Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU TURKMÉNISTAN
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Turkménistan sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, M. Batyr Erniyazov, Premier Vice-Ministre de la justice du Turkménistan, a souligné que le Turkménistan condamne toutes les formes de discrimination et a rappelé que l'histoire du pays est caractérisée par la coexistence et le respect mutuel. Depuis son indépendance en 1991, le pays poursuit la voie de la construction d'une société transparente, reposant sur un système démocratique ouvert à tous et juste. Il n'y a pas au Turkménistan de discrimination à l'encontre des minorités ethniques, a poursuivi M. Erniyazov. D'importants textes de lois ont été adoptés dernièrement dans le cadre de réformes visant au bien-être de l'ensemble du peuple turkmène. Au Turkménistan, les ressortissants étrangers jouissent des mêmes droits que les citoyens. En outre, la liberté de religion ou de conviction est respectée. Par ailleurs, un citoyen du Turkménistan ne peut pas être empêché de quitter le territoire national ou d'y entrer, en vertu de modifications apportées à la législation en la matière, qui était auparavant plus restrictive de ce point de vue. Le Parlement turkmène a en outre adopté une résolution sur les apatrides et des décrets présidentiels afférents à la naturalisation ont été signés; 16 000 réfugiés et personnes déplacées qui vivaient en permanence sur le territoire ont ainsi pu bénéficier de la nationalité turkmène. Le Premier Vice-Ministre de la justice a fait part de l'intention du pays de poursuivre cette politique de naturalisation des apatrides.
La délégation turkmène était également composée de représentants du Ministère de la justice; du Ministère de la santé; de l'Institut national pour la démocratie et les droits de l'homme; et de la Mission permanente du Turkménistan auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux membres du Comité des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, l'Institut national pour la démocratie et les droits de l'homme et les mécanismes de recours mis à disposition des citoyens; l'égalité de traitement de tous; la liberté de circulation, eu égard au système de la propiska; les questions de nationalité; les questions linguistiques; ou encore l'accès à Internet.
Présentant en fin de dialogue des observations préliminaires sur le rapport turkmène, le rapporteur du Comité chargé de l'examen de ce rapport, M. Ion Diaconu, s'est réjoui d'apprendre qu'une personne sous le système de la propiska peut se déplacer librement. Il s'agit désormais pour le Turkménistan de veiller à l'amélioration des relations avec les minorités et de déployer davantage d'efforts pour préserver leurs langues, a-t-il souligné. Il convient en outre pour le pays de veiller à ce que la procédure de dépôt de plaintes ne souffre aucune discrimination.
Le Comité rendra publiques ses observations finales sur le rapport du Turkménistan à la fin de sa session, le vendredi 9 mars prochain.
Lundi prochain, 27 février, à 10 heures, le Comité tiendra une réunion informelle avec les représentants d'organisations non gouvernementales concernant les rapports de la République démocratique populaire lao et de l'Italie, deux des quatre rapports qui – avec ceux du Qatar et de la Jordanie – seront examinés la semaine prochaine.
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays (CERD/C/TKM/6-7), le chef de la délégation turkmène, M. BATYR ERNIYAZOV, Premier Vice-Ministre de la justice du Turkménistan, a rappelé que le Turkménistan avait ratifié la Convention le 23 septembre 1994 et soumis en 2004 un document unique regroupant le rapport initial et les cinq premiers rapports périodiques. Suite aux observations finales adoptées par le Comité à l'issue de ce premier examen, le Turkménistan avait présenté, en 2007, un rapport complémentaire, conformément à l'article 9 de la Convention et à l'article 65 du règlement intérieur du Comité, a-t-il précisé. Le présent rapport, qui regroupe les sixième et septième rapports périodiques attendus en 2007, résume les progrès considérables réalisés par le pays en ce qui concerne l'exécution de ses obligations en vertu de la Convention, a-t-il souligné. Il contient en effet des renseignements sur les mesures d'une importance capitale, d'ordre législatif, judiciaire et administratif, qui ont été prises concernant directement l'application des dispositions de la Convention.
Le Turkménistan condamne toutes les formes de discrimination et son histoire est caractérisée par la coexistence et le respect mutuel, a poursuivi M. Erniyazov. Depuis son indépendance en 1991, le pays poursuit la voie de la construction d'une société transparente, reposant sur un système démocratique ouvert à tous et juste. En février 2007, à l'issue des premières élections présidentielles jamais organisées sur une plate-forme pluraliste, M. Gourbangouly Berdymoukhamedov a été porté à la présidence, ce qui a ouvert la voie à une période de nouvelle renaissance caractérisée par d'énormes transformations dans les domaines politique, économique, social et culturel. Le respect des droits de l'homme, l'humanisme et l'équité sont au cœur des réformes engagées et des efforts remarquables sont déployés pour mettre en place une législation conforme aux normes internationales en matière des droits de l'homme, a insisté le Premier Vice-Ministre de la justice.
Une Commission constitutionnelle a été établie pour l'élaboration de propositions visant le perfectionnement de la Constitution ; ses propositions ont servi de base à l'élaboration de principes démocratiques élargissant les droits et devoirs des citoyens, a en outre indiqué M. Erniyazov. Ainsi, l'égalité des droits de tous a-t-elle été soulignée, indépendamment de la race, de la nationalité, du sexe, de l'origine, des biens, de la fonction, du lieu de résidence, de la langue, de la religion ou du choix de ne pas en avoir. Le Turkménistan s'est en outre doté d'une Commission interinstitutions chargée d'assurer l'exécution des engagements internationaux du pays relatifs aux droits de l'homme.
Il n'y a pas au Turkménistan de discrimination à l'encontre des minorités ethniques et nul n'est soumis à des contraintes ni à une détention ou une incarcération illégales, sans jugement, a poursuivi M. Erniyazov. En 2011 et en ce début 2012, d'importants textes de lois ont été adoptés dans le cadre de réformes visant au bien-être de l'ensemble du peuple turkmène, a-t-il ajouté. Il a fourni des renseignements détaillés au sujet de la Loi sur le mariage et du Code de la famille, particulièrement en ce qui concerne l'intérêt supérieur et le développement épanoui des enfants.
Au Turkménistan, a fait valoir le Premier Vice-Ministre de la justice, les ressortissants étrangers jouissent des mêmes droits que les citoyens, conformément aux traités internationaux auxquels le pays est partie. Ils jouissent aussi du droit à une protection judiciaire et la protection diplomatique est également prévue par la loi.
La nouvelle législation pénale turkmène tient compte de la notion de traitement humain des détenus et assure des garanties adéquates en termes de procès juste et équitable. Les détenus ne doivent être soumis à aucune torture, ni à un traitement inhumain, cruel ou dégradant et ont le droit d'accès aux services de santé, a précisé M. Erniyazov.
La liberté de religion ou de conviction est respectée, tout comme le droit de ne pas choisir de religion, y compris pour les prisonniers, a poursuivi le chef de la délégation. Sont également appliqués des accords en vertu desquels une personne condamnée peut purger sa peine dans son pays d'origine. Les femmes condamnées ont la possibilité de loger en dehors de l'établissement de détention pendant leur grossesse et peuvent ensuite s'installer avec leur nouveau-né dans la «maison des enfants», jusqu'à ce que l'enfant atteigne l'âge de trois ans.
Une nouvelle loi sur les partis politiques, adoptée le 10 janvier dernier, prévoit le droit de créer des partis politiques, d'en devenir membre ou de les quitter sans entraves, a par ailleurs fait valoir M. Erniyazov. Les partis politiques sont libres de définir leurs modalités de fonctionnement, leur organigramme et leur programme.
Le 26 mars 2011, a en outre indiqué M. Erniyazov, une nouvelle loi a été adoptée concernant le statut des ressortissants étrangers sur le territoire turkmène; elle leur garantit les mêmes droits qu'aux Turkmènes, conformément aux normes internationales en vigueur. La législation applicable aux étrangers stipule clairement qu'aucune discrimination à leur encontre n'est admissible, pour quelque raison que ce soit. D'autre part, a ajouté le chef de la délégation, un citoyen du Turkménistan ne peut pas être empêché de quitter le territoire national ou d'y entrer, en vertu de modifications apportées à la législation en la matière, qui était auparavant plus restrictive de ce point de vue.
Les organisations religieuses, au nombre de 128, sont autorisées, tout comme est garantie la liberté de culte, a par ailleurs souligné M. Erniyazov. Le pays compte 104 organisations religieuses musulmanes, chiites ou sunnites, a-t-il précisé. Les organisations orthodoxes sont également reconnues. La liberté de conviction est garantie, y compris pour les athées, et quiconque incite à la haine religieuse est sévèrement puni, a ajouté le chef de la délégation; l'incitation à la discrimination raciale ou religieuse est sanctionnée par la législation, a-t-il insisté.
Le 14 septembre 2011, a poursuivi M. Erniyazov, le Parlement turkmène a adopté une résolution sur les apatrides. Des décrets présidentiels afférents à la naturalisation ont été signés et 16 000 réfugiés et personnes déplacées qui vivaient en permanence sur le territoire ont ainsi pu bénéficier de la nationalité turkmène. Il s'agit là d'une mise en pratique de la démocratie, a déclaré le Premier Vice-Ministre de la justice, avant de faire part de l'intention du pays de poursuivre cette politique de naturalisation des apatrides.
L'Institut national turkmène pour la démocratie et les droits de l'homme, rattaché à la Présidence de la République, s'est doté d'un centre de l'éducation aux droits de l'homme, a indiqué M. Erniyazov.
Le Code relatif à la protection sociale a été modifié afin d'accroître le montant des allocations versées aux personnes handicapées, a par ailleurs fait valoir M. Erniyazov. La santé génésique et reproductive de la population est aussi prise en compte, avec l'adoption du Programme international de l'OMS contre l'anémie et la mortalité maternelle, a-t-il indiqué.
En conclusion, M. Erniyazov a affirmé que le Turkménistan s'efforce de nouer des relations de bon voisinage et de coopération, l'objectif principal étant l'être humain et son bien-être, comme en témoigne la devise nationale : « L'État pour l'être humain».
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. ION DIACONU, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Turkménistan, a rappelé que le présent rapport couvrait la période 2005-2010 et a attiré l'attention sur les changements politiques intervenus dans le pays, tout en recommandant plus de rigueur dans le respect de la régularité avec laquelle les rapports devraient être soumis au Comité. Le Turkménistan est un pays de 5,4 millions d'habitants, situé en Asie centrale et entouré par l'Iran, l'Afghanistan, l'Ouzbékistan, le Khazakstan et la mer Caspienne, a-t-il également rappelé. Indépendant depuis 1991, suite à la dissolution de l'Union soviétique, le pays a proclamé sa neutralité permanente en 1995 et obtenu la reconnaissance de ce statut par une résolution de l'Assemblée générale. Pays en transition vers un système démocratique, il est situé dans une région marquée par des tensions et des conflits entre États et par des conflits ethniques à l'intérieur de certains d'entre eux.
Selon le rapport, a ensuite relevé M. Diaconu, de nombreuses nationalités, regroupant une quarantaine de groupes ethniques, composent la population: Ouzbeks, Khazaks, Ukrainiens, Lezgins, Ossétiens, Dargins, Mordovs, Biélorusses, Tatars, Karakalpacs, ou encore Afghans, Farsis, Kurdes et Coréens, pour n'en citer que quelques-uns. Le rapporteur a déploré le manque de données ventilées concernant ces différents groupes ainsi que le manque d'informations sur leur situation en tant que citoyens. Dans ses observations finales de 2007, a rappelé M. Diaconu, le Comité avait relevé une diminution – entre 1995 et 2005 – de la part des minorités dans la population globale et avait recommandé la protection de leurs cultures et de leur identité ethnique afin d'éviter tout type d'assimilation forcée. Le Comité s'était notamment intéressé aux Balouches, a précisé le rapporteur. Prenant note de la tenue d'un recensement cette année, M. Diaconu a souhaité que soient fournies des données préliminaires sur les minorités et sur leur statut au regard de la loi. Il s'est également enquis de l'existence éventuelle d'un mécanisme de consultation des minorités sur les questions et décisions qui les concernent.
A l'évidence, a poursuivi M. Diaconu, le Turkménistan s'est embarqué dans une large gamme de réforme de fonds et a adopté de solides politiques de lutte contre la discrimination raciale, comme le montrent le nouveau texte constitutionnel et d'autres textes législatifs. Un certain nombre de principes fondamentaux ont été proclamés : égalité des droits indépendamment de la race, de la nationalité, de la langue et du lieu de résidence; élargissement des droits de l'homme, à l'exception de ceux directement liés à la nationalité, aux étrangers; droit de parler sa langue maternelle et de choisir sa langue d'enseignement ainsi que celle devant être utilisée dans les rapports avec les autorités publiques; et interdiction de toutes les discriminations. D'autres lois couvrent de nombreux domaines de la vie sociale mais, en termes législatifs, il n'y a pas de définition de la discrimination raciale conforme à celle figurant dans la Convention, a déploré M. Diaconu.
Alors que la délégation affirme qu'il n'existe pas de discrimination contre les minorités au Turkménistan, les observations finales du Comité des droits de l'enfant et du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, tout comme les rapports de nombre d'organisations non gouvernementales, font état de situations discriminatoires, a fait observer le rapporteur. Le Comité ne peut donc accepter des dénis aussi catégoriques et cherche à savoir dans quelle mesure la Convention est appliquée en termes réels, a insisté M. Diaconu. Il ne suffit pas d'adopter de « bonnes lois », a-t-il insisté; encore faut-il les appliquer pour qu'elles ne restent pas lettres mortes.
M. Diaconu a rappelé que dans ses précédentes observations finales, le Comité s'inquiétait d'allégations faisant état d'insultes et de discours haineux émanant de hauts fonctionnaires à l'égard de certaines minorités ethniques et nationales. Quelles sont les nouvelles tendances de ce point de vue, y compris en termes législatifs, s'est-il enquis?
M. Diaconu s'est en outre enquis de la représentation des minorités au Parlement national et dans la fonction publique. Il a attiré l'attention sur une préoccupation exprimée par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels en 2011 face à l'imposition de tests de troisième génération aux candidats à l'emploi dans le secteur public et face aux restrictions auxquelles seraient confrontées les minorités pour ce qui a trait à la formation et à l'emploi, sous prétexte qu'elles ne sont pas turkmènes.
Le rapporteur a ensuite relevé que le Turkménistan ne reconnaissait pas la double nationalité et qu'il restait 20 000 apatrides dans ce pays. Aussi, a-t-il souhaité en savoir davantage sur la législation en matière d'acquisition de la nationalité.
Des discriminations semblent exister quant à l'usage de la langue maternelle dans le système éducatif, a poursuivi M. Diaconu. D'autre part, a-t-il ajouté, le Comité des droits de l'enfant a noté que les filles des minorités couraient plus de risque que les autres d'être victimes de la traite de personnes. Les femmes des minorités souffrent également d'une double discrimination, a-t-il insisté.
La loi stipule que tout citoyen a le droit de porter plainte devant la justice et cela vaut également pour les étrangers et les apatrides, a par ailleurs relevé M. Diaconu. Or, au cours de la période couverte par le rapport, soit cinq années, aucune plainte pour discrimination raciale n'a été déposée, ce qui ne peut que susciter des questions de la part du Comité car il en va de la paix sociale et de la stabilité du pays, situé dans une région où il est exposé à un énorme flux de réfugiés.
M. Diaconu s'est enfin félicité que le Turkménistan ait accepté, à l'issue de son examen périodique universel par le Conseil des droits de l'homme, d'abolir toute norme et pratique conduisant à la discrimination contre des membres des minorités nationales.
En conclusion, a déclaré le rapporteur, des progrès significatifs ont été accomplis par le Turkménistan, mais il conviendrait toutefois que le pays mette sur pied une commission nationale des droits de l'homme et œuvre de concert avec la société civile et les minorités sur la base d'un dialogue constructif et permanent. M. Diaconu a invité le Turkménistan à envisager de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, relativement à la reconnaissance de la compétence du Comité pour examiner des plaintes (communications).
A l'instar du rapporteur, plusieurs experts ont recommandé au Turkménistan d'envisager de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention.
S'interrogeant lui aussi sur l'absence de plaintes de la part des membres des minorités, un expert a souligné que celle-ci pourrait révéler un manque de confiance dans les autorités et dans les forces de l'ordre, ou encore un manque d'intérêt de ces mêmes autorités pour les plaintes relatives à la discrimination raciale.
Il a en outre été relevé que certaines des recommandations issues de son examen périodique universel que le Turkménistan a rejetées concernaient le système de la propiska (passeport interne hérité du régime tsariste dans le but de contrôler le mouvement de la population, officiellement abolie lors du démantèlement de l'URSS en 1991). S'il est vrai que ce système n'est utilisé qu'à des fins d'aide sociale, alors pourquoi ne pas répondre à cette nécessité en établissant simplement une carte d'identité, a fait observer un expert. En effet, le maintien du système en l'état actuel comporte le risque de porter atteinte à la liberté de mouvement.
Il est essentiel d'élargir le dialogue avec les minorités ethniques, qui représentant plus de 5% de la population, a souligné un membre du Comité.
Comment sont enseignées les langues non officielles et le sont-elles dans le système public, a-t-il en outre été demandé?
Un membre du Comité a repris à son compte les inquiétudes exprimées par Amnesty international en rapport avec la pratique du test de troisième génération, destiné à prouver l'origine turkmène d'un candidat à un poste dans la fonction publique.
Un expert s'est enquis des activités menées par le Turkménistan dans le cadre de l'Année des personnes d'ascendance africaine (2011).
Un membre du Comité a exprimé son inquiétude quant au fait que certaines dispositions du Code pénal avaient outrepassé les obligations de l'État partie au titre de l'article 4 de la Convention, empiétant sur certains droits corollaires à ceux envisagés par cet article.
Des allégations font état d'un contrôle strict d'Internet au Turkménistan, a fait observer un expert, s'interrogeant sur les raisons et l'étendue des restrictions en la matière.
Un expert a souhaité en savoir davantage au sujet de l'immatriculation des Arméniens de l'Église grégorienne. Ce même expert a souligné que les Afghans ne constituaient pas un groupe ethnique en soi alors que l'État partie les a classés dans les minorités ethniques.
La délégation ayant affirmé qu'il n'y avait plus de réfugiés au Turkménistan, un membre du Comité s'est demandé comment cela était possible pour un pays qui se trouve à proximité de pays comme l'Afghanistan.
Après avoir rappelé que beaucoup d'étudiants africains avaient été accueillis sur les territoires soviétiques du temps de l'ex-URSS, un expert a voulu connaître la situation actuelle au Turkménistan de ce point de vue. Comment les Africains migrants sont-ils perçus dans le pays et quelles mesures sont-elles prises pour leur venir en aide?
Réponses de la délégation
La délégation a souligné que le Turkménistan, qui comptait quelque 6,2 millions d'habitants en 2007, est un État de droit, démocratique et laïc, où «l'être humain est le bien suprême». Le pays n'a acquis son indépendance que depuis vingt années, mais il est néanmoins parvenu à assurer la transition et à édifier une nouvelle société démocratique dans un esprit de dialogue et sans effusion de sang. Sous l'ancien régime soviétique, le pays était essentiellement agricole et pâtissait d'un manque cruel d'infrastructures; depuis l'indépendance, tout est fondé sur le souci de garantir des conditions de vie normale à tous les citoyens. Le Turkménistan est un vaste chantier, y compris en termes de construction de logements, d'usines et de mise en place de services sociaux pour répondre aux besoins fondamentaux de la population.
Le Turkménistan fut le premier pays d'Asie centrale à déclarer un moratoire sur la peine de mort et aucune sentence capitale n'a été prononcée depuis cette décision, a par ailleurs rappelé la délégation.
Le Turkménistan célèbre une fête de bon voisinage appelée «L'assiette du voisin» - comparable au Thanksgiving aux Etats-Unis – où chaque ménage offre un repas à son voisin, a en outre fait valoir la délégation.
Tous les citoyens ont le droit de jouir de tous les droits et libertés consacrés par la nouvelle Constitution, a d'autre part souligné la délégation. Toutes les allocations et autres prestations envisagées sont accordées à tous sur un pied d'égalité, sans distinction aucune fondée sur l'appartenance à un groupe ethnique ou un autre ou sur quelque autre critère que ce soit. Le gaz et l'électricité sont gratuits et chaque citoyen peut obtenir une tonne et demie d'essence par an, a fait valoir la délégation, rappelant que le pays dispose d'énormes réserves d'hydrocarbures et d'industries gazière et pétrolière. « L'Etat est là pour le peuple », a insisté la délégation, soulignant que l'essentiel du budget de l'État est consacré au bien-être du peuple. Elle a fait observer qu'environ 7309 ressortissants turkmènes installés à l'étranger sont revenus dans le pays.
Un recensement aura lieu au mois de décembre 2012 afin de mettre à jour les données et statistiques à tous les niveaux, a indiqué la délégation, précisant que des experts nationaux turkmènes sont en formation à l'étranger afin d'assurer que cet exercice se fera conformément aux normes internationales.
La délégation a indiqué que l'Institut national pour la démocratie et les droits de l'homme dispose d'une subdivision chargée des demandes et requêtes des citoyens. Ces demandes sont reçues par écrit et proviennent de toutes les régions du pays, a-t-elle précisé. Le cas échéant, les requêtes sont transmises aux autorités concernées. L'Institut prépare également des informations à transmettre aux ministères et départements régionaux et locaux, ainsi que des analyses et évaluations des plaintes déposées par les citoyens, assorties de proposition d'amélioration des lois en tenant compte des normes internationales.
Concernant les mécanismes de recours mis à disposition des citoyens, la délégation a fait observer qu'une loi relative aux recours judiciaires contre les actes commis par des organes de l'Etat existe depuis 1998. Tout citoyen peut s'adresser à la Commission d'État chargée d'examiner les plaintes des citoyens sur les activités des organes ayant pour mission de faire respecter la loi. Sur recommandation de la Commission, les autorités concernées doivent répondre dans un délai initial de 15 jours, qui peut être porté à 45 jours s'il faut effectuer des recherches ou se rendre dans une région éloignée, a indiqué la délégation.
En ce qui concerne les organisations religieuses, la délégation a indiqué que c'est le Ministère de la justice qui est responsable de leur enregistrement. Le Turkménistan ne compte pas d'églises non enregistrées, mais les organisations religieuses enfreignant les lois du pays peuvent être interdites, a souligné la délégation. Des personnes viennent d'autres pays pour organiser des manifestations religieuses et le Conseil des affaires religieuses les aide à tenir ce type de rassemblement de masse, a-t-elle fait valoir. Même si l'Islam est la religion majoritaire, toutes les confessions sont traitées sur un pied d'égalité, a assuré la délégation.
Les situations dans lesquelles une personne est susceptible d'être empêchée de quitter le territoire sont clairement énoncées dans le Code pénal, a d'autre part souligné la délégation, précisant que tel peut être le cas d'une personne détenant des secrets d'État, d'une personne accusée de crimes ou délits ou d'une personne concernée par une procédure de divorce ou de non-paiement de pension alimentaire. Une commission spéciale a été créée pour examiner les déclarations des citoyens sur les problèmes se rapportant à la situation d'une personne empêchée de quitter le territoire; cette commission délibère deux fois par semaine pour étudier ces cas, a précisé la délégation.
La délégation n'a pas contesté l'existence du système de la propiska (inscription du lieu de résidence), mais a souligné que son utilisation était restreinte et demeurait liée à la situation de personnes âgées et devant bénéficier de soins et d'allocations en fonction de leur lieu de résidence (des infirmières et médecins de famille doivent alors se rendre sur place); cela concerne également l'obligation d'effectuer le service militaire.
La liberté de mouvement et de résidence est libre, a insisté la délégation. La propiska ne s'applique qu'aux citoyens bénéficiant de pensions ou d'aide médicale à domicile, principalement pour des raisons d'ordre pratique. Sinon, ils sont totalement libres de se déplacer sur tout le territoire et à l'étranger.
La délégation a ensuite souligné que la législation pénale mise en place au Turkménistan ne vise pas à châtier mais plutôt à faire en sorte que le délinquant puisse être rééduqué pour ne pas récidiver, avant que ne soit envisagé son éventuel isolement de la société par une peine d'emprisonnement.
La délégation a assuré qu'aucun responsable étatique n'a proféré de propos insultants contre une minorité ou une autre; cela ne se produira jamais compte tenu de la culture turkmène, a-t-elle insisté.
Dans le domaine de l'emploi, pour conclure un contrat, plusieurs documents doivent être présentés, comme le passeport, le livret de travail, un brevet ou diplôme attestant des connaissances spécialisées du candidat et une attestation médicale d'aptitude au travail, a expliqué la délégation. L'employeur n'a pas le droit d'exiger des documents non prévus par le Code du travail, a-t-elle ajouté. Le 15 mai 2007, le Turkménistan a ratifié la Convention n°111 de l'Organisation internationale du travail (OIT) concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession a d'ores et déjà soumis son rapport initial en vertu de cet instrument.
Les citoyens turkmènes et les ressortissants étrangers disposent des mêmes droits en termes de soins de santé, a poursuivi la délégation; les congés maladie et un accès aux médicaments leur sont également garantis.
La Constitution ne permet pas la double nationalité, a par ailleurs rappelé la délégation. S'agissant des conditions de naturalisation, elle a indiqué que celle-ci était réglementée par la loi de 1992, telle que modifiée en 2003 et en 2007. La nationalité turkmène peut être obtenue sur demande du candidat, qui s'engage à respecter les lois et valeurs du pays et à apprendre la langue turkmène et doit disposer de moyens de subsistance légaux sur le territoire national. La nationalité peut également être conférée à des personnes qui ont quitté leur pays pour des raisons de sécurité et sous la menace. Un bureau du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) a été ouvert dans le pays et a aidé plus de 6000 Tadjiks à retourner chez eux, a rappelé la délégation. Le Turkménistan parachève en outre l'enregistrement de tous les apatrides et a précisément accordé la nationalité turkmène à plus de 300 apatrides présents sur le territoire, a-t-elle ajouté.
Après avoir indiqué qu'il n'y a plus de réfugiés au Turkménistan, la délégation a rappelé que leur forte présence jadis s'expliquait par les guerres au Tadjikistan et en Afghanistan; avec l'accalmie dans ces pays, la plupart des réfugiés sont rentrés chez eux. Le bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés dans le pays était de ce fait sur le point de fermer et, par conséquent, le Gouvernement lui a demandé de s'occuper des cas d'apatridie, a expliqué la délégation. Aux termes de la Constitution, a par ailleurs souligné la délégation, le Président de la République dispose de la prérogative d'octroyer la nationalité ou de la retirer.
Les Ouzbeks établis sur le territoire turkmène jouissent d'excellents rapports, amicaux, avec la population; des mariages mixtes sont célébrés et on peut trouver des Ouzbeks employés dans des organes étatiques.
La langue officielle du pays est le turkmène, mais d'autres langues sont couramment parlées et utilisées par les différents groupes, a indiqué la délégation. Les langues des minorités nationales sont librement parlées et enseignées, a-t-elle insisté. Les langues des minorités ne sont pas lésées dans l'enseignement et 127 écoles donnent des cours dans ces langues, a insisté la délégation. L'enseignement du russe et de l'anglais est obligatoire, en plus de celui du turkmène.
Au Turkménistan, l'éducation est gratuite et accessible à tous et le pays connaît un taux très élevé d'alphabétisation des personnes âgées de plus de 15 ans, a fait valoir la délégation. L'enseignement secondaire est devenu obligatoire, a-t-elle souligné.
La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale a été traduite et amplement diffusée auprès de la population, a en outre assuré la délégation.
Le Turkménistan ne compte aucun citoyen d'ascendance africaine. Il en est de même pour les Tziganes – dont un certain nombre vivaient jadis au Turkménistan, mais plus maintenant, a ajouté la délégation. Seuls vivent sur le territoire turkmène des Africains qui sont étudiants (étrangers) ou, surtout, employés de sociétés étrangères et relevant alors des lois applicables aux relations avec les entreprises étrangères établies dans le pays.
Il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais de racisme au Turkménistan, a insisté la délégation. La mentalité des Turkmènes est foncièrement tolérante et repose sur un sentiment d'amitié et d'hospitalité, a-t-elle souligné.
S'agissant de l'accès des minorités à la culture, la délégation a attiré l'attention sur l'adoption, en 2010, d'une loi sur la culture garantissant le respect, la protection et la diffusion de toutes les cultures dans le pays. Des stratégies et documents ont été développés pour garantir la sensibilisation et l'information du public dans ce domaine.
Au Turkménistan, l'accès à Internet est libre, a assuré la délégation. Les jeunes achètent des téléphones mobiles qui y donnent également accès, a-t-elle fait valoir. Le contrôle sur certains sites est pratiqué dans le monde entier, notamment pour les sites prônant la violence, la pédophilie, l'appel au crime, à la violence et au suicide, a-t-elle rappelé.
Observations préliminaires
Présentant en fin de dialogue des observations préliminaires sur le rapport turkmène, le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Turkménistan, M. ION DIACONU, s'est félicité d'apprendre qu'une personne sous le système de la propiska peut se déplacer librement. Il s'agit désormais pour le Turkménistan de veiller à l'amélioration des relations avec les minorités et de déployer davantage d'efforts pour préserver leurs langues, a-t-il souligné. Il convient en outre pour le pays de veiller à ce que la procédure de dépôt de plaintes ne souffre aucune discrimination. Le Turkménistan a pris des engagements à l'issue de l'examen périodique universel, a en outre rappelé le rapporteur.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
CERD12/011F