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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE L'EXPERT INDÉPENDANT SUR LA SITUATION EN CÔTE D'IVOIRE ET DES RAPPORTS DU SECRÉTARIAT SUR SIX AUTRES PAYS

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin un débat interactif avec l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, qui a présenté son rapport. L’attention s’est ensuite portée sur une série de rapports présentés par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme concernant la Bolivie, la Colombie, Chypre, le Guatemala, la République islamique d'Iran, et le Népal.

M. Doudou Diène, expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, a souligné que les sources profondes et durables de la crise ivoirienne relevaient de trois facteurs: surdétermination de la lutte pour le pouvoir politique au détriment des droits fondamentaux de la population; construction politique d'un lien entre l'ethnicité et le foncier rural qui constitue une véritable bombe à retardement; et prégnance d'une culture d'impunité. Il a estimé qu'il s'agissait d'une situation d'une gravité extrême en matière de droits humains qui a «littéralement mis le peuple ivoirien à genoux» en raison de la durée et de la violence de la crise. La Côte d'Ivoire, intervenant à titre de pays concerné, a réitéré l'engagement de son gouvernement à lutter contre l'impunité, à promouvoir les droits de l'homme et les libertés publiques et à tout mettre en œuvre pour construire un État de droit.

Les délégations suivantes sont intervenues au sujet de la situation en Côte d'Ivoire: Sénégal (au nom du Groupe africain), Maroc, Union européenne, Royaume-Uni, Maldives, Suisse, Canada, Etats-Unis, Nigéria, Burkina Faso, France, Chine, Australie. Les organisations non gouvernementales suivantes ont également pris la parole: Femmes Afrique Solidarité, United Nations Watch, Fédération internationale des Ligues de droits de l'homme, Human Rights Watch, Democracy Coalition Project, ainsi que le Fonds des Nations Unies pour l'enfance.

Mme Kyung-wha Kang, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a présenté les rapports préparés par le Secrétaire général et la Haut-Commissaire aux droits de l'homme concernant les situations des droits de l'homme au Guatemala, en Bolivie, en Colombie, au Népal, à Chypre et en République islamique d'Iran.

Plusieurs délégations sont intervenues s'agissant de ces rapports, ainsi que sur des rapports qui seront présentés cet après-midi au titre de l'assistance technique et le renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme: Suisse, Norvège, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Chine, Arménie, Grèce, Turquie, Espagne. Le Réseau des institutions nationales africaines des droits de l'homme et la Commission australienne des droits de l'homme ont également participé au débat.


À la mi-journée, le Conseil tient sa «discussion annuelle» sur les meilleures pratiques en matière de coopération technique. Il doit, dans l'après-midi, tenir son débat général sur l'assistance technique et le renforcement des capacités; il sera saisi dans ce cadre de rapports sur l'Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Guinée et le Yémen.


Examen du rapport sur la Côte d'Ivoire

Présentation du rapport

M. DOUDOU DIÈNE, expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, a déclaré que cette situation s'articulait autour de plusieurs «données lourdes»: profondeur historique de la crise politique qui remonte au moins aux premières années de l'indépendance; gravité extrême des violations massives des droits de l'homme, illustrée par une insécurité quotidienne et par le nombre de victimes estimé à au moins 3000 de décembre 2010 à avril 2011; enracinement d'une culture de violence dans la société; responsabilité morale et politique des acteurs politiques depuis l'indépendance. Les sources profondes et durables de cette crise relèvent de trois facteurs: surdétermination de la lutte pour le pouvoir politique au détriment des droits fondamentaux de la population; construction politique d'un lien entre l'ethnicité et le foncier rural qui constitue une véritable bombe à retardement; et prégnance d'une culture d'impunité. M. Diène a estimé qu'il s'agissait d'une situation d'une «gravité extrême» en matière de droits humains qui a «littéralement mis le peuple ivoirien à genoux» en raison de la durée et de la violence de la crise.

L'expert a averti que de nombreuses armes demeuraient en circulation et mis en garde contre le comportement des supplétifs des Forces républicaines de Côte d'Ivoire, les FRCI ex-Forces nouvelles, qui redoutent de ne pas être intégrés dans la nouvelle armée. Ils ne perçoivent pas de revenu et ont tendance à se servir sur la population. Ces supplétifs et les forces qui leur sont associées sont l'une des causes principales de l'insécurité actuelle dans le pays. Pour M. Diène, «la priorité doit être accordée à la question de la réforme du secteur de la sécurité, et notamment au processus de désarmement-démobilisation et de réintégration des anciens rebelles.

Deux facteurs sont de nature à nourrir une culture des droits de l'homme qui soit à la mesure de la situation, a poursuivi l'expert: une approche globale des droits de l'homme intégrant les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels; l'appui déterminé à la Commission dialogue, vérité et réconciliation «dont le mandat est déterminant pour la reconstruction démocratique et du vivre ensemble de la société ivoirienne». M. Diène a souligné «l'exigence de justice comme condition de la réconciliation». L'expert indépendant se propose d'organiser, dans le cadre du mandat de la Commission, une réunion de haut niveau sur la question de l'impunité en coopération avec la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples et la Commission internationale des juristes.

Le rapport de l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire (A/HRC/19/72) fait suite à deux visites de l'expert indépendant en Côte d'Ivoire, du 14 au 25 novembre et du 7 au 13 décembre 2011, et rend compte de l'évolution générale de la situation des droits de l'homme et des questions institutionnelles.

Pays concerné

La Côte d'Ivoire a félicité l'expert indépendant pour ses efforts et pour la pertinence de ses observations. À cet égard, il a commenté quelques unes des informations et recommandations contenues dans le rapport de l'expert, en présentant les mesures prises par les autorités. Le Ministre a ainsi indiqué que le Gouvernement prenait des mesures strictes en vue d'une refonte des forces de défense et de sécurité. Par ailleurs, des mesures contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants sont en cours de finalisation. La Commission nationale d'enquête sur les atteintes aux droits de l'homme et au droit humanitaire a commencé ses investigations depuis janvier 2011, a-t-il relevé. Pour conclure, il a réitéré l'engagement du Gouvernement ivoirien à lutter contre l'impunité, à promouvoir les droits de l'homme et les libertés publiques et à tout mettre en œuvre pour construire un État de droit.

Débat interactif

Le Sénégal, au nom du Groupe africain, a appelé le Gouvernement ivoirien à ne ménager aucun effort pour relever les défis actuels avec l'appui conséquent de la communauté internationale. Il a souligné la pertinence de la recommandation de l'expert indépendant consistant à l'élaboration d'un plan de développement et de relèvement socio-économique en direction de la jeunesse et des femmes, deux segments de la population qui ont payé un lourd tribut à la crise. Le Maroc a estimé indispensable lui aussi de relancer une économie ivoirienne fortement dégradée par la crise et les sanctions de la communauté internationale. Il estime que les institutions financières internationales et régionales, ainsi que les partenaires bilatéraux, devraient renforcer leurs contributions par une coopération active au relèvement économique de la Côte d'Ivoire. Le Maroc est d'avis, comme M. Diène, que l'embargo sur les armes doit être levé pour renforcer l'efficacité de l'appareil sécuritaire d'État sur l'ensemble du territoire.

L'Union européenne a indiqué que les Vingt-Sept partageaient pleinement la préoccupation de l'expert indépendant d'œuvrer au renforcement de la lutte contre l'impunité et à l'éradication des violences sexuelles contre les femmes. Le Royaume-Uni a relevé le profond enracinement des tensions qui expliquent les difficultés qui demeurent; il estime également que la lutte contre l'impunité s'agissant de toutes les parties impliquées doit avoir la priorité pour briser le cercle vicieux qui a conduit le pays dans sa situation actuelle. Les Maldives conviennent avec l'expert indépendant de l'importance de traduire en justice les responsables des violations passées, avec le soutien de la communauté internationale. Elles estiment que la Commission dialogue, vérité et réconciliation doit pouvoir bénéficier d'autres pays sortis de conflits. La Suisse a également salué la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle afin de lutter contre l'impunité. Ces efforts sont cruciaux pour le retour des déplacés et des réfugiés, ainsi que pour le renforcement de la cohésion nationale.

Le Canada, relevant les progrès accomplis dans le rétablissement de l'État de droit en Côte d'Ivoire, a félicité le Gouvernement ivoirien pour sa bonne volonté à mettre en place des mesures concrètes pour promouvoir le respect des droits de la personne dans le pays.

Les États-Unis se sont félicités quant à eux de l'excellente coopération de la Côte d'Ivoire avec la Commission d'enquête et avec les mécanismes du Conseil des droits de l'homme en général. Ils estiment qu'il s'agit d'un «modèle» en la matière. Le Nigéria a pour sa part félicité le Gouvernement ivoirien pour sa coopération avec l'expert indépendant, saluant les consultations menées par l'expert avec un grand nombre d'acteurs. Il a estimé que la Commission dialogue, vérité et réconciliation permettra de réaliser une réconciliation nationale durable. Le Burkina Faso a souligné que le rapport de l'expert indépendant reconnaît les efforts positifs du Gouvernement ivoirien pour améliorer la situation des droits de l'homme. Saluant la coopération de la Côte d'Ivoire avec l'expert indépendant et les mécanismes du Conseil, il a appelé la communauté internationale à apporter toute l'assistance technique et financière nécessaire pour rétablir le respect des droits de l'homme dans l'ensemble du territoire ivoirien.

La France a aussi salué la coopération entre l'expert indépendant et les autorités ivoiriennes, estimant que les priorités devaient être la lutte contre l'impunité et le processus de réconciliation nationale. La Chine s'est félicitée que le Gouvernement ivoirien ait reçu l'expert indépendant et ait créé les conditions pour qu'il puisse mener à bien sa mission. Elle a salué la Côte d'Ivoire pour ses efforts en faveur du rétablissement de la paix, de l'état de droit et du respect des droits de l'homme. Elle s'est engagée à fournir une assistance technique pour soutenir les efforts de promotion de la paix, de la réconciliation nationale et des droits de l'homme. L'Australie s'est félicitée des efforts faits par le Gouvernement ivoirien en matière économique et son engagement en faveur d'une gouvernance transparente. Elle a encouragé la Côte d'Ivoire à devenir partie au Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale. Insistant sur l'importance d'une réforme du secteur de la sécurité, l'Australie soutient les recommandations émises par l'expert indépendant à cet égard.

Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance a souligné que les femmes et les enfants ont été les premières victimes du conflit. Un climat d'impunité règne et de nombreuses écoles ont été détruites, tandis que des épidémies se sont propagées. L'abandon scolaire est un sujet de préoccupation de l'UNICEF. En outre, 3,5 millions de jeunes et d'enfants n'ont pas de papiers d'identité et de nombreux nouveau-nés ne sont pas enregistrés à la naissance.

Femmes Afrique Solidarité a souligné la gravité de la situation sécuritaire en Côte d'Ivoire, dénonçant l'impunité, la violence faite aux femmes et aux filles, ainsi que les difficultés d'accès à la justice pour celles-ci. Elle a constaté une recrudescence des violences sexuelles, le viol de fillettes étant devenu un «fait banal». Elle a recommandé l'amélioration et l'adoption d'un cadre juridique plus protecteur pour les femmes, et une définition claire de la notion de viol par le code pénal. United Nations Watch a aussi fait part de sa vive préoccupation devant l'augmentation de la violence physique et sexuelle contre les femmes, dont les auteurs sont souvent des hommes en uniforme alors que ceux-ci seraient censés incarner et représenter une forme nouvelle et prometteuse de gouvernement démocratique.

La Fédération internationale des Ligues de droits de l'homme a dit partager les préoccupations et les recommandations de l'expert indépendant concernant le processus en cours de justice transitionnelle. Elle a notamment cité la nécessité de préciser et de renforcer le mandat, les attributions, les compétences, l'indépendance et la composition de la Commission dialogue, vérité et réconciliation. Human Rights Watch a relevé avec inquiétude ce qui lui semble être une analyse inadéquate de la justice partiale dont continue de souffrir la Côte d'Ivoire. Certes, l'expert indépendant prend note des critiques exprimées à l'égard de la justice du vainqueur, mais il n'en demeure pas moins qu'un examen plus approfondi du problème et de son impact s'avère nécessaire. Enfin, Democracy Coalition Project a reproché à l'expert de ne pas établir de priorités quant à la mise en œuvre de recommandations qui semblent, par moment, irréalisables voire caduques. Pour cette organisation, les priorités doivent d'abord concerner la sécurité, en second lieu la justice, la réconciliation ensuite, les autres recommandations devant suivre. Il a déploré que jusqu'à présent, seuls les partisans de l'ancien régime aient été poursuivis, malgré les engagements du nouveau chef de l'État.

Conclusion de l'expert indépendant

M. DIÈNE a souligné l'importance du soutien et de l'accompagnement de la communauté internationale, rappelant que les causes du conflit sont profondes. C'est pourquoi l'action du Gouvernement ivoirien doit s'inscrire dans la durée, tout comme l'assistance offerte par la communauté internationale. Le mandat de la Commission dialogue, vérité et réconciliation est affaibli par l'absence de concept de justice. Il est donc important que le fonctionnement de la Commission intègre la notion de justice. Le concept de vérité est en outre essentiel: il faut établir les faits commis au cours des dix dernières années, les responsabilités des violations des droits de l'homme et s'attaquer aux causes profondes du conflit. Le devoir de mémoire est essentiel. Le peuple ivoirien doit avoir connaissance de ce qui s'est passé. Un document qui retrace avec précision les faits et les responsabilités est donc nécessaire. Par ailleurs, la perpétuation des violences sexuelles doit fait l'objet d'une attention soutenue du Gouvernement, d'une part en punissant sévèrement les auteurs de telles violations et d'autre part en menant un travail préventif. Le fait que le peuple ivoirien ait été instrumentalisé dans un jeu pour le pouvoir appelle à l'élaboration d'une Charte de la vie publique. La question de la sécurité est capitale. Les mesures dans ce sens doivent être renforcées par les autorités ivoiriennes et soutenues par la communauté internationale. Le conflit a perduré au cours des dix dernières années en raison de l'impunité qui avait cours, il faut donc s'attaquer à cette question. Il est important que la justice traite de toutes les violations des droits de l'homme commises en Côte d'Ivoire depuis dix ans. La clé de voûte de la construction démocratique en cours actuellement est le pluralisme politique: la diversité politique doit trouver un espace d'expression adéquat.


Rapports du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et du Secrétaire général des Nations Unies sur des situations de pays

Présentation de rapports

MME KYUNG-WHA KANG, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a résumé les principales conclusions des rapports annuels par pays soumis par le Secrétaire général et la Haut-Commissaire aux droits de l'homme au titre de l'assistance technique et du renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme.

Mme Kang a d'abord rendu compte de la visite de la Haut-Commissaire au Guatemala (A/HRC/19/21/Add.1), constatant que quinze ans après leur signature, les accords de paix n'avaient toujours pas été appliqués dans leur intégralité et que des problèmes structurels demeuraient. Elle constate ainsi sur le plan social la persistance de profondes inégalités illustrées par des taux élevés de malnutrition dans le monde rural et parmi les classes pauvres en général.

S'agissant du cas de la Bolivie (A/HRC/19/21/Add.2 - en espagnol), des progrès notables ont été accomplis en 2011 en matière de lutte contre le racisme et la discrimination. Le rapport reflète aussi des progrès dans le domaine des droits économiques et sociaux. La Haut-Commissaire se félicite aussi des mesures ayant permis une réduction de la mortalité maternelle et infantile. Dans la lutte contre l'impunité, l'inculpation de deux hauts gradés pour leur implication dans la mort d'une soixantaine de manifestants en 2003 représente un progrès.

En Colombie (A/HRC/19/21/Add.3), des évolutions importantes ont été enregistrées par le Gouvernement du Président Juan Manuel Santos en matière de justice transitionnelle et de restitution des terres. La loi ambitieuse adoptée et ratifiée en juin 2011 doit bénéficier à quelque quatre millions de personnes, victimes de violations de leurs droits, la plupart d'entre elles étant des personnes déplacées. En outre, l'État a lancé sa première réforme agraire dans le cadre d'une loi sur le développement rural. Enfin, la Colombie envisage actuellement des réformes juridiques importantes pour répondre à un grand nombre de violations des droits de l'homme.

Mme Kang a rappelé qu'au Népal (A/HRC/19/21/Add.4), la représentation du Haut-Commissariat est sur le point de fermer, suite à la décision en ce sens prise en décembre dernier par le Gouvernement. Elle a regretté cette décision alors que des éléments importants du processus de paix, pertinents en matière de droits de l'homme, demeurent en suspens. Elle a rappelé que les institutions de justice de transition n'étaient qu'en gestation et il y avait lieu de craindre que des crimes graves ne fassent l'objet d'amnisties.

Le rapport du Haut-Commissariat sur la question des droits de l'homme à Chypre (A/HRC/19/22) aborde le problème des disparus lié à la question plus générale du droit à la vie, ainsi que les principes de non-discrimination, de liberté de mouvement, des droits de propriété, de liberté de religion, de droits culturels, de liberté d'opinion et d'expression, ainsi que de droit à l'éducation. Alors que perdure la division de l'île, il existe des motifs d'espérer que les négociations actuelles entre les représentants des deux communautés puissent aboutir à un règlement global du problème chypriote, améliorant ainsi la situation des droits de l'homme dans ce pays.

Enfin, la Haut-Commissaire adjointe a indiqué que le rapport du Secrétaire général sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran (A/HRC/19/82 - en anglais) aborde les questions liées à la peine de mort, à la torture, aux droits des femmes et à ceux des minorités. Le document exprime de vives préoccupations face à l'augmentation importante du nombre d'exécutions, parfois en public. Il s'alarme de la répression avant le scrutin du mois dernier contre la presse et contre les défenseurs des droits de l'homme, parmi lesquels des avocats. Le rapport du Secrétaire général se félicite de l'examen volontaire de l'Iran par le Comité des droits de l'homme en octobre dernier, une première depuis de nombreuses années; il relève en outre que le nouveau code pénal ne mentionne plus la lapidation et qu'il réduit le nombre de délits passibles de la peine capitale.

D'autres rapports seront présentés cet après-midi au titre de l'assistance technique et du renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme, qui concernent l'Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Guinée et le Yémen.

Pays concernés

La Bolivie a déclaré que son engagement en faveur des droits de l'homme s'était notamment matérialisé l'année passée par l'élection des membres des institutions judiciaires principales, permettant ainsi pour la première fois à des femmes et des membres des minorités de siéger au sein de ces institutions fondamentales. L'impunité en matière de droits de l'homme qui a pu avoir cours dans le passé ne sera désormais plus tolérée. La réduction de la pauvreté extrême a été considérable au cours des quatre dernières années. D'autres avancées ont eu lieu en matière de lutte contre le racisme, comme l'adoption d'un plan d'action contre les discriminations pour la période 2012-2015. Le chemin est encore long mais la Bolivie s'engage à réaliser tous les droits de l'homme pour tous les citoyens.

La Colombie a déclaré que de nombreux efforts ont été consentis en faveur du renforcement de l'état de droit et de la promotion et de la protection des droits de l'homme. L'État colombien a une tolérance zéro pour les violations des droits de l'homme et les infractions au droit international humanitaire. Toute analyse de la situation doit tenir compte des efforts faits pour pacifier le pays, et les nombreuses mesures prises en faveur des droits de l'homme ont besoin de temps pour se concrétiser. La lutte contre l'impunité continue d'être une priorité du Gouvernement, qui renforce les mécanismes d'accès à la justice. Finalement, les autorités colombiennes rappellent leur disposition à tenir un dialogue franc et constructif avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme au sujet du présent rapport.

Chypre a regretté que les auteurs du rapport sur Chypre se soient éloignés de la lettre et de l'esprit de leur mandat original, adopté par la Commission des droits de l'homme en février 1975 au lendemain de l'invasion turque. La résolution portant création du mandat appelle à la pleine restauration de tous les droits de l'homme de la population chypriote, notamment les personnes déplacées. Malheureusement, cette résolution n'a pas été appliquée et, 37 ans plus tard, 40 % de la population ne peut toujours pas rentrer chez elle du fait de la présence de troupes étrangères et de la division forcée de l'île qui en résulte. Chypre estime d'abord que la question des personnes disparues est de nature humanitaire. Le travail de collecte d'informations, d'exhumation et d'identification des restes doit se poursuivre. La coopération des deux parties est nécessaire à cet égard. Il est important en outre que l'accès soit rendu possible aux zones militaires du nord, qui est toujours d'accès restreint, comme le relève du rapport. S'agissant ensuite de la restitution des biens des personnes déplacées, le Gouvernement de Chypre estime que la Commission des biens immobiliers créée dans la partie turque de l'île n'a pas de légitimité et qu'elle ne peut apporter des solutions efficaces en matière d'indemnisation. Par contre, le Gouvernement chypriote n'a toutefois pas empêché des personnes déplacées à recourir à cette instance, la Cour européenne des droits de l'homme ayant reconnu sa validité. Chypre se félicite enfin de la prochaine visite à Chypre du Rapporteur spécial sur la torture, M. Heiner Bielefeldt. Il pourra y évaluer la situation s'agissant de l'exercice de la liberté de religion, fortement restreint dans la partie nord de l'île, au détriment tant des Chypriotes grecs qui y demeurent encore que d'autres communautés déplacées.

Le Guatemala a remercié la Haut-Commissaire pour sa récente visite dans le pays, qui lui a permis de prendre connaissance des efforts réalisés, des processus en cours et des défis auxquels la société guatémaltèque est confrontée en matière de promotion et de protection des droits de l'homme. Les priorités du Gouvernement en la matière sont la sécurité et la justice, la lutte contre l'impunité et la protection des populations les plus vulnérables. Le rapport évoque l'existence de violences, qui sont principalement dues au crime organisé international, lié au trafic de stupéfiants et de personnes et au blanchiment d'argent. Les autorités poursuivent inlassablement leur lutte contre ces violences, qui a un coût élevé pour un pays disposant de ressources humaines et financières limitées. Reconnaissant le travail effectué par la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala, le Gouvernement appelle à l'extension et à la prolongation de son mandat.

La République islamique d'Iran a regretté que le rapport du Secrétaire général sur le pays ne soit que le fruit des ambitions politiques de certains États, au détriment du système des droits de l'homme des Nations Unies. Le mécanisme de rapports par pays est en soi totalement biaisé et peu professionnel. Le rapport du Secrétaire général sur l'Iran, outre qu'il double le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Iran, ne reflète pas la vraie situation des droits de l'homme en Iran. Il ne dit rien des nombreux progrès réalisés par le pays pour créer une société juste et prospère fondée sur la justice et l'égalité, des progrès dont témoignent les rapports soumis par l'Iran aux organes conventionnels des Nations Unies. Malgré ses réserves s'agissant du rapport du Secrétaire général, l'Iran poursuivra ses efforts de promotion des droits de l'homme, a assuré son représentant.

Le Népal a assuré que les autorités luttaient contre la discrimination sous toutes ses formes, une loi sur les discriminations fondées sur la caste étant déjà entrée en vigueur. La sécurité de tous les citoyens est garantie par la loi, à commencer par celle des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme. Par ailleurs, bien qu'il n'ait pas signé la Convention sur les réfugiés, le pays en a accueilli un grand nombre et il veille à ce que leurs droits soient protégés. Par ailleurs, un mécanisme de justice transitionnelle est en marche afin de garantir la justice aux victimes, les indemniser et en finir avec l'impunité. Le Népal est reconnaissant de l'action et de l'assistance technique qui lui ont été fournies par le Haut-Commissariat tout au long de la période cruciale de transition.

Débat général

La Suisse a constaté que la situation demeurait préoccupante en Colombie et a exprimé son inquiétude, s'agissant de la République démocratique du Congo, devant l'augmentation du nombre de cas de violences sexuelles et de viols massifs. Elle encourage par ailleurs le nouveau gouvernement yéménite à assurer des enquêtes transparentes et indépendantes afin de punir les auteurs de violations. La Norvège reconnaît les progrès accomplis par la Colombie avec le soutien du Haut-Commissariat. Ces efforts doivent être intensifiés, en mettant l'accent sur le rôle de la société civile. Pour ce qui concerne le Yémen, elle se félicite du processus de transition en cours, l'objectif du nouveau gouvernement devant être de trouver une solution durable aux nombreux conflits déchirant le pays. La Norvège appelle les parties en présence à renoncer à la violence pour régler leurs différends.

Le Royaume-Uni a déclaré que le travail du Haut-Commissariat aux droits de l'homme au Népal n'était pas encore terminé, déplorant, comme la Suisse, qu'il doive fermer son bureau dans le pays à la demande du Gouvernement. Il s'est dit inquiet des propositions visant à une amnistie générale, y compris des crimes les plus graves, ce qui est en contradiction avec les normes internationales en matière de justice.

La Fédération de Russie a qualifié d'inacceptables les manifestations de xénophobie et d'intolérance religieuse faisant obstacle à un droit fondamental, celui à la liberté de croyance et de religion, et appelé l'attention sur le sort des personnes disparus, citant en particulier le cas chypriote.

La Chine se félicite des progrès importants enregistrés à Chypre, tout en s'inquiétant de la persistance de sujets d'inquiétude dus au maintien de la division du territoire. La Chine soutient l'intégrité territoriale et la souveraineté de Chypre, exprimant l'espoir que les deux communautés actuellement en négociation seront capables de combler le fossé qui les sépare. L'Arménie s'est félicitée du rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'homme sur la question des droits de l'homme à Chypre et de l'analyse détaillée dans différents pays. Ces rapports sont des outils précieux pour la communauté internationale et des sources d'informations fiables. La question la plus importante à résoudre après un conflit est celle des personnes disparues. Ce travail humanitaire important nécessite une coopération soutenue entre les parties concernées.

La Grèce a remercié la Haut-Commissaire pour son rapport sur Chypre. Elle a cependant noté que le rapport ne tient pas compte de la cause initiale de la situation, à savoir l'occupation turque de 37% de Chypre suite à l'invasion de 1974. En conséquence, Chypre compte plus de 200 000 personnes ayant souffert de déplacements forcés. Elle a appelé la Turquie à faciliter une enquête globale et complète sur le sort des personnes disparues au cours de l'invasion de 1974 et d'en informer les familles, conformément à la décision de la Cour européenne des droits de l'homme sur la question. La Turquie a estimé que le rapport du Haut-Commissariat sur la situation à Chypre ne reflète pas fidèlement la situation sur l'île. La question de l'isolement des Chypriotes turcs n'est pas traitée, alors qu'elle constitue une violation flagrante des droits de l'homme, empêchant notamment la réalisation des droits économiques et du droit au développement. Des inexactitudes importantes figurent dans le rapport, qui ne mentionne pas les discriminations et les entraves à la liberté de circulation imposées aux Chypriotes turcs. La Turquie a rappelé la déclaration conjointe de 2008, proclamée sous les auspices du Secrétaire général des Nations Unies, qui appelle à un nouveau partenariat en vue d'établir un gouvernement fédéral qui comprendrait une entité chypriote grecque et une entité chypriote turque.

L'Espagne a félicité le Haut-Commissariat pour l'efficacité de son action sur le terrain alors qu'il est confronté à une baisse des contributions volontaires. Il est confronté à la nécessité de rationnaliser et hiérarchiser ses priorités afin de ne pas se disperser et de ne pas suffisamment traiter les problèmes en profondeur. L'Espagne souhaite que l'accent soit mis sur le processus de renforcement des organes conventionnels, la préservation de l'indépendance et de l'impartialité des membres des comités étant essentielle. Elle a aussi souhaité que le Haut-Commissariat continue d'œuvrer en faveur de l'abolition de la peine de mort.

Le Réseau des institutions nationales africaines des droits de l'homme a évoqué deux cas de violations de défenseurs des droits de l'homme de premier plan, celui de M. John Kapito au Malawi qui a été jeté en prison, et celui de M. Koffi Kounté au Togo, qui a été contraint de chercher refuge en France. Le cas de M. Kapito a également été évoqué par la Commission australienne des droits de l'homme, qui a souligné l'importance d'établir un environnement sain pour que les défenseurs des droits de l'homme puissent librement mener leurs activités.


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HRC12/048F