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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU QATAR

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de l'État du Qatar sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, Cheikh Khaled Bin Jassem Al Thani, Directeur du Bureau des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères du Qatar, a réitéré les engagements de l'État à mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur la base des principes de l'Islam, religion officielle, qui affirme que tous les êtres humains sont libres et égaux, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, ou de religion. Il a assuré que la Constitution et les lois nationales étaient en harmonie avec la définition de la discrimination raciale énoncée à l'article premier de la Convention. Dans le domaine de la santé, qui figure parmi les priorités nationales, a poursuivi M. Al Thani, les travailleurs migrants bénéficient de soins préventifs et thérapeutiques et ont accès à des traitements gratuits en cas d'accident du travail. Le Code du travail de 2004 a contribué à accroître la protection des droits des travailleurs, a-t-il en outre fait valoir. M. Al Thani a par ailleurs rappelé que l'école est obligatoire et gratuite pour tous les enfants.

La délégation qatarienne était également composée de représentants du Ministère de l'intérieur; du Ministère du travail; du Ministère de la justice; du Conseil supérieur de l'éducation; du Conseil supérieur des affaires de la Famille; du Conseil supérieur pour la santé; et de la Mission permanente de l'État du Qatar auprès des Nations Unies à Genève; et la Commission nationale des droits de l'homme qatarienne. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, entre autres, de l'éducation aux droits de l'homme; de la lutte contre la traite de personnes; de la législation relative au travail et de la situation des travailleurs migrants et domestiques, notamment pour ce qui a trait au système de parrainage; des questions de nationalité, s'agissant notamment de l'impossibilité pour les femmes qatariennes mariées à un étranger de transmettre leur nationalité à leurs enfants; de la liberté de conscience et de religion et de la loi sur la diffamation des trois religions du Livre.

Présentant des observations préliminaires à l'issue de ce dialogue, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Qatar, M. José Francisco Cali Tzay, a notamment souligné que des sujets de préoccupation subsistent, s'agissant en particulier de la vulnérabilité des travailleurs migrants, des non-ressortissants, des femmes et des enfants et de certains points relatifs à la législation du travail. Il a en revanche accueilli favorablement les modifications apportées à la législation du travail relativement au transfert du parrainage des travailleurs, notamment dans les cas d'abus de leurs droits et y compris sans le consentement du parrain initial.

Le Comité présentera ses observations finales sur le rapport du Qatar à la fin de sa session, le vendredi 9 mars prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Jordanie.


Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays (CERD/C/QAT/13-16), CHEIKH KHALED BIN JASSEM AL THANI, Directeur du Bureau des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères du Qatar, a réitéré les engagements de l'État du Qatar à mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur la base des principes de l'Islam, religion officielle, qui affirme que tous les êtres humains sont libres et égaux, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, ou de religion. Il a indiqué que le dialogue avec le Comité et d'autres organes conventionnels relatifs aux droits de l'homme permettra au pays de poser de nouveaux jalons dans l'application des instruments internationaux en la matière. Le présent rapport, qui combine les treizième à seizième rapports périodiques, décrit de façon exhaustive et transparente les progrès mais aussi les défis à relever dans les domaines relevant de la Convention; ce document a été aussi soumis au Comité national des droits de l'homme pour commentaires et suggestions, a précisé M. Al Thani.

Par le décret n°44 de 2008, le Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani, à la tête du Qatar depuis 1995, a mis en relief la conception élargie du développement synthétisée dans la Vision nationale du Qatar à l'horizon 2030, qui tend à un développement durable, tant sur le plan humain que sur les plans social, économique ou environnemental, a poursuivi le Directeur du Bureau des droits de l'homme.

L'attention accordée par le Qatar aux droits de l'homme va bien au-delà du domaine législatif puisque diverses institutions ont été mises en place, au nombre desquelles on peut citer la Fondation qatarienne pour la protection des femmes et des enfants, l'Agence qatarienne pour la lutte contre la traite des êtres humains, la Commission nationale des droits de l'homme et du développement, ainsi que le Conseil supérieur des affaires de la famille. D'autre part, a ajouté M. Al Thani, le Centre international de Doha pour le dialogue interconfessionnel a été inauguré un an après une recommandation en ce sens émanant de la cinquième Conférence sur le dialogue interconfessionnel, tenue à Doha en mai 2007. Le Directeur du Bureau des droits de l'homme a en outre attiré l'attention sur la mise en place de la Fondation arabe pour la démocratie, issue du deuxième Forum sur la démocratie et la réforme politique dans le monde arabe, et sur la création du Centre de Doha pour la liberté de la presse, dont l'établissement a été autorisé par un décret du chef de l'Etat en décembre 2007.

Exposant ensuite les mesures législatives, judiciaires et administratives adoptées par le Qatar pour se conformer aux dispositions de la Convention et aux recommandations adressées au pays par le Comité, M. Al Thani a notamment assuré que la Constitution et les lois nationales étaient en harmonie avec la définition de la discrimination raciale énoncée à l'article premier de la Convention.

Dans le domaine de la santé, qui figure parmi les priorités nationales, a poursuivi M. Al Thani, les travailleurs migrants bénéficient de soins préventifs et thérapeutiques et ont accès à des traitements gratuits en cas d'accident du travail. Le Code du travail de 2004 a contribué à accroître la protection des droits des travailleurs, a-t-il en outre fait valoir. Il a souligné que le Qatar avait signé nombre de conventions de l'Organisation internationale du travail ainsi que plusieurs accords bilatéraux tendant à la protection des travailleurs migrants et domestiques. Les contrats de travail conclus entre les parties garantissent le droit à un salaire, à des congés payés, à des jours fériés et à un repos hebdomadaire, de même que le droit de percevoir une rémunération pour les heures supplémentaires, a précisé le Directeur du Bureau des droits de l'homme. Un comité de conciliation et un comité d'arbitrage dans les conflits collectifs de travail ont été mis sur pied, tandis qu'un mécanisme d'inspection du travail était institué au sein du Ministère du travail, a-t-il poursuivi. Ce mécanisme a ensuite été converti en service autonome pour l'examen des cas de discrimination contre les travailleurs migrants, a-t-il indiqué. Dans le but d'accélérer le règlement des litiges entre salariés et employeurs, un service spécialisé dans les relations de travail a été créé par décret de l'Emir, a-t-il ajouté.

En matière d'éducation, M. Al Thani a rappelé que l'école est obligatoire et gratuite pour tous les enfants. En 2003, un plan national d'éducation pour tous a été élaboré qui vise à atteindre l'universalité en matière d'éducation.

En conclusion, M. Al Thani a réaffirmé l'attachement de son pays à l'application de toutes les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.


Intervention de la Commission nationale des droits de l'homme qatarienne

Un représentant de la Commission nationale des droits de l'homme de l'État du Qatar a attiré l'attention sur le rôle accru joué par cette institution au niveau national, estimant que cela augure bien de la qualité des échanges avec le Gouvernement et des possibilités de dialogue avec les organes conventionnels internationaux. Il a salué l'engagement du Gouvernement qatarien en faveur de la mise en œuvre de la Convention et a rappelé que la Commission nationale des droits de l'homme avait été classée dans la catégorie A des institutions nationales de droits de l'homme. Cet intervenant a ensuite mis l'accent sur la vigueur des institutions de la société civile du Qatar qui, dans la pratique, jouent un important rôle de contrôle et de suivi de l'application des textes législatifs.

Une autre représentante de cette même Commission nationale des droits de l'homme s'est réjouie de la situation des femmes dans son pays, soulignant qu'elles ont désormais le droit, entre autres, d'occuper des postes de haute responsabilité dans tous les domaines, d'obtenir un permis de conduire, d'acquérir une voiture et de circuler librement. La Constitution issue du référendum de 2003 a inscrit les droits de l'homme en tant que droits inaliénables, indivisibles et universels, a-t-elle en outre rappelé. En dépit du fait que la loi relative à la nationalité ne permette pas à un citoyen naturalisé de postuler à un poste étatique, en réalité, des postes de la fonction publique sont occupés par des citoyens naturalisés, a-t-elle par ailleurs fait observer. Elle a ensuite plaidé pour que les enfants nés d'une mère qatarienne et d'un père étranger puissent acquérir la nationalité qatarienne, afin d'établir une égalité totale de droits entre hommes et femmes en termes de transmission de la nationalité. L'oratrice a par ailleurs fait observer que les travailleurs domestiques ne tombent pas sous le coup du Code du travail et n'ont donc pas le droit de faire appel à l'administration du travail. Si la loi sur le logement stipule que les femmes et les hommes jouissent de droits égaux dans ce domaine, des discriminations n'en demeurent pas moins en la matière, a poursuivi la représentante de la Commission nationale des droits de l'homme. D'autre part, a-t-elle ajouté, les citoyens naturalisés n'ont pas le droit de bénéficier d'un certain nombre d'avantages offerts par certains programmes existants en matière de logement tant qu'ils n'ont pas résidé consécutivement 15 années dans le pays. L'oratrice a donc recommandé au Qatar d'amender la loi n°38 de 2005 afin de permettre aux personnes naturalisées d'être élues dans les organes de l'État; d'amender la législation sur la nationalité applicable aux enfants des femmes qatariennes mariées à des étrangers; d'amender la loi définissant les termes et conditions du droit au logement; et enfin d'amender la loi sur les syndicats.


Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. JOSE FRANCISCO CALI TZAY, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Qatar, a fait observer que cela fait dix ans que le précédent rapport du Qatar avait été examiné par le Comité (2002). Le Qatar est une presqu'île de 1 699 435 habitants caractérisée par la richesse de ses ressources pétrolières et dont les trois-quarts de la population sont des étrangers, selon le recensement de 2010, a-t-il rappelé. Seuls 24,4% de la population sont des femmes, ce qui s'explique par le nombre élevé d'hommes qui résident dans le pays en tant que travailleurs migrants. La majorité de la population est de rite musulman sunnite wahabite et d'autres confessions sont représentées au Qatar, a ajouté M. Cali Tzay.

Du point de vue politique, a poursuivi le rapporteur, le Qatar est un émirat où la Choura (assemblée consultative) détient le pouvoir législatif. M. Cali Tzay s'est interrogé sur le nombre de personnes jouissant du droit de vote dans ce pays. La Constitution ne prévoit pas la création de partis politiques mais consacre le droit de culte, a-t-il en outre relevé. D'autre part, la législation du Qatar est bien plus libérale que celles en vigueur dans d'autres pays arabes et de la région, a-t-il fait observer, soulignant que les femmes jouissent de nombreux droits, en particulier celui de passer le permis de conduire.

Quel segment de la population est le plus touché par les violations des droits de l'homme et celles-ci concernent-elles un ou plusieurs groupes en particulier, a souhaité savoir M. Cali Tzay? Est-il vrai que les enfants qui ne sont pas nés de père qatarien ou qui ne parlent pas l'arabe ne peuvent pas jouir de la nationalité qatarienne, a-t-il également demandé? La loi sur la nationalité semble discriminatoire à l'encontre des femmes, a-t-il insisté.

M. Cali Tzay a ensuite invité le Qatar à adopter une définition de la discrimination raciale qui soit conforme à la Convention et a souhaité en savoir davantage au sujet de la non-discrimination en matière d'accès à l'emploi. Un travailleur migrant saisonnier a-t-il besoin d'un parrainage pour obtenir un emploi, a-t-il demandé? Si un tel travailleur résilie un contrat avant son échéance, quel est son statut du point de vue de son permis de séjour et quels sont ses recours en la matière, a par ailleurs demandé le rapporteur, avant de constater qu'aucune plainte n'a été déposée dans le pays pour injustice en matière d'emploi.

Prenant note de l'assistance humanitaire apportée par le Qatar aux réfugiés libyens et somaliens, M. Cali Tzay a souhaité savoir si le pays envisageait de ratifier la Convention sur le statut des réfugiés. Il a aussi voulu connaître le nombre de cas d'apatridie au Qatar ainsi que leur cause.

La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale peut-elle être directement invoquée dans les tribunaux et les fonctionnaires du système judiciaire sont-ils sensibilisés à sa diffusion, a par ailleurs demandé le rapporteur? Dans quelle mesure l'enseignement des droits de l'homme est-il inclus dans les curricula, a-t-il également demandé?

Sur quelle base juridique se fonde l'interdiction de la propagande raciste au Qatar, notamment pour ce qui est des médias, a d'autre part souhaité savoir M. Cali Tzay?

Un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage au sujet de la loi, contre laquelle les organisations non gouvernementales s'insurgent, en vertu de laquelle une femme ne peut transmettre sa nationalité à ses enfants. Selon certaines informations, la nouvelle loi de 2007 sur le logement entraînerait une série de discriminations, s'est en outre inquiété cet expert. Il s'est ensuite enquis du nombre de personnes d'ascendance africaine au Qatar.

Un autre expert a fait observer qu'il existe au Qatar un problème d'adéquation entre les dispositions de la charia et celles des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Tout en saluant un certain nombre de mesures courageuses prises par le pays, cet expert a sollicité plus de renseignements sur les droits de succession respectifs des garçons et des filles. En vertu du Code de la famille, une femme a-t-elle le droit d'ouvrir un compte bancaire sans l'autorisation de son époux, a-t-il demandé?

Une experte a noté que le revenu annuel par habitant atteignait au Qatar 74 998 dollars et qu'aucun pays au monde ne saurait se glorifier de réalisations économiques telles que celles dont peut s'enorgueillir ce pays, dont la stature internationale dépasse largement le cadre régional. L'experte a notamment rappelé le rôle de médiation que le Qatar a joué dans le conflit du Darfour, au Soudan. Elle a toutefois regretté l'absence, dans le présent rapport, de statistiques ventilées sur les migrants, dont la fourniture aurait facilité une analyse et une évaluation plus justes des politiques ciblant cette catégorie de personnes.

Les mesures prises par le Qatar en application des dispositions de la Convention ne répondent pas toujours aux exigences de cet instrument, en particulier pour ce qui a trait à l'article 4 de la Convention, a pour sa part souligné un membre du Comité. L'article 4 de la Convention n'est pas convenablement couvert par le Code pénal, par exemple pour ce qui est des actes de violence à motivation raciste ou encore de l'idée de supériorité d'un groupe de population sur un ou plusieurs autres. L'article 256 du Code pénal punit, entre autres, les injures et insultes proférées à l'égard des religions révélées protégées par la charia, a-t-il en outre été souligné.

Plusieurs experts ont souhaité en savoir davantage au sujet de la charia et du wahabisme et de leur compatibilité avec les dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Quelle est la loi qui s'applique aux étrangers et la liberté de religion inclut-elle celle de ne pas en avoir, a-t-il notamment été demandé?

Plusieurs experts se sont également souciés du statut des migrants et des travailleuses domestiques devant la loi, en matière de naturalisation et dans les divers domaines de la vie quotidienne. Quelles mesures sont-elles prévues pour lutter contre les discriminations à l'égard des travailleuses domestiques et migrantes sans visa, a demandé une experte? Un membre du Comité a encouragé le Qatar à envisager de ratifier la Convention sur le travail décent pour les travailleurs domestiques adoptée en juin 2011 par l'OIT. Les travailleurs migrants ont largement contribué à l'essor économique du Qatar et ont bénéficié, à leur tour, de son développement économique; mais il y a encore des efforts à déployer dans le sens de leur participation inclusive dans tous les domaines, a-t-il été souligné.

Attirant l'attention sur la puissance actuelle du Qatar, qui a les moyens de défendre la double cause arabe et musulmane, un membre du Comité a mis en relief le rôle clef d'Al-Jazeera dans ce contexte, faisant observer que cette chaîne de télévision rétablit l'équilibre en réduisant quelque peu le monopole médiatique occidental. Cela a été particulièrement important dans la couverture des manifestations pacifiques dans certains pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, a-t-il commenté, avant de prier la délégation de bien vouloir veiller à faire connaître le travail du Comité dans tout le monde arabo-musulman.

Le Président du Comité, M. Alexei S.Avtonomov, a enjoint le Qatar à inclure dans son prochain rapport des informations concernant les spécificités de la jurisprudence musulmane et de l'école d'interprétation wahabite en particulier. Il a également invité le pays à réfléchir sérieusement à la question de l'octroi de la nationalité qatarienne à tous les enfants nés sur le sol qatarien.

Réponses de la délégation

S'agissant de l'éducation aux droits de l'homme, la délégation a déclaré que l'inclusion des droits de l'homme et des principes de non-discrimination dans les manuels pédagogiques et didactiques a été rendue possible par les échanges avec un large éventail d'institutions nationales et internationales et la formation du personnel dans cette optique. Des activités scolaires ou extrascolaires comme celles menées par le parlement de la jeunesse et les associations d'étudiants ont grandement contribué à cette démarche, a-t-elle précisé. Un cadre général d'enseignement des droits de l'homme a été mis sur pied qui incite à la réflexion sur les notions de d'égalité et de discrimination, de responsabilisation, de respect mutuel et de confiance en soi. Un programme de sensibilisation fondé sur un verset du Coran encourage à la connaissance des autres modes de pensées, cultures, traditions et religions. En outre, des campagnes de sensibilisation aux droits de l'homme ont été menées dans les milieux scolaires et auprès des personnels de la police, de la fonction publique et du secteur privé.

Le Bureau des droits de l'homme du Ministère des affaires étrangères est chargé du suivi de la mise en œuvre des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, a par ailleurs indiqué la délégation. Par ailleurs, un département des droits de l'homme a été établi en 2005 au sein du Ministère de l'intérieur aux fins de recevoir les plaintes et réclamations en rapport avec les activités des agents de ce Ministère; ce département a également pour mandat de sensibiliser et éduquer le personnel du Ministère aux questions de droits de l'homme.

Evoquant le cadre constitutionnel et législatif relatif à la prévention et à la lutte contre la traite de personnes, la délégation a souligné que la Constitution garantit la liberté de mouvement, l'inviolabilité, de même que la dignité et l'intégrité physique et morale de la personne. Conformément à la charia islamique, il est strictement interdit de faire commerce des êtres humains, a-t-elle en outre rappelé. Ce principe est consacré par plusieurs lois qui interdisent notamment l'emploi d'enfants dans les courses de chameaux et le trafic d'organes. L'incitation à la prostitution ou à la fornication est passible de peines d'emprisonnement, tout comme la prostitution forcée dans des maisons closes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, et la vente d'enfants ou leur utilisation comme esclaves à des fins d'exploitation sexuelle ou par le travail. Le Bureau national contre la traite des personnes a été transformé en une fondation qui œuvre à la prévention, à la protection et à la réinsertion des victimes. Cette fondation prend toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme à ce fléau, tout en offrant des soins de santé et autres services d'assistance médicale et psychologique et ce, quelle que soit l'origine des victimes. Des membres des services policiers et douaniers ont été formés et sensibilisés à ces questions et à l'identification des victimes. Un guide a également été élaboré, en plusieurs langues, à l'intention des travailleurs migrants, dans lequel ceux-ci sont notamment sensibilisés aux actes relevant de la traite des personnes. L'Université de Qatar a également tenu des conférences sur cette question.

Quant à la situation des travailleuses et travailleurs domestiques, a poursuivi la délégation, elle a fait l'objet d'une étude approfondie en vue d'évaluer leurs besoins et de concevoir un train de mesures pour les aider à faire face aux problèmes auxquels ils sont confrontés. Dans tous les cas, la loi protège ces personnes et prévoit des réparations en cas de violation de leurs droits. Créée en 1998, la Fondation qatarienne pour les femmes et les enfants est une entité privée d'utilité publique visant à la protection de ces catégories de personnes contre la violence domestique et publique, a indiqué la délégation, précisant que cette Fondation vient en aide aux personnes touchées afin de leur permettre d'échapper à la violence domestique, en leur fournissant un refuge et des services de soins, de conseils et d'assistance juridique. Plusieurs lignes vertes ont été mises en place, notamment pour le dépôt de plaintes, et la Fondation publie des bulletins d'information et une revue intitulée « Sécurité», dans le cadre de ses efforts de sensibilisation aux droits des femmes et des enfants et aux droits et libertés fondamentaux, a insisté la délégation.

La Constitution garantit l'égalité entre tous les citoyens, hommes et femmes, a par ailleurs souligné la délégation.

En vertu du Code du travail, a par ailleurs indiqué la délégation, la législation relative au travail s'applique sur une base égale aux personnes des deux sexes et, à travail égal, prévoit la parité en matière de rémunération pour les travailleurs des deux sexes.

Le Qatar compte 74 680 travailleurs qatariens pour 1 960 000 travailleurs non qatariens (c'est-à-dire étrangers), dont 1 300 000 travailleurs migrants domestiques en provenance de Sri Lanka et de l'Inde, auxquels le Code du travail ne s'applique pas, a précisé la délégation. Il n'en demeure pas moins que dans tous les cas, un contrat de travail, géré par le Ministère du travail, lie l'employeur et l'employé; en outre, des accords bilatéraux sont conclus avec les pays d'origine des travailleurs migrants. A ce jour, a indiqué la délégation, le Qatar a conclu 29 accords de ce type. Les bureaux de recrutement sont soumis à la loi et ne peuvent accepter de travailleurs sans contrat préalable, a-t-elle fait observer, ajoutant que certains de ces bureaux avaient d'ailleurs été fermés faute d'avoir respecté cette exigence. Le travailleur ne peut obtenir de visa pour le Qatar s'il ne présente pas un contrat en bonne et due forme et l'employeur pour sa part doit préciser la nature du travail pour lequel il fait venir la personne et le salaire y afférent.

Les travailleurs migrants peuvent désormais bénéficier de la gratuité des frais de transport pour le retour dans leur pays d'origine à l'occasion de congés annuels, d'un logement convenable au Qatar et de la protection médicale, entre autres, a par ailleurs fait valoir la délégation. Le Ministère effectue des inspections sur les lieux de travail et vérifie que les salaires sont dûment versés, a-t-elle souligné. Tout employeur qui n'aurait pas payé ses travailleurs en temps voulu est passible de sanctions pouvant aller jusqu'à la fermeture de son entreprise. L'accès aux soins est généralisé et gratuit pour tous les travailleurs qui détiennent une carte médicale, a insisté la délégation. Afin de garantir la qualité des soins, l'État a convenu qu'il fallait un médecin pour 500 travailleurs, a-t-elle précisé. Un manuel relatif à la sécurité sur le lieu de travail est en cours de préparation, en particulier pour le secteur de la construction (bâtiment et travaux publics) où il s'agit d'épargner aux ouvriers une trop longue exposition au soleil. S'il est établi qu'un travailleur est soumis à des conditions injustes, alors son parrainage est transféré à un autre employeur, a-t-elle expliqué. Dans ce cas, a-t-elle ajouté, l'ancien employeur a l'obligation de restituer au travailleur son passeport dans les meilleurs délais. La délégation a rappelé qu'un comité de conciliation et un comité d'arbitrage avaient été mis sur pied au sein du Ministère pour gérer les conflits collectifs de travail. Le Conseil supérieur de la magistrature a confié à plusieurs instances spécialisées du Tribunal de première instance et de la Cour d'appel la prérogative de statuer sur les plaintes des travailleurs, soit au total 3691 plaintes déposées par des travailleurs de toutes les nationalités (88% des affaires ont été résolues).

La nouvelle loi sur la kafala (ou parrainage) accorde au travailleur la possibilité de quitter le pays à sa demande, a en outre indiqué la délégation. Pour ce qui est des responsabilités du parrain, la délégation a expliqué que celui-ci a notamment l'obligation d'assurer le rapatriement du travailleur à la fin de son contrat – ou en cas d'ordre d'expulsion à son encontre. Le Ministère a par ailleurs la possibilité de transférer le parrainage. A des fins de prévention du travail forcé ou de la traite de personnes, la législation stipule qu'il est interdit de transférer le parrainage à une autre partie sans contrat et sans passer par les autorités compétentes, a souligné la délégation. Enfin, le travailleur a la possibilité de rester dans le pays encore 90 jours après la résiliation de son contrat, de manière à se voir offrir la possibilité de résoudre les questions d'ordre logistique et familial qui peuvent se poser à lui avant son départ.

S'agissant des questions de nationalité – et plus précisément de l'impossibilité pour les femmes qatariennes mariées à un étranger de transmettre leur nationalité à leurs enfants –, la délégation a reconnu que pour la transmission de la nationalité qatarienne seule la lignée paternelle est prise en considération. La délégation a par ailleurs assuré qu'il n'y avait pas de cas d'apatridie d'enfants nés de mère qatarienne mariée à un étranger puisqu'à leur naissance, ces enfants acquièrent automatiquement la nationalité de leur père.

La délégation a par ailleurs rappelé que la Constitution énonce la liberté de conscience, de religion et de pensée, ainsi que la liberté de culte pour tous. Cette protection globale a été renforcée par d'autres mesures prises au niveau de la direction politique du pays, qui accorde un rang de priorité élevé à la promotion de la tolérance. Une église chrétienne indienne a été inaugurée en mars 2009 et d'autres églises, coptes et orthodoxes, sont en phase de construction, a notamment fait valoir la délégation. Elle a rappelé que le Centre de Doha pour le dialogue interconfessionnel avait été créé pour favoriser une culture de tolérance.

S'agissant de la loi sur la diffamation de la religion musulmane ou de toute autre religion du Livre, conformément aux préceptes de la charia, la délégation a expliqué qu'outre l'islam, les deux autres religions livresques sont le judaïsme et le christianisme. Toute insulte, toute désacralisation, tout acte de vandalisme ou de profanation contre l'une ou l'autre de ces trois religions sont interdits et sévèrement punis, a fait savoir la délégation.

La Constitution n'établit aucune de discrimination du point de vue de la liberté de culte, a par ailleurs assuré la délégation.

La délégation a par ailleurs invité les membres du Comité à téléphoner aux responsables de la chaîne indépendante Al-Jazeera, qui a une section sur les libertés publiques et les droits de l'homme, aux fins de mieux faire connaître la Convention, le travail du Comité et celui d'autres organes conventionnels.

Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires à l'issue de ce dialogue, M. JOSE FRANCISCO CALI TZAY, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Qatar, a souligné que des sujets de préoccupation subsistent, s'agissant notamment de la vulnérabilité des travailleurs migrants, des non-ressortissants, des femmes et des enfants et de certains points relatifs à la législation du travail. La norme qui oblige les contrats de travail à être établis en langue arabe enfreint les droits des travailleurs originaires de pays ne parlant pas cette langue, a-t-il souligné. M. Cali Tzay a en revanche accueilli favorablement les modifications apportées à la législation du travail relativement au transfert du parrainage des travailleurs, notamment dans les cas d'abus de leurs droits et y compris sans le consentement du parrain initial. Enfin, M. Cali Tzay a indiqué qu'il aurait aimé obtenir davantage d'informations relativement à la préoccupation qu'avait exprimée la Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes quant à la crainte de représailles que ressentent certaines travailleuses domestiques victimes de trafic.


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CERD12/014F