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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT RÉFLÉCHIT A LA MANIÈRE D'AGIR FACE À L'IMPASSE DANS LAQUELLE ELLE SE TROUVE

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a tenu, ce matin, une séance plénière au cours de laquelle huit de ses membres sont intervenus pour faire part de leurs réflexions au sujet de l'impasse dans laquelle se trouve cette instance, des moyens d'y remédier et des propositions contenues dans le document de travail intitulé «Thèmes de réflexion», présenté la semaine dernière par la présidence sous la cote CD/1929.

Pour le Maroc, l'heure est venue de faire des concessions douloureuses mais politiquement responsables; il faut simplifier le programme de travail et se limiter à la création de groupes de travail sur les matières fissiles, sur la prévention d'une course aux armements dans l'espace, sur les garanties négatives de sécurité et sur le désarmement nucléaire – chacun de ces groupes de travail devant alors décider de son mandat sans préjuger des résultats.

La Conférence doit être en mesure de fonctionner sans FMCT (traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire), a affirmé Cuba. Un avis que les Pays-Bas, la France et la Suède ont indiqué ne pas partager. Plus que jamais, la négociation d'un traité sur l'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement demeure la clef de nouveaux progrès dans le domaine du désarmement, a déclaré la France. Le traité cut-off (sur l'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire) constitue une partie indispensable et inévitable de l'ordre du jour de la Conférence, a insisté la Suède. Le Mexique s'est pour sa part dit disposé à explorer sans préjugés les différentes dispositions d'un futur instrument sur les matières fissiles doté d'un régime de vérification efficace.

La majorité des membres de la Conférence ne cesse de rappeler que la priorité, pour le Groupe des 21, reste le désarmement nucléaire, une priorité également partagée par le Mouvement des Non Alignés, a souligné Cuba. Le Mexique a en outre rappelé que la Conférence d'examen de 2010 du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) avait engagé la Conférence du désarmement à créer un organe subsidiaire sur le désarmement nucléaire.

Pour le moment, a fait observer la République populaire démocratique de Corée, il n'y a rien qui puisse être accepté par tous les membres et cela est lié à la réticence à traiter de manière égale de toutes les questions de désarmement, ce qui a pour effet de nuire à la confiance parmi les Etats membres. Le statu quo et l'impasse ne sont pas une fatalité; il faut s'efforcer de tout mettre en œuvre pour relancer le processus de négociation au sein de la Conférence, a pour sa part déclaré la Tunisie.

Dans le contexte actuel, a estimé le Mexique, il faudrait envisager la possibilité de réduire le temps de séances de la Conférence voire de suspendre l'activité de cette instance.

Lors de la prochaine séance plénière publique de la Conférence, mardi 14 février, à 10 heures, le Directeur général de l'Office des Nations Unies à Genève et Secrétaire général de la Conférence, M. Kassym-Jomart Tokayev, fera une déclaration.


Aperçu des débats

Le Maroc a exprimé son soutien à l'objectif commun de rendre toute sa pertinence à la Conférence du désarmement en tant qu'unique organe multilatéral de négociation dans le domaine du désarmement. À cet égard, le Maroc a salué l'initiative louable de la présidence de la Conférence d'orienter les débats de cette instance sur la base du document CD/1929. L'urgence de la reprise de négociations dans le domaine du désarmement est dictée par la conjoncture internationale actuelle, marquée par une effervescence sans précédent, a souligné le Maroc, ajoutant que la confiance en la Conférence est entamée depuis que son utilité à fait l'objet de débats au sein de la Première Commission de l'Assemblée générale. La Conférence se meurt dans des querelles de procédure et dans son incapacité prolongée à se doter d'un programme de travail, a insisté le Maroc; il faut donc redonner vie à cette instance de négociation et aboutir à des résultats concrets vers un désarmement nucléaire total et complet. La formalité consistant à se doter d'un programme de travail ne doit pas être une fin en soi; la négociation sérieuse sur les différents points à l'ordre du jour de la Conférence reste le travail fondamental, a rappelé le Maroc. À défaut d'ordre d'action concrète, la survie même de la Conférence risque d'être décidée ailleurs. L'heure est donc venue de faire des concessions douloureuses mais politiquement responsables; il faut simplifier le programme de travail et se limiter à la création de groupes de travail sur les matières fissiles, sur la prévention d'une course aux armements dans l'espace, sur les garanties négatives de sécurité et sur le désarmement nucléaire – chacun de ces groupes de travail devant alors décider de son mandat sans préjuger des résultats. La revitalisation de la Conférence passe également par son ouverture à la société civile; il est en outre important d'injecter un sang nouveau à la Conférence en y acceptant de nouveaux membres. Le Maroc a par ailleurs rappelé l'objectif énoncé lors de la Conférence d'examen de 2010 du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) visant la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient. Il a en outre été rappelé, entre autres, qu'au mois de mars 2011, s'est déroulé au Maroc un exercice international simulant la réponse à un acte malveillant impliquant des matières radioactives. Le Maroc a enfin souligné que se tiendrait à Marrakech, ce mois-ci, la réunion du Groupe de planification de l'Initiative globale de lutte contre le terrorisme nucléaire (IGLTN), sous la présidence de l'Espagne.

Cuba a pour sa part rappelé l'importance que les États accordent à la Conférence, en tant que seule instance devant être chargée de négocier des instruments multilatéraux de désarmement. La recherche d'un consensus dans des instances telles que la Conférence ne s'inscrit pas dans un temps déterminé et exige des débats profonds, a souligné Cuba. Cuba ne saurait adhérer à la rupture du multilatéralisme. La majorité des membres de la Conférence ne cesse de rappeler que la priorité pour le Groupe des 21 reste le désarmement nucléaire, une priorité également partagée par le Mouvement des Non Alignés, a poursuivi Cuba. Dans ce contexte, pourquoi ne pas progresser sans discrimination sur tous les sujets qui sont jugés prioritaires pour la communauté internationale, a demandé Cuba ? Pourraient donc être entamées des négociations sur le désarmement nucléaire qui incluraient la question des matières fissiles. La majorité des États, à l'heure actuelle, ne sont pas dotés d'armes nucléaires mais ne disposent d'aucune garantie les assurant que les États qui en sont dotés ne vont pas les utiliser contre leur population. En outre, le régime juridique international existant est clair: l'espace est un bien commun de l'humanité et ne saurait être utilisé qu'à des fins pacifiques. Dans ce contexte, quelle est la difficulté qui s'oppose au développement de ces principes dans un traité confirmant clairement l'interdiction de l'utilisation de l'espace dans le cadre de la course aux armements. La Conférence doit être en mesure de fonctionner sans le FMCT, a enfin conclu Cuba.

Le Mexique a rappelé que la Conférence ne négocie plus rien depuis de nombreuses années. Il faut donc qu'elle en revienne à des négociations qui permettraient d'assurer un monde plus sûr. Un système de sécurité collectif ne peut être construit à partir de déséquilibres en termes de dissuasion nucléaire; la simple existence des armes nucléaires, leur accumulation et l'apparition de nouveaux acteurs constituent une menace permanente pour la paix et la sécurité internationales. La Conférence d'examen de 2010 du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) a engagé la Conférence du désarmement à créer un organe subsidiaire sur le désarmement nucléaire, a rappelé le Mexique. A propos des matières fissiles, le Mexique est disposé à explorer sans préjugés les différentes dispositions d'un futur instrument doté d'un régime de vérification efficace; un tel traité aurait une valeur ajouté en termes de désarmement. Il faut en outre que les États dotés d'armes nucléaires accordent des garanties négatives de sécurité aux États qui n'en sont pas dotés. S'agissant de la prévention d'une course aux armements dans l'espace, le Mexique a fait observer que les progrès scientifiques et technologiques permettent de déployer des systèmes de défense antimissile et d'autres systèmes susceptibles d'alimenter une course aux armements. Dans le contexte actuel, a enfin estimé le Mexique, il faudrait envisager la possibilité de réduire le temps de séances de la Conférence voire de suspendre l'activité de cette instance.

Les Pays-Bas ont souligné qu'il est grand temps pour les membres de la Conférence de se poser des questions pertinentes. Les Pays-Bas sont, à cet égard, disposés à participer à une discussion active sur les questions - provocantes - contenues dans le document CD/1929 présenté par la présidence. 2012 est une année critique pour la Conférence, ont rappelé les Pays-Bas, se disant prêt à envisager toutes les options, à l'intérieur de la Conférence comme à l'extérieur de celle-ci. Ne rien faire ne peut qu'éroder encore davantage cette instance et la mener à un déclin qui remettra en cause son existence même. Les Pays-Bas auraient du mal à accepter un programme de travail qui fasse de cette instance un lieu de discussions de plus, sans véritable travail de fond. Néanmoins, les Pays-Bas ne partagent pas l'avis selon lequel la Conférence pourrait fonctionner sans un FMCT.

La France, par la voix de son nouvel Ambassadeur, M. Jean Hugues Simon-Michel, a remercié la présidence de la Conférence pour ses paroles de bienvenue. La France espère que pourront être revitalisés les travaux de la Conférence. Plus que jamais, la négociation d'un traité sur l'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement demeure la clef de nouveaux progrès dans le domaine du désarmement, a déclaré la France.

La Suède a affirmé que la session de 2012 de la Conférence doit être utilisée pleinement, avec énergie et souplesse. Le traité cut-off (sur l'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire) constitue une partie indispensable et inévitable de l'ordre du jour, a-t-elle rappelé, refusant qu'un tel traité soit retiré du programme de travail. Il faut renoncer à l'habitude des pré-négociations voire des pré-pré-négociations, a poursuivi la Suède. Placer la Conférence en mode stand-by (c'est-à-dire en suspens) risque de mener à la réduction des ressources mises à disposition du désarmement et donc à l'érosion de l'esprit de Genève, a averti la Suède.

La République populaire démocratique de Corée a réitéré tout son soutien à la présidence équatorienne de la Conférence dans ses efforts en vue de faire avancer la Conférence de manière déterminante en 2012. La République populaire démocratique de Corée est disposée à se rallier à l'idée émanant du document CD/1929 présenté la semaine dernière par la présidence de la Conférence. Toutefois, pour le moment, il n'y a rien qui puisse être accepté par tous les membres et cela est lié à la réticence à traiter de manière égale de toutes les questions de désarmement, ce qui a pour effet de nuire à la confiance parmi les Etats membres. Il faut donc s'attaquer à toutes les causes qui entravent le progrès au sein de la Conférence.

La Tunisie a assuré la présidence et les membres de la Conférence de sa pleine coopération et a félicité la présidence équatorienne de cette instance pour les initiatives qu'elle a prises. Faute de consensus, les membres de la Conférence ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur un programme de travail; il y a là un constat d'échec à poser. La léthargie qui caractérise la Conférence ne doit pas laisser insensible alors que le monde vit des bouleversements extraordinaires, a poursuivi la Tunisie. Il faut donc plus que jamais faire preuve de responsabilité et ne pas se dérober à la mission essentielle qui est de négocier et négocier encore, précisément parce que les vues sont divergentes. Le statu quo et l'impasse ne sont pas une fatalité; il faut s'efforcer de tout mettre en œuvre pour relancer le processus de négociation au sein de la Conférence.


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DC12/007F