Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UN DÉBAT SUR LES RECOURS ET RÉPARATIONS POUR LES FEMMES VICTIMES D'ACTES DE VIOLENCE
Le Conseil des droits de l'homme a entamé cet après-midi son débat annuel sur les droits fondamentaux des femmes, en portant son attention sur les voies de recours et les réparations dont disposent les femmes victimes d'actes de violence.
Ouvrant les débats, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, a rappelé que ce débat constituait le troisième et dernier volet d'un échange consacré à la prévention, à la protection et aux solutions à faire émerger dans le cadre de l'intérêt porté par le Conseil aux difficultés que rencontrent les États dans leurs obligations de lutte contre la violence à l'égard des femmes. Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, qui réfléchit à la conceptualisation et à l'application des réparations aux victimes de la violence contre les femmes, a ainsi entrepris de consulter des victimes dans certains pays. Le choix des formes de réparations doit tenir compte des obstacles et difficultés auxquels les femmes sont confrontées, par exemple en termes d'accès à la terre et au crédit. Pour la Haut-Commissaire, il importe d'obtenir la pleine participation des femmes dans la conception des mécanismes et l'octroi des réparations, seules les femmes et les jeunes filles concernées étant à même de connaître les modalités les plus adaptées à leur situation.
Quatre panélistes ont été invités à un échange informel de vues animé par Mme Rashida Manjoo, Rapporteuse spéciale sur les violences contre les femmes: Mme Farida Shaheed, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels; Mme Carla Ferstman, Directrice de REDRESS, organisation de défense des droits de l'homme aidant les victimes de torture à obtenir réparation; M. Chris Dolan, Directeur de Refugee Law Project, organisation qui assiste notamment les déplacés en Ouganda; et Mme Patricia Guerrero, de la Liga de Mujeres Desplazadas qui défend les femmes déplacées en Colombie.
Lors du débat, plusieurs intervenants ont fait état des efforts de leurs gouvernements pour en finir non seulement avec la violence, mais pour s'assurer que les solutions trouvées soient définitives et pour indemniser les victimes. Des organisations non gouvernementales ont regretté que les principes de la justice réparatrice ne soient encore qu'imparfaitement appliqués. Les femmes doivent être consultées pour la conception des mesures de réparation et ne elles ne doivent pas être cantonnées au seul rôle de victimes. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés a relevé que les femmes apatrides et déplacées étaient en première ligne face à la violence sexiste, l'impunité des auteurs de ces violences constituant un problème majeur.
Les délégations suivantes ont pris la parole: Canada, Chili (Groupe des pays d'Amérique latine et des Caraïbes), Sénégal (Groupe africain), Turquie, Estonie, Inde, Union européenne, Égypte, Géorgie, Pakistan (Organisation de la coopération islamique), États-Unis, Uruguay, Chine, Cuba, Congo, Suède, Népal, Allemagne, Arabie saoudite, Fédération de Russie, Japon, Espagne, Angola, Suisse, Malaisie, Thaïlande, Iran, Nouvelle-Zélande et République de Corée. ONU-Femmes, le Haut Commissariat pour les réfugiés et le Conseil de l'Europe ont également pris la parole, ainsi que les organisations non gouvernementales suivantes: Federatie Van Netherlandse Verenigingen Tot Integratie Van Homoseksualiteit - Coc Nederland, Federación de Asociaciones de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, Commission internationale de juristas, Alliance mondiale des unions chrétiennes de jeunes filles, Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté et le Mouvement mondial des mères.
Le Conseil doit conclure demain matin, à partir de 9 heures, son débat annuel sur les droits fondamentaux des femmes, en se penchant sur la situation des femmes défenseurs des droits de l'homme. Il reprendra dans l'après-midi ses débats, entamés ce matin, avec les Rapporteuses spéciales chargées respectivement de l'indépendance de la justice et de la violence contre les femmes.
Journée annuelle de débats sur les droits fondamentaux des femmes: Voies de recours et réparations offertes aux femmes qui ont été victimes d'actes de violence
Déclaration liminaire
MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a déclaré que le débat d'aujourd'hui, qui portera sur les recours et réparations offerts aux femmes qui ont été victimes d'actes de violence, est le dernier de trois volets consacrés à la prévention, à la protection et aux voies de recours, au cours duquel le Conseil s'est intéressé aux difficultés que rencontrent les États dans le cadre de leurs obligations de lutte contre la violence à l'égard des femmes. Le concept de recours englobe d'une part l'accès équitable à la justice et, d'autre part, le droit d'être dédommagé pour un tort subi. Faute de réparation, l'obligation de fournir une voie de recours effective n'est pas remplie, a insisté la Haut-Commissaire. Les principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l'homme – entérinés par l'Assemblée générale en 2005- s'appliquent également aux femmes victimes de la violence, a souligné Mme Pillay.
Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme travaille à la conceptualisation et à l'application des réparations en faveur des femmes victimes de violence, a poursuivi la Haut-Commissaire. Le bureau régional du Haut-Commissariat en République démocratique du Congo a organisé une séance de travail avec des victimes afin de mieux appréhender leurs besoins et leurs perceptions en termes de voies de recours et de réparations, a-t-elle précisé. Quant au bureau du Haut-Commissariat en Ouganda, il a engagé un projet de recherche mené en collaboration avec l'institution nationale de droits de l'homme de ce pays, a-t-elle ajouté.
La documentation et l'expérience s'agissant de ces questions mettent en évidence un certain nombre de principes et lignes directrices susceptibles d'assurer que les politiques et mesures appliquées en matière de réparation soient basées sur le principe de non-discrimination et tiennent compte des besoins des femmes, a indiqué Mme Pillay. Il faut pour cela que les femmes et les filles soient informées de leur droit à des réparations, que les violations des droits des femmes soient couvertes par les programmes de réparations et que la définition des victimes tienne compte des différences entre les femmes et leurs enfants et entre les femmes et d'autres personnes affectées. En outre, le choix des formes de réparation doit tenir compte des obstacles et difficultés auxquels les femmes sont confrontées, par exemple en termes d'accès à la terre et au crédit, a souligné la Haut-Commissaire. D'une manière générale, il importe d'obtenir la pleine participation des femmes dans la conception et l'octroi des réparations, les femmes et les filles victimes étant elles seules à même de connaître les modalités les plus adaptées à leur situation, a conclu Mme Pillay.
Interventions des panélistes
MME FARIDA SHAHEED, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, a souligné que la réparation ne doit pas équivaloir, en fin de compte, à renvoyer les femmes victimes à la situation dans laquelle elles se trouvaient avant que leur cas ne fut révélé, mais doit s'efforcer d'avoir un potentiel de transformation de ladite situation, c'est-à-dire de contribuer, dans la mesure du possible, à mettre fin aux causes profondes de la violence dont sont victimes les femmes. En outre, nombre de mécanismes de résolution des différends sont basés sur des traditions qui excluent les femmes et ces dernières ont souvent des difficultés à y accéder. Dans sa région d'appartenance, Mme Shaheed a indiqué avoir remarqué que les processus qui opèrent sont toujours empreints de stéréotypes patriarcaux, y compris lorsque les structures impliquées intègrent des femmes.
MME PATRICIA GUERRERO, de la Ligue des femmes déplacées, a souligné que l'établissement, par la justice, de la responsabilité de l'État constituait un premier pas vers la réparation. Elle a en outre attiré l'attention sur l'importance que revêt l'émergence progressive de la notion de «féminicide» dans la jurisprudence.
MME CARLA FERSTMAN, Directrice de REDRESS, a souligné qu'il n'existait pas de régime spécifique de réparations en ce qui concerne les victimes de violences sexistes. Un «Fonds pour les survivants dans le besoin» a été créé au Rwanda, a-t-elle ensuite indiqué. Un régime de réparation était censé accompagner les décisions prises par les tribunaux coutumiers rwandais, dits tribunaux gacaca, a-t-elle poursuivi, avant de déplorer que cela n'ait été le cas que très partiellement. De fait, des indemnités n'ont été que rarement obtenues par les victimes, a-t-elle insisté. Le fonds d'indemnisation de la Cour pénale internationale complète utilement les procédures, a-t-elle ajouté.
M. CHRIS DOLAN, Directeur de Refugee Law Project, a déclaré que progressivement se faisait jour l'idée d'une réparation psychologique, outre l'indemnisation matérielle proprement dite. En matière de justice transitionnelle, il faut considérer que les réparations sont aussi importantes que les poursuites judiciaires, a-t-il affirmé. Il s'est inscrit en faux contre l'idée selon laquelle ces réparations seraient utopiques dans les pays pauvres; en effet, c'est une question de priorité et de répartition des moyens disponibles, a-t-il souligné. Selon un calcul qui a été fait, dans les affaires de justice transitionnelle de pays sortant d'un conflit, chaque victime a reçu environ 80 dollars de dédommagement, a-t-il indiqué.
Débat
Pour les États-Unis, l'inclusion des femmes dans les processus de décisions avant, pendant ou après les périodes de transition, est un des moyens de lutter contre la violence à leur égard. Pour le Chili, au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes, parler de réparations revient à parler de justice; à quoi servirait d'avoir des systèmes judiciaires si les femmes n'y ont pas accès, s'est interrogé le représentant. Le Sénégal, au nom du Groupe africain, s'est félicité des efforts déployés dans la communauté internationale en faveur des mécanismes de réparation, mais a souligné qu'une approche globale est encore nécessaire. Pour sa part, la Turquie est convaincue que la conjugaison des efforts est seule garantie de réussite.
L'Organisation pour la coopération islamique a souligné l'urgence d'une prise de conscience sur la violence faite aux femmes et a indiqué qu'elle engage et appelle ses 57 États membres à adopter des législations coercitives et lutter contre l'impunité et à assurer des réparations adéquates aux femmes victimes de la violence.
Du point de vue de l'Uruguay, la réparation financière n'est pas la panacée; il faut se concentrer sur la prévention et la coopération par le biais d'échanges d'information et de bonnes pratiques, a plaidé son représentant.
Pour l'Union européenne, l'expérience des femmes et leurs préoccupations en matière de recours et de réparations doivent être prises en compte. Par ailleurs, le rôle des hommes est à soulever, notamment en ce qui concerne les garanties de non-répétition. Le Canada a demandé par quel moyen peut-on efficacement éduquer les femmes et filles à avoir faire appel aux mécanismes de recours; et comment impliquer les hommes et garçons dans les processus notamment pour les garanties de non-répétition?
Le Conseil de l'Europe a souligné que la Convention d'Istanbul, qui introduit un certain nombre de mesures et de recours en faveur des victimes, avait été signée par une vingtaine de pays, un seul, la Turquie, l'ayant ratifiée à ce jour; elle établit l'obligation subsidiaire de l'État de verser des réparations, s'il n'est pas possible d'en obtenir par ailleurs.
L'Égypte a demandé quels mécanismes, autres que judiciaires, peuvent intervenir s'agissant des réparations et quelles mesures envisager pour que les États puissent satisfaire à leurs obligations à cet égard?
La Thaïlande a plaidé pour l'instauration de voies de recours abordables et respectueuses de la dignité des victimes. La Thaïlande met l'accent cependant sur une approche réparatrice plutôt que punitive du problème de la violence contre les femmes. La République de Corée est d'avis qu'il faut assurer une réparation efficace en agissant sur les facteurs psychosociaux qui expliquent la violence. Les femmes et les filles risquent davantage d'être la cible de violences et de viols systématiques en temps de guerre, l'accès à la justice leur étant en outre dénié. Aussi les États membres et les Nations Unies doivent-ils mettre l'accent sur la dissuasion et sur les mesures de réparations. L'Iran a observé que les femmes sont les premières victimes de l'occupation étrangère, des sanctions unilatérales imposées par certains États et de la violence pendant les conflits. La délégation a proposé la réalisation d'une étude à ce sujet.
La Suède a rappelé que si le foyer était au centre de la vie, il n'en était pas pour autant toujours un lieu sûr pour les femmes, aucun pays ne pouvant se prévaloir d'en avoir fini avec la violence sexiste. L'autonomisation des femmes tant en matière économique que politique est un outil essentiel pour faire reculer la violence, estime la Suède. L'Allemagne, qui a rappelé que les femmes souffraient toujours d'une manière disproportionnée, a demandé aux panélistes quels étaient les obstacles les plus importants auxquels les femmes étaient confrontées pour obtenir réparation. La Suisse a appelé à prendre en compte la complexité de la procédure de réparation qui suppose en premier lieu que les femmes soient informées de leurs droits en la matière. Elle est d'avis que de grands efforts sont encore nécessaires, la responsabilité dans ce domaine incombant en premier lieu aux États.
La Géorgie a pour sa part créé un Fonds et un service d'assistance qui vient en aide aux femmes victimes de la violence. La Géorgie est un des rares pays d'Asie centrale à avoir mise en œuvre la résolution 1825 du Conseil de sécurité. L'Inde a souligné que les femmes peuvent être victimes de la violence tout au long de leur vie; c'est pourquoi le pays déploie d'importants efforts de renforcement des capacités. La Chine a quant à également pris des mesures de renforcement capacités chez les femmes, en vue, en particulier, de favoriser leur autonomie économique.
Les femmes en Nouvelle-Zélande sont davantage susceptibles d'être victimes de violence au sein de leur famille. C'est pourquoi les autorités de ce pays ont créé des tribunaux familiaux dont la mission est, notamment, d'œuvrer au soutien des victimes. Les autorités ont aussi mis sur pied un Groupe de travail chargé d'entendre la voix et les revendications des femmes victimes, qui comprend notamment des représentants des communautés aborigènes.
Le Congo a fait valoir l'amélioration de la condition de la femme congolaise grâce à une politique nationale du genre et un programme d'action sur plusieurs années. Le pays a aussi adhéré à plusieurs instruments internationaux, y compris ceux concernant la lutte contre la discrimination des femmes autochtones. Le Népal a indiqué que des politiques et des mesures institutionnelles et législatives avaient été prises, en particulier contre la violence domestique, dans le cadre d'un Plan national d'action. Une unité centralisée des plaintes a été mise en place sous l'autorité du premier ministre. Quant à l'Arabie saoudite, elle a indiqué souhaiter accorder davantage d'importance à la promotion de la femme, et notamment à sa protection contre la violence. De nombreuses mesures ont été prises à cet égard, dont une loi de protection de la femme et de l'enfant.
La Fédération de Russie a souligné que le code de procédure pénale russe prévoyait des dédommagements y compris pour préjudice moral, même en l'absence de dommages physiques. Mais la question de la protection des victimes ne saurait se résumer à la question des dédommagements, celle de la possibilité d'avoir accès à des refuges pour femmes battues par exemple ou de la réinsertion comptant tout autant. Le Japon assure une protection et une assistance au cas par cas, tandis que des activités de sensibilisation sont menées. En matière d'assistance, il participe à des efforts de sensibilisation en Afghanistan par exemple, ainsi qu'en Asie du Sud-Est. L'Espagne a indiqué avoir promulgué une loi organique, la réparation devant porter à la fois sur la réparation et sur la réintégration dans une vie normale, en visant à s'assurer que les cas de violence faisant l'objet de plainte étaient réglés de manière définitive.
Le Maroc a affirmé sa ferme volonté d'assurer les droits des femmes, la Constitution marocaine reconnaissant la primauté des instruments nationaux sur la législation locale. Un plan d'action national pour combattre les violences sexistes a été élaboré, avec la création des cellules d'appui aux femmes, au sein des établissements hospitaliers par exemple. Un numéro de téléphone gratuit a été mis en place pour les femmes et les mineurs victimes de violence. L'Angola a indiqué que son parlement avait adopté un texte en décembre dernier pénalisant toutes les violences envers les femmes, qui contient des dispositions en matière de réparations. La Malaisie a souligné la nécessité de mesures justes et efficaces susceptible de permettre la réintégration dans la société, l'État ayant l'obligation de faciliter des recours rapides et justes. Les violences psychologiques et les dommages émotionnels sont pris en compte en Malaisie, y compris le harcèlement sur le lieu de travail.
Il est impératif pour Cuba de dénoncer l'exploitation des femmes, la Programme et la Plateforme d'action de Beijing constituant un outil essentiel dans ce domaine. Cuba dénonce par ailleurs l'embargo unilatéral imposé par les États-Unis qui fait payer un lourd tribut aux femmes cubaines.
La représentante d'ONU-Femmes s'est félicitée de la tenue de ce débat, qualifiant la réparation d' «outil de justice» facilement disponible pour les femmes dans les pays sortant de conflits ou en transition. Pourtant cet outil continue d'être sous financé, a ajouté la représentante. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés a relevé que les femmes apatrides et déplacées sont les premières confrontées à la violence sexiste. L'impunité des auteurs de violences sexistes est un problème majeur. Il importe de prendre des sanctions et d'apporter des remèdes aux victimes réfugiées et apatrides: l'accès à la justice est un axe majeur de l'intervention du HCR.
L'expérience a montré que les mesures de réparation doivent inclure une notion de victimes et une approche sexospécifique, tout en se penchant sur les causes de la violence, a expliqué l'organisation non gouvernementale Federación de Asociaciones de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos. COC Netherlands a estimé que les mesures de réparations doivent avoir un objectif de transformation et prendre en compte le fait que les femmes marginalisées ont des difficultés à obtenir et à recourir aux réparations. L'accès aux réparations est un moyen de mesurer l'état de droit, a estimé la Commission internationale des juristes, déplorant la persistance de situations où les mécanismes ne sont pas à la hauteur, car les institutions sont souvent elles même victimes des stéréotypes sexistes.
L'Alliance mondiale des unions chrétiennes de jeunes filles a déclaré que la violence affecte la vie des femmes dans les sphères tant privée que publique, ce qui appelle des solutions globales. Les recours offerts aux victimes de la violence doivent inclure des services de santé, y compris tests de dépistage du VIH gratuits et volontaires. Les États doivent rendre les recours accessibles par le biais de procédures administratives ouvertes. L'impunité des auteurs de violences sexistes ne fait qu'entretenir la peur chez les femmes et les filles. La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a regretté que les principes de la justice réparatrice ne soient pas encore parfaitement appliqués. Les femmes doivent être consultées dans le cadre de l'élaboration et de la mise en place de mesures de réparation, les femmes ne devant pas être confinées au seul rôle de victimes.
Le Mouvement mondial des mères est préoccupé par le sort des mères condamnées à vivre seules de par l'absence de leur mari parti à la guerre. Ces femmes sont particulièrement vulnérables à la violence physique et à la violence sociale sous toutes leurs formes. La honte complique l'application des réparations. Il faut ouvrir une discussion publique sur cette question, au Moyen-Orient en particulier, vu l'importance de la famille dans cette région.
Réponses et conclusions des panélistes
MME RASHIDA MANJOO, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femme et animatrice du débat, a souligné que les interventions de cet après-midi sont unanimes pour inviter à assurer la réparation des préjudices causés aux femmes avec un objectif de transformation, tout en informant les filles et les femmes sur l'existence de ces recours. Des mesures doivent également être prises pour obtenir des garanties de non-répétition de la part des auteurs de violences.
MME FERSTMAN a observé que les questions et commentaires des délégations portent sur un aspect essentiel: les victimes doivent absolument être informées de leurs droits et participer à l'élaboration des mesures de réparation. Il faut distinguer cette notion de celle du développement. Ce dernier doit tenir compte des exigences en matière de réparation. Le cadre normatif est mieux reconnu par le système judiciaire: l'obligation de réparation doit être admise par les autorités administratives. La Directrice de REDRESS a estimé essentiel de tenir compte de la diversité des jurisprudences et de l'avis éclairé du Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes, ses causes et conséquences. Ce faisant, il y aura une interprétation commune des législations pertinentes.
M. DOLAN a noté que les réparations doivent aboutir à une modification des relations patriarcales entre hommes et femmes. Les hommes et les garçons ne doivent pas seulement être impliqués. On doit aussi tenir admettre l'existence, parmi eux, de victimes de violences sexuelles. Des processus ont été adoptés en Sierra Leone par exemple pour faire émerger les violences de ce type subies par des hommes. Le viol en tant qu'arme de guerre est le fait de personnes qui ont souvent été eux-mêmes victimes de ce crime. Les soldats doivent être désarmés non seulement physiquement, mais aussi mentalement. Le Directeur de Refugee Law Project a estimé que l'élaboration de lois, aussi bonnes soient elles, si elles ne sont pas appuyées par des fonds suffisants, sont semblables à des écoles sans enseignants. Il y a également le problème de la stigmatisation et du sentiment de honte qui ne peut être résolu par les mécanismes judiciaires. Il faut explorer d'autres pistes, a-t-il suggéré.
MME SHAHEED a souligné l'importance d'imaginer des approches novatrice s'agissant des réparations. Elles ne doivent pas toujours consister en sommes d'argent: elles peuvent consister, par exemple, en mesures de prévention de la victimisation et en promotion de la solidarité. Les réparations n'auront d'effet que si elles traitent les causes profondes de la violence sexiste systématique. La Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels a expliqué qu'il est important de travailler avec les jeunes garçons en leur enseignant la différence entre valeurs culturelles et identité sexuelle. Il faut également travailler sur les défis que doivent encore affronter les femmes dans leur droit à la réparation. Cependant, la réparation n'est pas une panacée, a-t-elle ajouté, soulignant en particulier que les femmes autonomes sont moins souvent victimes de violence que les autres. Enfin, il est important d'examiner et de comparer toutes les pratiques ayant fait leur efficacité, a-t-elle conclu.
Pour MME GUERRERO, il est faux de dire qu'il est impossible d'octroyer des réparations dans un contexte de développement. L'accès à la justice est au contraire une étape importante du développement et de la paix. D'autre part, la méconnaissance des droits des victimes étant monnaie courante, il faut investir davantage dans l'éducation aux droits de l'homme. Il est important d'écouter les femmes: bien souvent, les victimes elles-mêmes ont documenté certains crimes et contribué à leur codification. La représentante de la Ligue des femmes déplacées a par la suite affirmé que la tolérance zéro doit être la règle dans les cas de violence faite aux femmes. Il faut dans ce contexte appliquer la résolution 1325 du Conseil de sécurité et renforcer les mécanismes régionaux, a-t-elle souligné.
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HRC12/075F