Aller au contenu principal

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE POPULAIRE LAO

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de la République démocratique populaire lao sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M. Chaleun Yiapaoheu, Ministre lao de la justice, a indiqué qu'une série de lois nouvelles, ainsi que des amendements apportés à la législation existante, ont visé une harmonisation de la législation nationale avec les normes internationales. La Constitution, la législation et les règlements s'appliquent à tous les citoyens, sans exception ni discrimination d'aucune sorte, a-t-il souligné. Dans la plupart des cas, les petits groupes ethniques ont la priorité en termes d'accès aux emplois générés par les grands travaux entrepris dans les provinces, a en outre fait valoir le Ministre. Les groupes ethniques qui sont touchés par de grands projets de développement reçoivent une assistance appropriée, tout comme ceux qui sont concernés par les programmes de délocalisation visant à la relocalisation des populations des zones montagnardes isolées dans des zones plus clémentes où elles peuvent bénéficier de logements et d'infrastructures de base dans le cadre de projets de développement. Le Ministre a aussi indiqué que le droit à l'éducation sans discrimination raciale ou ethnique est également garanti par l'article 22 de la Constitution de 2003. Le pays compte par ailleurs 11 internats ethniques primaires destinés à favoriser l'accès à l'éducation pour les enfants des zones rurales et des villages difficiles d'accès. La Stratégie nationale de croissance et d'élimination de la pauvreté vise, avant tout, à apporter une assistance aux régions montagneuses reculées. En conclusion, le Ministre lao de la justice a déploré que des personnes mal intentionnées donnent une image erronée du pays.

La délégation lao était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l'éducation et des sports et de membres du Parlement.

Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, notamment, de la situation des groupes ethniques, au regard, en particulier, des grands travaux d'infrastructures et d'exploitation minière et de la politique de relocalisation les concernant; des disparités entre zones urbaines et zones rurales et reculées; des questions d'éducation; de la traite de personnes; de la corruption; ou encore de la définition et de l'incrimination de la discrimination raciale et des délits relevant de la Convention.

Présentant des observations préliminaires à l'issue de ce dialogue, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République démocratique populaire lao, M. Régis de Gouttes, a rendu hommage aux qualités du peuple lao, avant d'indiquer que les observations finales qu'adoptera le Comité traiteront des aspects positifs mais comporteront également des recommandations s'agissant des efforts qui restent à accomplir dans différents domaines, dont certains ont été mentionnés par le Groupe du travail du Conseil des droits de l'homme chargé de l'Examen périodique universel: promotion de l'éducation, de la formation et des soins de santé à l'intention des groupes ethniques; consultation, réparation et dédommagement des groupes déplacés; établissement d'une commission nationale des droits de l'homme; ou encore liberté de religion ou de conviction. Des recommandations devraient également être adressées au pays s'agissant de la nécessité d'une définition plus précise de la discrimination raciale, conformément à l'article premier de la Convention, et de la nécessité d'une réforme du Code pénal afin de redéfinir l'ensemble des crimes de racisme et de discrimination raciale.

Le Comité présentera à l'issue de la session ses observations finales sur le rapport de la République démocratique populaire lao.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Qatar.


Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays (CERD/C/LAO/16-18), M. CHALEUN YIAPAOHEU, Ministre de la justice de la République démocratique populaire lao, a souligné que la République démocratique populaire lao, partie à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale depuis 1974, attachait la plus grande importance à la mise en œuvre de cet instrument. Le pays s'est employé à l'application de toutes les observations finales et recommandations formulées par le Comité en 2005, a-t-il ajouté. Une série de lois nouvelles, ainsi que des amendements apportés à la législation existante, ont pris en compte les obligations du pays au regard de la Convention et ont visé une harmonisation de la législation nationale avec les normes internationales. Ces dernières prévalent sur le droit interne, pour autant qu'elles soient conformes à la Constitution, a précisé le Ministre. Le présent rapport, a-t-il poursuivi, dresse un bilan détaillé des succès de la République démocratique populaire lao dans la lutte contre la discrimination raciale, en particulier dans le contexte des mesures prises quant aux droits et principes contenus dans les articles 1 à 8 de la Convention. Il a expliqué que le retard pris dans la soumission des rapports au Comité était dû au manque de ressources et d'expérience.

Le Ministre a ensuite fourni un aperçu des mesures garantissant l'égalité des chances, un traitement égal devant les tribunaux et autres administrations, le droit à l'inviolabilité de la personne physique, la liberté de mouvement et de résidence à l'intérieur des frontières, la liberté de voyager à l'intérieur et à l'étranger, le droit à la nationalité, le droit au mariage, le droit à la propriété foncière, la liberté d'association, le droit d'héritage, ainsi que la liberté de pensée, de conscience et de religion. Tous ces droits sont garantis aux termes de la Constitution, a-t-il affirmé, tout comme les droits économiques, sociaux et culturels, le droit de créer des syndicats ou encore le droit au logement et le droit d'accès aux soins de santé, à la sécurité sociale, aux services sociaux et à l'emploi. Dans la plupart des cas, les petits groupes ethniques ont la priorité en termes d'accès aux emplois générés par les grands travaux entrepris dans les provinces, a fait valoir le Ministre de la justice. Ainsi, le projet minier dans le district de Xepone emploie-t-il 91% de Lao parmi lesquels 60% sont issus des zones situées à proximité du projet. Cela est également vrai pour le Projet du Phou Bia, a-t-il indiqué.

Le droit à l'éducation sans discrimination raciale ou ethnique est également garanti par l'article 22 de la Constitution de 2003, a poursuivi M. Yiapaoheu. Le Gouvernement lao encourage l'investissement privé dans le développement de l'éducation nationale et la Loi sur l'éducation, adoptée en 2007, assure des conditions d'éducation propices à tous les groupes ethniques, particulièrement pour les populations vivant en milieu rural et dans les zones reculées, les filles et les enfants défavorisés. Pour l'année scolaire 2010-2011, a précisé le Ministre de la justice, le nombre d'élèves scolarisés de la maternelle à la fin de l'enseignement secondaire s'élevait à 1 491 691, dont 925 432 appartenant au groupe ethno-linguistique lao-thaï, 37 479 au groupe linguistique sino-tibétain, 353 838 au groupe linguistique môn-khmer et 172 244 au groupe hmong-iu mien. Un Centre d'éducation inclusive a également été mis en place, a ajouté M. Yiapaoheu. La République démocratique populaire lao compte par ailleurs 11 internats ethniques primaires destinés à favoriser l'accès à l'éducation pour les enfants des zones rurales et des villages difficiles d'accès. Dans le cadre de l'application de la Convention, les programmes de l'enseignement primaire et secondaire sont accès sur une éducation à la diversité, de manière à former des patriotes qui veillent à la non-discrimination et se respectent mutuellement.

Le Ministre de la justice a ensuite expliqué que la République démocratique populaire lao était l'État, indivisible, de tous les groupes ethniques et que la Constitution, la législation et les règlements s'appliquaient à tous les citoyens, sans exception ni discrimination d'aucune sorte. La Commission des affaires ethniques de l'Assemblée nationale et les tribunaux populaires contribuent pour beaucoup à assurer l'égalité et la non-discrimination entre les races et les groupes ethniques du pays, a-t-il insisté.

Les groupes ethniques qui sont touchés par de grands projets de développement reçoivent une assistance appropriée, tout comme ceux qui sont concernés par les programmes de délocalisation visant à la relocalisation des populations des zones montagnardes isolées dans des zones plus clémentes où elles peuvent bénéficier de logements et d'infrastructures de base dans le cadre de projets de développement. Cette politique contribue aussi à mettre un terme à la culture sur brûlis qui a des effets préjudiciables sur l'environnement dans les zones mentionnées, a ajouté M. Yiapaoheu. Elle vise à créer des conditions favorables pour les groupes ethniques les moins nombreux en améliorant durablement leurs moyens de subsistance, a-t-il insisté. Il a fait valoir, à titre d'exemple, que tous les groupes ethniques des villages du district de Viengthong, où vivent également des Hmong, jouissent de la liberté de pratiquer leurs coutumes et traditions, sont autosuffisants en nourriture et ont accès à l'électricité, à l'eau potable et à un emploi stable. La Stratégie nationale de croissance et d'élimination de la pauvreté vise, avant tout, à apporter une assistance aux régions montagneuses reculées, a souligné le Ministre. Avec l'implication de la communauté internationale, par le biais de l'aide au développement et grâce aux efforts nationaux, des programmes ont été conçus pour créer des villes modèles dans des zones rurales, a-t-il précisé. L'objectif de réduction de la pauvreté est à la base des efforts de développement déployés par le Gouvernement lao au cours des trente dernières années et s'inscrit dans le cadre des plans nationaux de développement économique et social, a rappelé le Ministre.

Pour faciliter les déplacements transfrontières des citoyens, les points de contrôle ont été multipliés et le Gouvernement lao a conclu des accords avec un certain nombre de pays, y compris avec des membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), a par ailleurs expliqué M. Yiapaoheu, avant d'assurer qu'aucune difficulté n'est faite aux citoyens qui désirent retourner au Laos.

La loi sur la nationalité stipule que tous les ressortissants y ont droit indépendamment de leur appartenance ethnique, a d'autre part indiqué le Ministre lao de la justice. En outre, a-t-il poursuivi, il est interdit de forcer ou d'empêcher un mariage et rien dans la législation n'interdit le mariage mixte. Il a également souligné que les groupes ethniques jouissent du droit d'utiliser la terre. La tradition en matière d'héritage varie selon les groupes ethniques, a par ailleurs indiqué le Ministre. L'article 8 de la Constitution stipule que toutes les ethnies ont le droit de préserver et de développer leurs riches coutumes, traditions et cultures. Est en outre interdit tout acte de division ou de discrimination entre les ethnies, a ajouté le Ministre de la justice. La Constitution définit par ailleurs le mandat des organisations de masse et de la société civile comme l'Union de la jeunesse révolutionnaire, l'Union des femmes et la Fédération des syndicats. Les citoyens lao ont aussi le droit de croire ou de ne pas croire en une religion, a rappelé le Ministre de la justice. Quant aux activités de la presse, elles sont régies par la loi sur les médias, laquelle garantit la liberté d'expression et d'opinion, sauf pour ce qui est de la propagande incitant à la haine et à la violence.

Aucune loi ne refuse l'accès aux services publics à un groupe ethnique donné, qu'il s'agisse d'accès aux transports, à l'administration, aux cafés, théâtres, restaurants ou autres lieux publics, a par ailleurs souligné M. Yiapaoheu.

Le Ministre lao de la justice a ensuite affirmé que la classification des groupes ethniques en trois groupes (Lao Theung, Lao Soung et Lao Loum) était une erreur du passé. Il a indiqué que l'Institut d'anthropologie et de recherche sur les religions, créé au sein de l'Académie nationale des sciences sociales, avait mené une étude scientifique sur les groupes ethniques de la République démocratique populaire lao, à laquelle avaient participé des représentants des petits groupes ethniques. Cette étude a recommandé de classer les groupes ethniques du pays en quatre grands groupes ethnolinguistiques, eux-mêmes subdivisés en 49 groupes ethniques, a-t-il expliqué, avant de préciser qu'en décembre 2008, l'Assemblée nationale avait fait siens les résultats de cette étude.

M. Yiapaoheu s'est félicité des progrès considérables accomplis par son pays, eu égard, particulièrement, au bond enregistré par la croissance économique, accompagné d'un recul de la pauvreté extrême. Les familles pauvres ne représentent désormais plus que 18% de la population et le taux de mortalité des enfants a considérablement chuté, a-t-il fait valoir.

Enfin, le Ministre de la justice a fait valoir que la septième législature compte 132 membres dont 99 appartiennent au groupe linguistique lao-thaï, 5 au groupe sino-tibétain, 7 au groupe hmong-iu mien et 7 au groupe môn-khmer. Le nombre de femmes députées, en hausse, atteint 33, soit 25% de l'Assemblée. L'une des institutions qui contribue le plus à la lutte contre les disparités et la discrimination est le Front lao d'édification nationale, qui a célébré son soixantième anniversaire en 2010, a ajouté M. Yiapaoheu.

En conclusion, le Ministre lao de la justice a déploré que des «personnes mal intentionnées [aient] fourni une image erronée du pays» en envoyant au Comité des communications dénuées de tout fondement. Le Gouvernement lao a condamné ces activités et fait part de son attachement à des procédures fondées sur les faits et sur la réalité du pays, a-t-il souligné. Les allégations de mauvais traitements à l'encontre des Hmong notamment, transmises par ces groupes mal intentionnés, sont infondées et contribuent à ternir l'image de la République démocratique populaire lao à l'échelle internationale, a-t-il insisté. Avec un dialogue ouvert et franc avec les membres du Comité, le pays poursuivra ses progrès dans la mise en œuvre de la Convention, a-t-il assuré.


Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. RÉGIS DE GOUTTES, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de la République démocratique populaire lao, s'est félicité de la réponse fournie par le pays, le 19 mai 2006, aux questions et recommandations de mars 2005 émanant du Comité. Tout en tenant compte des difficultés traversées par ce pays depuis 1985 et du manque de personnel administratif dont il a souffert, il convient néanmoins de souligner que l'absence de rapports émanant de la République démocratique populaire lao a duré 20 ans. Par conséquent, a rappelé M. de Gouttes, le Comité avait eu recours à la procédure dite d'alerte rapide et d'action urgente, au vu notamment des informations faisant état d'une persistance de mauvais traitements et d'actes de violence à l'encontre de la minorité ethnique Hmong.

Il a rappelé les renseignements qui figurent dans le document de base, indiquant que sur une population de 6,44 millions d'habitants, majoritairement agricole, il existe 49 groupes ethniques subdivisés en 4 groupes ethno-linguistiques - lao-thaï (majoritaire), puis môn-khmer, sino-tibétain et hmong-iu mien. En outre 67% de la population est bouddhiste, 20% animiste, 1,5% chrétienne; on trouve également dans le pays 8000 Baha'ïs et 550 Musulmans.

M. De Gouttes a relevé que tant la croissance économique que l'ouverture au commerce international avaient généré une disparité accrue entre les riches, citadins, et les populations rurales, restées pauvres. Au plan social, a-t-il souligné, la grande question est celle de l'intégration des populations ethniques de ces zones rurales et montagneuses et de leur déplacement - ou relocalisation -, en particulier pour ce qui est de la minorité hmong, mais aussi pour d'autres minorités comme les Mien, les Khmu, les Iu, entre autres. M. de Gouttes a rappelé que le Comité avait demandé à la République démocratique populaire lao de mieux reconnaître les droits des personnes appartenant aux minorités et aux communautés autochtones, en les mettant en conformité avec le droit international en la matière.

M. de Gouttes s'est ensuite enquis de ce qu'il en était de la création d'une institution nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris. Qu'en est-il également du respect de l'Article 4 de la Convention, a-t-il demandé? Il s'est en outre enquis du sort des 4500 Hmong rapatriés à l'issue d'un accord conclu avec la Thaïlande, rappelant que ces Hmong avaient fui le Laos après 1975.

Le rapporteur a ensuite mis l'accent sur un certain nombre d'éléments positifs, citant notamment la ratification par le pays, en 2009, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention sur les droits des personnes handicapées. Il reste toutefois à la République démocratique populaire lao à ratifier la Convention contre la torture, la Convention sur la protection des personnes contre les disparitions forcées, celle de 1951 sur le statut des réfugiés, ainsi que les conventions de 1954 et 1961 sur les apatrides et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, a-t-il fait observer. La République démocratique populaire lao a amélioré ses rapports avec les organes conventionnels, progressé dans la protection de la liberté d'association et permis une meilleure autonomie pour les organisations de la société civile lao, a-t-il poursuivi. Des préoccupations demeurent néanmoins au sujet de la liberté d'expression, de la liberté de culte (pour les religions encore soumises à une étroite surveillance) et de la liberté de la presse, a ajouté M. de Gouttes. Font également encore problème la corruption, le maintien de la peine de mort en droit interne et les conditions de détention des prisonniers politiques et des toxicomanes – en particulier dans le Somsanga Treatment and Rehabilitation Centre, en périphérie de Vientiane.

M. De Gouttes a ensuite attiré l'attention sur les allégations faisant état de viols et de sévices physiques dont des femmes et adolescentes hmongs auraient été victimes, le 19 mai 2004, aux mains d'agents de l'armée populaire lao dans la zone militaire de Xaisomboune et sur les conclusions respectives des ONG et des autorités s'agissant de cette affaire, une enquête ayant conclu que l'affaire avait été «montée de toutes pièces».

Le rapporteur a souhaité obtenir plus précisions au sujet des programmes de relocalisation et s'est enquis du consentement préalable des populations concernées par la construction du barrage Nam Theun (NTC 2) et par le projet d'extraction d'or et de cuivre dans le district de Xepone. Il s'est aussi enquis du suivi donné à la visite et aux conclusions de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction.

Comment les internats ethniques sont-ils organisés et l'affectation des enfants dans ces internats se fait-elle avec l'assentiment de leurs familles, a par ailleurs demandé M. de Gouttes?

Dans quelle mesure les «organisations de masse» comme l'Union des femmes, l'Union de la jeunesse ou encore la Fédération des syndicats jouissent-elles d'une autonomie et quels sont leurs liens avec le Parti populaire révolutionnaire lao (PPRL), a également demandé le rapporteur? Il a en outre soulevé un certain nombre de questions relatives aux traditions successorales discriminatoires à l'égard des femmes et à la procédure de titularisation des terres.

D'autres membres du Comité se sont eux aussi intéressés au fonctionnement des internats ethniques. Dans quelle mesure cette pratique fait-elle partie des efforts d'intégration des minorités et non d'une politique délibérée d'éloignement des enfants visés de leurs communautés, a-t-il été demandé?

La République démocratique populaire lao est-elle disposée à accepter la visite d'autres rapporteurs spéciaux dans le but de faire la lumière sur certaines allégations graves de discrimination à l'égard de certains groupes, a demandé un membre du Comité?

Une experte s'est interrogée sur le caractère positif des mesures spéciales adoptées par le Gouvernement en matière de relocalisation.

Un membre du Comité a dressé l'inventaire des allégations de discrimination à l'encontre de la minorité hmong et a récapitulé l'historique de leur examen par le Comité. Il a déploré que la République démocratique populaire lao n'ait toujours pas répondu aux questions du Comité dans ce contexte.

Un expert s'est enquis des causes du taux de chômage élevé qui prévaut chez les jeunes ruraux et les populations reculées. Cet expert a ensuite déploré la persistance d'une filière de traite de personnes et de commerce sexuel de jeunes femmes entre la République démocratique populaire lao et la Thaïlande, faisant observer que les jeunes filles victimes seraient surtout originaires des zones pauvres et éloignées du pays. Enfin, l'expert s'est enquis des efforts déployés par le Gouvernement pour lutter contre les pratiques de corruption.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué qu'en République démocratique populaire lao, une procédure permet à toute personne comparaissant devant un tribunal et ne parlant pas lao de bénéficier de services d'interprétation. La législation stipule que ces services sont mis à disposition gratuitement. D'autre part, toute personne peut déposer une plainte, y compris contre l'administration ou les organismes étatiques, par le biais de plusieurs canaux. Un mécanisme a été établi qui prévoit que toute autorité administrative peut être saisie de plaintes et toute personne, y compris les populations vivant dans des zones reculées, peuvent recourir à ce mécanisme, a indiqué la délégation. L'Assemblée nationale elle-même peut également être directement saisie d'une plainte, par écrit, a-t-elle ajouté.

S'agissant des groupes ethniques et de leur représentation, la délégation a fait valoir que c'est actuellement une femme hmong qui préside l'Assemblée nationale. Plusieurs membres de la minorité hmong sont en outre présents dans les différents ministères et dans l'armée et un certain nombre d'entre eux occupent des postes diplomatiques. Les Hmongs sont présents dans toutes les professions, a insisté la délégation, soulignant la prévalence, dans le pays, du principe d'égalité des chances pour tous, sans distinction aucune fondée sur l'origine ou l'appartenance ethnique. Selon les statistiques de 2005, le nombre de Hmongs en République démocratique populaire lao s'établit à 451 090.

Les différents groupes ethniques vivent sur le territoire lao depuis des siècles et ont toujours coexisté pacifiquement, a par ailleurs assuré la délégation. Les concepts de «majorité» et de «minorité» n'existent pas dans la culture lao, ce qui est d'ailleurs enseigné à tous les niveaux et dès le plus jeune âge, a-t-elle expliqué. L'histoire du pays n'a jamais été marquée par la prédominance d'un quelconque groupe donné, car cela n'aurait fait qu'aboutir à des scissions, a-t-elle poursuivi. A la proclamation de l'indépendance, à l'issue de la guerre, il a fallu réapprendre à la population à cohabiter sans violence, a ajouté la délégation.

Si un différend a trait à la discrimination raciale, les autorités s'efforcent de recourir à un médiateur, a ensuite indiqué la délégation, précisant que des comités de médiation sont présents dans les villages dans cette optique. Les tribunaux ne sont jamais saisis d'affaires pénales de ce type, mais il est toujours envisageable d'avoir recours au pénal, c'est-à-dire de se fonder sur le Code pénal, pour régler certains différends, a souligné la délégation.

Au sujet de la visite de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, la délégation a indiqué que cette titulaire de mandat s'était entretenue avec plusieurs dignitaires lao et avait pu se rendre dans des centres de détention et s'entretenir avec des détenus. Le Gouvernement s'est efforcé de donner suite aux recommandations de cette rapporteuse relativement à la liberté de religion ou de conviction, a souligné la délégation.

Les questions afférentes aux migrations de populations doivent être abordées avec prudence, a poursuivi la délégation, évoquant les migrations volontaires pour raison économique ainsi que les relocalisations de populations dans le cadre du Plan national de développement ou lors de grands projets de développement. Le Gouvernement attache une grande importance à l'aménagement rural, surtout pour les zones éloignées et montagneuses, a-t-elle souligné. Le septième Plan de développement met l'accent sur les projets ciblant les régions du nord du pays, a-t-elle précisé. Les membres des communautés ethniques qui sont touchées par de grands projets de développement sont dédommagés, conformément à la loi et à un décret du Premier Ministre datant de 2006. La délégation a attiré l'attention sur la politique visant l'établissement de groupes de villages de développement, afin de pallier la faible densité démographique dans les zones reculées – il faut parfois deux à trois jours de marche pour se rendre d'un hameau à un autre – et d'être en mesure de fournir des services aux communautés ethniques des zones éloignées et montagneuses. Ont été offerts à ces communautés des terres arables et une formation à des activités génératrices de revenus, a fait valoir la délégation. Il est évident que cette politique implique des déplacements de populations; mais cette politique de réinstallation et de développement humain reste néanmoins la meilleure approche aux yeux des autorités, a estimé la délégation.

La délégation a par ailleurs souligné qu'une politique s'appuyant sur plusieurs textes législatifs a été conçue et mise en œuvre qui vise à atténuer les effets des grands projets de développement sur les populations locales, qu'il s'agisse d'extraction minière, de centrales hydroélectriques ou de mise en place de grandes surfaces cultivables. Pour ce qui est activités minières, notamment d'extraction d'or, dans les régions du Phou Bia et de Xepone, la délégation a assuré que le Gouvernement lao s'efforce de prévenir les éventuelles répercussions néfastes des investissements y afférents. Le Gouvernement veille aussi à prévenir dans ce contexte toute discrimination raciale à l'encontre des groupes ethniques, lesquels ont été préalablement consultés et sont dédommagés de manière juste et équitable. En règle générale, le Gouvernement veille à la responsabilisation éthique et écologique des entreprises nationales ou étrangères qui opèrent dans le pays et des négociations ont lieu avec les représentants des groupes touchés, a assuré la délégation.

La délégation a mis l'accent sur le caractère titanesque de la tâche consistant à faire front à toute une série de problèmes émergents mais n'en a pas moins assuré qu'il existe une volonté politique, à tous les niveaux du pouvoir, de faire face à tous les problèmes structurels qui peuvent se poser au pays, y compris pour ce qui est des répercussions des méga-projets d'infrastructures, de la transparence des concessions offertes dans ce contexte et de la préservation simultanée des intérêts de la population.

Le maître mot pour le pays est l'égalité des chances entre toutes les composantes de la société, y compris tous les groupes ethniques, a insisté la délégation. Les différends qui peuvent surgir sont d'ordre foncier ou économique, car il n'existe aucun sentiment de discrimination ou de «minorités au sein d'une majorité», a-t-elle insisté.

La Constitution garantit la liberté d'expression et d'accès à la presse et jamais dans l'histoire du pays le Gouvernement n'a eu recours au brouillage des émissions radiophoniques ou télévisuelles, a par ailleurs fait valoir la délégation. La presse écrite se développe a un rythme effréné et les médias font partie des secteurs en pleine expansion, a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne le rapatriement de Thaïlande des migrants illégaux hmongs, la délégation a expliqué que ces personnes avaient été victimes de la traite des êtres humains mais aussi qu'elles étaient parties en Thaïlande pour des raisons économiques. Un accord avec ce dernier pays a été signé et un village a été mis en place à la frontière pour accueillir ces personnes de retour en République démocratique populaire lao; des facilités de transport leur ont ensuite été offertes pour les ramener dans leurs districts d'origine et l'équivalent d'un mois de salaire leur a également été offert.

La traite des personnes est douloureuse dans un pays comme la République démocratique populaire lao, enclavé et «pris en sandwich» entre de grands pays qui sont en pleine croissance; le trafic de femmes et d'enfants est présent dans tous les pays de la région, a souligné la délégation. Il s'agit donc d'un problème régional et transnational qui, à l'instar du trafic d'organes, requiert une approche concertée. L'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) a créé plusieurs mécanismes pour faire face à cette problématique et s'efforce d'y associer la Chine sans laquelle il ne serait pas possible d'enrayer ce phénomène, a ajouté la délégation. Un traité de rapatriement des victimes de la traite a été signé avec la Thaïlande et des centres d'hébergement permettent aux victimes de se former à un métier, a de nouveau souligné la délégation.

En ce qui concerne la corruption, qu'elle a reconnu être un autre fléau régional, la délégation a souligné que les fonctionnaires publics sont tenus de déclarer leurs biens. Il y a eu plusieurs procès pour corruption et les coupables ont été démis de leurs fonctions voire condamnés à des peines d'emprisonnement.

Face aux allégations persistantes de mauvais traitements et de discriminations, la délégation a rappelé que plusieurs groupes de travail avaient décidé de classer ces allégations comme étant infondées. Evoquant l'affaire des cinq adolescentes hmongs présumées violées et assassinées par des soldats de l'Armée populaire, la délégation a fait état d'une vidéo enregistrée par une seule personne et qui, en réalité, reste muette sur le lieu exact des faits allégués. La délégation a rappelé que le Ministère de la défense avait mis en place une équipe spéciale, composée de hautes personnalités de l'armée et de la police, pour enquêter sur cette affaire; à l'issue de cette enquête, a-t-elle précisé, le Ministère a conclu que l'équipe spéciale n'ayant obtenu aucun détail sur cette plainte, il paraîtrait que celle-ci soit infondée et ne soit qu'une pure fabrication dont l'objectif est de ternir l'image de l'Armée populaire lao.

Après avoir rappelé la définition de la discrimination que fournissent la Constitution et les principaux textes législatifs du pays, la délégation a souligné que tous les groupes ethniques ont le droit de protéger et de promouvoir leur culture et celle de la nation.

En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a rappelé que la scolarité dure 12 années et que les cinq premières années sont obligatoires. Elle a réitéré l'objectif consistant pour le pays à atteindre d'ici 2015 l'universalité de l'éducation de base. Les internats ou «pensionnats» ethniques accueillent plus de 7000 élèves et les enfants qui vivent à proximité de ces internats peuvent aussi les fréquenter, dans le cadre du concept d'inclusion. Les principes appliqués dans ces internats sont les mêmes que ceux qui sont appliqués dans le système général d'éducation, avec une politique de recrutement inclusive mettant l'accent sur le recrutement des femmes des différentes communautés ethniques.

La délégation a par ailleurs indiqué que tous les traités relatifs aux droits de l'homme auxquels le pays a adhéré ont été traduits et que des séminaires, ateliers et débats ont été organisés dans le cadre de la formation des personnels pertinents en matière de respect des dispositions desdits traités.

S'agissant de l'aménagement du territoire dans un pays enclavé comme la République démocratique populaire lao, la délégation a affirmé que les aménagements associés aux réseaux routiers et ferroviaires étaient bons et a indiqué que des accords avaient été signés avec les pays voisins pour faciliter les communications et les activités économiques et commerciales avec l'extérieur. Les paysages nationaux sont extraordinaires et le tourisme est en plein essor, a poursuivi la délégation.

Un membre du Comité ayant souhaité savoir si le Code pénal lao prévoyait des mesures contre les discours de haine, la délégation a renvoyé à certaines dispositions de la Constitution et aux articles pertinents du Code pénal. La République démocratique populaire lao ne connaît pas d'actes de discrimination raciale mais, à titre préventif, n'en entend pas moins parfaire sa législation relative à la discrimination raciale, a ajouté la délégation.


Observations préliminaires

Présentant ses observations préliminaires en fin de dialogue, le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de la République démocratique populaire lao, M. RÉGIS DE GOUTTES, a rendu hommage aux qualités du peuple lao, évoquant la profonde gentillesse de ce peuple, dont les paroles «sont douces à entendre». Il a rappelé que le Comité adoptera ultérieurement et collégialement, à huis clos, ses observations finales, qui traiteront des aspects positifs mais comporteront également des recommandations s'agissant des efforts qui restent à accomplir dans différents domaines, dont certains ont été mentionnés par le Groupe du travail du Conseil des droits de l'homme en charge de l'examen périodique universel: promotion de l'éducation, de la formation et des soins de santé à l'intention des groupes ethniques; consultation, réparation et dédommagement des groupes déplacés; établissement d'une commission nationale des droits de l'homme; ou encore liberté de religion ou de conviction. Des recommandations devraient également être adressées à la République démocratique populaire lao s'agissant de la nécessité d'une définition plus précise de la discrimination raciale, conformément à l'article premier de la Convention, et de la nécessité d'une réforme du Code pénal afin de redéfinir l'ensemble des crimes de racisme et de discrimination raciale, a conclu le rapporteur.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CERD12/013F