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CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT: SON SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SOULIGNE LA NÉCESSITÉ DE REPENSER L'ENSEMBLE DU MÉCANISME ONUSIEN DE DÉSARMEMENT

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a entendu, ce matin, son Secrétaire général et Représentant personnel du Secrétaire général de l'ONU auprès de la Conférence, M. Kassym-Jomart Tokayev, ainsi que les interventions d'une dizaine de pays. La nécessité de revitaliser la Conférence était au cœur des discussions.

Le Secrétaire général de la Conférence du désarmement a fait observer qu'il semble qu'il y ait peu de probabilité que la Conférence soit en mesure, à cour terme, de surmonter les divergences existantes entre ses membres pour lancer des négociations sur l'une quelconque des questions de fond inscrites à son ordre du jour. M. Tokayev a notamment estimé qu'une réunion spéciale de haut niveau visant à revitaliser la Conférence du désarmement pourrait contribuer à accroître le niveau d'attention politique qui lui est portée. Il a aussi soutenu la création éventuelle d'un groupe de personnalités éminentes chargé d'explorer des moyens novateurs de sortir de l'impasse. Dans ce cadre, il ne serait pas extravagant d'envisager de fusionner la Conférence du désarmement et la Commission du désarmement en un nouvel organe à composition universelle qui soit en charge des questions de désarmement et doté d'un mandat à la fois de délibération et de négociation. C'est l'avenir de la Conférence qui est en jeu et il faut agir dès maintenant, a conclu le Secrétaire général de la Conférence.

L'Ambassadeur Luis Gallegos de l'Équateur, qui termine cette semaine son mandat à la présidence de la Conférence, a déclaré que tout État peut certes invoquer les questions de sécurité nationale pour ne pas négocier une convention donnée dans le domaine du désarmement; mais la paix est le patrimoine de l'humanité et il ne faut ménager aucun effort pour la préserver. La question du désarmement est une question urgente d'un point de vue à la fois moral et économique, a en outre souligné le Président. Il semble qu'un accord se dégage sur la question de l'élargissement de la Conférence, a-t-il par ailleurs fait observer. Quant à la question du traité sur les matières fissiles, les positions ne sont ni partagées ni uniformes. L'idée de placer la Conférence en suspens a reçu des réactions contrastées, a-t-il par ailleurs relevé.

Sont intervenus au cours de la séance les pays suivants: Croatie (au nom du groupe informel des États observateurs), République islamique d'Iran, Suisse, Mexique, Syrie, Égypte, Chili, États-Unis, Colombie, Philippines.


La prochaine séance plénière publique de la Conférence du désarmement se tiendra mardi 21 février 2012, à 10 heures, sous la présidence de l'Égypte.

Déclaration du Secrétaire général de la Conférence du désarmement

M. Kassym-Jomart Tokayev, Secrétaire général de la Conférence du désarmement et Représentant personnel du Secrétaire général de l'ONU auprès de la Conférence, a fait observer qu'en dépit du travail assidu fourni par la présidence, il semble qu'il y ait peu de probabilité que cette instance soit en mesure, à court terme, de surmonter les divergences actuelles entre ses membres pour lancer des négociations sur l'une quelconque des questions de fond inscrites à son ordre du jour. Dans ce contexte, M. Tokayev a indiqué partager le point de vue exprimé par le Président selon lequel il est peu probable qu'il suffirait, à ce stade, d'affiner encore les propositions existantes pour permettre à la Conférence d'avancer. Il est devenu apparent, au cours de l'actuelle présidence, qu'une fois de plus, au moins un pays ne peut pas accepter un programme de travail qui inclurait une quelconque notion de négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires. En même temps, plusieurs autres pays ne peuvent envisager un programme de travail qui exclurait un tel traité. La Conférence en est donc à tenter de résoudre la quadrature du cercle. Aucune des propositions existantes, pas même celle figurant dans le document CD/1864 ou quelque variante que ce soit qui en serait issue, ne permettra de recueillir le consensus. Cela est fort regrettable, car un mandat de négociation d'un traité sur les matières fissiles serait conforme aux priorités exprimées par la communauté internationale et constituerait une autre étape importante et logique sur le chemin d'un monde exempt d'armes nucléaires. Néanmoins, a poursuivi M. Tokayev, en l'absence d'accord en vue d'une négociation, il conviendrait de se concentrer sur des options alternatives concernant des questions sur lesquelles un terrain d'entente peut être trouvé. Il ne faut pas sous-estimer la valeur tant pratique que politique d'une réforme de procédure, a-t-il ajouté. Des mesures concrètes visant à améliorer le fonctionnement de la Conférence peuvent revêtir une grande importance d'un point de vue politique en démontrant la volonté collective de ses membres de trouver le moyen de sortir de l'impasse; elles peuvent également contribuer à instaurer la confiance.

Aussi, M. Tokayev a-t-il plaidé en faveur d'un rôle plus actif du mécanisme des «P6» (les six Présidents de la Conférence pour chaque session annuelle), faisant observer que des propositions et initiatives collectives émanant des six Présidents auraient un important poids politique. M. Tokayev a également suggéré d'envisager d'étendre la durée et de modifier la méthode de sélection de la présidence de la Conférence; des présidences plus longues et une rotation entre groupes régionaux pourraient contribuer à surmonter les défis inhérents au fréquent changement de présidence. D'autre part, une composition élargie permettrait à la Conférence d'être plus représentative et donc d'accroître sa légitimité, a poursuivi M. Tokayev.

Rappelant que certains demandent qu'à titre intérimaire, la Conférence se saisisse de questions autres que les quatre questions fondamentales, alors que d'autres craignent que cela ne détourne la Conférence de ces dernières, M. Tokayev a jugé légitime de se demander si la Conférence ne devrait pas au moins rechercher quelques résultats tangibles en attendant que se dégage une convergence de vues sur les questions fondamentales. Le moment est venu la réévaluer l'ordre du jour, qui date de 1978, afin d'assurer qu'il reflète l'environnement sécuritaire international actuel, a estimé le Secrétaire général de la Conférence. Il a indiqué considérer la réforme procédurale comme une pierre de touche pour générer la volonté politique. Aussi, M. Tokayev a-t-il apporté son soutien à la suggestion visant la nomination de trois coordonnateurs spéciaux chargés respectivement de l'ordre du jour, des règles de procédure et de la composition de la Conférence.

Affirmant par ailleurs que la situation au sein de la Conférence nécessite et mérite l'attention au niveau des chefs d'État et de gouvernement, M. Tokayev a estimé qu'une réunion spéciale de haut niveau visant à revitaliser cette instance pourrait contribuer à accroître le niveau d'attention politique qui lui est portée et mérite donc d'être examinée plus avant. M. Tokayev a appuyé la création d'un groupe de personnalités éminentes chargé d'explorer des moyens novateurs de sortir de l'impasse. Il convient de repenser de manière plus globale l'ensemble du mécanisme onusien de désarmement afin de lui assurer une plus grande efficacité. Ainsi, il ne serait pas extravagant, au vu de la situation tant de la Conférence du désarmement que de la Commission du désarmement, d'envisager de fusionner ces deux entités en un nouvel organe à composition universelle qui soit en charge du désarmement et doté d'un mandat à la fois de délibération et de négociation, a suggéré le Secrétaire général de la Conférence. Un processus visant cet objectif pourrait être engagé sur la base du plus large accord possible. La Secrétaire général de la Conférence a souligné que la gravité et les implications négatives à long terme de l'impasse actuelle ne peuvent pas et ne doivent pas être sous-estimées; dans un contexte d'austérité budgétaire, les États Membres des Nations Unies doivent être assurés que toutes les ressources sont dépensées de manière avisée et cela s'applique aussi à la Conférence du désarmement qui est financée par tous les États Membres sur le budget ordinaire de l'ONU.

De simples discussions au sein de la Conférence ne sauraient suffire pour qu'elle assume son mandat et la situation actuelle a généré un grave déficit de crédibilité et de légitimité, a souligné M. Tokayev. C'est l'avenir de la Conférence qui est en jeu et il faut agir dès maintenant, a-t-il conclu.

Résumé des débats

La République islamique d'Iran a estimé que l'absence de consensus sur la portée des négociations sur une des questions inscrites à l'ordre du jour de la Conférence ne saurait empêcher les délégations d'engager des négociations sur d'autres questions de l'ordre du jour. De l'avis de l'Iran, le lancement rapide de négociations, au sein de la Conférence, sur un programme graduel visant l'élimination complète des armes nucléaires dans le cadre d'un calendrier précis et incluant une convention sur les armes nucléaires est urgemment nécessaire. En attendant l'élimination complète des armes nucléaires, un instrument juridiquement contraignant sur des garanties de sécurité en faveur des États non dotés d'armes nucléaires devrait être recherché à titre prioritaire par le biais de l'établissement d'un comité spécial de négociation sur cette question au sein de la Conférence; les garanties négatives de sécurité sont mures pour être négociées car la négociation de cette question n'a aucune dimension technique et dépend de la seule volonté politique des États dotés d'armes nucléaires. L'Iran soutient en outre le lancement, au sein de la Conférence, de négociations visant la conclusion d'un traité juridiquement contraignant visant l'interdiction totale de la possibilité de lancer une attaque à partir de l'espace ou de lancer une guerre dans l'espace et visant la prévention de la militarisation de l'espace. Quant à la question d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire, l'Iran affirme sans ambiguïté que les questions des stocks et de la vérification devraient être couvertes par un éventuel traité.

La Suisse a déclaré que face à l'impasse dans laquelle se trouve la Conférence, il est grand temps de repenser l'approche avec laquelle sont abordés les questions et les défis à l'ordre du jour. Il convient d'incorporer les intérêts de sécurité nationale dans des concepts plus larges de sécurité et de stabilité et de compléter les approches reposant sur une compréhension de la sécurité au sens strict avec des perspectives de sécurité humaine, de droits de l'homme, de développement, de climat et de protection de l'environnement ou encore de santé globale. De l'avis de la Suisse, le document de travail CD/1929 contient des éléments de réflexion intéressants et pose des questions pertinentes. La Conférence ne devrait ménager aucun effort eu égard à sa propre revitalisation avant que des mesures drastiques, potentiellement irréversibles, ne soient prises, telles que la mise en veille de la Conférence ou le raccourcissement de ses sessions. Traiter de la question des matières fissiles pour les armes nucléaires constitue la prochaine étape importante pour aller de l'avant, a ajouté la Suisse.

La Syrie a estimé que la première priorité aujourd'hui est de poursuivre un désarmement nucléaire complet, faute de quoi ne pourra que s'accroître la course aux armements. Un des pays du Moyen-Orient possède un arsenal énorme d'armes nucléaires avec lequel il menace les pays voisins, a-t-elle rappelé. Elle a souligné que la majorité des États sont aujourd'hui conscients que rien n'empêche aujourd'hui de s'attaquer de manière équilibrée aux quatre questions essentielles de l'ordre du jour de la Conférence. Il est erroné de prétendre que l'impasse dans laquelle se trouve la Conférence serait due à son règlement intérieur ou à des règles de procédure; la preuve en est qu'en 2009, sous présidence algérienne, cette instance était parvenue à adopter par consensus un programme de travail. C'est l'absence de volonté politique qui est la raison de cette impasse, a affirmé la Syrie. Tout traité d'interdiction des matières fissiles devrait englober la question des stocks, a-t-elle ajouté. La Syrie a par ailleurs indiqué ne pas être favorable à un gel provisoire des travaux de la Conférence, ni à une réduction de la durée de sa session.

L'Égypte – qui assumera la présidence de la Conférence à partir de la semaine prochaine – a regretté que certains restent inactifs depuis trop longtemps, ce qui n'a eu pour seul résultat que de maintenir la Conférence dans l'incapacité d'engager des travaux de fond depuis 15 ans. Aussi, l'Égypte salue-t-elle les efforts déployés par la présidence équatorienne pour trouver un moyen de sortir de l'impasse et continuera-t-elle de travailler avec tous les membres de la Conférence afin d'atteindre cet objectif. Enfin, l'Égypte exprime l'espoir que d'ici le début de l'année 2013, la Conférence aura convoqué une conférence sur la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient. À cet égard, les États-Unis ont exprimé leur soutien à la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient.

Les États-Unis ont reconnu que la présidence équatorienne de la Conférence a incontestablement su dynamiser cette instance; il faut en effet réfléchir avec sérieux au sort de la Conférence. La meilleure façon de relancer la Conférence serait de tomber d'accord sur un programme de travail, en veillant à s'occuper de la question de matières fissiles.

Le Chili a constaté le désenchantement croissant face au manque de progrès enregistré à la Conférence, qui n'a, malheureusement, toujours pas repris ses fonctions de négociations visant l'élaboration d'instruments. Aussi, le Chili espère-t-il que l'engagement politique prévaudra; il faut en effet un effort politique soutenu pour parvenir à un accord. Il est évident que le document CD/1864 avait permis à un moment donné de parvenir à un consensus; aussi, de l'avis du Chili, il faudrait réadapter cet accord et le rendre viable au regard des conditions actuelles. La Colombie a pour sa part estimé que les divergences en ce qui concerne les priorités d'un programme de travail pour la Conférence ne devraient pas empêcher toute action. En effet, travailler simultanément sur deux thèmes, par exemple, qui sont «murs» - à savoir le traité d'interdiction de la production de matières fissiles et les garanties négatives de sécurité - pourrait s'avérer fructueux.

De l'avis de la Colombie, il est en outre nécessaire de nommer un coordonnateur chargé de la question de l'élargissement de la composition de la Conférence. La Suisse s'est pour sa part réjouie du soutien accru que rencontre la proposition de nommer un coordonnateur spécial sur l'élargissement de la Conférence; elle soutient aussi l'idée de donner à la société civile un rôle plus actif. Au nom du groupe informel des États observateurs, la Croatie, a insisté sur la valeur qu'aurait un élargissement de la composition de la Conférence afin de parvenir à un système démocratique et effectif de négociations multilatérales. La Conférence est mandatée pour négocier des instruments juridiquement contraignants ayant un effet universel et il est compréhensible qu'il soit refusé aux États intéressés de se joindre à ce processus. Aussi, le groupe informel des États observateurs attend-il que soit nommé un coordonnateur spécial sur la question de l'élargissement de la composition de la Conférence. Les Philippines ont également appuyé l'idée de nommer un coordonnateur spécial sur la question de l'élargissement de la composition de la Conférence.

Le Mexique a quant à lui rappelé que cette journée marque le quarante-cinquième anniversaire du Traité de Tlatelolco qui a créé la première zone exempte d'armes nucléaires au monde, dans la région d'Amérique latine et des Caraïbes. Les zones exemptes d'armes nucléaires ne constituent pas une fin en elles-mêmes; elles sont une mesure intermédiaire vers un objectif beaucoup plus ambitieux, à savoir l'élimination totale des armes nucléaires.

Déclaration du Président sortant

M. Luis Gallegos, de Équateur, qui termine cette semaine son mandat de Président de la Conférence, a indiqué qu'en assumant ce mandat au début de l'année, il savait qu'une tâche difficile l'attendait. Certes, tout État peut invoquer les questions de sécurité nationale pour ne pas négocier une convention donnée en matière de désarmement; mais il est également vrai que la paix est le patrimoine de l'humanité et qu'il ne faut ménager aucun effort pour la préserver. Le processus de réflexion sur l'avenir de la Conférence est, en tant que tel, une avancée, a-t-il poursuivi. La majorité des délégations ont clairement exprimé leurs frustrations et leur impatience face à l'impasse dans laquelle se trouve la Conférence depuis 15 ans, a-t-il rappelé, relevant que l'absence de résultats au sein de la Conférence contribue à remettre en cause sa crédibilité. La question du désarmement est une question urgente d'un point de vue à la fois moral et économique, a en outre souligné le Président. Il semble qu'un accord se dégage sur la question de l'élargissement de la Conférence, a-t-il par ailleurs fait observer. Quant à la question du traité sur les matières fissiles, les positions ne sont ni partagées ni uniformes. L'idée de placer la Conférence en suspens a reçu des réactions contrastées, a-t-il par ailleurs relevé.


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DC12/005F