier et Rémi Ochlik, deux journalistes qui ont payé de leur vie leur détermination à montrer au monde la réalité de la répression aveugle qui frappe le peuple syrien. Déplorant la généralisation des législations qui érigent abusivement la diffamation en crime, en contradiction avec les prescriptions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la France a souligné que cette manière de favoriser l'autocensure est un obstacle au plein exercice de la liberté d'expression et d'information.
Pour la Grèce, les actes commis sur des journalistes doivent être condamné par tous; elle s'est se demandée comment le Conseil peut faire pression sur les pays qui détiennent des journalistes en prison. Pour l'Irlande, les lois restrictives sur l'exercice du métier de journaliste doivent être abolies. Dans ce contexte, elle a demandé comment élaborer une définition internationale du journaliste incluant également les cyberjournalistes. De plus, cette définition doit inclure une approche de genre car il y a de nombreuses femmes dans cette catégorie, victimes dans certains pays de discriminations et violences sexistes, a poursuivi l'Irlande, rejoint en cela par le Maroc qui a également plaidé pour une approche de genre.
Du point de vue de l'Uruguay les violences sur les journalistes sont une menace très claire sur l'état de droit et les libertés fondamentales. En tant que pays ayant connu une période de profondes restriction des libertés fondamentales, l'Uruguay est favorable au renforcement des cadres juridiques, mais également attaché au respect du droit des personnes à la vie privée et la dignité. Cependant il faut d'abord appliquer les normes existantes et non créer de nouvelles, a toute fois nuancé son représentant. Pour le Costa Rica, les difficultés auxquelles font face les journalistes aujourd'hui sont dues à la non-application du cadre législatif actuel, notamment en matière de lutte contre l'impunité. Il devient donc urgent d'assurer la bonne diffusion des normes et mécanismes internationaux pour empêcher que de tels actes se poursuivent, a plaidé le Pérou, avant de demander quel rôle peuvent jouer les institutions nationales des droits de l'homme dans ce domaine. Par ailleurs, M. La Rue connaît-il un groupe de journalistes femmes qui pourraient parler de leurs conditions, a demandé le représentant.
Les journalistes doivent endosser la responsabilité de leurs productions, en même temps que les gouvernements doivent s'engager à les protéger, a déclaré le Botswana.
Pour leur part l'Iraq et le Brésil ont présenté les dispositifs de leurs pays en matière de protection des journalistes, le Brésil appelant les Rapporteurs spéciaux à ne pas se concentrer uniquement sur les pays en développement car la liberté de la presse est menacée dans toutes les régions du monde, a-t-il rappelé.
Le représentant de la Roumanie a demandé à M. La Rue quelles sont les sources qui l'ont conduit à chiffrer précisément le nombre de journalistes victimes d'atteintes de leurs droits.
L'UNESCO a chiffré à 66 le nombre de journalistes tués dans le premier trimestre de cette année. 2012 est en train de devenir l'année la plus dangereuse pour les journalistes, a ajouté l'organisation, accusant l'impunité d'être une source de propagation et de répétition de ces actes. L'Organisation internationale de la Francophonie a rappelé que les membres de cette organisation se sont engagés à la défense et à la protection de la liberté d'expression et des journalistes, notamment dans la Déclaration de Bamako et de Bamako+10. L'OIF restera attentive à la poursuite de ces débats.
S'agissant du rapport sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, la Suisse a appelé au respect des règles internationales en ce qui concerne l'utilisation de drones pour les meurtres ciblés dans les zones de conflit. La Suisse soutient en outre l'idée d'un recensement de ces actes et de mesures de réparation en faveur des familles. Cuba a demandé au Rapporteur spécial s'il prévoit de mener une étude concernant l'impact sur les droits de l'homme de l'utilisation de drones par certains pays occidentaux. La Fédération de Russie a salué la volonté de M. Heyns de ne pas négliger certains aspects de son mandat et de se pencher sur le recours à la «robotique létale».
La Colombie a réfuté les informations le concernant présentées par le Rapporteur spécial, qui affirme que les exécutions sommaires et judiciaires se poursuivent et ne bénéficient pas d'un intérêt appuyé du Gouvernement colombien. La Colombie souligne que de nombreuses affaires ont été transférées à la justice civile, tout en reconnaissant que le pays a encore des progrès à faire en matière de lutte contre l'impunité; mais des avancées sont notables, notamment en matière de condamnations. M. Heyns est invité à consulter la Colombie à l'avenir pour mieux la connaître.
La Tunisie a noté que le rapport de M. Heyns faisait référence au projet pilote que celle-ci avait engagé avec le Comité international de la Croix-Rouge aux fins de la formation des journalistes au droit international humanitaire.
La Belgique s'est dite intéressée par la recommandation de M. Heyns en faveur de la création d'unités spéciales indépendantes d'investigation pour ce qui concerne les meurtres de journalistes. Le Maroc a pris note des conclusions et recommandations présentées par M. Heyns dans son pays et lui a demandé de préciser son point de vue s'agissant du rôle de la coopération internationale et régionale ainsi que de l'échange d'informations et de bonnes pratiques dans le contexte des questions relevant de son mandat.
La Norvège a souligné que les menaces contre les journalistes doivent être considérées comme des signes avant-coureurs d'actes plus graves encore. Dans ce contexte, la prévention est primordiale et doit rester l'objectif premier, 70 % des journalistes victimes de meurtre ayant reçu au préalable des menaces, a insisté la Norvège. Quelles indications le Rapporteur spécial peut-il fournir au Conseil quant à la manière de mieux protéger les journalistes?
La Grèce a demandé au Rapporteur spécial si le Conseil devait organiser une session thématique pour la protection de journalistes. Quel rôle peut jouer la coopération régionale et internationale ainsi que l'échange d'information et de bonnes pratiques en matière de protection des journalistes, a demandé le Maroc.
La Syrie a assuré M. Heyns et le Conseil sur la volonté de son pays de respecter le plan de paix de M. Annan, tout en espérant que les mécanismes des Nations Unies feront leur travail en toute droiture.
Organisations non gouvernementales
Le Réseau juridique canadien VIH/sida a attiré l'attention du Conseil sur des lois adoptées par la Russie, l'Ukraine et plusieurs pays de l'est de l'Europe, qui restreignent les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT), notamment en criminalisant la diffusion d'information sur l'homosexualité, y compris au sein de la famille. L'American Civil Liberty Union a félicité le M. Heyns, qui s'efforce d'obtenir des informations du Gouvernement des États-Unis au sujet des assassinats extraterritoriaux ciblés, notamment par des drones. Ces exécutions de suspects ne répondent à aucun critère juridique et ne sont fondées sur aucune preuve; les autorités militaires américaines considèrent tout homme en âge de tenir une arme comme une cible légitime. Les États-Unis doivent donc faire connaître leurs critères de sélection des cibles et accorder des réparations aux victimes. La Helsinki Foundation for Human Rights s'est félicitée de l'appel urgent lancé par plusieurs titulaires de mandats sur la situation des droits de l'homme au Tibet. Du 23 au 26 janvier 2012, les forces de sécurité chinoises auraient ouvert le feu sur des manifestants pacifiques à Luho, Seda et Rangtang, entraînant la mort d'au moins sept personnes. La Chine n'a pas permis d'enquête indépendante sur des événements similaires survenus en 2008. La situation montre que les Tibétains ne jouissent pas du droit à la liberté d'expression. La Commission colombienne de juristes a pour sa part regretté la poursuite des exécutions extrajudiciaires en Colombie - 56 cas recensés en 2010, d'autres encore en 2011 et 2012 - et déplore l'impunité des auteurs de ces délits, policiers, militaires ou paramilitaires démobilisés. Elle regrette en outre que la justice pénale militaire se voie confier les enquêtes sur les infractions au droit humanitaire.
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HRC12/66F