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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME ACHÈVE SES DÉBATS SUR L’INDÉPENDANCE DES JUGES ET SUR LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a conclu, lors d'une séance supplémentaire de la mi-journée, ses débats entamés hier matin avec les Rapporteuses spéciales chargées respectivement de l'indépendance de la justice et de la violence contre les femmes.

Lors du débat sur la violence contre les femmes, des délégations se sont félicitées de la volonté du Conseil de combattre toutes les violences contre les femmes et d'adopter une résolution sur la question. Elles ont espéré que les États auront aussi à cœur de renforcer leurs actions dans ce domaine. De nombreuses délégations ont souligné que les femmes victimes de la violence doivent disposer de recours juridiques efficaces et que les violences contre les femmes ne sauraient être justifiées par des pratiques culturelles. Les organisations non gouvernementales ont également noté que certaines attitudes socioculturelles confortaient la violence domestique et regretté l'insuffisance de la formation des professionnels de la justice à ce problème. La Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, Mme Rashida Manjoo, a présenté hier après-midi ses conclusions.

S'agissant des questions relatives à l'indépendance de la justice, les délégations ont souscrit à l'approche de la Rapporteuse spéciale s'agissant des procureurs et ministères publics, qui jouent un rôle central dans le fonctionnement de la justice, et dont les compétences et la formation doivent être renforcées pour consolider l'état de droit. De nombreuses délégations ont souligné l'importance de l'équilibre entre l'autonomie et la responsabilité des fonctionnaires de la justice. La Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats, Mme Gabriela Knaul, répondant aux questions qui lui étaient adressées, a notamment estimé que les systèmes officieux de protection des droits de l'homme ignorent souvent les règles du droit international et doivent être remplacés par des organes officiels qui soient au fait des règles en matière de droits de l'homme. Elle a aussi souligné que les victimes doivent pouvoir disposer de moyens de recours si les procureurs décident de ne pas engager de poursuites. Elle a enfin demandé aux États de faire en sorte que toutes les menaces dirigées contre des juges et avocats fassent l'objet d'investigations.

Les délégations suivantes ont participé aujourd'hui aux échanges avec les deux Rapporteuses spéciales: Malaisie, Australie, Kirghizistan, Pays-Bas, Arménie, Saint-Siège, Argentine, République démocratique du Congo, Tunisie, Bénin, États-Unis, Sri Lanka, Afghanistan, Pakistan, Brésil, Cambodge (au nom de l'Association des nations de l'Asie du Sud-est), Gabon, Botswana, Bangladesh, Égypte, Ordre souverain de Malte, Nouvelle-Zélande, République de Moldova et Inde. Les organisations non gouvernementales suivantes ont également pris la parole: Penal reform International, Association lesbienne et gay internationale - Europe, Centro Regional de Derechos Humanos y Justicia de Género - Corporacion Humanas, HelpAgeInternational, Association internationale des juristes démocrates, Fédération des femmes cubaines, Minority Rights Group and Antiviolence Centre.


Le Conseil tient cet après-midi son débat général sur la protection et la promotion de tous les droits de l'homme. Il sera saisi dans ce cadre de plusieurs rapports du Secrétaire général et du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.


Examen des rapports sur l'indépendance de la justice et la violence contre les femmes

Suite du débat interactif

S'agissant du rapport sur la violence contre les femmes, l'Australie a souligné que l'élimination de la violence contre les femmes est déterminante pour parvenir à l'égalité entre les deux sexes et a attiré l'attention en particulier sur la nécessité de régler définitivement le problème des crimes d'honneur. Les Pays-Bas ont ajouté que les États doivent prendre à bras le corps les causes structurelles à la base de la violence à l'égard des femmes. Le Kirghizistan a noté que nombreux étaient les pays qui n'avaient pas d'approche globale face aux crimes sexistes; il faut un débat ouvert pour faire évoluer l'opinion publique et faire prendre conscience de ce fléau. Le Saint-Siège a évoqué les pratiques culturelles aussi bien que les lois discriminatoires qui entretiennent la violence envers les femmes. L'histoire et le printemps arabe notamment montrent aussi le caractère déstabilisateur des périodes politiques troublées, les périodes d'instabilité pouvant être propices au développement de l'agressivité de certains acteurs sociaux. Le représentant a dénoncé par ailleurs les infanticides visant les filles et les avortements sélectifs. Les États-Unis constatent les lacunes en matière d'imputabilité des auteurs d'exactions envers les femmes. Ils se félicitent du rôle d'ONU-Femmes, notant qu'il s'agit de modifier les perceptions sociales de la femme et d'adopter une approche globale de ces questions en impliquant non seulement les femmes mais aussi les hommes, les jeunes garçons, et des institutions telles que les forces de l'ordre ou les forces armées.

Le Brésil est préoccupé par la violence faite aux femmes, dont la manifestation extrême est le meurtre de femmes parce qu'elles sont des femmes. La prévention de cette forme de violence, notamment la violence domestique, est une priorité au Brésil. Le Bangladesh a distingué plusieurs niveaux de gravité de violence, le plus grave étant le féminicide et les pratiques coutumières telles que le jet d'acide. Les médias Internet jouent un rôle à double tranchant, dans la mesure où ils véhiculent des perceptions stéréotypées des femmes, tout en permettant de faire passer des messages de prévention. Pour le Botswana, il importe de comprendre dans quel contexte s'inscrivent les violences contre les femmes. On ne saurait les justifier par des pratiques culturelles dont les hommes eux-mêmes ne sont pas victimes. L'Égypte a préconisé l'application d'une approche communautaire intégrée pour mieux lutter contre les stéréotypes misogynes. Elle a catégoriquement rejeté la tentative du Rapporteur spécial d'introduire la notion d'identité de genre, qui n'est pas reconnue en droit international.

L'Ordre souverain de Malte se félicite de la volonté du Conseil de combattre toutes les violences contre les femmes par une résolution. Il espère que les États auront aussi à cœur de renforcer leurs compétences dans ce domaine. Les femmes victimes de la violence doivent disposer de recours juridiques efficaces.

L'Arménie a indiqué que la violence domestique était une priorité de son gouvernement, qui a lancé un programme d'action pour la période 2011-2015 ayant été élaboré. La Malaisie, qui à l'instar de nombreux pays fait face à un problème de collecte de l'information, a pris des mesures pour adopter une méthode permettant de recueillir des données ventilées rendant compte de la situation particulière des femmes. L'Argentine a indiqué qu'une commission spécialisée sur les violences faites aux femmes avait été créée sous la houlette du ministère de la justice. En outre, un projet de loi est en cours d'élaboration pour prendre en compte le phénomène des féminicides. La République démocratique du Congo a déclaré que la lutte contre la violence à l'égard des femmes et des jeunes filles était l'une des priorités du Gouvernement, cette violence ayant pris de l'ampleur avec le conflit armé qui déchire le pays. Si un millier de femmes juges ont été recrutées afin de contribuer à endiguer le phénomène, le problème de l'indemnisation des victimes demeure difficile; dans la plupart des cas, c'est l'État qui s'engage à dédommager. L'Agence nationale de lutte contre les violences faites à la femme et à la jeune fille, qui fonctionne depuis l'an dernier, multiplie les campagnes de sensibilisation. Le Comité de suivi de réforme de la police a aussi mis en place un groupe thématique de lutte contre les violences sexuelles. Le Bénin a lui aussi pris la mesure du problème en adoptant des lois visant à réprimer toutes les formes de violence basées sur le genre et en menant une vaste campagne de popularisation de ces textes dans la société. Le gouvernement travaille en outre à former les magistrats sur cette question et apprécierait le concours de la communauté internationale dans cet effort.

La Tunisie attache une importance particulière à la question de la violence à l'égard des femmes et des unités d'écoute ont été mises en place tandis que de nouveaux textes de loi sont en cours d'élaboration. Sri Lanka a constaté que les catastrophes naturelles aggravaient le sort des groupes vulnérables, comme il a pu le constater avec le tsunami de 2004; c'est pourquoi des amendements à la loi ont été apportés à la suite de cet événement afin de tenir compte des enseignements qui ont été tirés.

L'Inde a adopté un plan quinquennal contre la violence à l'égard des femmes. Les avortements sélectifs entraînent, de fait, un déficit de filles dans la population, a admis la délégation. L'Inde prend des mesures concrètes pour lutter contre ce problème et contre la pratique de la dot. La violence faite aux femmes est étroitement liée à leur autonomisation économique. Le Cambodge a déclaré que tous les membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-est sont partie à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et, par conséquent, engagés dans la lutte contre la violence contre les femmes. En témoigne notamment la création d'une Commission intergouvernementale contre la violence à l'égard des femmes. La Commission examine des bonnes pratiques, conçoit un programme de prévention et lance des recherches sur l'ampleur du problème. Les États membres sont également engagés dans la lutte contre la traite des êtres humains dans la région.

L'Afghanistan a indiqué que sa Constitution impose aux hommes et aux femmes des devoirs et droits similaires, tout en criminalisant la violence contre les femmes. La Constitution impose en outre un la présence d'un certain nombre de femmes élues au Parlement et dans les administrations publiques. Le nombre des filles scolarisées en Afghanistan augmente régulièrement. Le Gabon a pris note des recommandations du Rapporteur spécial sur la pratique du féminicide. La Constitution gabonaise inscrit l'égalité comme horizon commun de tous les citoyens. Le Gouvernement a décidé d'exempter les femmes de certains emplois, vu leur dangerosité. Il se propose en outre de soumettre bientôt au Parlement un projet de loi élargissant la répression des violences contre les femmes, notamment le harcèlement sexuel et l'inceste.

En ce qui concerne les travaux sur l'indépendance des juges et des avocats, en particulier s'agissant du rôle du procureur et du ministère public, l'Australie a indiqué soutenir les efforts nationaux menés pour renforcer les législations et l'indépendance de la justice; elle a souligné dans ce contexte l'importance de rechercher le bon équilibre entre l'indépendance et l'imputabilité des ministères publics. Les États-Unis conviennent qu'un certain nombre d'institutions pourraient apporter leur concours au renforcement des capacités des ministères public; aux États-Unis, 80% des procureurs sont formés aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. La Tunisie a indiqué qu'une instance provisoire chargée des affaires judiciaires avait été mise en place en remplacement de l'ancien Conseil supérieur de la magistrature. Toutes les parties prenantes ont été associées à la réflexion en cours sur le système judiciaire tunisien.

Le Brésil estime avec la Rapporteuse spéciale que les procureurs jouent un rôle central dans le fonctionnement de la justice et la promotion et la protection des droits de l'homme, et que le renforcement des compétences des juges et avocats renforce l'état de droit. Le Botswana a relevé qu'il faut insister sur l'aspect fonctionnel et structurel de l'indépendance des magistrats. Les conditions de service doivent être révisées et leur responsabilité ne saurait être exagérée. La Nouvelle-Zélande et l'Inde, parmi d'autres délégations, ont insisté sur la nécessaire recherche d'un équilibre entre l'autonomie et la responsabilité. L'Inde a demandé à Mme Knaul de donner son avis sur les poursuites d'auteurs d'actes terroristes qui se trouvent à l'étranger.

Les autorités du Pakistan ont eu des discussions ouvertes et franches avec Mme Knaul, s'est félicitée la délégation de ce pays. L'Égypte a souligné que l'indépendance des magistrats garantit la régularité des procédures et le bon déroulement des procès. Elle a demandé au Rapporteur spécial de donner des précisions sur les mesures à prendre par les États pour assurer la responsabilité des forces de police.

La République de Moldova s'est engagée dans un processus de réforme de son système de justice. La formation permanente des fonctionnaires concernés est indispensable pour garantir leur bonne compréhension des exigences du droit régional et international. Le Moldova assure une formation distincte aux juges et aux procureurs.

Organisations non gouvernementales

S'agissant de la violence contre les femmes, l'Association internationale des juristes démocrates a constaté que certaines attitudes socioculturelles confortaient la violence domestique. Elle a constaté une absence de formation suffisante des professionnels de la justice face à ce problème et déploré que les forces de police ne recueillent pas des données basées sur le genre. L'Association lesbienne et gay internationale - Europe s'est félicitée que le rapport de Mme Rashida Manjoo mette l'accent sur les meurtres sexistes. Elle a aussi souligné que la pénalisation de l'avortement entraîne une pratique clandestine qui entraîne bien souvent des conséquences fatales. En outre, le contrôle de la sexualité des jeunes filles est à l'origine de meurtres dits d'honneur, a dénoncé la représentante. HelpAge International a consacré sa déclaration aux accusations de sorcellerie visant bien souvent des femmes âgées. Le système international des droits de l'homme accorde peu d'attention à ce dossier considéré comme marginal. Les personnes âgées sont classées de manière vague dans les «autres groupes vulnérables» et sont invisibles dans le système des Nations Unies. La représentante a demandé à la Rapporteuse spéciale dans quelle mesure les instruments actuels étaient adéquats à cet égard.

Le Centro Regional de Derechos Humanos y Justicia de Género s'est félicitée d'une tendance en Amérique latine à prendre en compte le féminicide dans la législation. Il est trop tôt en revanche pour évaluer l'effet de ces réformes qui risquent de demeurer lettre morte en l'absence de politiques publiques contre les violences faites aux femmes, en particulier dans une région où l'impunité est élevée. La Fédération des femmes cubaines a indiqué que selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la violence était la première cause de décès des femmes entre 15 et 45 ans, bien plus que le cancer et les accidents de la route. Sa représentante a dénoncé par ailleurs les effets adverses sur les femmes de l'embargo étatsunien imposé à Cuba et le sort des épouses des Cubains injustement emprisonnés aux États-Unis. Minority Rights Group a évoqué la situation en Somalie, faisant état de témoignages épouvantables sur la situation régnant dans les camps de déplacés. La police reste généralement passive car ses membres appartiennent à des clans dont des membres sont susceptibles d'être impliqués. La représentante à demandé à Mme Manjoo quelles assurances elle avait reçu des autorités somalienne quant à leur volonté de remédier à ce problème. Antiviolence Center a dénoncé la situation régnant en Italie en matière de violence domestique, citant dans le détail un cas spécifique dans lequel la justice a fait preuve de laxisme. La représentante en conclut que cette violence est «institutionnalisée» par les acteurs et agences de l'État italien, ce qui entraîne une double victimisation des femmes en butte à la violence. Le système en vigueur en Italie demeure silencieux face à cet état de fait, la représentante appelant l'ONU à se pencher sur la situation dans ce pays.

En ce qui concerne l'indépendance de la justice, Penal Reform International s'est félicité que le rapport de Mme Knaul se concentre sur la formation des procureurs dans les systèmes judiciaires. Il faut rechercher des alternatives à la détention pour les mineurs, alors que la tendance actuelle, dite de «tolérance zéro» envers la délinquance va plutôt dans le sens inverse, y compris pour les infractions mineures. Il faut aussi dénoncé le fait que dans plusieurs pays dans le monde, des suspects passent des années en détention en attendant leur jugement.

Conclusion

MME GABRIELA KNAUL Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et avocats, a remercié les délégations ayant participé au débat et déclaré apprécier le fait que certaines de ses recommandations aient commencé à être mise en œuvre dans les pays qu'elle a visité. En réponse aux interventions, elle a estimé que les systèmes officieux de protection des droits de l'homme ignorent souvent les règles du droit international. Dans ce contexte, ils doivent être remplacés par des organes officiels plus au fait des règles pertinentes en matière de droits de l'homme. Mme Knaul a également demandé aux États de faire en sorte que toutes les menaces adressées aux juges et avocats fassent objet d'investigation que les procureurs bénéficient de toute la protection nécessaire, à cause de leur rôle en matière de lutte contre l'impunité. Elle a enfin estimé que toute approche dans le domaine de la justice doit être centrée sur les victimes. Ces dernières doivent aussi disposer de moyens de recours dans les cas où les procureurs décident de ne pas poursuivre les enquêtes. Cette possibilité doit être inscrite dans la loi, a-t-elle expliqué, soulignant la différence entre indépendance et responsabilité. Elle a enfin assuré suivre de près l'affaire des cubains détenus aux États-Unis, ainsi que les suites de l'affaire Julian Assange.


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HRC12/077F